ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
et
Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 1er décembre 2009.
Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 décembre 2009.
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE EVANS
Y A SOUSCRIT : LA JUGE SHARLOW
MOTIFS DISSIDENTS : LE JUGE RYER
Date : 20091223
Dossier : A-177-09
Référence : 2009 CAF 378
CORAM : LE JUGE EVANS
LA JUGE SHARLOW
LE JUGE RYER
ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
appelant
et
CELGENE CORPORATION
intimée
MOTIFS DU JUGEMENT
A. INTRODUCTION
[1] En droit, comme dans la vie, le sens dépend largement du contexte, encore qu’il ne soit pas toujours facile de choisir le contexte approprié. La question en l’espèce est de savoir si les dispositions de protection du consommateur de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, doivent être interprétées selon les principes de la common law ou selon l’objet du texte législatif. En l’espèce, les approches contemporaines en matière d’interprétation de la législation réglementaire inclinent en faveur de la seconde voie.
[2] Il s’agit d’un appel à l’encontre d’une décision de la Cour fédérale (2009 CF 271) dans laquelle le juge Campbell a annulé une décision du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (le Conseil), en date du 21 janvier 2008. Le Conseil a conclu qu’il avait compétence en vertu de l’alinéa 80(1)b) de la Loi sur les brevets pour exiger que Celgene Corporation (Celgene) fournisse des renseignements sur le prix d’un médicament, le Thalomid, depuis janvier 1995. Il a rejeté l’argumentation de Celgene faisant valoir que le Conseil n’avait pas compétence à l’égard du prix du Thalomid parce que le médicament n’était pas vendu au Canada.
[3] La question dont était saisi le Conseil était de savoir si un médicament breveté, vendu par une société des États-Unis et expédié FAB de son usine du New Jersey à un médecin au Canada pour le traitement d’un patient au Canada, faisait l’objet de la « vente [… ] sur le[] marché[] canadien » au sens de l’alinéa 80(1)b), même s’il est admis qu’au regard des principes commerciaux de la common law, le lieu de la vente du médicament était le New Jersey.
[4] La vente et l’annonce d’un nouveau médicament au Canada sont généralement interdites à moins d’un avis de conformité (AC) délivré par Santé Canada lorsque celui‑ci est persuadé de l’innocuité et de l’efficacité du médicament : Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, C.08.002(1) (le Règlement). Celgene n’a pas présenté de demande d’AC en vue de commercialiser le Thalomid au Canada. Cependant, malgré l’absence d’AC, le directeur général (sous‑ministre délégué, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada) peut autoriser la vente d’un nouveau médicament à un médecin en vertu du Programme d’accès spécial (PAS) pour le traitement d’urgence d’un patient : Règlement, article C.08.010(1) et paragraphes (1) et (2) de l’article C.08.011.
[5] J’estime que le juge de première instance a mal interprété les mots « vente [… ] sur le[] marché[] canadien » en donnant une valeur insuffisante au contexte législatif et à l’objet du régime de réglementation dont ils forment partie intégrante.
[6] L’objet de ce régime de réglementation, créé par les articles 79 à 103 de la Loi sur les brevets et administré par le Conseil, est de protéger les consommateurs au Canada (ou leurs assureurs) contre la facturation de prix excessifs pour les médicaments brevetés. Interpréter ces dispositions de protection du consommateur comme si elles excluaient les patients dont le traitement exige des médicaments importés en vertu d’une autorisation du PAS est, à mon avis, contraire aux objectifs législatifs.
[7] Par conséquent, j’accueillerais l’appel et rétablirais l’ordonnance du Conseil. On trouvera les dispositions législatives visées par le présent appel à l’annexe jointe aux présents motifs.
B. LE CONTEXTE FACTUEL
[8] Dans les années 1960, la thalidomide, ingrédient actif du Thalomid, a été associée à de graves malformations congénitales chez des nourrissons de femmes ayant pris de la thalidomide comme antiémétique au cours de la grossesse. La thalidomide est maintenant employée pour le traitement d’autres pathologies, notamment la lèpre et certaines formes de cancer.
[9] Aux États-Unis, le Thalomid a reçu l’approbation de la Food and Drug Administration pour le traitement de ces maladies. Mais Celgene n’a jamais présenté de demande d’AC, processus long et onéreux. Le Thalomid a été rendu disponible au Canada depuis 1995 par une autre voie, celle des autorisations du PAS, principalement pour le traitement de certaines formes de cancer.
i) Le Programme d’accès spécial
[10] Quand il s’adresse à Santé Canada pour demander une autorisation en vertu du PAS, le médecin doit : i) décrire la pathologie du patient; ii) expliquer les raisons pour lesquelles le médicament visé est la meilleure option thérapeutique; iii) fournir des renseignements sur l’utilisation, l’innocuité et l’efficacité du médicament demandé. Si elle est accordée, l’autorisation du PAS autorise le fabricant, sans l’y obliger, à vendre une quantité spécifiée de médicament au médecin demandeur pour le traitement d’urgence de la pathologie spécifiée d’un patient nommé sous les soins du médecin. Le médecin est tenu de faire rapport à Santé Canada sur l’utilisation du médicament, notamment sur les effets indésirables.
