ENTRE :
et
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 8 septembre 2009.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 10 décembre 2009.
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE TRUDEL
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EN CHEF BLAIS
LE JUGE NOËL
Dossier : A-432-08
Référence : 2009 CAF 367
CORAM : LE JUGE EN CHEF BLAIS
LE JUGE NOËL
LA JUGE TRUDEL
ENTRE :
L. PILETTE
appelante
et
SA MAJESTÉ LA REINE
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
Introduction
[1] Madame Pilette se pourvoit en appel d’un jugement de la juge Lamarre Proulx (la juge) de la Cour canadienne de l’impôt portant sur le crédit pour personne entièrement à charge prévu à l’alinéa 118(1)b) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.) (la Loi), (2008 CCI 336, 6 juin 2008).
[2] La question constitutionnelle que l’appelante nous invite à trancher, en l’espèce, est celle de savoir si la division 118(1)b)(ii)(D) de la Loi viole le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11 (la Charte) aux motifs qu’elle établit une distinction (a) fondée sur l’âge relativement au crédit d’impôt pour la personne entièrement à charge (le Cipec) et aussi (b) fondée sur la situation familiale et économique de l’appelante qui, au moment pertinent, vivait seule avec sa fille de plus de dix-huit ans, laquelle n’est atteinte d’aucune infirmité mentale ou physique.
[3] Je suis d’avis, en l’instance, que cette question doit recevoir une réponse négative. Par conséquent, l’appelante n’a pas droit au Cipec qui lui a été refusé par le ministre du Revenu (le ministre) pour l’année d’imposition 2005.
Législation
[4] Afin de bien saisir la position de l’appelante, je reproduis, en annexe, l’alinéa 118(1)b) de la Loi (en vigueur au moment pertinent), lequel traite de divers crédits d’impôt personnels. Les conditions selon lesquelles ces crédits sont alloués varient, entre autres, selon la situation personnelle du particulier et le fait qu’il ait des enfants ou des personnes handicapées à charge, et l’âge de ceux-ci. Ces variations sont au cœur de l’argumentaire de l’appelante qui se réclame d’une combinaison de motifs pour plaider discrimination.
[5] Le texte législatif permet de constater que le crédit recherché par l’appelante est offert à la personne qui satisfait aux conditions suivantes : être célibataire, divorcée, séparée ou veuve et maintenir seule, ou avec d’autres personnes, un établissement domestique autonome où elle vit et subvient réellement aux besoins d’une tierce personne. Cette tierce personne doit résider au Canada (sauf s’il s’agit de l’enfant du particulier), être liée au particulier, être âgée de moins de dix-huit ans, ou être le père, la mère, le grand-père ou la grand-mère du particulier, ou être atteinte d’une infirmité physique ou mentale.
Les faits pertinents
[6] En 2005, l’appelante ne rencontrait que les conditions relatives à la situation familiale et au logement puisque sa fille avait plus de dix-huit ans, étant née le 10 juin 1986, et qu’elle ne souffrait d’aucune infirmité physique ou mentale. Ces faits ne sont pas contestés.
[7] Le paragraphe 118(1) fait état de la formule applicable pour calculer le montant personnel de base, le montant pour conjoint (118(1)a)) et le montant pour personne à charge 118(1)b) (équivalent du crédit pour conjoint). La formule de calcul est semblable sous l’un et l’autre des alinéas. Le montant admissible au crédit correspondra au montant du crédit d’impôt personnel de base moins le revenu net du conjoint ou de la personne à charge pour la période admissible.
La thèse de l’appelante
[8] Selon l’appelante, cette formule de calcul place sur un pied d’égalité tous les contribuables, mariés ou pas, qui sont des soutiens de famille financiers. Selon sa thèse, ce serait la seule règle normative qui échappe à un examen de la disposition sous l’article 15 de la Charte.
[9] Par conséquent, l’exclusion que le ministre lui oppose, la seule exception, dit-elle, à cette règle générale, crée une distinction discriminatoire contraire à la Charte. La discrimination alléguée, selon l’appelante, a comme cause un motif énuméré à l’article 15 de la Charte, soit l’âge de la personne entièrement à charge. De plus, poursuit-elle, cette exclusion a pour objet la situation familiale des contribuables vivant seuls avec un jeune adulte de plus de dix-huit ans, soit un objet formant une catégorie analogue de motifs de discrimination.
