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Date : 20091217

Dossier : A-219-09

Référence : 2009 CAF 373

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS                 

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

ROBERT M.O. MORRIS ET NEVILLE LEROY SMITH,

FIDUCIAIRES DE LA FIDUCIE RCI TRUST

intimés

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 9 décembre 2009.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 17 décembre 2009.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE SEXTON

                                                                                                                               LE JUGE EVANS

 


Cour d'appel fédérale

CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20091217

Dossier : A-219-09

Référence : 2009 CAF 373

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE EVANS                 

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

ROBERT M.O. MORRIS ET NEVILLE LEROY SMITH,

FIDUCIAIRES DE LA FIDUCIE RCI TRUST

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               Le ministre du Revenu national interjette appel d’un jugement de la Cour fédérale exigeant que le ministre remette à la fiducie RCI Trust une décision écrite quant à la question de savoir si oui ou non certains biens de la fiducie RCI Trust sont des « exonérés en raison d’une convention fiscale », en se fondant sur la conclusion du juge, selon laquelle la fiducie RCI Trust est, aux fins de l’impôt, résidente de la Barbade et non-résidente du Canada. L’exécution du jugement porté en appel a fait l'objet d'un sursis jusqu'à ce qu'il soit statué sur le présent appel.

 

[2]               Les faits ne sont pas contestés et sont entièrement décrits dans les motifs du jugement de la Cour fédérale (Morris c. Canada (Ministre du Revenu national  – M.N.R.), 2009 CF 434). Pour les besoins du présent appel, un simple résumé suffira.

 

[3]               MM. Morris et Smith, fiduciaires de la fiducie RCI Trust, ont fourni à la Cour fédérale la preuve que la fiducie RCI Trust avait été établie en vertu des lois de la Barbade et qu’elle avait vendu, en 2006, certaines actions d’une société canadienne imposable, RCI Environnement Inc. (les « actions RCI »). Le produit de leur disposition s’élevait à 145 000 000 $ et a donné lieu à un gain en capital de 144 999 800 $. L’acquéreur a été désigné comme étant Les Investissements Historia Inc. (« Historia »), une société canadienne.

 

[4]               Le 4 mai 2006, la fiducie RCI Trust a présenté une demande au ministre en application de l'article 116 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1, en vue de l’obtention d’un certificat qui aurait pour effet de décharger Historia de son obligation de retenir, en vertu du paragraphe 116(5), une partie du produit de la disposition et de remettre ce montant retenu au Receveur général, au nom de la fiducie RCI Trust.

 

[5]               Le paragraphe  116(2) exige que la fiducie RCI Trust, en tant que demanderesse du certificat, paie au ministre un pourcentage précis du gain en capital au titre d’un impôt payable par la fiducie RCI Trust en vertu de la Partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu, ou qu’elle fournisse une garantie acceptable au ministre. La fiducie RCI Trust n’a payé aucune somme et n’a fourni aucune garantie. Il convient de mentionner que la Partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu exige le paiement d’impôt sur tous les revenus et gains en capital réalisés lors d’une année d’imposition. Par conséquent, le montant qu’un vendeur non-résident de biens canadiens imposables paie en vertu du paragraphe 116(2) comme condition d’obtention du certificat prévu à l’article 116 s’applique contre toute obligation fiscale du vendeur aux termes de la partie I, qu’il soit lié aux gains en capital réalisés sur la disposition de biens ou autres. (Un tel paiement peut, dans certains cas, être également appliqué contre d’autres obligations fiscales, mais l’analyse de cette question n’est pas nécessaire aux fins du présent appel.)

 

[6]               Il n’y a rien dans la Loi de l’impôt sur le revenu qui décharge une personne de l’obligation d’effectuer un paiement ou de fournir une garantie lorsqu’elle présente une demande de certificat suivant l’article 116. Cependant, le ministre a adopté une politique qui consiste à accorder une dispense discrétionnaire lorsqu’une personne non-résidente cherche à se prévaloir d’une exonération en vertu d’une convention fiscale et fournit les documents précisés à cet égard. La politique est énoncée aux paragraphes 25 à 29 de la circulaire d’information en matière d’impôt sur le revenu 72-17R5, datée du 15 mars 2005. Il est clair selon cette circulaire d’information qu’une personne qui demande une dispense discrétionnaire doit satisfaire aux exigences du ministre concernant certains éléments de l’exonération demandée, notamment, comme en l’espèce, les détails de l’établissement de la fiducie, les opérations par l’entremise desquelles les actions de RCI ont été acquises par la fiducie RCI Trust et la disposition éventuelle.

