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Federal Court of Appeal |
ENTRE :
et
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
Audience tenue à Toronto (Ontario), le 8 décembre 2009
Jugement prononcé à l’audience, à Toronto (Ontario), le 8 décembre 2009
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR : LA JUGE SHARLOW
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Federal Court of Appeal |
Date : 20091208
Dossier : A-525-08
Référence : 2009 CAF 362
CORAM : LE JUGE SEXTON
LE JUGE EVANS
LA JUGE SHARLOW
ENTRE :
WILLIAM SHAWN DAVITT
appelant
et
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
(prononcés à l’audience, à Toronto (Ontario), le 8 décembre 2009)
[1] M. Davitt interjette appel d’une ordonnance par laquelle le juge Webb de la Cour canadienne de l’impôt a fait droit à la requête présentée par Sa Majesté en vue de faire radier l’avis d’appel déposé par M. Davitt en application de l’article 103 de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23, ainsi qu’un avis d’appel analogue déposé par M. Davitt en vertu de l’article 28 du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8. Le juge Webb a conclu que la Cour de l’impôt ne pouvait connaître de ces appels. M. Davitt interjette maintenant appel devant notre Cour. Il soutient que la décision du juge Webb est erronée en droit et qu’elle soulève une crainte raisonnable de partialité.
[2] Il convient d’examiner en premier lieu l’allégation formulée par M. Davitt au sujet de la crainte raisonnable de partialité. À notre avis, cette allégation repose essentiellement sur le fait que M. Davitt n’est pas d’accord avec le raisonnement et les conclusions du juge Webb et sur le fait que la Cour de l’impôt n’a presque jamais fait droit à une contestation fondée sur la Charte. Ce ne sont pas là des motifs valables à l’appui d’une allégation de crainte raisonnable de partialité.
[3] Sur le fond, nous constatons que, dans ses appels à la Cour de l’impôt, M. Davitt réclamait une ordonnance le dispensant de l’obligation de payer des cotisations d’assurance‑emploi et des cotisations au Régime de pensions du Canada au motif que les dispositions législatives lui imposant l’obligation de les payer (1) étaient discriminatoires envers lui du fait de son âge, en violation du paragraphe 15(1) de la Charte, (2) étaient ultra vires, (3) constituaient des cotisations excessives et étaient exigées afin d’encourager l’inconduite criminelle du gouvernement du Canada.
[4] Les appels de M. Davitt n’étaient pas fondés sur l’allégation qu’il n’exerçait pas un emploi assurable ou un emploi ouvrant droit à pension, ou encore que les cotisations d’assurance-emploi et les cotisations au Régime de pensions du Canada qu’il était obligé de payer avaient été mal calculées ou qu’elles avaient été établies sur le fondement d’une interprétation inexacte de la loi ou d’une mauvaise interprétation des faits pertinents. M. Davitt a plutôt fait valoir des moyens tirés de la Constitution pour soutenir qu’on ne peut légalement l’obliger à payer quelque cotisation d’assurance-emploi ou cotisation au Régime de pensions du Canada que ce soit. Le juge Webb a qualifié les deux appels essentiellement de contestations des taux de cotisation. M. Davitt n’est pas d’accord avec cette qualification. Nous constatons toutefois que c’est bien ainsi qu’il a formulé au départ ses griefs lorsqu’il a réclamé une décision sur la question.
[5] Les régimes législatifs en vertu desquels M. Davitt a interjeté appel devant la Cour canadienne de l’impôt ont été créés dans le but de permettre de contester des décisions en particulier prises par le ministre du Revenu national dans le cadre du mandat limité que lui confèrent la Loi sur l’assurance-emploi et le Régime de pensions du Canada, et qui consiste à calculer et à percevoir les sommes payables sous forme de cotisations d’assurance-emploi et de cotisations au Régime de pensions du Canada.