[10] L’essence même de l’argumentaire de l’appelante se trouve aux paragraphes 29 à 31 de son mémoire :
29. L’appelante soumet à l’attention du tribunal que l’exclusion en litige crée deux catégories de contribuables soutiens de famille : les conjoints, qui méritent à vie de bénéficier d’un allégement de leur fardeau fiscal, sans égard à l’âge de leur dépendant principal voire unique, et les soutiens de famille monoparentale, qui méritent ou non de bénéficier d’un allégement de leur fardeau fiscal, selon l’âge de leur dépendant.
30. À revenu égal, un soutien de famille vivant avec une conjointe de trente ou quarante ans a accès à un crédit d’impôt majeur tandis qu’un soutien de famille vivant avec sa jeune étudiante de dix-huit ans n’y a pas droit. Cette exclusion de l’allégement du fardeau fiscal est le fruit de stéréotypes vexatoires qui portent atteinte à la dignité du groupe des familles ayant comme seul soutien financier un parent unique.
[…]
31. L’exclusion en litige contredit le critère du par. 118(1), rationnel et bien adapté, de la soustraction du revenu réel de la personne à charge ; de plus, elle contredit le droit civil en vigueur, du moins dans la province où réside l’appelante au moment des faits. Si le droit fédéral peut définir des paramètres fiscaux, une interprétation constitutionnelle de ses règles ne peut comporter d’empiètement sur le droit civil. Ainsi que l’appelante l’a fait observer en Cour canadienne de l’impôt, l’obligation alimentaire du parent, en droit civil, n’est ni réservée au bénéfice des mineurs ni inférieure à celle des conjoints. Le Code civil comme le régime législatif d’aide financière aux études contredisent un semblable préjugé.
[11] L’affirmation de l’appelante revient à dire que tant qu’elle est seule à subvenir réellement aux besoins de sa fille, peu importe l’âge et l’état de santé physique ou mentale de celle-ci, elle a droit au Cipec. Peu importe, en l’espèce, que c’était le choix de l’appelante de subvenir aux besoins alimentaires de sa fille à qui elle avait demandé, en échange, de se concentrer sur ses études et de s’occuper uniquement des travaux ménagers relatifs à l’établissement domestique commun (dossier d’appel, aux pages 6-7) sans chercher, en plus, à occuper un emploi à temps partiel (dossier d’appel, transcription de l’audition devant la Cour canadienne de l’impôt, à la page 92).
[12] Enfin, selon l’appelante, l’exclusion ne peut être justifiée en raison de l’article 1 de la Charte. Selon elle, rien dans la preuve de l’intimée ne vient expliquer les objectifs poursuivis par la législation « en édictant l’exclusion en litige, et encore moins en quoi cette exclusion serait proportionnée à un objectif urgent » (mémoire de l’appelante, au paragraphe 49).
La thèse de l’intimée
[13] L’intimée soutient que la juge n’a commis aucune erreur révisable en concluant que l’appelante n’avait pas fait la preuve de discrimination fondée sur les motifs analogues choisis en l’espèce. Au cas contraire, la discrimination en raison de ces motifs serait justifiée sous l’article 1 de la Charte.
[14] L’intimée prétend que la distinction fondée sur la situation familiale n’est pas un motif analogue. De plus, le crédit prévu à l’alinéa 118(1)b) ne peut non plus être réclamé par les personnes mariées ou conjoints de fait vivant ensemble. La juge n’a pas commis d’erreur manifeste et dominante lorsqu’elle a conclu que l’appelante n’a pas démontré que la situation économique des familles monoparentales est homogène relativement à un groupe vulnérable. Bien que l’intimée estime que l’analyse peut s’arrêter là, selon elle, la distinction prévue par l’alinéa 118(1)b) de la Loi ne crée pas un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application des stéréotypes (mémoire de l’intimée, aux paragraphes 30 et 31-40).
[15] Par ailleurs, l’intimée accepte que l’âge par association soit une distinction fondée sur un motif analogue, quoi que ce motif n’ait jamais été reconnu de façon générale. Toutefois, selon l’intimée, l’appelante n’a pas réussi à démontrer que les jeunes de plus de dix-huit ans constituent un groupe historiquement désavantagé par la perpétuation d’un préjugé ou l’application de stéréotypes (ibid., aux paragraphes 52-54, 58 et 62).
