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Date : 20091209

Dossier : A-426-08

Référence : 2009 CAF 361

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE du chef du Canada

intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 2 décembre 2009.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2009.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE NADON

                                                                                                                       LE JUGE PELLETIER

 


Date : 20091209

Dossier : A-426-08

Référence : 2009 CAF 361

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE du chef du Canada

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Les questions en litige

 

[1]               Le présent appel remet en question l’interprétation et l’application faites par le juge de Montigny de la Cour fédérale (juge) de la Loi autorisant le Canada à contribuer aux frais des régimes visant à fournir une assistance publique et des services de protection sociale aux personnes nécessiteuses et à leur égard, S.C. 1966-67, c. 45, L.R.C. 1985, c. C-1 (Loi). Par cette Loi, le Parlement créait le Régime d’assistance publique du Canada (RAPC). Selon l’appelante, le juge aurait commis des erreurs de droit ainsi que des erreurs de fait manifestes et dominantes dans son interprétation du droit du Québec au financement partagé des services sociaux dispensés en milieu scolaire ainsi que des services de soutien dispensés aux personnes handicapées adultes vivant en ressources résidentielles.

 

[2]               Plus spécifiquement en ce qui a trait aux services sociaux en milieu scolaire, l’appelante reproche au juge :

 

a)         de s’être mépris en décidant que le RAPC ne permet pas le partage des coûts des services sociaux provinciaux lorsque ces services ne sont pas rendus qu’aux seuls personnes démunies;

 

b)         d’avoir fait une interprétation erronée de la Loi créant le RAPC et de l’expression « services de protection sociale » que l’on retrouve à l’article 2 de cette Loi;

 

c)         d’avoir erré en fait et en droit en concluant que les services sociaux en milieu scolaire ne sont pas « des services de protection sociale » au sens de la Loi; et enfin

 

d)         de s’être aussi trompé en statuant que les services sociaux offerts au Québec en milieu scolaire entre 1973 et 1996 sont des services visés par « l’exclusion des services qui concernent uniquement ou principalement l’enseignement ».

 

[3]               Quant au deuxième volet de l’appel, soit les services sociaux dispensés à des personnes handicapées vivant en ressources résidentielles, il y aurait double méprise de la part du juge.

 

[4]               Premièrement, il se serait fourvoyé en refusant le partage des coûts lorsque les services sociaux provinciaux ne sont pas offerts qu’aux seuls démunis.

 

[5]               Deuxièmement, le juge ne pouvait conclure que les services sociaux fournis à la clientèle ci-haut décrite entrent dans la catégorie des soins en établissement pour adultes. La période en litige pour ces services est celle comprise entre 1986 et 1996.

 

La législation pertinente

 

[6]               Sont pertinents à la résolution du présent litige les articles 2, 3 et 4 de la Loi, les articles 1 à 8 du Règlement du Régime d’assistance publique du Canada, C.R.C. 1978, c. 382 et les articles 1, 2, 23 et 24 du Règlement de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le financement des programmes établis, DORS/78-587, 24 juillet 1978. Je les reproduis en annexe aux présents motifs.

 

Les faits

 

[7]               Il n’est pas nécessaire de réitérer ici l’historique du RAPC et des relations entre les parties. Le juge l’a fait abondamment dans son jugement de 107 pages répertorié sous le titre Québec (Procureur général) c. Canada, 2008 CF 713. Il suffit de relater quelques-uns des faits nécessaires à la compréhension du litige et des motifs d’appel.

 

[8]               Le recours, intenté en vertu de l’article 19 de la Loi sur les cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7, vise à obtenir un jugement déclaratoire relativement à certaines dispositions du RAPC. L’article 19 permet à la Cour fédérale d’adjuger sur un différend entre le Canada et une province lorsque cette dernière reconnaît par voie législative la compétence de cette Cour sur le sujet de la dispute.

 

[9]               Le litige prend sa source dans le refus du gouvernement fédéral d’assumer une part des coûts encourus par la province de Québec au titre de trois types de services prodigués à différentes époques de la vie du RAPC. Seuls les deux types de services déjà énumérés font l’objet de l’appel, le troisième ayant trait à ceux fournis aux jeunes délinquants entre 1979 et 1984.

