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Date : 20090611

Dossier : A-497-08

Référence : 2009 CAF 200

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

 

HUBERT DECHANT

intimé

 

 

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 9 juin 2009.

Jugement rendu à Calgary (Alberta), le 11 juin 2009.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                            LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                      LE JUGE RYER

                                                                        LA JUGE TRUDEL

 

 


 

Date : 20090611

Dossier : A-497-08

Référence : 2009 CAF 200

 

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

                        LA JUGE TRUDEL

 

 

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

 

 

HUBERT DECHANT

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

LA JUGE SHARLOW

[1]               Le présent appel concerne l’établissement du supplément de revenu mensuel garanti (SRMG) à verser à un pensionné en vertu de la partie II de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. 1985, ch. O-9. Il s’agit de déterminer si le montant du SRMG payable pour une période donnée doit nécessairement être fonction du revenu déclaré ou établi sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) à l’égard de l’année précédente. La Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’en l’espèce il convenait de répondre par la négative (2008 CCI 459). Sa Majesté n’est pas de cet avis, et elle a porté la décision en appel. Le pensionné, M. Hubert Dechant, n’a pas déposé d’avis de comparution ni produit d’exposé des faits et du droit, mais il a été autorisé à présenter des observations orales à l’audience.

 

Contexte

[2]               Suivant la Loi sur la sécurité de la vieillesse, le «pensionné » est une personne dont la demande de pension de base prévue à la partie I de la Loi a été agréée. Le droit au SRMG pour une période donnée est principalement fonction du « revenu » de l’année antérieure du pensionné, au sens de la définition énoncée à l’article 2 de la Loi. Cette définition prévoit notamment ce qui suit :

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi. […]

2. In this Act,  […]

 « revenu »

Le revenu d’une personne pour une année civile, calculé en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu, sous réserve de ce qui suit : […].

 “income”

“income” of a person for a calendar year means the person’s income for the year, computed in accordance with the Income Tax Act, except that […].

 

 

[3]               M. Dechant est un pensionné admissible au SRMG. Le montant du SRMG pour la période visée par le présent appel, à savoir la période allant de juillet 2005 à juin 2006, doit être établi en fonction du revenu de M. Dechant en 2004 « calculé en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu ». (Les exceptions prévues à la définition précitée ne sont pas pertinentes en l’espèce.)

 

[4]               M. Dechant a été céréaliculteur pendant de nombreuses années. Il a toujours déclaré son revenu au fisc suivant la méthode de la comptabilité de caisse, comme le permet l’article 28 de la Loi de l’impôt sur le revenu, lequel décrit en outre exhaustivement cette méthode.  Pour les besoins du présent appel, il suffit de mentionner que, suivant cette méthode, une dépense d’entreprise se déduit du revenu d’entreprise de l’année où elle est payée. Cette méthode se distingue en cela de la méthode de calcul de revenu plus usitée, la méthode de la comptabilité d’exercice, suivant laquelle une dépense d’entreprise se déduit du revenu de l’année où elle est engagée.

 

[5]               M. Dechant n’a jamais cherché à modifier son choix de méthode comptable, comme il aurait pu le faire, avec l’accord du ministre, en application du paragraphe 28(3). Il a témoigné devant la Cour canadienne de l’impôt qu’il ne voulait pas modifier son choix pour l’année d’imposition 2004.

 

[6]               Dans l’année d’imposition 2004, M. Dechant a fait une dépense de 31 000 $ pour son entreprise agricole, dépense qui n’a été payée qu’en janvier 2005, de sorte qu’il ne pouvait l’inclure comme déduction dans le calcul du revenu agricole déclaré pour l’année 2004 et qu’il ne l’a pas incluse. Il pouvait prendre la déduction à l’égard de l’année 2005, ce qu’il a fait.

 

[7]               Le ministre des Ressources humaines et du Développement social a traité suivant la méthode usuelle la demande de SRMG présentée par M. Dechant pour la période en cause, c’est‑à‑dire qu’il s’est reporté à la déclaration de revenus de M. Dechant pour l’année 2004 pour ce qui est de l’établissement du revenu de ce dernier. Suivant cette déclaration, acceptée par le fisc, le ministre a établi que M. Dechant toucherait un SRMG inférieur de 111 $ au montant auquel il avait eu droit à l’égard de la période antérieure, et il en a avisé l’intéressé.

 

[8]               M. Dechant a interjeté appel, faisant valoir que le montant du SRMG ne serait pas réduit si la dépense de 31 000 $ susmentionnée était prise en compte pour l’établissement de son revenu de 2004 au lieu de 2005, année où la dépense a été payée. On a considéré que l’appel de M. Dechant portait sur un différend relatif au calcul de son revenu pour l’année 2004 et, en conséquence, il a été renvoyé devant la Cour canadienne de l’impôt conformément au paragraphe 28(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

 

[9]               La Cour canadienne de l’impôt a conclu qu’il était loisible à M. Dechant d’employer la méthode de la comptabilité de caisse pour l’établissement de son revenu de 2004 à des fins fiscales et celle de la comptabilité d’exercice pour calculer ce revenu dans le cadre de l’établissement du SRMG. Elle a donc accueilli l’appel de M. Dechant et annulé la décision du ministre. Elle n’a pas statué sur les dépens, l’article 45 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse, C.R.C., ch. 1246, interdisant l’adjudication de dépens à l’égard des renvois visés au paragraphe 28(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

