DANS L’AFFAIRE du renvoi présenté par le procureur général du Canada en vertu des paragraphes 18.3(2) et 28(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, modifiée, relativement à des questions portant sur la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une loi fédérale ou de ses textes d’application soulevées devant le Conseil canadien des relations industrielles
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 15 juin 2009
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 juillet 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE EVANS
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE DÉCARY
LE JUGE LINDEN
Dossier : A-497-07
Référence : 2009 CAF 234
CORAM : LE JUGE DÉCARY
LE JUGE LINDEN
LE JUGE EVANS
DANS L’AFFAIRE du renvoi présenté par le procureur général du Canada en vertu des paragraphes 18.3(2) et 28(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, et ses modifications, relativement à des questions portant sur la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une loi fédérale ou de ses textes d’application soulevées devant le Conseil canadien des relations industrielles
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
MOTIFS DU JUGEMENT
A. INTRODUCTION
[1] Il s’agit d’un renvoi présenté à la Cour par le procureur général du Canada, en vertu des paragraphes 18.3(2) et 28(2) de la Loi sur les cours fédérales, L.R.C.1985, ch. F‑7, pour qu’elle rende une décision sur la validité constitutionnelle du Règlement sur la sûreté du transport maritime, DORS/2004-144 (le Règlement).
[2] En bref, le Règlement crée un régime pour contrôler les employés occupant des postes critiques pour la sécurité dans les ports du Canada. Les employés doivent fournir, sur eux-mêmes et leur époux ou conjoint, des renseignements, notamment biographiques, servant à déterminer s’ils représentent une menace émanant du terrorisme ou du crime organisé pour la sûreté du transport maritime. Si le ministre du Transport estime qu’il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu’un demandeur pose un tel risque, une habilitation de sécurité peut être refusée. Le refus peut réduire les possibilités d’emploi du demandeur.
[3] La principale question à trancher dans le présent renvoi consiste à savoir si le Règlement contrevient à la Charte canadienne des droits et libertés ( la Charte) du fait qu’il constituerait une ingérence abusive dans la vie privée des employés, qui aurait pour effets possibles de mettre en péril leur emploi et de compromettre leur liberté par la divulgation éventuelle à un gouvernement étranger des renseignements recueillis à leur sujet. À mon avis, il n’a pas été établi que le Règlement porte atteinte aux droits constitutionnels des employés auxquels il s’applique.
B. HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE
[4] Dans le présent renvoi, les défendeurs sont le Syndicat international des débardeurs et magasiniers du Canada et quatre de ses sections locales, soit les sections locales 500, 502, 514 et 517 (collectivement le SIDM). Les membres du SIDM sont employés à des postes divers dans le transport maritime en Colombie-Britannique, principalement dans le port de Metro Vancouver. La plus grande partie des 4 600 employés qui appartiennent à ces sections locales sont touchés par le Règlement.
[5] L’administration portuaire Vancouver Fraser est également une défenderesse et, sans se prononcer sur le bien-fondé des questions soulevées, elle a présenté à la Cour des informations factuelles sur la nature et l’échelle des activités du port. Elle s’inquiète de la possibilité qu’une décision prononçant l’invalidité, en tout ou en partie, du Règlement entame la confiance des usagers éventuels dans la sécurité de ses ports et nuise ainsi aux activités. La British Columbia Maritime Employers Association (BCMEA) est aussi une défenderesse, mais elle n’a présenté ni de mémoire des faits et du droit ni de plaidoirie.
[6] Le SIDM a d’abord contesté le Règlement devant un arbitre de griefs, alléguant que les exploitants de terminaux violaient la convention collective, notamment en omettant de procéder à des consultations adéquates sur les zones réglementées et les postes assujettis au Règlement et en exigeant des employés qu’ils demandent une habilitation de sécurité. Le SIDM soutenait aussi que le Règlement était invalide parce qu’il portait atteinte aux droits des employés protégés par la Charte et à leurs autres droits en matière de vie privée. Cependant, sur les instances du procureur général du Canada et de la BCMEA, l’arbitre a suspendu la procédure, dans l’attente d’une décision du Conseil canadien des relations industrielles (le Conseil) ou d’une cour sur la validité du Règlement : British Columbia Maritime Employers Assn. c. International Longshore and Warehouse Union-Canada (2007), 168 L.A.C. (4th) 418.
[7] La BCMEA a demandé au Conseil de déclarer, en application de l’article 91 du Code du travail du Canada, L.R.C. 1985, ch. L‑2, que le refus concerté de demander des habilitations de sécurité constituait une grève illégale. Le syndicat a répondu qu’il ne l’était pas et que, de toute façon, le Règlement était invalide. Avant le commencement de l’audience, le procureur général a annoncé qu’il renvoyait à notre Cour les questions portant sur la validité constitutionnelle du Règlement. Après avoir conclu que le renvoi par le procureur général en vertu du paragraphe 18.3(2) de la Loi sur les Cours fédérales retirait les questions constitutionnelles de sa compétence, le Conseil, sans se prononcer sur la validité du Règlement, a tranché que l’instruction donnée par le SIDM à ses membres de ne pas demander d’habilitations de sécurité constituait une grève illégale en contravention du Code : British Columbia Maritime Employers Assn (Re), [2007] C.I.R.B. No. 397.
[8] La Cour a décidé de procéder à l’audition, comme le désiraient les parties, après avoir invité les avocats à présenter des observations sur le caractère approprié du renvoi, en particulier à la lumière des questions de fait en litige que la Cour pourrait avoir à trancher, largement dans le contexte d’un examen au regard de l’article premier sur le fondement d’un dossier volumineux. Bien que la Cour ait compétence pour statuer sur un renvoi en vertu du paragraphe 18.3(2), même s’il s’ensuit qu’elle peut être appelée à tirer des conclusions sur des faits contestés (Watt c. Liebelt, [1999] 2 C.F. 455, aux paragraphes 26 et 27 (C.A.)), il aurait été préférable, de l’avis du tribunal, que le procureur général ait laissé le Conseil statuer sur l’affaire; celui‑ci aurait ainsi pu tirer des conclusions de fait sur la base de preuves documentaires et, si requis, de témoignages de vive voix. Nous sommes également d’accord avec l’argument du SIDM selon lequel l’expertise du Conseil en matière de relations de travail aurait fourni un contexte utile dans lequel il aurait pu examiner la question de savoir si le Règlement contrevenait à la Charte.
[9] Comme le paragraphe 18.3(2) de la Loi sur les Cours fédérales limite les renvois du procureur général aux questions portant sur « la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel » du Règlement, la Cour a décidé qu’elle n’entendrait que les arguments relatifs aux questions du renvoi qui ont trait à la Charte, et non aux lois « quasi constitutionnelles » invoquées par le SIDM dans son mémoire, soit la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[10] Les articles de la Charte qui sont visés dans le renvoi sont les articles 2, 7, 8 et 15. Si le syndicat démontre l’existence d’une violation à première vue de l’un quelconque de ces articles, le gouvernement a le fardeau de convaincre la Cour que la violation se justifie au regard de l’article premier. Les questions soumises à la Cour par le procureur général sont énoncées à l’annexe B des présents motifs.