 

[7]               Le ministre a examiné la demande présentée par la fiducie RCI Trust en vue de l’obtention d’un certificat en vertu de l’article 116 et a demandé, à cet égard, davantage de renseignements sur la fiducie RCI Trust et les opérations pertinentes. Certains renseignements ont été fournis, mais le ministre n’est pas encore convaincu qu’un certificat devrait être délivré. Jusqu’à présent, le ministre a refusé de délivrer un certificat sans recevoir le paiement ou la garantie exigés par le paragraphe 116(2).

 

[8]               MM. Morris et Smith prétendent que, en vertu du paragraphe 4 de l’article XIV de l’Accord entre le Canada et la Barbade tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (« l’Accord Canada-Barbade »), promulgué par la Loi de 1980 sur l’Accord Canada-Barbade en matière d’impôt sur le revenu, L.C. 1980-81-82-83, ch. 44, partie IX, le Canada ne peut pas imposer le gain en capital réalisé par la fiducie RCI Trust sur la disposition des actions de RCI Environnement Inc. Ils font valoir qu’il s’ensuit que le ministre n’a pas le pouvoir discrétionnaire de refuser de fournir à la fiducie RCI Trust le certificat prévu au paragraphe 116(2).

 

[9]               Cherchant à faire admettre ce point, MM. Morris et Smith ont présenté une demande de contrôle judiciaire à l’égard du fait que le ministre tarde à octroyer le certificat. Je paraphrase comme suit la réparation demandée à la Cour fédérale :

a)      une déclaration indiquant que les paragraphes 1 à 5 de l’article 116 ne s’appliquent pas à la disposition d’un bien canadien imposable si l’Accord Canada-Barbade empêche le Canada d’imposer les gains en capital subséquents;

b)      subsidiairement, une déclaration indiquant qu’en présence d’un tel gain exonéré, le ministre doit délivrer le certificat prévu au paragraphe 116(2) sans exiger de paiement, étant donné que le paiement contrevient à l’Accord Canada-Barbade;

c)      une ordonnance exigeant que le ministre délivre le certificat prévu au paragraphe 116(2) demandé en l’espèce;

d)      subsidiairement, une déclaration indiquant que le ministre a retenu le certificat prévu au paragraphe 116(2) à des fins illégitimes et une ordonnance exigeant que le ministre délivre le certificat immédiatement;

e)      subsidiairement, une déclaration indiquant que le ministre a tardé, de façon indue et à des fins illégitimes :

                                                            (i)            de rendre sa décision de délivrer ou non le certificat; et

                                                          (ii)            de se prononcer quant à l’applicabilité de l’article XIV de l’Accord Canada-Barbade

et de délivrer une ordonnance exigeant que le ministre rende les deux décisions immédiatement.

 

[10]           MM. Morris et Smith se sont fondés sur l’exonération prévue par une convention qui s’appliquerait si le domicile fiscal de la fiducie RCI Trust était la Barbade, c’est-à-dire si la fiducie RCI Trust était une personne qui, en vertu des lois de la Barbade, était assujettie à l’impôt à la Barbade « en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue », et NON assujettie à l’impôt au Canada en raison de l’un ou l’autre de ces critères. Si la fiducie RCI Trust est assujettie à l’impôt tant à la Barbade qu’au Canada, des règles décisives peuvent être appliquées pour établir un domicile fiscal, à défaut de quoi la question est réglée par les autorités compétentes.