[11] On ne voit pas très bien pour quelle raison le Règlement prévoit que la vente faite par le breveté doive l’être au « praticien » qui le demande, qu’il soit médecin ou vétérinaire. Il peut toutefois s’agir d’un simple mécanisme pratique pour empêcher la distribution du médicament à d’autres personnes que le patient pour lequel le médicament a été prescrit, pour surveiller que toute quantité non utilisée dans le traitement du patient soit retournée et, sur demande, pour assurer l’obligation de faire rapport sur la quantité de médicament reçue et sur toute réaction indésirable liée à l’utilisation du médicament. La désignation du praticien comme acheteur du médicament peut aussi faciliter le paiement du médicament au breveté. Pour ces raisons, le médecin peut acheter le médicament du breveté à titre d’agent du patient au nom duquel la demande d’achat est faite. Toutefois, ce n’est pas la question à trancher dans le présent appel.
[12] Des autorisations du PAS à l’égard du Thalomid ont été délivrées depuis 14 ans dans les cas d’« urgence médicale ». Elles sont normalement accordées dans les cas de pathologies graves menaçant le pronostic vital pour lesquelles les traitements classiques se sont révélés inefficaces ou ne conviennent pas à un patient particulier. En règle générale, les médicaments autorisés dans le cadre du PAS sont des traitements de dernière intention et la surveillance exercée sur leur innocuité et leur efficacité n’est pas du même niveau que celle des médicaments pour lesquels un AC a été délivré. Néanmoins, Santé Canada examine la demande relative au PAS et tout autre renseignement disponible sur le nouveau médicament afin de « gérer le risque » que présente son utilisation.
[13] Les médicaments vendus dans le cadre d’une autorisation du PAS ne comptent que pour une petite partie du marché pharmaceutique canadien. En 2006, par exemple, 26 000 demandes ont été accueillies à l’égard de 43 médicaments. Sur l’ensemble de ces demandes, 4 500 concernaient le Thalomid. Ce médicament est donc le médicament le plus fréquemment demandé dans le PAS et, en raison de son succès dans le traitement du myélome multiple, ses ventes ont considérablement augmenté.
[14] En l’espèce, la procédure normale d’autorisation par le PAS a été suivie. Un médecin au Canada a demandé à Santé Canada l’autorisation d’acheter une quantité spécifiée de Thalomid pour le traitement d’une « urgence médicale » particulière touchant une patiente sous les soins du médecin. Santé Canada a autorisé la vente d’un approvisionnement d’un mois du médicament, à la condition que la patiente fournisse un test de grossesse négatif et que toute quantité du médicament non utilisée par la patiente soit retournée à Celgene.
[15] L’autorisation a été envoyée au fabricant, Celgene, qui a expédié le médicament FAB de son usine du New Jersey au médecin au Canada. Une fois le médicament arrivé au Canada, le médecin l’a payé en dollars des États-Unis conformément aux modalités de la facture. On peut penser que le médicament a ensuite été utilisé par la patiente pour le compte de laquelle il avait été demandé.
ii) Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés
[16] Le mandat du Conseil est de veiller à ce que le breveté n’abuse pas du monopole créé par la délivrance d’un brevet visant un médicament en facturant des prix excessifs aux consommateurs au Canada. Le régime qu’administre le Conseil a remplacé un régime de licence obligatoire supprimé en 1993. La réglementation du prix d’un médicament pendant la durée du brevet, plutôt que l’introduction d’une concurrence par la licence obligatoire, est devenue le moyen de protéger les consommateurs contre les prix excessifs des médicaments brevetés.
[17] La présente affaire est née d’une requête que le personnel du Conseil a adressée au Conseil pour exiger que Celgene fournisse des renseignements sur le prix du Thalomid depuis 1995, première année où le médicament est devenu disponible au Canada dans le cadre du PAS. Celgene avait fourni les renseignements demandés par le personnel sur les prix récents, mais l’avait fait sous réserve de sa position portant que le Conseil n’avait pas compétence pour exiger ces renseignements. Elle n’avait toutefois pas fourni de renseignements sur les prix relatifs aux ventes au Canada remontant à 1995.