C. PROGRAMME D’HABILITATION DE SÉCURITÉ EN MATIÈRE DE TRANSPORT MARITIME
1. Régime législatif
[11] Le programme fait partie d’un processus d’examen de la sécurité mis sur pied par Transports Canada en 2002, en partie en réaction à l’attentat du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center à New York. Les objectifs du programme sont de permettre au ministre de recueillir suffisamment de renseignements pour établir l’identité des employés occupant des postes critiques pour la sécurité dans les ports et s’assurer qu’ils ne posent pas de risques inacceptables pour la sûreté du transport maritime. Le régime vise à dissuader les personnes posant des risques pour la sécurité de demander des habilitations de sécurité et, parmi les personnes qui demandent leurs habilitations, à écarter celles qui posent des risques élevés inacceptables en matière de sécurité.
[12]
Les textes intégraux des articles contestés du
Règlement sont reproduits à l’annexe A des présents motifs. Dans la présente
partie de mes motifs, je relèverai les principaux éléments du régime législatif
en matière d’habilitation de sécurité, en particulier ceux sur lesquels le SIDM
fait porter la plupart de ses critiques.
[13] L’article 503 définit les postes pour lesquels une habilitation de sécurité est exigée. Une telle habilitation est exigée pour tout endroit du port posant un problème de sécurité particulier et qui est désigné comme une « zone réglementée deux ». Actuellement, ces zones se trouvent principalement dans les terminaux pour navires de croisière et pour conteneurs et dans les zones contenant les commandes centrales pour le matériel et les systèmes de surveillance et de sûreté. Cependant, le SIDM craint qu’elles soient éventuellement étendues à d’autres zones portuaires.
[14] Aux termes de l’article 503, les personnes suivantes sont tenues d’être titulaires, parmi d’autres, d’une habilitation de sécurité :
(i) celles qui ont besoin d’avoir accès à une zone réglementée deux ou à un navire de croisière qui est en interface avec une zone réglementée deux pour fournir des services, des provisions ou de l’équipement à celui-ci (alinéas a) et f));
(ii) celles qui participent à des aspects particuliers du processus d’habilitation de sécurité ou qui ont des responsabilités en matière de sûreté (alinéas d) et e));
(iii) celles qui, du fait qu’elles sont affectées à certaines responsabilités précises, pourraient constituer un danger pour la sécurité en entraînant l’échec d’une mesure préventive, en retardant la réaction à un incident de sûreté ou en nuisant à tout rétablissement à la suite de cet incident (alinéa g)).
[15] L’article 506 énumère les renseignements que le demandeur d’une habilitation de sécurité doit donner dans le formulaire fourni par le ministre en vertu de l’article 507. Ces renseignements incluent les suivants :
(i) L’identité : les noms, la date de naissance, le sexe, la taille, le poids, la couleur des yeux et des cheveux, le certificat de naissance (si le demandeur est né au Canada), le lieu de naissance, le point d’entrée et la date d’arrivée au Canada, la citoyenneté ou la résidence permanente ou une preuve d’un autre statut d’immigration (si le demandeur est né hors du Canada), le numéro du passeport (le cas échéant), les empreintes digitales et une image du visage (alinéas (2) a) à e)).
(ii) La résidence : les adresses des endroits où le demandeur a vécu au cours des cinq années précédentes (alinéa (2)g)).
(iii) Les activités : ces informations comprennent les noms et adresses des employeurs et des établissements d’enseignement post-secondaire fréquentés durant les cinq dernières années (alinéa (2)h)).
(iv) Les voyages : les détails sur les voyages de plus de 90 jours à l’extérieur du Canada et des États-Unis (alinéa (2)i)).
(v) Les époux ou les conjoints de fait (actuels et antérieurs) : les informations sur leur identité et leur présente adresse (si elle est connue) (alinéa (2)j) et paragraphe (3)).
[16] L’article 508 décrit les vérifications ultérieures des renseignements effectuées par le ministre pour établir si le demandeur ne pose pas de risque pour la sûreté du transport maritime. Celles-ci comprennent : une vérification de casier judiciaire; une vérification des dossiers des organismes chargés de faire respecter la Loi, y compris les renseignements recueillis à des fins d’application de la Loi; une vérification des fichiers du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et, au besoin, une évaluation de sécurité effectuée par le Service; une vérification du statut d’immigrant et de citoyen du demandeur.
[17] En plus de communiquer des renseignements concernant le demandeur aux organismes nationaux chargés de l’application de la loi et aux services de renseignement, le ministre peut les divulguer, ainsi que les vérifications mentionnées ci-dessus, au gouvernement d’un pays étranger lorsqu’il est d’avis que des raisons d’intérêt public justifient nettement la violation de la vie privée découlant de la divulgation. Autrement, il est interdit au ministre de divulguer les renseignements à un gouvernement étranger sans le consentement écrit du demandeur. Voir le paragraphe 506(5). Le formulaire de demande fourni par le ministre contient un espace dans lequel le demandeur peut signer son consentement à la divulgation de ses renseignements personnels à des gouvernements étrangers. Le formulaire stipule que le défaut de signer peut entraîner le rejet de la demande.
[18] L’article 509 prescrit au ministre d’établir si les renseignements fournis par le demandeur et ceux obtenus par les vérifications sont suffisants pour lui permettre d’établir dans quelle mesure le demandeur pose un risque pour la sûreté du transport maritime. S’ils le sont, le ministre décide s’il convient d’accorder l’habilitation de sécurité sur le fondement de l’évaluation des facteurs énumérés à l’article 509, dont :
(i) la pertinence de tout casier judiciaire par rapport à la sûreté du transport maritime (alinéa a));
(ii) s’il est connu ou qu’il y a des motifs raisonnables de soupçonner que le demandeur :
a) a participé ou contribué à des activités visant une utilisation malveillante de l’infrastructure de transport afin de commettre des crimes ou l’exécution d’actes de violence contre des personnes ou des biens, compte tenu de la pertinence de ces facteurs par rapport à la sûreté du transport maritime (sous‑alinéa b)(i));
b) a été un membre d’une organisation criminelle au sens des articles 83.01 et 467.1 du Code criminel, ou d’un groupe à l’égard duquel il y a des motifs raisonnables de soupçonner sa participation ou sa contribution à des activités qui favorisent l’exécution d’actes de violence contre des personnes ou des biens, compte tenu de la pertinence de ces facteurs par rapport à la sûreté du transport maritime (sous‑alinéas b)(ii), (iii) et (iv);
c) a été associé à un individu dont il est connu qu’il répond aux descriptions ci-dessus ou qui est raisonnablement soupçonné d’y répondre (sous‑alinéa b)(v));
(iii) s’il y a des motifs raisonnables de soupçonner que le demandeur est dans une position où il risque d’être suborné afin de commettre un acte qui pourrait poser un risque pour la sûreté du transport maritime (alinéa c));
(iv) si le demandeur s’est vu retirer pour motifs valables un laissez-passer de zone réglementée pour un port, une installation maritime ou un aérodrome ou s’il a présenté une demande comportant des renseignements faux ou trompeurs en vue d’obtenir une habilitation de sécurité (alinéas d) et e)).
