ENTRE :
et
Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 9 juin 2009.
Jugement rendu à l’audience à Edmonton (Alberta), le 9 juin 2009.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE RYER
LA JUGE SHARLOW
LA JUGE TRUDEL
Date : 20090609
Dossier : A-272-08
Référence : 2009 CAF 193
CORAM : LA JUGE SHARLOW
LE JUGE RYER
LA JUGE TRUDEL
ENTRE :
GARRET MADELL
appelant
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Jugement rendu à l’audience à Edmonton (Alberta), le 9 juin 2009)
[1] Il s’agit de l’appel de la décision du juge Little de la Cour canadienne de l’impôt (2008 CCI 264), datée du 2 mai 2008, par laquelle il a rejeté les appels interjetés par M. Garret Madell (l’appelant) à l’encontre des cotisations établies à son égard par le ministre du Revenu national (le ministre) pour les années d’imposition 1997 et 1998 en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR). Sauf indication contraire, tous les renvois à des dispositions législatives dans les présents motifs sont des renvois aux dispositions législatives de la LIR pour les années d'imposition en question.
[2] Au cours des années d'imposition visées par l’appel, l’appelant et la société en commandite Stellar Dynamic (la société en commandite), dont l’appelant était l’un des commanditaires, ont conclu des arrangements relatifs à des abris fiscaux avec Stellar Financial Services Inc. Dans le cadre de ces arrangements, ils ont conclu des accords de licence (les accords de licence) avec Rockhaven International Inc., une société des Îles Vierges britanniques, en vertu desquels l’appelant et la société en commandite ont obtenu des licences leur accordant le droit de publier, de reproduire, de commercialiser et de distribuer, dans les territoires désignés dans les accords, la carte Quest Prestige, une carte de fidélisation de la clientèle donnant droit à des rabais dans des hôtels, des restaurants et d'autres établissements commerciaux.
[3] Les accords de licence exigeaient que l’appelant et la société en commandite paient 350 $ à titre de droit de licence ainsi qu'une redevance de 5 $ pour chaque carte Quest Prestige vendue dans les territoires désignés dans les accords. Les titulaires de licences étaient tenus de verser, lors la conclusion des accords de licence, une somme de 20 000 $ par licence à titre de redevance par anticipation (la redevance par anticipation), mais dans les faits seulement 5 000 $ ont été versés par l’appelant et la société en commandite au moment de la conclusion de leurs accords de licence.
[4] Dans le cadre des arrangements relatifs aux abris fiscaux, l’appelant et la société en commandite ont conclu, en même temps que les accords de licence, des accords d’exploitation (les accords d’exploitation) avec Crusader Marketing Corporation Inc. (Crusader). Aux termes des accords d’exploitation, Crusader s’engageait à commercialiser et à distribuer la carte Quest Prestige dans les territoires désignés dans les licences de l’appelant et de la société en commandite.
[5] En vertu d’ententes (les contrats de garantie de bonne exécution) conclues en même temps que les accords d’exploitation, Crusader a accepté de fournir, à l’appelant et à la société en commandite, des garanties de bonne exécution en espèces (les garanties de bonne exécution) de 15 000 $ par territoire visé par les accords de licence pour garantir la réalisation d’objectifs minimaux concernant la commercialisation et la distribution conformément aux accords d’exploitation. Les contrats de garantie de bonne exécution prévoyaient que les droits payables à Crusader pour le travail de commercialisation qu’elle accomplirait suivant les accords d’exploitation seraient déduits de la somme versée à titre de garantie de bonne exécution. Si les droits versés à Crusader étaient insuffisants pour ramener à zéro la somme versée à titre de garantie de bonne exécution, le solde serait versé à l’appelant et à la société en commandite à titre de dommages‑intérêts pour défaut d’avoir atteint les objectifs de rendement prévus dans les accords d’exploitation.
[6] Un numéro d'inscription d'abri fiscal a été obtenu auprès de l’Agence du revenu du Canada pour les licences de commercialisation. Les licences acquises par l’appelant et la société en commandite en 1997 et 1998 étaient donc des abris fiscaux déterminés au sens du paragraphe 143.2(1).
[7] Dans le calcul de son revenu pour 1997 et 1998, l’appelant a déduit la totalité des redevances par anticipation payables par lui en vertu des accords de licence (20 000 $ par licence) visant les années en question. Il a en outre déduit sa part des pertes subies par la société en commandite pour ces années découlant de déductions similaires réclamées par la société en commandite relativement aux redevances par anticipation payables par cette dernière en vertu des accords de licence conclus en 1997 et 1998.