 

[10]           Le RAPC fut abrogé en 1996 par l’entrée en vigueur du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (Loi sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, L.R.C. 1985, c. F-8, partie V, telle que modifiée par la Loi d’exécution du budget de 1995, L.C. 1995, c. 17). Dorénavant, la contribution du gouvernement fédéral aux coûts des régimes provinciaux d’assistance publique et des services de protection sociale allait se faire sous forme d’une subvention per capita.

 

[11]           Le RAPC permet la conclusion d’accords entre les gouvernements fédéral et provinciaux visant à partager les coûts de l’assistance publique et de différents services de protection sociale. Un accord intervint entre les deux parties le 21 août 1967. Il comprend les trois annexes suivantes :

 

Annexe A : les foyers pour soins spéciaux;

 

Annexe B : les organismes approuvés par la province et habiletés entre autres à fournir des services de protection sociale;

 

Annexe C : les lois provinciales prévoyant l’assistance publique ou des services de protection sociale à des conditions compatibles avec le RAPC.

 

 

[12]           Bien que l’action en justice de l’appelante fut introduite en 1996, ce n’est que dix (10) ans plus tard qu’il fut procédé à l’audition des parties. Celle-ci fit suite à l’échec des négociations entre les parties.

 

[13]           Une trentaine de témoins, dont dix (10) experts, furent entendus par le juge. Quelque 131 documents furent déposés en preuve. Le 6 juin 2008, le juge rendait sa décision, déboutant avec dépens l’appelante de son recours en justice.

 

Analyse de la décision et des motifs d’appel

 

[14]           Pour fin d’analyse, je regroupe les motifs a), b) et c) d’appel.

 

1)         L’erreur alléguée du juge quant au partage des coûts des services sociaux en milieu scolaire lorsque ces services ne sont pas rendus uniquement aux personnes démunies, à l’interprétation de la Loi et de la notion de « services de protection sociale » et à sa conclusion que les services sociaux offerts en milieu scolaire ne sont pas des services de protection sociale au sens de la Loi

 

 

[15]           L’appelante prétend que le juge a rejeté et refusé la notion de partage des coûts lorsque et parce que les programmes de services sociaux offerts en milieu scolaire avaient une vocation universelle et ne s’adressaient pas exclusivement aux personnes pauvres.

 

[16]           Avec respect, je crois que cette prétention de l’appelante repose sur une lecture erronée des motifs de la décision du juge.

 

[17]           Tel qu’il appert des paragraphes 44 et 56 de ses motifs, ci-après reproduits, le juge reconnaît et accepte l’existence d’un partage des coûts dans le cas d’un programme où se chevauchent une clientèle de personnes nécessiteuses, c’est-à-dire de personnes incapables de subvenir à leurs besoins, et une clientèle plus fortunée qui reçoit les mêmes services sociaux :

 

[44] Il est vrai que le RAPC prévoyait également le financement des services de protection sociale et encourageait même l’amélioration et l’élargissement de tels services. Or, ces services (qui, rappelons-le, avaient pour objet d’atténuer, de supprimer ou de prévenir les causes et les effets de la pauvreté, du manque de soins à l’égard des enfants ou de la dépendance à l’assistance publique) étaient admissibles au partage dans la mesure où ils étaient livrés à des personnes nécessiteuses ou à des « personnes qui deviendront vraisemblablement des personnes nécessiteuses ».

 

[56] Il n’est pas contesté que les seuls services dont le coût pouvait faire l’objet d’un partage étaient ceux qui étaient livrés aux personnes nécessiteuses et, dans le cas des services de protection sociale aux personnes en proximité de besoin. La preuve révèle d’ailleurs qu’un découpage était effectué, au terme d’une mécanique complexe et d’un commun accord entre les parties, pour déterminer la proportion des clientèles admissibles eu égard à chaque service dont on réclamait le partage des coûts. Sans doute s’agissait-il là d’un défi au plan opérationnel, étant donné les philosophies et les critères d’admissibilité différents du RAPC et des programmes provinciaux. Encore fallait-il que le programme lui-même soit agréé par les autorités fédérales et que la loi provinciale qui le créait figure à l’Annexe C de l’Accord pour que les coûts soient partageables, en tout ou en partie selon la nature de la clientèle. En d’autres termes, le programme mis en place par la loi provinciale devait pouvoir être assimilé à un « service de protection sociale » pour être admissible au partage. C’est à ce niveau que les deux parties divergent d’opinion.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[18]           Il ressort des motifs de la décision que le rejet par le juge de la demande d’indemnisation de l’appelante ne repose pas sur le rejet de la notion de partage des coûts, mais bien sur le fait que les services sociaux fournis en milieu scolaire ne font pas partie d’un programme de « services de protection sociale » tels que définis par le RAPC.