[19] Avant de refuser l’habilitation, le ministre est tenu aux termes de l’article 511 d’aviser le demandeur des motifs sur lesquels il fonde ses doutes sur l’opportunité d’accorder l’habilitation de sécurité, et de permettre au demandeur d’y répondre.
[20] L’article 515 autorise le ministre à suspendre une habilitation de sécurité lorsqu’il reçoit des renseignements susceptibles de modifier sa décision en vertu de l’article 509. L’individu doit être avisé des motifs de la suspension et la possibilité doit lui être donnée de présenter par écrit des observations. Le ministre peut alors rétablir l’habilitation de sécurité, ou l’annuler s’il décide que l’individu pose un risque pour la sûreté du transport maritime sur le fondement des facteurs énumérés à l’article 509.
[21] L’article 517 prévoit le réexamen par le ministre de la décision de refuser ou d’annuler l’habilitation de sécurité, après que la possibilité a été donnée au demandeur de soumettre ses observations.
2. Effet du régime
[22] LE SIDM fait ressortir que, contrairement aux employés des aéroports, ses membres au port de Vancouver Fraser composent une main-d’œuvre stable. Certains de ces employés ont exprimé leur vive préoccupation que, après de nombreuses années d’emploi, ils soient désormais considérés comme des risques éventuels pour la sécurité et soient assujettis à des vérifications approfondies de leurs antécédents qui constituent des violations de leurs vies privées et pourraient les exposer à des dangers personnels graves si les renseignements étaient divulgués à des gouvernements étrangers connus pour leurs piètres précédents en matière de droits de la personne.
[23] Il semble que seuls les États-Unis et l’Australie aient un système de vérification des antécédents comparable pour les employés de leurs ports. Ni l’Organisation internationale du travail ni l’Organisation maritime internationale, qui sont chargées d’établir des normes en matière de travail et de navigation, ni encore le Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, n’exigent de telles vérifications des employés. Le SIDM fait également remarquer que, comme dans d’autres pays, des mesures matérielles de sécurité existent déjà dans les ports du Canada, telles que clôtures, éclairage, patrouilles, filtrage à l’aide de rayons X et de radiations. Le procureur général note toutefois qu’il est toujours possible qu’une « personne de l’intérieur » contourne ces mesures.
[24] Les vérifications des renseignements des demandeurs effectuées auprès des organismes chargés de l’application de la loi et de la conservation des dossiers criminels incluent non seulement les déclarations de culpabilité à des accusations criminelles, mais aussi les accusations criminelles qui n’ont pas donné lieu à une déclaration de culpabilité. Les vérifications faites dans les fichiers du SCRS sont plus étendues. Les renseignements concernant le demandeur sont entrés dans un logiciel, qui les compare avec ceux contenus dans les banques de données opérationnelles du SCRS en pondérant les divers champs selon leur importance relative en ce qui a trait à l’identification des risques pour la sécurité. Les indices du risque peuvent se trouver par exemple dans les associations, l’éducation, le temps passé hors du Canada et le lieu de résidence. Une concordance de profil est notée comme étant une « correspondance » et se traduit par une préoccupation en matière de sécurité. Les « correspondances » sont examinées par les fonctionnaires du SCRS pour déterminer si elles constituent de véritables menaces. Dans l’affirmative, le demandeur est interrogé par le SCRS. Le SIDM craint que les renseignements recueillis sur ses membres qui ont fait des demandes d’habilitation de sécurité puissent être retenus par le SCRS dans leurs fichiers de données opérationnelles et communiqués à des gouvernements étrangers.
[25] Les employés à qui l’habilitation de sécurité est refusée ne perdent pas nécessairement leurs emplois. Selon leur ancienneté et leur emploi particulier, il se peut qu’ils disposent de moins d’heures dans les zones du port où une habilitation de sécurité n’est pas requise. L’omission de remplir complètement un formulaire de demande peut entraîner le refus de l’habilitation de sécurité, si le ministre n’est pas convaincu que la personne ne constitue pas un risque de sécurité inacceptable sur la base des informations fournies. Par conséquent, quoique l’habilitation de sécurité ne soit pas une exigence d’emploi, le régime ne peut être décrit comme volontaire non plus.
[26] Selon les informations présentées à l’audience par l’avocat du procureur général, la plupart des quelque 5 000 demandes d’habilitation de sécurité soumises ont été traitées. Dix demandeurs ont été refusés à Vancouver, dont sept sont des débardeurs. Quatre autres (qui ne sont pas des débardeurs) ont été refusés parce que leurs renseignements n’étaient pas complets. Toutes ces décisions négatives peuvent faire l’objet d’un réexamen.
D. QUESTIONS RELATIVES À LA CHARTE ET ANALYSE
[27] Dans sa plaidoirie, M. Danay, l’avocat du procureur général, a fait ressortir avec raison trois points qui devraient encadrer l’analyse des allégations selon lesquelles le Règlement porte atteinte aux droits des membres du SIDM garantis par la Charte.
[28] Premièrement, étant la partie qui allègue des violations à la Charte, le SIDM a le fardeau de présenter la preuve à première vue d’une telle violation, même si l’article en question de la Charte requiert de mettre le droit en balance avec des intérêts divergents, en tenant compte du contexte, comme ceux visés aux articles 7 (principes de justice fondamentale) et 8 (fouille abusive). Deuxièmement, lorsque la question consiste à savoir si l’action contestée de l’État porte atteinte à un droit reconnu par la Charte, le SIDM, étant la partie qui l’affirme, est tenu de présenter des éléments de preuve en ce sens, sauf si cela était évident. Troisièmement, il importe de distinguer entre une contestation de la validité du Règlement, telle que celle du SIDM, et une contestation d’une décision particulière prise en vertu du Règlement. Le Règlement n’est pas rendu invalide simplement parce qu’il peut être appliqué de manière inconstitutionnelle dans des cas particuliers. Il est toujours loisible à l’individu à qui l’habilitation de sécurité est refusée de contester le refus comme un exercice inconstitutionnel du pouvoir de prise de décision délégué au ministre en vertu du Règlement : Little Sisters Book and Art Emporium c. Canada (Ministre de la Justice), 2000 CSC 69, [2000] 2 R.C.S. 1120.