La décision de la Cour canadienne de l’impôt
[16] La juge a rejeté les prétentions de l’appelante, d’où le présent pourvoi. Bien que j’accepte le dispositif du jugement sous appel, mes motifs sont en partie différents de ceux qui soutiennent celui-ci. En conséquence, je traiterai des motifs de la juge dans le cadre de mon analyse. En effet, je propose de rejeter cet appel en concluant que l’avantage recherché par l’appelante n’en est pas un qui est prévu par la Loi et que le paragraphe 15(1) de la Charte n’est donc pas enfreint. Bref, j’entends examiner le présent pourvoi à la lumière de l’affaire Auton (Tutrice à l’instance de) c. Colombie-Britannique (Procureur général), [2004] 3 R.C.S. 657 [Auton] et de l’arrêt Ali c. Canada, 2008 CAF 190 [Ali] rendu postérieurement.
La norme de contrôle
[17] Une question de constitutionnalité exige la norme de la décision correcte, alors que l’application du paragraphe 15(1) de la Charte aux faits d’une espèce est assujettie à la norme de l'erreur manifeste et dominante. Les conclusions de la juge portant sur la preuve retenue par cette dernière seront donc assujetties à cette dernière norme (Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 8, 10 et 26).
Analyse
[18] Le paragraphe 15(1) de la Charte « … vise à empêcher les distinctions discriminatoires ayant un effet négatif sur les membres des groupes caractérisés par les motifs énumérés à l’article 15 ou par des motifs analogues » (R. c. Kapp, 2008 CSC 41, [2008] 2 R.C.S. 483 [Kapp], au paragraphe 16). [Je souligne]
[19] Il s’ensuit, tel que l’a rappelé la juge, que toute distinction n’est pas discriminatoire (motifs du jugement, au paragraphe 25). Dans l’affaire Thibaudeau c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 627 au paragraphe 91, le juge Gonthier a rappelé que « … l’essence même de la [Loi] est de faire des distinctions de manière à générer des revenus pour l’État tout en composant de façon équitable avec un ensemble d’intérêts forcément divergents ».
[20] De plus, le paragraphe 15(1) de la Charte ne sera pas enfreint si l’avantage recherché n’est accordé à personne (Auton et Ali, supra). À cet égard, les propos de la juge en chef McLachlin dans l’affaire Auton sont pertinents :
41 Il n'est pas loisible au Parlement ou à une législature d'adopter une loi dont les objectifs de politique générale et les dispositions imposent à un groupe défavorisé un traitement moins favorable : Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203. Par contre, la décision du législateur de ne pas accorder un avantage en particulier, lorsque l'existence d'un objectif, d'une politique ou d'un effet discriminatoire n'est pas établie, ne contrevient pas à ce principe ni ne justifie un examen fondé sur le par. 15(1). Notre Cour a conclu à maintes reprises que le législateur n'a pas l'obligation de créer un avantage en particulier, qu'il peut financer les programmes sociaux de son choix pour des raisons de politique générale, à condition que l'avantage offert ne soit pas lui-même conféré d'une manière discriminatoire : Granovsky c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703, 2000 CSC 28, par. 61; Nouvelle-Écosse (Procureur général) c. Walsh, [2002] 4 R.C.S. 325, 2002 CSC 83, par. 55; Hodge, précité, par. 16.
[Je souligne]
[21] Tel que l’a affirmé mon collègue Ryer, j.c.a. dans l’arrêt Ali:
14. Il ressort de cet extrait tiré de l'arrêt Auton que la décision du législateur d'accorder un avantage particulier en vertu du texte de loi à l'étude peut permettre de soutenir valablement que le paragraphe 15(1) de la Charte a été violé. Le paragraphe 42 de l'arrêt Auton nous informe que cette violation peut survenir si le texte de loi établit une discrimination directe par l'adoption d'une politique discriminatoire ou une discrimination indirecte par son effet. À propos de la discrimination qui résulte de l'effet, laquelle est plus difficile à cerner, la Cour suprême du Canada a affirmé, dans ce même paragraphe, que la non-inclusion d'un avantage ne sera vraisemblablement pas discriminatoire si elle est compatible avec l'objectif et l'économie du régime législatif visé.
[Je souligne]
[22] En l’instance, qu’en est-il de l’application des faits aux principes qui se dégagent de l’affaire Auton et de l’arrêt Ali ? Pour répondre à cette question, j’examine tout d’abord le premier motif analogue choisi par l’appelante, soit l’âge.
L’âge
[23] L’appelante, je le répète, allègue que la distinction fondée sur l’âge de sa fille est un motif énuméré (mémoire de l’appelante, au paragraphe 22), alors que l’intimée concède qu’il s’agit d’un motif analogue au sens du paragraphe 15(1), puisque « ce n’est pas l’âge de l’appelante qui est en cause mais plutôt celui de la personne à charge […] » (mémoire de l’intimée, aux paragraphes 49 et 51).