 

[10]           Le jugement a pour effet d’infirmer la décision du ministre de réduire de 111 $ le SRMG de M. Dechant. Toutefois, le juge de la Cour canadienne de l’impôt a indiqué ce qui suit au paragraphe 21 de ses motifs :

 

Si l’appelant [M. Dechant] veut adopter la solution que j’ai proposée, il doit communiquer avec les représentants du ministre du Revenu national et obtenir l’autorisation de tenir deux séries de livres comptables : une série selon la méthode de comptabilité de caisse pour l’application de la LIR, et une autre série selon la méthode de comptabilité d’exercice pour l’application de la LSV. Si l’appelant veut adopter l’approche que j’ai exposée ci‑dessus, il doit conclure un accord avec les représentants du ministre du Revenu national au plus tard le 31 décembre 2008.

 

 

[11]           L’effet juridique de ces mots n’est pas clair parce que le jugement —qui seul établit ou devrait établir les droits et obligations des parties à l’issue d’une instance judiciaire — est silencieux sur cette question.

 

[12]           Nul ne conteste que M. Dechant n’a pas fait les démarches décrites au paragraphe 21 des motifs du juge de la Cour canadienne de l’impôt. Sa Majesté a toutefois présumé que, tant que le jugement faisant l’objet du présent appel n’est pas infirmé, aucune décision juridiquement valide du ministre n’établit le montant de SRMG auquel M. Dechant a droit pour la période en cause.

 

Analyse

[13]           La principale question à trancher en l’espèce est celle de savoir si le jugement de la Cour canadienne de l’impôt repose sur une erreur de droit. Comme il en a déjà été fait mention, ce jugement est fondé sur la prémisse selon laquelle il était loisible à M. Dechant d’établir son revenu de 2004 suivant la méthode de la comptabilité de caisse, pour ce qui est de l’impôt sur le revenu, et suivant celle de la comptabilité d’exercice, pour ce qui est du supplément de revenu garanti. De fait, l’avocat représentant l’État avait convenu, dans l’argumentation soumise à la Cour canadienne de l’impôt, qu’il s’agissait là d’un principe valide (dossier d’appel, p. 83). Je présume que les commentaires de l’avocat sur ce point reposaient sur l’arrêt Gerstel c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2006 CAF 93, de notre Cour.

 

[14]           Selon ce que je comprends de cet arrêt, il établit le principe qu’un pensionné qui a le droit d’inclure une déduction discrétionnaire (dans cette affaire, une déduction pour amortissement) dans sa déclaration de revenu pour une année d’imposition donnée peut décider de se prévaloir de cette déduction dans le calcul de son revenu pour l’application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, même s’il ne s’en est pas prévalu à des fins fiscales (ou s’il a demandé une déduction moindre).

 

[15]           En l’espèce, Sa Majesté ne prétend pas Gerstel est mal fondé, elle soutient plutôt que cet arrêt ne s’applique pas à la situation de M. Dechant. Je suis moi aussi d’avis que Gerstel n’est d’aucun secours pour M. Dechant.

 

[16]           Puisque M. Dechant avait opté pour la méthode de la comptabilité de caisse, il n’était pas légalement fondé à inclure la dépense de 31 000 $ comme déduction dans le calcul de son revenu agricole pour l’année 2004, parce que la dépense n’a été payée qu’en 2005.  Compte tenu des circonstances existantes lorsqu’il a soumis sa demande de SRMG pour la période en cause, si son revenu agricole pour l’année 2004 avait été établi en incluant la déduction de 31 000 $, il n’aurait donc pas été « calculé en conformité avec la Loi de l’impôt sur le revenu » comme l’exige l’article 13 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

 

[17]           Il n’est pas nécessaire, pour les besoins du présent appel, de déterminer si le paragraphe 28(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu aurait habilité M. Dechant à modifier son choix de méthode comptable pour la seule année 2004 et uniquement à l’égard de la demande de SRMG (en supposant que le ministre y consente). Je ne me prononce pas sur ce point. Le fait est que M. Dechant n’a ni exercé ni tenté d’exercer un tel droit. À mon avis, la possibilité de procéder à un tel changement n’est pas pertinente pour l’établissement du revenu de M. Dechant pour l’année 2004.

 

[18]           J’estime que le ministre a correctement établi le montant du SRMG auquel M. Dechant avait droit pour la période en cause, en considérant que la dépense de 31 000 $ ne pouvait être déduite dans le calcul du revenu de l’intéressé pour l’année 2004. Il s’ensuit que la Cour canadienne de l’impôt a commis une erreur de droit en annulant la décision du ministre.

 

[19]           J’accueillerais l’appel sans frais, j’annulerais le jugement de la Cour canadienne de l’impôt et je rejetterais l’appel de M. Dechant fondé sur le paragraphe 28(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

  C. Michael Ryer, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

  J. Trudel, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-497-08

 

 

INTITULÉ :                                                                           Sa Majesté la Reine

                                                                                                c. Hubert Dechant

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 9 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE RYER

                                                                                                LA JUGE TRUDEL

 

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 11 juin 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Belinda Schmid

George Body

 

POUR L’APPELANTE

 

Hubert Dechant

POUR SON PROPRE COMPTE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

 

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