[29] Dans une certaine mesure, les arguments fondés sur la Charte du SIDM se chevauchent. Parfois, l’argument porte sur des dispositions particulières du Règlement, parfois, sur leur effet cumulatif. De plus, dans son mémoire des faits ainsi que dans sa plaidoirie, le SIDM adopte ce que l’on pourrait le mieux décrire peut-être comme une approche à grands traits de l’analyse des violations alléguées de la Charte. Néanmoins, j’essaierai de faire ressortir ce qui, dans ma compréhension, constitue l’essence des arguments présentés au titre de chaque article.
Question 1 : Le Règlement porte-t-il atteinte à la liberté de religion, de pensée, de croyance, d’expression et d’association protégée par l’article 2 de la Charte ?
[30] LE SIDM soutient qu’il est possible que les renseignements que les employés sont tenus de donner en vertu de l’article 506, ainsi que les vérifications ultérieures effectuées par les organismes chargés de l’application de la loi (la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en particulier) et par le SCRS, permettent d’identifier la religion ou les opinions politiques du demandeur. Quoique le demandeur ne soit pas tenu de révéler sa religion et ses opinions politiques dans le formulaire de demande, il est possible de les déduire par exemple des institutions d’enseignement qu’il a fréquentées, du temps qu’il a passé et des activités qu’il a eues hors du Canada, ou des organisations auxquelles il appartient. L’avocat soutient que, comme le ministre peut utiliser ces renseignements pour refuser une habilitation de sécurité et ainsi avoir une incidence négative sur l’emploi d’un demandeur, le Règlement aura un effet négatif sur l’exercice des libertés garanties par la Constitution.
[31] À mon avis, que le Règlement ait un effet négatif en ce qui a trait aux droits invoqués par le SIDM n’est pas à ce point manifeste que l’on puisse le présumer comme allant de soi. Ni le Règlement ni le formulaire de demande d’habilitation de sécurité utilisé par le ministre ne requièrent du demandeur qu’il révèle sa religion ou ses opinions politiques. La question de savoir s’il est possible de les déduire des renseignements fournis par une personne quelconque relève de la spéculation. Le SIDM n’a pas présenté de preuve que le Règlement avait un effet négatif sur la pratique de la religion de ses membres ou sur l’expression de leurs opinions politiques.
[32] Un régime semblable visant à soumettre à un contrôle les employés des aéroports a été instauré au Canada depuis l’attentat à la bombe dans un avion d’Air India en 1985 et il n’a été présenté aucun élément de preuve faisant état de plaintes selon lesquelles ce régime aurait un effet négatif sur l’exercice des droits constitutionnels. Cela donne au moins à penser qu’on ne peut présumer qu’il va de soi que le Règlement en cause aura cet effet.
[33] LE SIDM s’appuie sur la décision R. c. Khawaja (2006), 214 C.C.C. (3d) 399 (Cour sup. just. Ont.) (la décision Khawaja) pour contester le sous-alinéa 509b)(ii). Cette disposition permet au ministre de considérer l’implication d’un demandeur dans un groupe terroriste au sens du paragraphe 83.01 (1) du Code criminel comme un motif raisonnable pour soupçonner le demandeur de constituer une menace pour la sécurité et lui refuser l’habilitation de sécurité.
[34] Dans la décision Khawaja, la cour a invalidé la partie de la définition d’« activité terroriste » au paragraphe 83.01(1) qui exige que l’acte ait été commis au nom « d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, religieuse ou idéologique ». Il est ironique que l’invalidation de [traduction] « l’élément de motivation » par la décision Khawaja ait eu pour effet d’élargir la définition des activités visées par ce paragraphe.
[35] Quoi qu’il en soit, la décision Khawaja n’a pas été suivie dans deux autres décisions de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, qui a statué que le sens commun ne suffisait pas à lui seul à étayer le point de vue selon lequel [traduction] « l’élément de motivation» avait un effet négatif sur l’exercice des libertés reconnues par l’article 2. Des preuves étaient nécessaires : R. c. Ahmad (31 mars 2009); Toronto CRIMJ (F) 2025/07 (Cour sup. just. Ont) (décision visée par une interdiction de publication) et United States of America c. Nadarajah [2009] O.J. No. 946 (QL). Je suis d’accord avec le point de vue exposé dans la décision Ahmad (au paragraphe 133) selon lequel tout effet négatif en ce qui a trait à la liberté religieuse résulte plus probablement de l’application publique de stéréotypes à certaines minorités religieuses et ethniques et de l’hostilité à leur égard que de « l’élément de motivation » contenu au paragraphe 83.01(1).
[36] L’argument relatif à la liberté d’association est quelque peu différent, en raison des facteurs que le ministre doit considérer en vertu de l’article 509 pour déterminer la mesure dans laquelle le demandeur pose une menace pour la sûreté du transport maritime. Ces facteurs comprennent plusieurs formes d’association, telles que les groups terroristes et les organisations criminelles définis par le Code criminel, et les organisations qui participent à des activités visant l’utilisation de la violence ou qui soutiennent de telles activités. À vrai dire, ces définitions sont larges. Cependant, l’article 2 ne protège pas la liberté de s’associer pour se livrer à des activités violentes, terroristes ou d’une autre manière criminelle comme celles qui sont visées à l’article 509 : Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, [2002] 1 R.C.S. 3, aux paragraphes 107 et 108.
[37] Néanmoins, le sous-alinéa 509b)(v) qui prévoit que le ministre peut prendre en considération l’association du demandeur avec une personne qui est impliquée avec l’un quelconque des groupes visés à l’alinéa précédent crée un problème particulier. Comme l’avocat du SIDM l’a souligné, l’association du demandeur avec une telle personne peut être entièrement innocente, que le demandeur ait ou non été conscient des activités criminelles ou terroristes de cette personne.
[38] Dans ce contexte, il importe de rappeler qu’aucune des associations visées au paragraphe précédent ne nuit nécessairement au demandeur, mais elles peuvent faire naître suffisamment de soupçons pour justifier la tenue d’un entretien au cours duquel le demandeur pourrait fournir une explication. L’association, examinée en corrélation avec l’ensemble des facteurs énumérés à l’article 509, doit avoir quelque rapport avec les menaces pour la sûreté du transport maritime émanant d’organisations terroristes et criminelles. Les associations innocentes ne permettent pas normalement de justifier le refus de l’habilitation de sécurité, par exemple lorsque le demandeur ne sait pas que certains des membres d’un groupe politique essentiellement pacifique se sont livrés à des activités violentes ou qu’un ami ou un membre de sa famille a été impliqué dans une organisation criminelle ou un groupe terroriste.
[39] Dans ces circonstances, il n’est pas évident sous l’angle du « sens commun » que le demandeur serait dissuadé de s’associer à d’autres dans des objectifs licites et le SIDM n’a pas donné de preuve de son allégation que le Règlement a un effet négatif sur la liberté d’association du demandeur aux termes de l’alinéa 2d) de la Charte.
[40] Enfin, le demandeur qui se voit refuser l’habilitation de sécurité par le ministre et dont la demande de réexamen est rejetée peut demander à la Cour fédérale de contrôler la décision au motif qu’elle a été prise en violation des libertés protégées par l’article 2 de la Charte.
