ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
Audience tenue à Montréal (Québec), le 18 novembre 2009.
Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 18 novembre 2009.
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LA JUGE TRUDEL
Dossier : A-176-09
Référence : 2009 CAF 336
CORAM : LE JUGE EN CHEF BLAIS
LE JUGE NOËL
LA JUGE TRUDEL
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
JEAN-GUY ROBERGE
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 18 novembre 2009)
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision CUB 71960 rendue le 9 février 2009 par le juge-arbitre René Hurtubise, lequel, à l’instar du conseil arbitral, a décidé que monsieur Roberge n’avait pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite au sens de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi) et qu’il n’était donc pas exclu du bénéfice des prestations. Ce faisant, il a rejeté l’appel de la Commission de l’assurance-emploi. Le défendeur n’a ni comparu, ni déposé un mémoire devant cette Cour.
[2] Monsieur Roberge occupait un poste de portier assurant ainsi l’accueil des visiteurs et la sécurité dans un immeuble résidentiel. Le 30 septembre 2007, il a été surpris, pendant son quart de travail de jour, à dormir dans un appartement modèle. Il a été congédié pour manquement à son obligation de surveillance, son employeur ayant jugé son comportement inacceptable (dossier du demandeur, dossier du juge-arbitre, à la page 41). Monsieur Roberge a admis les faits qui lui étaient reprochés, tout en présentant, au cours de sa réclamation, des explications différentes afin de justifier son geste.
[3] Le conseil arbitral a retenu de la preuve que monsieur Roberge avait dû prendre une pause en raison de son état de santé et que « malgré l’incongruité de la situation, le comportement du prestataire ne constituait pas une inconduite » aux termes de la Loi (motifs de la décision du conseil arbitral, dossier du demandeur, à la page 56). Le juge-arbitre, quant à lui, a noté que le poste de portier qu’occupait le prestataire était modeste, laissant entendre qu’il ne fallait pas attacher une trop grande importance aux conséquences du geste fautif. Puis, il a jugé que le conseil arbitral avait agi à l’intérieur du mandat qui est le sien et « usé de sa discrétion, si mince soit-elle, pour analyser la situation, à savoir le dossier et le témoignage, et apprécier la crédibilité du témoin » (décision du juge-arbitre, dossier du demandeur, à la page 8).
[4] Nous sommes d’avis que la décision du juge-arbitre comporte des erreurs de droit justifiant l’intervention de notre Cour.
[5] D’une part, « il n’appartient pas au conseil ou au juge-arbitre de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt, il leur appartient de dire si l’acte ou l’omission reproché à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi […] » (Canada (Procureur général) c. McNamara, 2007 CAF 107, au paragraphe 22).
[6] D’autre part, le juge-arbitre devait, avant de déférer l’appréciation de la preuve au conseil arbitral, s’assurer que celui-ci avait correctement appliqué le test pour décider de l’inconduite. Il ne l’a pas fait.
[7] Dans l’arrêt Mishibinijima c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 36, au paragraphe 14, notre collègue, le juge Nadon a écrit :
Il y a donc inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l'exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu'il soit congédié [voir aussi Canada (Procureur général) c. Caron, 2009 CAF 141, au paragraphe 5].
[8] Nous sommes d’avis que si le juge-arbitre avait examiné la preuve qui était devant lui à la lumière de ce test, il n’aurait pu que constater que le conseil arbitral avait commis une erreur de droit en se posant la mauvaise question. Il aurait ainsi conclu qu’il devait intervenir dans le sens recherché par la Commission.
[9] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie sans dépens, le demandeur y ayant renoncé, la décision du juge-arbitre sera annulée et l’affaire sera retournée au juge-arbitre en chef ou au juge-arbitre qu’il désignera pour qu’elle soit décidée à nouveau en tenant pour acquis que monsieur Roberge est exclu du bénéfice des prestations en raison de son inconduite.
« Johanne Trudel »
j.c.a.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-176-09
(CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE DÉCISION DU JUGE-ARBITRE RENÉ HURTUBISE, DU 9 FÉVRIER 2009, NO DU DOSSIER CUB 71960.)
INTITULÉ : Le procureur général du Canada c. Jean‑Guy Roberge
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 18 novembre 2009
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LE JUGE EN CHEF BLAIS
LE JUGE NOËL
LA JUGE TRUDEL
PRONONCÉS À L’AUDIENCE : LA JUGE TRUDEL
COMPARUTIONS :
POUR LE DEMANDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DEMANDEUR
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