[8] Le juge de la Cour de l’impôt a rejeté l’appel de l’appelant au motif que :
a) les activités de l’appelant et de la société en commandite concernant la commercialisation et la distribution de la carte Quest Prestige ne constituaient pas une source de revenu pour l’application de l’article 9;
b) les dépenses de l’appelant et de la société en commandite relatives aux redevances anticipées qu’ils devaient verser en vertu des accords de licence devaient être ramenées à zéro suivant les règles relatives aux abris fiscaux énoncées à l’article 143.2, et plus particulièrement aux sous‑alinéas 143.2(6)b)(i) et (ii);
c) les droits de 350 $ payables à l’égard de chacune des licences étaient des dépenses en capital dont l’alinéa 18(1)b) interdisait la déduction.
Dans son mémoire des faits et du droit, l’appelant conteste uniquement les deux premiers motifs sur lesquels le juge de la Cour de l’impôt s’est appuyé pour rejeter son appel. L’appel peut, selon nous, être tranché en se reportant aux prescriptions de l’article 143.2 concernant les abris fiscaux déterminés.
[9] Sur le fondement de cette disposition, la Cour de l’impôt a conclu que la redevance par anticipation de 20 000 $, constituant la dépense relative à chacune des licences acquises par l’appelant et la société en commandite, avait été ramenée à zéro une fois opérées les deux soustractions prévues au paragraphe 143.2(6). Voici le libellé des passages pertinents de cette disposition :
143.2(6) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le montant d’une dépense qui représente un abri fiscal déterminé d’un contribuable, ou le coût ou le coût en capital d’un tel abri fiscal, et le montant d’une dépense d’un contribuable dans lequel une participation est un abri fiscal déterminé sont ramenés au montant égal à l’excédent éventuel du montant visé à l’alinéa a) sur le total visé à l’alinéa b): a) le montant de la dépense du contribuable, déterminé par ailleurs; b) le total des montants suivants : (i) les montants à recours limité du contribuable et des autres contribuables qui ont un lien de dépendance avec lui, qu’il est raisonnable de considérer comme se rapportant à la dépense, (ii) le montant de rajustement à risque du contribuable relatif à la dépense,
|
143.2(6) Notwithstanding any other provision of this Act, the amount of any expenditure that is, or is the cost or capital cost of, a taxpayer’s tax shelter investment, and the amount of any expenditure of a taxpayer an interest in which is a tax shelter investment, shall be reduced to the amount, if any, by which (a) the amount of the taxpayer’s expenditure otherwise determined sur (b) the total of (i) the limited-recourse amounts of (A) the taxpayer, and (B) all other taxpayers not dealing at arm’s length with the taxpayer that can reasonably be considered to relate to the expenditure, (ii) the taxpayer’s at-risk adjustment in respect of the expenditure, and
|
[10] Le juge de la Cour de l’impôt a déterminé que le premier montant à soustraire de la redevance par anticipation constituant la dépense relative à chacune des licences était de 15 000 $ (par licence). Il a conclu que ce montant, qui se rapportait au solde impayé de la redevance par anticipation, payable en vertu de chacun des accords de licence, constituait un montant à recours limité au sens du sous‑alinéa 143.2(6)b)(i).
[11] De plus, le juge de la Cour de l’impôt a déterminé que le deuxième montant à soustraire de la redevance par anticipation constituant la dépense relative à chacune des licences était aussi de 15 000 $. Il a conclu que ce montant de 15 000 $, qui se rapportait à la garantie de bonne exécution devant être fournie en vertu des contrats de garantie de bonne exécution liés à chacune des licences, constituait un montant de rajustement à risque au sens du sous‑alinéa 143.2(6)b)(ii).
[12] L’appelant admet que le juge de la Cour de l’impôt a eu raison de conclure que le solde impayé de 15 000 $ de la redevance par anticipation relative à chacune des licences constitue un montant à recours limité au sens du sous‑alinéa 143.2(6)b)(i). Toutefois, l’appelant fait valoir que le juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant que le montant de 15 000 $ payable à titre de garantie de bonne exécution pour chacune des licences est un montant de rajustement à risque au sens du sous‑alinéa 143.2(6)b)(ii). Selon l’appelant, le juge de la Cour de l’impôt a tiré cette conclusion à tort étant donné qu’il a par ailleurs déterminé que la preuve ne lui permettait pas de conclure que Crusader – bien que tenu de le faire en vertu des contrats de garantie de bonne exécution – avait effectivement fourni les garanties de bonne exécution. Ainsi, l’appelant soutient que si les garanties de bonne exécution n’ont pas été fournies à l’appelant et à la société en commandite, aucun montant ou avantage ne pouvait être visé par la définition de montant de rajustement à risque figurant au paragraphe 143.2(2). Voici le libellé de cette disposition :
[13] L’argument de l’appelant ne peut selon nous être retenu. Il ne fait pas de doute que les accords d’exploitation exigeaient que Crusader s’occupe des activités de commercialisation pour le compte de l’appelant et de la société en commandite dans les territoires visés par leurs licences. Il est également clair que Crusader devait déposer (c.‑à‑d. fournir) une garantie de bonne exécution de 15 000 $ pour chacun des territoires visés par une licence, en vue de garantir la réalisation d’objectifs minimaux concernant la commercialisation et la distribution conformément à l’accord d’exploitation applicable à ce territoire.