[41] À mon avis, le Règlement ne porte pas atteinte aux droits des employés garantis par l’article 2 de la Charte.
Question 2 : Le Règlement porte-t-il atteinte aux droits que l’article 7 garantit aux employés?
[42] Le principal argument du SIDM en ce qui a trait à l’article 7 est que le Règlement viole le droit de l’employé à ce qu’il ne puisse être porté atteinte à la sécurité de sa personne qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. Il allègue que l’article 7 est violé parce que le paragraphe 506(5) autorise le ministre à divulguer les renseignements concernant le demandeur à un gouvernement étranger lorsque des raisons d’intérêt public « justifient nettement » une violation de la vie privée. Le SIDM fait valoir que la disposition permet au ministre de divulguer les renseignements à un gouvernement étranger ayant de piètres précédents en matière de droits de la personne, qui pourrait les utiliser pour causer des préjudices au demandeur.
[43] L’affaire Maher Arar constitue un rappel salutaire de ce que la divulgation de renseignements à des gouvernements étrangers peut avoir des conséquences très graves pour un individu, en particulier, bien sûr, lorsque les renseignements se révèlent faux. Néanmoins, de tels exemples semblent suffisamment rares, de sorte que la possibilité que la décision du ministre de divulguer des renseignements, dans les circonstances limitées prévues au paragraphe 506(5), mette en péril la sécurité personnelle de l’employé est trop petite et spéculative pour constituer une violation de l’article 7. Le programme d’habilitation de sécurité pour le transport maritime est à ce point nouveau qu’il n’existe que peu d’éléments de preuve sur son fonctionnement. Cependant, les préoccupations relatives aux conséquences éventuellement dangereuses de la divulgation de renseignements ne semblent pas avoir été soulevées dans le cadre du régime analogue et bien établi d’habilitations de sécurité dans les aéroports. Le caractère spéculatif de tout préjudice causé à l’employé à qui l’habilitation de sécurité est refusée s’applique également à une contestation fondée sur l’alinéa 1a) de la Déclaration canadienne des droits.
[44] LE SIDM fait valoir deux autres points relativement à l’article 7. En premier lieu, il soutient que les nombreux renseignements personnels que le demandeur est tenu de révéler dans le formulaire de demande constituent une violation de la vie privée, un droit protégé par l’article 7. À mon avis, comme l’article 8 porte précisément sur la protection de la vie privée contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, il ne convient pas de considérer cette préoccupation sous l’angle de l’article 7. Ainsi, dans R. c. Mills, [1999] 3. R.C.S. 668, au paragraphe 88, il est dit que, si une fouille, perquisition ou saisie est non abusive au sens de l’article 8, elle est par définition « conforme aux principes de justice fondamentale » aux fins de l’article 7.
[45] En deuxième lieu, le SIDM fait valoir que la perte éventuelle de l’emploi de l’employé qui n’obtient pas l’habilitation de sécurité fait intervenir l’article 7 parce que la perte de l’emploi est une privation de liberté. Je ne partage pas cet avis.
[46] Premièrement, les conséquences sur l’employé qui se voit refuser l’habilitation de sécurité sont incertaines. Selon les prétentions du SIDM, l’employé qui se trouve dans une telle situation est susceptible de perdre des heures de travail, en particulier s’il n’a pas beaucoup d’ancienneté. Cependant, la question de savoir si une personne quelconque pourrait réellement perdre son emploi est spéculative. La même considération pourrait servir à réfuter un argument fondé sur l’alinéa 1a) de la Déclaration canadienne des droits.
[47] Deuxièmement, comme l’article 7 ne protège pas les biens ou tout autre intérêt principalement économique, il ne s’applique pas à toute éventuelle conséquence négative du refus de l’habilitation de sécurité sur l’emploi d’un employé : Mussani c. College of Physicians and Surgeons of Ontario (2004), 74 O.R. (3d) 1, aux paragraphes 41-43 (C.A.) (le droit d’exercer une profession n’est pas protégé par l’article 7).
Question 3: Le Règlement porte-t-il atteinte au droit des employés de ne pas faire l’objet d’une fouille, perquisition ou saisie abusive contrairement à l’article 8 ?
[48] Aux fins du présent renvoi, je présumerai que le Règlement constitue une fouille, du fait qu’il est demandé des renseignements aux employés et que le refus de ceux-ci de les fournir est susceptible de nuire à leur emploi. Je suis d’accord avec le SIDM que le fait que le formulaire de demande d’habilitation de sécurité fourni par le ministre conformément au paragraphe 507(1) contient un espace dans lequel le demandeur peut consentir à la vérification et la divulgation est de peu d’importance d’un point de vue juridique, en particulier parce que le refus de signer peut entraîner le rejet de la demande par le ministre au motif qu’elle ne contient pas les renseignements suffisants pour conclure que le demandeur ne constitue pas une menace pour la sécurité.
[49] La question à trancher est celle de savoir si la fouille autorisée par le Règlement est abusive, question qui requiert de la Cour qu’elle mette en balance l’intérêt des employés en ce qui a trait à leur vie privée avec les intérêts publics visés par le régime législatif. Cette mise en balance doit tenir compte des considérations suivantes.
(i) les facteurs contextuels
[50] Premièrement, la Cour doit déterminer la force des droits à la protection de la vie privée en cause. À mon avis, comme ils font partie d’un effectif soumis à une réglementation, les membres du SIDM ont des attentes relativement faibles en matière de vie privée en ce qui a trait à leurs renseignements personnels qui ont un lien raisonnable à la détermination de la mesure dans laquelle ces membres posent un risque pour la sûreté du transport maritime : Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. Potash; Comité paritaire de l’industrie de la chemise c. Sélection Milton, [1994] 2 R.C.S. 406, aux paragraphes 418 à 421 (arrêt Comité paritaire).
[51] Deuxièmement, la manière dont la fouille est faite est pertinente. Le fait d’être tenu par l’État de remplir un formulaire constitue une moindre intrusion dans la vie privée que, par exemple, la fouille physique de la résidence d’une personne ou des locaux de son entreprise : voir Baron c. Canada, [1993] 1 R.C.S. 416, au paragraphe 443.
[52] Troisièmement, les fouilles administratives sont généralement considérées comme moins intrusives que celles pratiquées dans le cadre d’une enquête criminelle : Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425, paragraphes 507 et 508.
[53] Quatrièmement, le tribunal doit prendre en compte le caractère plus ou moins pressant de l’intérêt public visé par le régime législatif qui autorise la fouille, ainsi que la probabilité que le renseignement sollicité serve cet intérêt. En l’espèce, la sécurité nationale est l’intérêt public en question, qui est considéré comme très préoccupant : R. c. Simmons, [1988] 2 R.C.S. 495, au paragraphe 528. Lorsqu’il détermine si des éléments particuliers d’information sont pertinents au regard de cet intérêt, le tribunal devrait être disposé à accorder au gouvernement une certaine latitude.
