Federal Court of Appeal |
CANADA |
Cour d'appel fédérale |
A-440-08
ENTRE :
LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE
et BOB BROWN
appelants
et
LA COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE
et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimés
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 23 septembre 2009.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 24 septembre 2009.
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE SEXTON
LA JUGE TRUDEL
Federal Court of Appeal |
CANADA |
Cour d'appel fédérale |
Date : 20090924
Dossiers : A-382-08
A-440-08
Référence : 2009 CAF 273
CORAM : LE JUGE SEXTON
LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
LA JUGE TRUDEL
ENTRE :
LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE
et BOB BROWN
appelants
et
LA COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE
et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
intimés
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] La Commission canadienne des droits de la personne et Bob Brown interjettent appel d’une décision de la Cour fédérale qui accueille, en partie, la demande de la Commission de la capitale nationale (la CCN) sollicitant le contrôle judiciaire d’une décision du Tribunal canadien des droits de la personne (le TCDP). Par une ordonnance du juge Pelletier rendue le 24 octobre 2008, les appels ont été réunis. La décision du juge de première instance est publiée sous la référence 2008 CF 733.
[2] M. Brown est quadraplégique et doit utiliser un fauteuil roulant. Le TCDP a conclu que la CCN a fait preuve de discrimination à l’égard de M. Brown en construisant les escaliers de la rue York, entre la promenade Sussex et l’avenue Mackenzie à Ottawa, sans accès universel. Elle a également conclu que l’ascenseur construit sur le site Daly, à 130 mètres des escaliers, ne constituait pas une mesure d’accommodement raisonnable.
[3] Le juge saisi de la demande a dégagé cinq questions et les a examinées en appliquant à chacune d’elle la norme de la décision correcte (paragraphes 64, 90 et 92 des motifs du jugement). Le présent appel porte principalement sur la conclusion que M. Brown n’a pas été victime de discrimination puisqu’un accommodement raisonnable a été fourni. Mes brefs commentaires ne porteront que sur cette question.
[4] Les appelants soutiennent que le juge saisi de la demande a commis une erreur en appliquant de la norme de la décision correcte. S’appuyant sur Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190 (Dunsmuir), les appelants font valoir que « [l]orsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise ». De plus, dans Chopra c. Canada (Procureur général), [2008] 2 R.C.F. 393 (Chopra), la présente Cour a conclu que la norme applicable à un tribunal des droits de la personne sur des questions de droit ne sera pas nécessairement celle de la décision correcte et que la déférence devra s’imposer à l’égard de « conclusions du Tribunal touchant des questions de droit qu’il connaît à fond ».
[5] Par souci de clarté, la principale question en litige pourrait être reformulée ainsi : le TCDP a-t-il commis une erreur en concluant qu’il y a eu discrimination pour laquelle il n’existait pas de défense fondée sur un motif justifiable? Il s’agit d’une question mixte de fait et de droit qui exige que le TCDP applique sa loi constitutive aux faits de l’espèce. La Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, ne contient pas de clause privative et ne prévoit aucun droit d’appel. La question en litige en l’espèce fait partie des questions sur lesquelles le TCDP a une connaissance approfondie et qui relèvent de son domaine d’expertise. C’est pourquoi, à mon avis, le raisonnement suivi dans Dunsmuir et Chopra commande l’application de la norme de la raisonnabilité.
[6] L’avant-dernière conclusion du juge saisi de la demande était que « l’ascenseur du site Daly constitue une mesure de rechange raisonnable à l’escalier de la rue York ». Les appelants soutiennent qu’il n’était pas loisible au juge saisi de la demande de substituer sa propre opinion à celle du TCDP. Je suis d’accord. Après avoir circonscrit un certains nombres d’erreurs commises par le TCDP, le juge aurait dû lui renvoyer l’affaire.