[14] Les clauses des contrats de garantie de bonne exécution contenaient des garanties de recettes, qui constituaient des montants ou des avantages auxquels l’appelant et la société en commandite avaient droit, au sens du par. 143.2(2). Pour être visé par cette disposition, il n’est pas nécessaire que le montant ou l’avantage ait été reçu : il suffit d’y avoir droit. Dans le contexte global des arrangements relatifs aux abris fiscaux ayant mené à l’acquisition des licences par l’appelant et la société en commandite, ces garanties de recettes avaient été accordées, ou fait l’objet d’un engagement, pour réduire la perte que l’appelant et la société en commandite étaient susceptibles de subir par suite de l’acquisition des licences et du fait qu’ils avaient accepté de payer des redevances par anticipation à l’égard de celles-ci.
[15] Notre conclusion sur ce point découle de notre compréhension des contrats de garantie de bonne exécution et du paragraphe 143.2(2), laquelle repose sur un processus d’interprétation juridique. Bien que le juge de la Cour de l’impôt ait tiré la conclusion de fait que les garanties de bonne exécution visées par les contrats de garantie de bonne exécution relatifs à chacune de licences acquises par l’appelant et la société en commandite pouvaient ne pas leur avoir été effectivement versées, cette conclusion n’a rien à voir avec notre conclusion. L’appelant et la société en commandite ont acquis le droit de recevoir les garanties de bonne exécution au moment de la conclusion des contrats de garantie de bonne exécution, ce qui a donné lieu à un montant de rajustement à risque, au sens du paragraphe 143.2(2). Le défaut subséquent de Crusader d’effectivement fournir les garanties de bonne exécution, le cas échéant, n’annule pas le droit, qui a pris naissance lors de la conclusion des contrats de garantie de bonne exécution, de l’appelant et de la société en commandite de les recevoir.
[16] Nous sommes donc d’avis que le juge de la Cour de l’impôt a eu raison de conclure que le montant visé par les clauses de garantie de recettes, figurant dans les contrats de garantie de bonne exécution relatifs à chaque licence acquise par l’appelant et la société en commandite en 1997 et en 1998, constituait, à l’égard de la redevance par anticipation constituant la dépense relative à chacune des licences, un montant de rajustement à risque de 15 000 $ (par licence) au sens du paragraphe 143.2(2), et que la redevance par anticipation constituant la dépense devait, en application du sous‑alinéa 143.2(6)b)(ii), être soustraite de ce montant.
[17] Cette réduction, ainsi que celle de 15 000 $ qui n’est pas contestée par l’appelant, est suffisante pour ramener à zéro la redevance par anticipation constituant la dépense relative à chacune des licences acquises par l’appelant et la société en commandite pendant les années d’imposition en cause en l’espèce.
[18] En raison de la conclusion à laquelle nous sommes arrivés, nous jugeons inutile d’examiner les autres arguments avancés par l’appelant. De même, nous ne nous prononçons pas sur les autres motifs de la décision du juge de la Cour de l’impôt. Toutefois, nous constatons que notre Cour a traité d’un des aspects de la question soulevée par l’appelant concernant l’interprétation de Stewart c. R., [2002] 2 R.C.S. 645, dans l’arrêt Massé c. Ministre du Revenu national, 2003 C.A.F. 351.
[19] Pour les motifs qui précèdent, l’appel sera rejeté avec dépens.
C. Michael Ryer
j.c.a.
Traduction certifiée conforme
Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-272-08
INTITULÉ : GARRET MADELL
c.
SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE : EDMONTON
DATE DE L’AUDIENCE : Le 9 juin 2009
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LES JUGES RYER, SHARLOW ET TRUDEL
DATE : Le 9 juin 2009
COMPARUTIONS :
James Shea
|
POUR L’APPELANT |
John O’Callaghan Chang Du
|
POUR L’INTIMÉE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Shea Nerland Calnan LLP Calgary (Alberta)
|
POUR L’APPELANT |
John H. Sims, c.r. Le procureur général du canada Ottawa (Ontario)
|
POUR L’INTIMÉE |