[54] En gardant ces considérations à l’esprit, je me pencherai maintenant sur les arguments du SIDM selon lesquels la fouille autorisée par le Règlement est abusive.
(ii) autorisation préalable et examen postérieur à une décision
[55] LE SIDM soutient que le régime est entaché d’un vice qui le rend invalide parce qu’il ne comporte aucun mécanisme adéquat pour prévenir l’abus du pouvoir dont le ministre est investi pour obtenir et utiliser les renseignements concernant un employé. En particulier, aucune autorisation préalable indépendante n’est requise et l’employé qui s’est vu refuser l’habilitation de sécurité n’a aucun droit à un examen par un décideur indépendant. C’est pourquoi toute « fouille » en vertu du Règlement est abusive.
[56] L’avocat s’appuie sur l’arrêt Canada (Direction des enquêtes sur les coalitions, directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc, [1984] 2 R.C.S. 145 (l’arrêt Hunter) pour affirmer que, même lorsqu’elle est pratiquée dans le cadre d’un régime réglementaire, une fouille est normalement abusive sous l’angle de l’article 8 sans une autorisation préalable donnée par une personne indépendante habilitée à agir d’une manière judiciaire.
[57] Je ne suis pas d’accord avec cette prétention. À mon avis, l’arrêt Hunter ne s’applique pas au régime examiné en l’espèce. D’abord, requérir une autorisation préalable avant que l’employé n’ait rempli la demande d’habilitation de sécurité ne serait nullement utile parce que tous les employés remplissent le même formulaire. La plainte en l’espèce ne concerne pas des abus ayant trait à la façon dont le formulaire est administré aux différents employés, mais au formulaire lui-même.
[58] De plus, les cas dans lesquels une autorisation préalable est requise se produisent invariablement dans des contextes où des infractions criminelles ou quasi criminelles font l’objet d’une enquête et dans lesquelles les attentes en matière de vie privée sont les plus élevées. En l’espèce, au contraire, les employés actuels et les employés futurs qui souhaitent occuper des postes critiques pour la sûreté du transport maritime, activité très réglementée qui donne lieu à une attente beaucoup moins importante en ce qui a trait à la vie privée, peuvent se voir refuser l’habilitation de sécurité, ce qui peut nuire à leurs possibilités d’emploi. Voir l’arrêt Comité paritaire, aux paragraphes 419 et 420.
[59] Dans la mesure où le SIDM soutient qu’une autorisation est requise pour que les renseignements fournis par l’employé puissent être vérifiés par les services de renseignements et les organismes d’application de la loi, son argument est également erroné. Il serait impraticable de requérir une autorisation préalable pour le traitement des renseignements fournis par des milliers d’employés portuaires dans tout le pays. Je ne vois pas non plus clairement à quel objectif servirait un tel exercice puisqu’il est souvent impossible d’identifier des risques éventuels pour la sécurité tant que des vérifications des antécédents n’ont pas été effectuées.
[60] Quant à la plainte selon laquelle il n’y a pas d’organisme indépendant pour entendre les appels à l’encontre des refus d’habilitations de sécurité, il n’existe pas de droit constitutionnel à un tel appel. Le réexamen des décisions négatives relève du ministre suivant l’article 517, sur la base d’un processus équitable et participatif et avec le conseil d’experts en sécurité. Après avoir épuisé les recours administratifs, le demandeur peut contester le refus d’une habilitation de sécurité au moyen d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.
(iii) degré d’ingérence dans la vie privée et nature pressante de l’intérêt public
[61] Les demandes de renseignements personnels, une photographie et les empreintes digitales sont parmi les formes les moins intrusives de fouille : R. c. Beare, [1988] 2 R.C.S. 387, au paragraphe 413. Néanmoins, le SIDM affirme qu’il est exigé dans le formulaire devant être rempli par les demandeurs plus de renseignements qu’il est raisonnablement nécessaire, étant donné les objets du régime législatif. Ses principaux exemples tirés du formulaire de demande incluent : les renseignements sur les époux et les conjoints (passés et actuels), le fait que les demandeurs doivent fournir des renseignements relatifs aux cinq dernières années, et que les renseignements sollicités sur leurs démêlés avec la justice criminelle ne se limitent pas au casier judiciaire.
[62] L’argument est étayé par l’affidavit d’un témoin expert du SIDM, le professeur Wesley Wark, selon lequel les employés des ports n’ont jamais été responsables d’incidents terroristes et ne posent aucun risque pour la sécurité. Cependant, en contre-interrogatoire, il a admis que le terrorisme provenant du territoire national constitue un problème au Canada, et qu’il est difficile pour les services de renseignement de le maîtriser. De plus, le professeur Wark n’est pas compétent en matière d’évaluations de risques et il ne prétend pas connaître le fonctionnement des ports et les questions relatives à leur sécurité.
[63] De plus, le point de vue du professeur Wark a été contredit par l’affidavit de l’un des experts du procureur général, Mme Margaret Purdy, que le professeur Wark a reconnue comme une experte remarquable et à l’esprit ouvert sur les questions de sécurité nationale. Elle a déclaré que le terrorisme issu du territoire national pose des risques en matière de sécurité et a noté, en particulier, l’existence de liens entre les terroristes et le crime organisé. À son avis, ces risques justifient qu’on vérifie les antécédents des employés qui travaillent dans des zones portuaires critiques pour la sécurité. Un autre expert, M. Ted Flanigan, qui jouit d’une vaste expérience en matière de sécurité nationale à titre de haut fonctionnaire du SCRS, appuie l’opinion de Mme Purdy selon laquelle le Règlement répond adéquatement aux menaces éventuelles pour la sécurité des ports du Canada.
[64] Le fait que les employés n’aient pas été à l’origine d’activités terroristes dans le passé ne constitue pas une garantie que certains d’entre eux ne le seront pas dans le futur. Dans ce contexte, il importe de rappeler que le Règlement vise également à fournir une protection contre les menaces provenant du crime organisé qui, contre un certain prix, peut offrir ses services aux terroristes, notamment en les aidant à faire entrer par contrebande, dans des conteneurs, des armes, des explosifs ou des agents, au Canada.
[65] À mon avis, l’ensemble de la preuve établit que le gouvernement a raison de prendre au sérieux la possibilité que la sécurité des ports soit menacée de l’intérieur par des employés agissant pour des motifs idéologiques ou mercenaires. Il est en outre plausible, comme le professeur Wark en a convenu, qu’un employé soit amené sous l’influence d’un époux ou d’un conjoint, actuel ou passé, à prendre part à de telles activités.
[66] Le fait que le Canada ait le système peut-être le plus rigoureux du monde en matière de vérifications des antécédents des employés portuaires ne suffit pas à rendre ce système déraisonnable. Les longs littoraux du Canada et ses nombreux ports, sa dépendance économique importante à l’égard du commerce international de marchandises transportées par la voie maritime à l’intérieur et à l’extérieur du Canada et, à un degré moindre, à l’égard des activités des croisiéristes, sa capacité de financer des mesures de sécurité et sa proximité des États-Unis, constituent des facteurs qui permettent d’expliquer rationnellement la mise sur pied par le Canada de l’actuel système d’habilitations de sécurité.