[24] Pour les fins de cet appel, il n’est pas nécessaire que je tranche ce différend. Néanmoins, je tiens à mentionner que l’intimée n’aurait pu s’attendre à ce que cette Cour prenne tout simplement acte de son acquiescement à la reconnaissance d’un nouveau motif analogue, soit « l’âge par association », sans autre démonstration juridique.
[25] Aucun particulier, indépendamment de la situation familiale, n’a droit à un crédit d’impôt pour enfant à charge de dix-huit ans et plus ne souffrant d’aucune infirmité physique ou mentale. Pourtant, c’est cet avantage que l’appelante recherche.
[26] Je reconnais que les parties ne favorisent pas l’approche Auton ou Ali, mais elles ne m’ont pas convaincue de leurs arguments au contraire. Plus particulièrement, il me semble que les parties se font une fausse idée de la portée de l’arrêt Ali. Ali énonce clairement et simplement qu’en l’absence de discrimination directe ou indirecte, la décision du législateur de ne pas accorder un avantage particulier (Auton, ibid.) ne déclenche pas le droit à l’égalité de l’article 15. C’était là, d’ailleurs, l’enseignement de l’affaire Auton dans laquelle la Cour suprême nous a rappelé que « le rôle précis du paragraphe 15(1) dans la poursuite de l’objectif d’égalité est de veiller à ce que le gouvernement qui décide d’accorder un avantage ou d’imposer une obligation le fasse de façon non discriminatoire. La demande fondée sur le paragraphe 15(1) ne peut donc viser qu’un avantage ou une obligation prévus par la loi » (Auton, au paragraphe 28).
[27] Selon les parties, ce test ne peut s’appliquer en l’instance puisqu’à la différence des affaires Auton et Ali, la Loi crée clairement « une distinction fondée sur les motifs de discrimination allégués, soit la situation familiale et l’âge de l’enfant à charge » (arguments de l’intimée, 2 octobre 2009, à la page 3 ; représentations de l’appelante sur l’arrêt Ali et Markel c. R., 7 octobre 2009, au paragraphe 1), ce qui fait dire à l’intimée que la « discrimination résultant de l’effet de la loi » ne se pose même pas en l’espèce (ibid., au paragraphe 7).
[28] Je ne crois pas qu’il y ait lieu de réduire la portée d’Auton en regard des faits spécifiques du présent dossier. Dans Auton, la Cour suprême se penchait sur un régime législatif qui assurait le financement d’un certain nombre de programmes destinés aux enfants autistes, à l’exclusion du financement de la thérapie ABA/ICI pour tous les enfants autistes âgés de trois à six ans en raison notamment de compressions budgétaires et du caractère nouveau et controversé de cette thérapie. La Cour suprême a rejeté l’argument de discrimination aux motifs que l’exclusion était « une caractéristique prévisible du régime législatif » (Auton, au paragraphe 43) et qu’il n’avait pas été prouvé que le gouvernement avait « exclu les enfants autistes sur le fondement de leur déficience » (Auton, au paragraphe 3).
[29] Dans Ali, notre Cour se penchait sur l’effet du régime de la Loi en matière de crédit d’impôt pour l’achat de médicaments prescrits sur ordonnance d’un médecin ou d’un dentiste ou enregistrés par un pharmacien, ce qui excluait les frais engagés pour l’achat de médicaments naturels suggérés par un naturopathe.
[30] De la même façon, notre Cour se penche ici sur l’effet du régime de la Loi en matière de crédit d’impôt pour personne à charge, lequel exclut l’enfant à charge de dix-huit ans et plus qui ne souffre d’aucune déficience mentale ou physique. Je ne vois pas en quoi cette séquence factuelle est à l’abri de la démarche analytique proposée dans Auton. Nous pouvons aussi nous demander si le régime législatif est discriminatoire dans la mesure où il accorde un avantage à certains groupes tout en le refusant pour certaines personnes (voir Auton, au paragraphe 39). Pour en arriver à cette détermination, nous pouvons aussi examiner la disposition attaquée afin d’y déceler soit un objectif discriminatoire (discrimination directe), soit un effet discriminatoire (discrimination indirecte).