 

[19]           En d’autres termes, pour reprendre la définition de ces termes que l’on retrouve à l’article 2 du RAPC, le juge a conclu que les services offerts en milieu scolaire n’étaient pas des « services qui ont pour objet d’atténuer, de supprimer ou de prévenir les causes ou les effets de la pauvreté, du manque de soins à l’égard des enfants ou de la dépendance de l’assistance publique ». Aux paragraphes 56 et 63, le juge écrit :

 

[56] (in fine) Encore fallait-il que le programme lui-même soit agréé par les autorités fédérales et que la loi provinciale qui le créait figure à l’Annexe C de l’Accord pour que les coûts soient partageables, en tout ou en partie selon la nature de la clientèle. En d’autres termes, le programme mis en place par la loi provinciale devait pouvoir être assimilé à un « service de protection sociale » pour être admissible au partage.

 

[63] C’est donc manifestement à titre de mesure anti-pauvreté destinée à appuyer les régimes provinciaux visant à venir en aide à la clientèle des personnes économiquement défavorisées que le RAPC s’impose aux yeux des parlementaires. Et c’est sans doute dans cette optique générale, celle de l’atténuation, de la suppression et de la prévention des causes et des effets de la pauvreté et de la dépendance à celle-ci, qu’il faut comprendre l’inclusion, au titre des services de protection sociale, des services destinés aux enfants en manque de soins, et celle, au titre de la définition de personnes nécessiteuses, des personnes âgées de moins de 21 ans confiées aux soins ou à la surveillance d’une autorité chargée de la protection infantile ou encore des enfants dont les parents sont incapables de subvenir aux besoins et qui sont en conséquence placés dans un foyer nourricier.

 

                                                                                                                                        [Je souligne]

 

[20]           Or, il s’est dit d’avis que les services sociaux scolaires offerts mettent plutôt l’accent sur le fonctionnement socio-scolaire de l’élève à l’école, de sorte que ces services « ont un rapport étroit et agissent en complémentarité avec la mission éducative des institutions scolaires, ou, pour reprendre les termes du gouvernement du Canada, qu’ils en épousent les buts, les objectifs, la finalité et la spécificité » (voir les paragraphes 301 à 314 ainsi que 316 des motifs de la décision).

 

[21]           En somme, le juge en est venu à la conclusion qu’à la fois le programme en milieu scolaire et les services sociaux qu’il offre ne cadrent ni avec l’objectif général du RAPC, ni avec l’objectif du concept de « services de protection sociale » tel que défini dans la Loi.

 

[22]           Il suffit de s’attarder aux causes d’intervention sociale en milieu scolaire pour s’en convaincre et comprendre que celles-ci n’ont rien à voir avec la lutte à la pauvreté : l’absentéisme, la violence, la toxicomanie en milieu scolaire, l’échec scolaire et son impact psycho-social, la mésadaptation socio-affective à l’école, les difficultés d’intégration et d’adaptation scolaires de certains élèves, le milieu scolaire face aux réactions de deuil chez certains enfants, la phobie scolaire, les conflits de valeurs école-famille et les répercussions sur l’enfant, la suspension ou l’expulsion de l’élève et ses aspects psycho-sociaux, les aspects psycho-sociaux négatifs du transport scolaire, etc. (voir le Recueil condensé de l’intimée, volume 1, aux pages 128 à 131).

 

[23]           L’appelante a bien tenté de rattacher ce genre d’intervention en milieu scolaire au RAPC en soutenant qu’elle se veut une intervention préventive permettant d’éviter que la situation ne dégénère et n’aboutisse à une situation de pauvreté.

 

[24]           S’il est vrai que le RAPC permet le financement partagé d’interventions préventives à l’égard de personnes qui ne sont pas encore nécessiteuses, mais qui sont sur le point de le devenir si rien n’est fait, encore faut-il que l’intervention soit justifiée par une réelle et non une hypothétique proximité des besoins. La proximité des besoins qu’envisage le RAPC réfère à une probabilité imminente et non à une simple possibilité latente. Sinon, cela revient à dire que devient admissible au RAPC tout service de protection sociale, chaque bénéficiaire recelant toujours en lui la possibilité de sombrer un jour dans l’adversité de la pauvreté.