[67] Ces considérations font ressortir également le caractère important et la nature pressante de l’intérêt public que le Règlement vise à favoriser : la protection contre les menaces pour la sécurité publique et l’économie provenant des activités des groupes terroristes et du crime organisé.
[68]
Il est évidemment toujours possible que des
erreurs se produisent et qu’un employé devienne l’objet de soupçons sur la base
de renseignements erronés utilisés pour la vérification des antécédents. Par
exemple, le vérificateur général a émis des doutes quant à la fiabilité des
renseignements détenus par la GRC dans ses fichiers inconsultables. Cependant, l’employé a la possibilité de corriger
toute erreur au moyen d’observations présentées au ministre, une fois qu’il a
été avisé des raisons pour lesquelles le ministre envisage de lui refuser l’habilitation
de sécurité. Il serait loisible à un employé de demander le contrôle judiciaire
du refus de son habilitation de sécurité en cas de manquement à l’obligation d’agir
équitablement, par exemple dans le cas où les motifs du refus ne lui auraient
pas été communiqués adéquatement.
[69] Je ne suis pas convaincu, compte tenu de la gravité des menaces pour la sûreté du transport maritime émanant des terroristes et du crime organisé, que les renseignements requis par le Règlement puissent être dits trop intrusifs et insuffisamment adaptés aux risques perçus. En conséquence, la fouille autorisée par le Règlement n’est pas abusive et ne contrevient pas à l’article 8.
Question 4 : L’exigence faite aux employés de fournir des renseignements sur leur époux ou conjoint porte‑t‑elle atteinte à leur droit à l’égalité garanti par l’article 15 ?
[70] LE SIDM fait valoir qu’il se peut qu’un employé ne dispose pas de tous les renseignements personnels requis sur un époux ou conjoint antérieur et que celui-ci pourrait refuser de les lui communiquer. L’employé pourrait ainsi se voir refuser l’habilitation de sécurité faute d’avoir fourni suffisamment de renseignements pour permettre au ministre de déterminer s’il représente un risque inacceptable pour la sécurité. De plus, un employé pourrait se voir refuser l’habilitation de sécurité à cause des activités ou des associations de son époux.
[71] L’argument en l’occurrence est que, eu égard aux conséquences néfastes sur l’emploi du demandeur, la demande de renseignements sur les époux et les conjoints constitue une discrimination fondée sur la situation matrimoniale, un motif analogue à ceux expressément mentionnés à l’article 15. L’employé qui n’est pas et n’a pas été dans une relation maritale ne peut pas se voir refuser l’habilitation de sécurité pour les raisons susmentionnées.
[72] Je ne partage pas cet avis. Pour démontrer une violation de l’article 15, le revendicateur doit établir non seulement que la loi contestée fait une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue, mais aussi que la distinction a pour effet de créer un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes négatifs : R. c. Kapp, 2008 CSC 41, [2008] 2 R.C.S. 483, au paragraphe 17. Le SIDM n’a pas présenté de preuve que le Règlement perpétue un préjugé ou applique des stéréotypes du fait qu’il permet au ministre de tenir compte de la question de savoir si un époux ou un conjoint fait d’un employé constitue une menace pour la sûreté du transport maritime.
E. CONCLUSIONS
[73] Vu les conclusions précédentes, une analyse fondée sur l’article premier ne sera pas nécessaire.
[74] Pour tous ces motifs, je répondrais aux questions posées par le procureur général sur la validité constitutionnelle du Règlement sur la sûreté du transport maritime en concluant que celui‑ci ne viole pas les droits des membres du SIDM garantis par la Charte, et j’accorderais au procureur général ses dépens.
« John M. Evans »
j.c.a.
« Je suis d’accord
Robert Décary, j.c.a. »
« Je suis d’accord
A.M. Linden, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
ANNEXE A
Loi sur les cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7
18.3 (2) Le procureur général du Canada peut, ŕ tout stade des procédures d’un office fédéral, sauf s’il s’agit d’un tribunal militaire au sens de la Loi sur la défense nationale, renvoyer devant la Cour fédérale pour audition et jugement toute question portant sur la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une loi fédérale ou de ses textes d’application. |
Reference by Attorney General of Canada 18.3 (2) The Attorney General of Canada may, at any stage of the proceedings of a federal board, commission or other tribunal, other than a service tribunal within the meaning of the National Defence Act, refer any question or issue of the constitutional validity, applicability or operability of an Act of Parliament or of regulations made under an Act of Parliament to the Federal Court for hearing and determination. |
Charte canadienne des droits et libertés, Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.U.)
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes : a) liberté de conscience et de religion; b) liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication; […] d) liberté d’association.
7. Chacun a droit ŕ la vie, ŕ la liberté et ŕ la sécurité de sa personne; il ne peut ętre porté atteinte ŕ ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
8. Chacun a droit ŕ la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. |
2. Everyone has the following fundamental freedoms: (a) freedom of conscience and religion; (b) freedom of thought, belief, opinion and expression, including freedom of the press and other media of communication; … (d) freedom of association.
7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.