[6] Le paragraphe 90(1) de la Loi sur l’assurance-emploi permet à la Commission de l’assurance-emploi du Canada, de même qu’à tout employé, employeur ou personne prétendant être l’un ou l’autre, de demander à un fonctionnaire de l’Agence du revenu du Canada autorisé par le ministre de rendre une décision sur toute question énumérée aux alinéas 90(1)a) à i), qui sont ainsi libellés :
90. (1) […] a) le fait qu’un emploi est assurable;
b) la détermination de la durée d’un emploi assurable, y compris ses dates de début et de fin; c) la détermination de la rémunération assurable; d) la détermination du nombre d’heures exercées dans le cadre d’un emploi assurable; e) l’existence de l’obligation de verser une cotisation; f) la détermination du montant des cotisations à verser; g) l’identité de l’employeur d’un assuré; h) le fait qu’un employeur est un employeur associé; i) le montant du remboursement prévu à l’un ou l’autre des paragraphes 96(4) à (10). |
90. (1) … a) whether an employment is insurable; (b) how long an insurable employment lasts, including the dates on which it begins and ends; (c) what is the amount of any insurable earnings; (d) how many hours an insured person has had in insurable employment;
(g) who is the employer of an insured person; (h) whether employers are associated employers; and (i) what amount shall be refunded under subsections 96(4) to (10). |
[7] L’article 91 de la Loi sur l’assurance-emploi permet d’interjeter appel de toute décision rendue en vertu de l’article 90 devant le ministre du Revenu national. L’article 103 de la Loi sur l’assurance-emploi permet de porter en appel à la Cour canadienne de l’impôt la décision prise par le ministre en vertu de l’article 91. L’appel interjeté à la Cour canadienne de l’impôt en vertu de l’article 103 se limite donc aux questions visées aux alinéas 90(1)a) à i). La validité des dispositions législatives aux termes desquelles M. Davitt était obligé de verser des cotisations d’assurance-emploi ne fait pas partie, expressément ou implicitement, de ces questions, pas plus que le taux de cotisation. Nous rejetons l’argument de M. Davitt suivant lequel l’alinéa 90(1)f) devrait être interprété de façon large de manière à englober ces questions. Nous sommes d’accord avec Sa Majesté pour dire que l’alinéa 90(1)f) vise la contestation de l’exactitude du résultat arithmétique du calcul de la cotisation à payer, ce qui comprend la question de savoir si l’on a utilisé le bon taux de cotisation, si l’on a retenu le bon montant de rémunération assurable ou si les calculs sont exacts.
[8] On peut dire la même chose des dispositions pertinentes du Régime de pensions du Canada. Aux termes du paragraphe 26.1(1) du Régime de pensions du Canada, le ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, de même que tout employeur ou employé, ou toute personne prétendant être l’un ou l’autre, peut demander à un fonctionnaire de l’Agence revenu du Canada autorisé par le ministre du Revenu national de rendre une décision sur l’une ou l’autre des questions énumérées aux alinéas 26.1(1)a) à f). Ces dispositions sont ainsi libellées :
26.1 (1) […] a) le fait qu’un emploi est un emploi ouvrant ou non droit à pension; b) la détermination de la durée d’un emploi, y compris ses dates de début et de fin; c) la détermination du montant des gains obtenus au titre d’un emploi ouvrant droit à pension; d) l’obligation ou non de verser une cotisation; e) la détermination du montant des cotisations à verser; f) l’identité de l’employeur d’un employé qui occupe un emploi ouvrant droit à pension. |
26.1 (1) … (a) whether an employment is pensionable; (b) how long an employment lasts, including the dates on which it begins and ends; (c) what is the amount of any earnings from pensionable employment;
(f) who is the employer of a person in pensionable employment. |
[9] L’article 27 du Régime de pensions du Canada permet de porter la décision prévue à l’article 26.1 en appel devant le ministre du Revenu national. L’article 28 du Régime de pensions du Canada permet d’interjeter devant la Cour canadienne de l’impôt de la décision prise par le ministre en vertu de l’article 27. Ici aussi, l’appel interjeté à la Cour canadienne de l’impôt en vertu de l’article 28 se limite aux questions visées aux alinéas 26.1(1)a) à f). Et ici aussi, la validité des dispositions législatives qui obligeaient M. Davitt à cotiser au Régime de pensions du Canada ne fait pas partie, expressément ou implicitement, de ces questions, pas plus que le taux de cotisation. Nous rejetons l’argument de M. Davitt suivant lequel l’alinéa 26.1(1)e) devrait être interprété de façon large de manière à englober ces questions. Nous sommes d’accord avec Sa Majesté pour dire que l’alinéa 26.1(1)e) vise la contestation de l’exactitude du résultat arithmétique du calcul de la cotisation à payer.
[10] Cela ne veut pas dire qu’on ne peut jamais contester la constitutionnalité des dispositions législatives exigeant le paiement de cotisations d’assurance-emploi ou de cotisations au Régime de pensions du Canada ou encore que la Cour canadienne de l’impôt n’a jamais compétence pour examiner une contestation constitutionnelle (voir, par exemple, l’arrêt Campbell c. Canada, 2005 CAF 420). La difficulté réside ici dans le fait que M. Davitt n’a choisi ni la bonne procédure ni le bon tribunal.
[11] L’appel sera rejeté avec dépens.
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-525-08
(APPEL D’UNE ORDONNANCE RENDUE LE 18 SEPTEMBRE 2008 PAR LE JUGE WEBB DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT DANS LES DOSSIERS 2008‑1344 (EI) ET 2008-1345 (CPP) DE LA COUR DE L’IMPÔT)
INTITULÉ : WILLIAM SHAWN DAVITT c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 8 DÉCEMBRE 2009
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR (LES JUGES SEXTON, EVANS et SHARLOW)
PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR : LA JUGE SHARLOW
COMPARUTIONS :
L’APPELANT, AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE
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POUR L’INTIMÉ |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Toronto (Ontario) |
L’APPELANT, AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE
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Sous-procureur général du Canada |
POUR L’INTIMÉ |