 

[25]           J’ajouterais que le fait qu’un organisme dispensateur de services soit inscrit dans les annexes de l’accord intervenu entre le gouvernement fédéral et celui de la province ne signifie pas que tous les services offerts par cet organisme sont nécessairement couverts par le RAPC. Il faut, pour être admissibles au partage des coûts, que ces services rencontrent les objectifs et les finalités du RAPC.

 

[26]           Le juge a procédé à une analyse minutieuse de la volumineuse preuve testimoniale et écrite produite par les parties sur la question. Il a pris bien soin d’expliquer et de justifier, tantôt son refus d’accepter une preuve, tantôt son choix d’en préférer une à une autre. L’appréciation de la preuve, de sa valeur probante et de sa suffisance relevait de sa compétence à titre de juge du procès. Elle mérite et reçoit déférence de notre part.

[27]           Avec respect, je suis d’avis que sa conclusion était amplement supportée par la preuve et que celle-ci, autant que le raisonnement et les motifs qui la soutiennent, ne sont entachés d’aucune erreur qui puisse justifier notre intervention.

 

[28]           Pour soutenir son extension du RAPC aux services en milieu scolaire, l’appelante invoque l’arrêt Finlay c. Canada (ministre des Finances), [1993] 1 R.C.S. 1080 et plus particulièrement le passage suivant qui apparaît à la page 1123 où la Cour suprême réfère au préambule de la Loi :

 

[…] le Parlement du Canada […] désire encourager l’amélioration et l’élargissement des régimes d’assistance publique et des services de protection sociale dans tout le Canada en partageant dans une plus large mesure avec les provinces les frais de ces programmes.

 

                                                                                                                     [souligné dans l’original]

 

[29]           Il ne fait pas de doute que le financement partagé des services de protection sociale selon les critères économiques du RAPC se voulait et constituait un encouragement aux provinces d’améliorer et d’étendre la protection des régimes. Mais cela ne voulait pas dire que, sans égard aux buts et objectifs du RAPC, le financement allait ou devait s’étendre aux coûts de toutes les améliorations et de toutes les extensions des régimes qui font de ceux-ci des régimes universels où les services sont fournis à partir de critères qui vont au-delà des critères économiques du RAPC. D’ailleurs, à la page 1124 de l’arrêt Finlay, le juge Sopinka s’exprimant pour la majorité reconnaît la nécessité de respecter l’objectif global du RAPC. Parlant de la Loi qui crée le RAPC, il écrit :

 

Toute ambiguïté dans le texte législatif devrait, autant que possible, être dissipée au moyen de l’interprétation qui respecte l’objectif global du RAPC.

 

 

[30]           Le juge a eu raison de ne pas évacuer de son analyse concernant l’admissibilité des services sociaux en milieu scolaire l’objectif général du RAPC, qui est la lutte contre la pauvreté, ainsi que l’objectif plus spécifique que renferme la définition de « services de protection sociale », soit « d’atténuer, de supprimer ou de prévenir les causes et les effets de la pauvreté » : voir l’article 2 de la Loi.

 

2)         L’erreur alléguée du juge quant à sa conclusion que les services sociaux offerts au Québec en milieu scolaire entre 1973 et 1996 sont des services visés par « l’exclusion des services qui concernent uniquement ou principalement l’enseignement »

 

 

[31]           Malgré la conclusion à laquelle il en était arrivé quant à l’inadmissibilité au RAPC de ces services en milieu scolaire, le juge, par souci d’exhaustivité puisque ces services ne sont pas inclus dans le programme du RAPC et y voyant là une confirmation de son approche relative à l’inadmissibilité, s’est prononcé sur le sens et la portée de la clause d’exclusion qui, je le rappelle, exclut les services qui concernent uniquement ou principalement l’enseignement.

 

[32]           Ayant approuvé sa conclusion quant à l’inadmissibilité des services en milieu scolaire, je ne crois ni utile ni nécessaire de me prononcer sur l’exclusion et, en conséquence, je m’en abstiens.

 

3)         L’erreur alléguée du juge quant à sa conclusion que les services sociaux fournis à des personnes handicapées vivant en ressources résidentielles entrent dans la catégorie des soins en établissement pour adultes

 

[33]           Amorcée au début des années 60, la désinstitutionalisation des personnes atteintes de déficiences physiques ou mentales a conduit à une relocalisation de ces personnes dans des résidences de quartier où elles bénéficient d’une plus grande autonomie et d’un rythme de vie plus normal et moins déshumanisant. Évidemment, selon la gravité de la déficience, les conditions d’hébergement, l’encadrement et les services requis et prodigués ont varié.