[31] C’est l’exercice auquel je m’astreins. Dans la mesure où je ne décèlerai aucune discrimination, il ne sera pas nécessaire de procéder à une analyse sous l’article 15 (Auton, au paragraphe 41).
[32] La division 118(1)b)(ii)(D) n’exclut pas systématiquement tous les enfants à charge de dix-huit ans et plus, mais seulement ceux et celles qui ne souffrent d’aucune infirmité physique ou mentale et ce, sans égard à la situation familiale du ou des parents dont ils sont à charge.
[33] Cette distinction en fonction de l’âge est l’une de ces nombreuses distinctions retrouvées à la Loi dont :
· l’article 63 : la déduction pour frais de garde d’enfant relatifs à des enfants de moins de seize ans ;
· l’alinéa 118(1)b.1) : le crédit d’impôt pour enfants de moins de dix-huit ans ;
· l’alinéa 118(1)c.1) : le crédit aux aidants naturels, pour lequel la personne a atteint soit l’âge de dix-huit ans soit l’âge de soixante-cinq ans ;
· l’alinéa 118(1)d) : le crédit pour personnes à charge de plus de dix-huit ans ;
· le paragraphe 118(2) : le crédit pour personnes âgées de soixante-cinq ans ou plus ;
· le paragraphe 118.01(2) : le crédit pour dépenses d’adoption, pour lequel un « enfant admissible » est un enfant qui n’a pas atteint l’âge de dix-huit ans ;
· le paragraphe 118.02(2) : le crédit d’impôt pour laissez-passer de transport, pour lequel un enfant du particulier, âgé de moins de dix-neuf ans à la fin de l’année, est considéré comme un « proche admissible » ;
· le paragraphe 118.03(2) : le crédit pour la condition physique des enfants de moins de 16 ans, ou de moins de dix-huit ans si le crédit pour déficience mentale ou physique est réclamé sous l’article 118.3 ;
· l’article 122.6 : la prestation fiscale canadienne pour enfants, pour laquelle une « personne à charge admissible » est âgée de moins de dix-huit ans ;
· l’article 122.7 : la prestation fiscale pour le revenu du travail, pour laquelle un « particulier admissible » est âgé de dix-neuf ans ou plus et une « personne à charge admissible » est âgée de moins de dix-neuf ans.
[34] L’appelante allègue que l’exclusion en question résulte d’une « opinion du législateur fédéral pour qui l’âge de la majorité légale irait automatiquement de pair avec l’autonomie financière » (mémoire de l’appelante, au paragraphe 26).
[35] Mais plusieurs autres lois fédérales fixent à dix-huit ans l’exercice de droits, tels le droit de voter (Loi électorale du Canada, L.C. 2000, c. 9, l’article 3) et le droit de contribuer à un fonds de pension (Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, c. C-8, l’article 12). Le paragraphe 5.1(2) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, c. C-29 prévoit que le ministre attribue, sur demande, la citoyenneté à la personne adoptée par un citoyen le 1er janvier 1947 ou subséquemment lorsqu’elle était âgée de dix-huit ans ou plus. Le paragraphe 8(1) de la Loi sur le tabac, L.C. 1997, c. 13 prévoit qu’il est interdit, dans des lieux publics ou dans des lieux où le public a normalement accès, de fournir des produits du tabac à un jeune, soit une personne âgée de moins de dix-huit ans.
[36] De plus, la non-inclusion de l’avantage recherché est compatible avec l’objectif et l’économie de la loi contestée (voir Ali, supra, au paragraphe 16). Au sujet du régime législatif de la Loi, la juge de la Cour canadienne de l’impôt a fait référence à la remarque préliminaire de la juge Tremblay-Lamer au paragraphe 29 de la décision Mercier :
Il convient, à ce stade-ci, de s'attarder aux spécificités de la Loi de l'impôt sur le revenu. Au moment de déterminer si cette disposition établit une distinction, il me faudra avoir à l'esprit la nature particulière de cette Loi et des régimes de crédits personnels qu'elle prévoit. La Cour suprême du Canada souligne en effet, dans l'arrêt Thibaudeau ([1995] 2 R.C.S. 627, p. 702), qu'il est de l'essence même de la Loi de l'impôt sur le revenu de faire des distinctions de manière à générer des revenus pour l'État tout en composant de façon équitable avec un ensemble d'intérêts forcément divergents.