[7] Cela dit, je ne vois aucune erreur dans les conclusions du juge saisi de la demande selon lesquelles, d’une part, l’examen de l’accommodement raisonnable implique une analyse globale de la situation (paragraphes 121à 129 des motifs du jugement) et, d’autre part, l’évaluation d’une mesure d’accommodement n’est possible qu’après une mise en balance adéquate des facteurs (paragraphes 137 à 139 du jugement). Le TCDP a fait peu de cas de ces exigences (paragraphe 249 de ses motifs). À la lumière des motifs du juge saisi de la demande, il me semble clair que s’il avait appliqué la norme de la raisonnabilité, il serait arrivé à la conclusion que le défaut par le TCDP de procéder à son analyse en conformité avec ces exigences rend sa décision déraisonnable.
[8] J’ajouterais que les conclusions du TCDP sur les motifs sous-jacents à la construction de l’escalier (paragraphes 88, 175, 180 et 262 de ses motifs) sont incompatibles avec sa conclusion que la CCN aurait dû permettre l’accès aux escaliers (paragraphes 251, 252 et 254 de ses motifs). Compte tenu des mesures de rechange qui s’offraient lors de la construction, cette dernière conclusion est incompatible avec les motifs reconnus.
[9] Le TCDP a déterminé d’une part que les escaliers auraient dû être construits de façon à ce qu’il soit possible d’y avoir accès à partir du site, mais a par ailleurs affirmé qu’il était acceptable de tenir compte de facteurs esthétiques, architecturaux et historiques. La construction de l’escalier pour permettre l’accès au site porterait atteinte aux facteurs mêmes qui étaient appropriés selon le TCDP.
[10] L’incohérence soulignée plus haut n’est qu’un exemple illustrant la conclusion du juge saisi de la demande qui établit que le TCDP a omis de mettre en balance les facteurs qu’implique l’analyse des mesures d’accommodement raisonnable et d’examiner la question globalement. Soit il était déraisonnable pour la CCN de construire l’escalier de la rue York de cette façon, soit il était déraisonnable pour elle de permettre l’accès à partir du site. Ce ne peut pas être les deux.
[11] J’accueillerais l’appel. J’annulerais le jugement du juge saisi de la demande et j’y substituerais le jugement qu’il aurait dû rendre en annulant la décision du TCDP et en renvoyant l’affaire devant une nouvelle formation du TCDP pour qu’elle y soit tranchée sur la base du dossier existant, en plus des éléments de preuve supplémentaires que les parties estiment nécessaires. Dans les circonstances, je ne rendrais aucune ordonnance concernant les dépens.
[12] Une copie des présents motifs sera versée au dossier de la Cour numéro A-440-08.
« Je suis d’accord
J. Edgar Sexton, j.c.a. »
« Je suis d’accord
Johanne Trudel, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIERS : A-382-08 et A-440-08
APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉ DU 13 JUIN 2008, DOSSIER NO T-1117-06
INTITULÉ : COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE et BOB BROWN
c. COMMISSION DE LA CAPITALE NATIONALE ET LE PGC
LIEU DE L’AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 23 SEPTEMBRE 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE LAYDEN-STEVENSON
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE SEXTON
LA JUGE TRUDEL
DATE DES MOTIFS : LE 24 SEPTEMBRE 2009
COMPARUTIONS :
David Baker
|
POUR L’APPELANTE CCDP
POUR L’APPELANT Bob Brown |
Sébastien Huard
Aucune comparution |
POUR L’INTIMÉE Commission de la capitale nationale
POUR L’INTIMÉ Procureur général du Canada
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Commission canadienne des droits de la personne Ottawa (Ontario)
Bakerlaw, Barristers & Solicitors Toronto (Ontario)
|
POUR L’APPELANTE CCDP
POUR L’APPELANT Bob Brown |
Barristers & Solicitors Ottawa (Ontario)
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR L’INTIMÉE CCN
POUR L’INTIMÉ PGC |