 

[11]           Le ministre fait valoir que c’est à lui qu’il revient d’abord de déterminer si la fiducie RCI Trust est résidente aux fins de l’impôt canadien et dans quelle mesure elle est imposable au Canada ou a droit aux avantages de l’Accord Canada-Barbade. Si la fiducie RCI Trust n’est pas d’accord avec cette décision, elle peut faire interpréter la question par des tribunaux en produisant une déclaration de revenus pour 2006 et en interjetant appel de la cotisation qui en résultera devant la Cour canadienne de l’impôt, laquelle a la compétence exclusive pour connaître de tels appels.

 

[12]           Le ministre soutient que la Cour fédérale n’aurait pas dû intervenir dans l’exercice de ses pouvoirs discrétionnaires d’accorder une dispense relativement aux conditions requises pour la délivrance du certificat prévu à l’article 116 et, plus particulièrement, qu’elle n’aurait pas dû tenter de régler la question du domicile fiscal de la fiducie RCI Trust avant que le ministre ne le fasse au moment de fixer l’impôt après examen de la déclaration de revenus que doit produire la fiducie RCI Trust.

 

[13]           Je suis d’accord avec le ministre. À mon avis, si la Cour fédérale a compétence pour être saisie d’une demande de contrôle judiciaire en ce qui a trait au refus du ministre de délivrer le certificat prévu à l’article 116, elle ne devrait pas exercer cette compétence lorsque la personne cherchant à obtenir ledit certificat peut s’adresser à la Cour canadienne de l’impôt en produisant une déclaration de revenus. La présente conclusion s’inscrit dans un courant jurisprudentiel qui englobe les arrêts Canada c. Addison & Leyen Ltd., [2007] 2 R.C.S. 793, 2007 CSC 33 (au paragraphe 11), Ogden Palladium Services (Canada) Inc. c. Canada, [2001] 2 C.T.C. 2404, 2001 D.T.C. 345 (au paragraphe 20, conf. par 2002 CAF 336) et Domtar Inc. c. Canada, 2009 CAF 218.

 

[14]           MM. Morris et Smith font valoir que la fiducie RCI Trust n’est pas tenue en vertu de la loi de produire une déclaration de revenus. À mon avis, il s’agit d’un point qu’il n’est pas nécessaire de trancher. Il est suffisant de dire que la fiducie RCI Trust peut produire une déclaration de revenus et qu’elle pourra, le cas échéant, interjeter appel à l’égard de toute cotisation que le ministre pourra établir en guise de réponse.

 

[15]           Le jugement contesté est fondé sur la prémisse que le régime législatif de l’article 116 est un cadre à l’intérieur duquel le ministre doit établir les obligations fiscales d’une personne en ce qui a trait à l’impôt sur les gains en capital en vertu de la partie I de la Loi de l’impôt sur le revenu. À mon humble avis, cette prémisse est erronée. L’article 116 est un mécanisme créé par la loi pour demander la retenue d’impôt à la source ou la remise d’une garantie, de sorte que si des impôts sont payables en application de la partie I, leur perception est facilitée. Même si cela est peu pratique et coûteux pour la fiducie RCI Trust, c’est la procédure que le Parlement a établie et elle doit être respectée.

 

[16]           Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel, j’annulerais le jugement sous appel et, en rendant le jugement que la Cour fédérale aurait dû rendre, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire. J’accorderais au ministre ses dépens devant notre Cour et la Cour fédérale.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

     J. Edgar Sexton, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

     John M. Evans, j.c.a »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Danielle Benoit

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-219-09

 

(APPEL DE L’ORDONNANCE RENDUE PAR LA JUGE SIMPSON DE LA COUR FÉDÉRALE, EN DATE DU 29 AVRIL 2009, NO DE DOSSIER T-1899-07)

 

INTITULÉ :                                                                           MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. ROBERT M.O. MORRIS ET AL.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 9 DÉCEMBRE 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE SEXTON

                                                                                                LE JUGE EVANS

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 17 DÉCEMBRE 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Susan Shaughnessy

Guy Laperrière

 

POUR L’APPELANT

 

Douglas D. Langley

Brian Wilson

 

POUR LES INTIMÉS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANT

 

Wilson, Vukelich

Markham (Ontario)

POUR LES INTIMÉS

 

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