[37] Le régime législatif en cause en l’espèce résulte de la réforme fiscale de 1987, qui a été décrite dans le Livre blanc : réforme fiscale 1987 du 18 juin 1987, du ministre des Finances, Michael H. Wilson, comme suit :
Un crédit de $850 remplacera également l’actuelle exemption équivalente à l’exemption de personne mariée, mais il ne pourrait être réclamé qu’à l’égard d’un parent ou grand-parent du contribuable, d’une personne liée au contribuable qui est infirme ou d’une personne à charge de moins de 18 ans. Cette dernière prescription est conforme à l’élimination de l’exemption au titre des enfants à charge de 18 ans et tient compte du fait que la majorité est désormais atteinte à 18 ans.
[Je souligne]
[38] Tel qu’on le lit au paragraphe 46 de Canada c. Mercier (1re inst.), [1997] 1 C.F. 560, par la même occasion, le législateur a choisi :
… [de] rendre le système plus cohérent et de l'harmoniser avec d'autres dispositions de la loi pour éviter, par exemple, de considérer une personne comme autonome en vertu de certaines dispositions de la loi mais comme personne à charge aux fins d'autres dispositions. La réforme a voulu accorder un allégement fiscal aux contribuables ayant à charge des personnes dont les capacités sont réduites soit les mineurs, les adultes qui souffrent d'une infirmité, mentale ou physique, et les ascendants.
[39] Effectivement, la réforme fiscale de 1987 fut conçue de manière à répondre à cinq grands objectifs : équité, compétitivité, simplicité, cohérence et fiabilité (cahier des lois, règlements, jurisprudence et doctrine de l’intimée, volume 2, onglet C). Dans cette veine, l’exemption au titre des enfants à charge de dix-huit ans et plus fut éliminée en tenant compte du fait que la majorité était atteinte à dix-huit ans (Livre blanc : réforme fiscale 1987, cahier des lois, règlements, jurisprudence et doctrine de l’intimée, volume 2, onglet C; motifs au paragraphe 26).
[40] Par conséquent, je conclus que la décision législative de ne pas étendre le crédit dans le présent contexte n’est pas discriminatoire.
[41] C’était d’ailleurs la conclusion de la juge et bien qu’elle n’ait procédé ni à l’analyse structurée que commande généralement une allégation de discrimination sous l’article 15 de la Charte au sens de Kapp et Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143, ni à une analyse sous Auton, une lecture attentive de ses motifs me convainc qu’elle avait à l’esprit les principes applicables en la matière et qu’elle n’a pas commis d’erreur manifeste ou dominante dans l’application de ces principes aux faits de l’espèce.
[42] Par ailleurs, même en adoptant l’approche suggérée par les parties, les arguments de l’appelante quant à l’âge devraient être rejetés puisque je n’ai pas été convaincue que la juge avait commis une erreur manifeste et dominante en concluant « Je … suis loin de penser que les jeunes de dix-huit ans et plus demeurant à la charge de leurs parents soient un groupe souffrant de préjugés sociaux et que ces préjugés seraient à l’origine de la disposition en cause » (motifs, au paragraphe 26). La preuve au dossier permettait à la juge de conclure que la distinction sous étude pour les enfants à charge de plus de dix-huit ans en santé n’était pas incompatible avec l’objectif et l’économie de la Loi.
La situation familiale
[43] Quant à ce motif, la juge a également déterminé que l’appelante ne s’était pas déchargée de son fardeau. À la lumière de la preuve reçue, la juge a conclu que les revenus de la famille monoparentale « peuvent être fort divergents » et qu’il « ne s’agit pas d’une situation économique homogène relative à un groupe vulnérable » (motifs, au paragraphe 27). Encore une fois, je n’ai pas été convaincue qu’elle avait commis une erreur manifeste et dominante en concluant comme elle l’a fait.
Conclusion
[44] En conséquence, je rejetterais cet appel avec dépens.
« Je suis d’accord.
Pierre Blais j.c.
« Je suis d’accord.
Marc Noël j.c.a. »
ANNEXE
(Repris du cahier des lois, règlements, jurisprudence et doctrine de l’intimée,
Volume 1, onglet A)
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-432-08
INTITULÉ : L. Pilette c. Sa Majesté la Reine
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa, Ontario
DATE DE L’AUDIENCE : 8 septembre 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE TRUDEL
Y ONT SOUSCRIT : LE JUGE EN CHEF BLAIS
LE JUGE NOËL
DATE DES MOTIFS : 10 décembre 2009
COMPARUTIONS :
SE REPRÉSENTE ELLE-MÊME
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POUR L’INTIMÉE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous-procureur général du Canada |
POUR L’INTIMÉE |