8. Everyone has the right to be secure against unreasonable search or seizure. |
Règlement sur la sûreté du transport maritime, DORS/2004-144
Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46
Définitions 83.01 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent ŕ la présente partie. […] « activité terroriste » « activité terroriste » […] b) soit un acte — action ou omission, commise au Canada ou ŕ l’étranger : (i) d’une part, commis ŕ la fois : (A) au nom — exclusivement ou non — d’un but, d’un objectif ou d’une cause de nature politique, religieuse ou idéologique, (B) en vue — exclusivement ou non — d’intimider tout ou partie de la population quant ŕ sa sécurité, entre autres sur le plan économique, ou de contraindre une personne, un gouvernement ou une organisation nationale ou internationale ŕ accomplir un acte ou ŕ s’en abstenir, que la personne, la population, le gouvernement ou l’organisation soit ou non au Canada, (ii) d’autre part, qui intentionnellement, selon le cas : (A) cause des blessures graves ŕ une personne ou la mort de celle-ci, par l’usage de la violence, (B) met en danger la vie d’une personne, (C) compromet gravement la santé ou la sécurité de tout ou partie de la population, (D) cause des dommages matériels considérables, que les biens visés soient publics ou privés, dans des circonstances telles qu’il est probable que l’une des situations mentionnées aux divisions (A) ŕ (C) en résultera, (E) perturbe gravement ou paralyse des services, installations ou systčmes essentiels, publics ou privés, sauf dans le cadre de revendications, de protestations ou de manifestations d’un désaccord ou d’un arręt de travail qui n’ont pas pour but de provoquer l’une des situations mentionnées aux divisions (A) ŕ (C). Sont visés par la présente définition, relativement ŕ un tel acte, le complot, la tentative, la menace, la complicité aprčs le fait et l’encouragement ŕ la perpétration; il est entendu que sont exclus de la présente définition l’acte — action ou omission — commis au cours d’un conflit armé et conforme, au moment et au lieu de la perpétration, au droit international coutumier ou au droit international conventionnel applicable au conflit ainsi que les activités menées par les forces armées d’un État dans l’exercice de leurs fonctions officielles, dans la mesure oů ces activités sont régies par d’autres rčgles de droit international. […] « groupe terroriste » « groupe terroriste » a) Soit une entité dont l’un des objets ou l’une des activités est de se livrer ŕ des activités terroristes ou de les faciliter; b) soit une entité inscrite. Est assimilé ŕ un groupe terroriste un groupe ou une association formé de groupes terroristes au sens de la présente définition
|
83.01 (1) The following definitions apply in this Part. … "terrorist activity" "terrorist activity" means … (b) an act or omission, in or outside Canada, (i) that is committed (A) in whole or in part for a political, religious or ideological purpose, objective or cause, and (B) in whole or in part with the intention of intimidating the public, or a segment of the public, with regard to its security, including its economic security, or compelling a person, a government or a domestic or an international organization to do or to refrain from doing any act, whether the public or the person, government or organization is inside or outside Canada, and (ii) that intentionally (A) causes death or serious bodily harm to a person by the use of violence, (B) endangers a person’s life, (C) causes a serious risk to the health or safety of the public or any segment of the public, (D) causes substantial property damage, whether to public or private property, if causing such damage is likely to result in the conduct or harm referred to in any of clauses (A) to (C), or
(E) causes serious interference with or serious disruption of an essential service, facility or system, whether public or private, other than as a result of advocacy, protest, dissent or stoppage of work that is not intended to result in the conduct or harm referred to in any of clauses (A) to (C), and includes a conspiracy, attempt or threat to commit any such act or omission, or being an accessory after the fact or counselling in relation to any such act or omission, but, for greater certainty, does not include an act or omission that is committed during an armed conflict and that, at the time and in the place of its commission, is in accordance with customary international law or conventional international law applicable to the conflict, or the activities undertaken by military forces of a state in the exercise of their official duties, to the extent that those activities are governed by other rules of international law.
… "terrorist group" "terrorist group" means (a) an entity that has as one of its purposes or activities facilitating or carrying out any terrorist activity, or (b) a listed entity, and includes an association of such entities. |
ANNEXE B
Questions renvoyées par le procureur général du Canada
1. Les articles 503, 506, 507, 508, 509, 515 ou 517 de la partie 5 du Règlement sur la sûreté du transport maritime, DORS/2004‑144, pris en vertu de l’article 5 de la Loi sur la sûreté du transport maritime, L.C. 1994, ch. 40 (LSTM) portent-ils atteinte aux droits des travailleurs employés dans les ports garantis par l’une ou certaines des dispositions suivantes de la Charte canadienne des droits et libertés ( la Charte) : paragraphes 2a), 2b) et 2d) et articles 7, 8 et 15?
2. Si la réponse à la question 1 est affirmative, ces violations se justifient-elles au regard de l’article premier de la Charte ?
3. Si la réponse à la question 2 est négative, quel est l’effet de la ou des violations sur la validité, l’applicabilité ou l’effet de la ou des dispositions touchées du Règlement ?
4. Les articles 503, 506, 507, 508, 509, 515 ou 517 du Règlement portent-ils atteinte aux droits des travailleurs touchés employés dans des ports prévus aux alinéas 1a), 1b) ou 1e) de la Déclaration canadienne des droits, 1969, ch. 44 ?
5. Si la réponse à la question 4 est affirmative, quel est l’effet de cette ou de ces violations sur la validité, l’applicabilité ou l’effet des articles affectés du Règlement ?
6. Les articles 503, 506, 507, 508, 509, 515 ou 517 du Règlement portent-ils atteinte aux droits des travailleurs touchés employés dans les ports prévus aux articles 3 et/ou 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R. 1985, ch. H‑6 ?
7. Si la réponse à la question 6 est affirmative, quel est l’effet de cette ou ces violations sur la validité, l’applicabilité ou l’effet des articles affectés du Règlement ?
8. Les articles 503, 506, 507, 508, 509, 515 ou 517 du Règlement portent-ils atteinte aux droits des travailleurs touchés des ports prévus à l’article 4 de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985, ch. P‑21 ?
9. Si la réponse à la question 8 est affirmative, quel est l’effet de ces violations sur la validité, l’applicabilité ou l’effet des articles touchés du Règlement ?
10. Le Règlement et/ou la LTSM ont-ils été édictés en contravention de l’article 3 du texte réglementaire intitulé Examen fait conformément à la Déclaration canadienne des droits—Règlement, C.R.C., c. 394 ?
11. Si la réponse à la question 10 est affirmative, quel est l’effet de cette violation sur la validité, l’applicabilité ou l’effet des articles affectés de la LTSM ?
12. Les articles 503, 506, 507, 508, 509, 515 ou 517 du Règlement sont-ils invalides au motif que l’article 5 de la LSTM n’autorise pas l’édiction de règlements susceptibles de causer une perte d’emploi ou une modification des responsabilités de travail pour les travailleurs touchés employés dans des ports ?
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-497-07
INTITULÉ : Dans l’affaire d’un renvoi présenté par le procureur général du Canada
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (Colombie-Britannique)
DATE DE L’AUDIENCE : Les 15 et 16 juin 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : Le juge Evans
Y ONT SOUSCRIT : Le juge Décary
DATE DES MOTIFS : Le 21 juillet 2009
COMPARUTIONS :
Robert Danay
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POUR LE DEMANDEUR
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Marjorie Brown
Larry Kowalchuk
H. David Edinger
Thomas A. Roper, c.r. |
POUR LE DÉFENDEUR, le syndicat international des débardeurs et les sections locales 500, 502 et 517 du SIDM
POUR LE DÉFENDEUR, le syndicat des magasiniers du Canada, section locale 514
POUR LA DÉFENDERESSE, l’Administration portuaire Vancouver Fraser
POUR LA DÉFENDERESSE, British Columbia Maritime Employers Association |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Procureur général du Canada
|
POUR LE DEMANDEUR
|
Vancouver (C.-B.)
Retail Wholesale Department Store Union of Canada (syndicat affilié SIDM) Regina (Saskatchewan)
Heenan Blaikie s.r.l. Vancouver (C.-B.)
Roper Greyell s.r.l. Vancouver (C.-B.)
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POUR LE DÉFENDEUR, le syndicat international des débardeurs et les sections locales 500, 502 et 517 du SIDM
POUR LE DÉFENDEUR, le syndicat des magasiniers du Canada, section locale 514
POUR LA DÉFENDERESSE, Administration portuaire Vancouver Fraser
POUR LA DÉFENDERESSE, British Columbia Maritime Employers Association
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