 

[34]           La législation québécoise, en référant à ces résidences de quartier, parle de ressources résidentielles. Sont ici en litige aux fins du financement partagé celles où des services d’assistance et de surveillance au plan résidentiel sont fournis en tout temps, c’est-à-dire 24 heures par jour, sept jours par semaine, à l’endroit où résident les bénéficiaires. Elles sont connues sous le vocable « ressources résidentielles avec assistance continue ». La clientèle est composée de personnes dont la déficience est telle qu’elles sont incapables d’assurer seules, sans compromission, leur santé et leur sécurité : voir le témoignage de M. D. Bérubé, Recueil condensé de l’intimée, volume 2, pages 161 à 170. Elles entrent dans les catégories de niveau 3 et 4, celles du niveau 4 nécessitant un encadrement encore plus intensif que celles du niveau 3, particulièrement le jour alors que deux intervenants sont requis pour trois ou quatre bénéficiaires.

 

[35]           L’intimée a refusé de défrayer les coûts réclamés de ces services au motif qu’ils étaient couverts par une autre loi fédérale et, conséquemment, que l’alinéa 5(2)c) du RAPC les excluait alors du principe du partage. Il s’agit en l’occurrence de la Loi sur les accords fiscaux de 1977, S.C. 1977, ch. 10, doublée du Règlement de 1977 sur les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces et sur le financement des programmes établis, DORS/78-587.

 

[36]           La Loi sur les accords fiscaux de 1977 finance les soins en établissements pour adultes définis comme des soins personnels et de surveillance, de l’aide pour permettre aux résidents de ces établissements d’accomplir des activités courantes, sociales et récréatives, des services d’hébergement et de nutrition ainsi que des services nécessaires à l’exploitation de l’établissement où résident les bénéficiaires.

 

[37]           Un lien juridique et opérationnel est établi entre la Loi sur les accords fiscaux de 1977 et le RAPC : les établissements pour adultes sont définis dans cette loi comme des foyers spéciaux au sens du RAPC, lequel les définit comme des « établissements de bien-être social dont le principal objet est de fournir à ses résidents des soins personnels ou infirmiers ou de les réadapter socialement » : voir l’article 2 du RAPC et le Règlement du Régime d’assistance publique du Canada, précité.

 

[38]           À la lecture des motifs de la décision du juge, je comprends qu’à partir de la nature, de l’intensité et du but des services offerts à la clientèle des ressources résidentielles avec assistance continue, il a tiré deux conclusions. Premièrement, que ces ressources résidentielles étaient des foyers spéciaux au sens du RAPC parce que les services qui y étaient dispensés correspondaient à des soins en établissement pour adultes. Deuxièmement, que ces services ne correspondaient pas à la définition de « service de protection sociale » de l’article 2 du RAPC en ce « qu’aucune preuve n’a été faite que les services offerts aux personnes handicapées ont pour objet « d’atténuer, de supprimer ou de prévenir les causes et les effets de la pauvreté, du manque de soins à l’égard des enfants ou de la dépendance de l’assistance publique » » : voir le paragraphe 406 ainsi que les paragraphes 401 à 405 et 407 à 416 des motifs de sa décision.

 

[39]           Au mieux l’une et l’autre de ces conclusions sont des conclusions mixtes de fait et de droit en ce que le juge a pris des conclusions de fait et leur a appliqué les définitions législatives.

 

[40]           Or, ses conclusions de fait sont étayées par une preuve abondante et ne comportent pas d’erreurs manifestes et dominantes. Il en va de même pour l’application qu’il a faite des concepts juridiques en cause, sa compréhension de ces concepts ne révélant pas d’erreurs de droit qui soit nous permettraient, soit nous justifieraient d’intervenir.

 

Conclusion

 

[41]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

            M. Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 

 













 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-426-08

 

 

INTITULÉ :                                                   LA PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

                                                                        c. SA MAJESTÉ LA REINE du chef du Canada

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 2 décembre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NADON

                                                                        LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 9 décembre 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Dominique Rousseau

Me Mélanie Paradis

 

POUR L’APPELANTE

 

Me René Leblanc

Me Yannick Landry

Me Guy A. Blouin

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chamberland, Gagnon

Québec (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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