[18] Par conséquent, la seule question dont était saisi le Conseil était de savoir s’il avait le pouvoir juridique d’exiger que Celgene produise les renseignements sur le Thalomid visés à l’alinéa 80(1)b) de la Loi sur les brevets. Les renseignements recueillis par le Conseil en vertu du paragraphe 80(1) peuvent aider à décider si le titulaire d’un brevet d’invention de médicament vend le médicament « sur le[] marché[] canadien » à un prix excessif, de l’avis du Conseil. Si le Conseil conclut par l’affirmative, il peut rendre des ordonnances visant à compenser les recettes excessives du breveté. Ces pouvoirs réglementaires sont conférés au Conseil par l’article 83.
C. LA DÉCISION DU CONSEIL
[19] Selon le Conseil (au paragraphe 6), l’argumentation de Celgene consiste à dire que comme le Conseil n’a pas compétence sur les ventes du Thalomid à l’extérieur du Canada, il ne peut obliger Celgene à fournir des renseignements sur le prix du médicament facturé aux acheteurs canadiens. Les fondements de l’argumentation de Celgene sont les suivants.
[20] Premièrement, la compétence du Conseil sur le prix des médicaments brevetés ne s’applique qu’aux médicaments commercialisés au Canada en vertu d’un AC et ne s’applique pas à ceux qui sont vendus en vertu d’une autorisation du PAS. L’opposition du Conseil à cette argumentation n’a pas été attaquée par la voie du contrôle judiciaire et il n’est pas nécessaire de l’examiner davantage.
[21] Deuxièmement, en raison des règles du droit commercial, la vente du Thalomid a eu lieu au New Jersey; le médicament n’a donc pas été vendu « sur le[] marché[] canadien ». L’autorisation accordée dans le cadre du PAS autorise le breveté, sans l’y contraindre, à fournir un médicament pour le traitement au Canada d’une pathologie. Mais le Conseil, pour les motifs suivants, a rejeté l’argumentation faisant valoir que la fourniture du Thalomid par Celgene en vertu d’une autorisation du PAS ne constituait pas une « vente [… ] sur le[] marché[] canadien ».
[22] Premièrement, toute vente est étroitement réglementée par Santé Canada. Deuxièmement, les mots « sur le[] marché[] canadien » visent à permettre au Conseil de surveiller le prix des médicaments au Canada, de manière générale ou dans des marchés spécifiques définis par des frontières géographiques ou politiques ou encore par catégories d’acheteurs, notamment les « acheteurs qui ont accès à un médicament par le truchement du PSA » (au paragraphe 21). Troisièmement, le mandat du Conseil de protéger les consommateurs contre les prix excessifs des médicaments brevetés appuie cette vision de la compétence du Conseil. Par conséquent, le Conseil (au paragraphe 22) ne pouvait voir
aucune raison pourquoi les Canadiens qui achètent des médicaments par le truchement du PSA ne bénéficieraient pas de la même protection du Conseil que les Canadiens qui achètent des médicaments ayant obtenu leur Avis de conformité
En fait, comme le volume des médicaments vendus en vertu du PAS est relativement faible et que la concurrence est généralement moindre que celle des médicaments vendus sous un AC, le Conseil joue un rôle particulièrement important de protection des consommateurs contre les prix excessifs.
[23] Le Conseil a convenu que, selon les principes commerciaux de la common law, le lieu de la vente du Thalomid était le New Jersey, d’où le médicament a été expédié FAB au Canada au médecin autorisé en vertu du PAS à l’acheter. Toutefois, il n’a pas considéré le lieu de la vente comme déterminant, du fait que les règles de la common law visent le règlement des différends entre un vendeur et un acheteur, par exemple en identifiant le droit qui régit le contrat. En revanche, le Conseil est un organisme de droit public réglementant dans l’intérêt public les prix que paient les Canadiens pour les médicaments brevetés.
D. LA DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE
[24] Le juge de première instance a appliqué la norme de la décision correcte pour le contrôle de l’interprétation donnée par le Conseil de l’alinéa 80(1)b), au motif qu’il définissait la compétence du Conseil. Rejetant comme peu pertinente la jurisprudence sur laquelle s’appuyait le procureur général du fait qu’elle établissait une approche large de la compétence du Conseil, le juge a conclu (au paragraphe 26) qu’il convenait de donner « un sens commercial » aux mots « vente [… ] sur le[] marché[] canadien ».
[25] Selon son raisonnement (au paragraphe 27), la Loi sur les brevets « fait également partie de la réalité commerciale ». À l’appui de sa position, le juge a cité des décisions où les dispositions de la Loi avaient été interprétées selon leur « sens commercial » (au paragraphe 28). Il a aussi renvoyé à l’arrêt Canada (Sous‑ministre du Revenu national) c. Mattel Canada Inc., 2001 CSC 36, [2001] 2.R.C.S. 100 au paragraphe 33 (Mattel), où la Cour suprême a statué que l’expression figurant dans la Loi sur les douanes, « condition de la vente des marchandises pour exportation au Canada » devait être interprétée sur la base des « concepts inhérents au droit commercial ».
[26] Passant à l’alinéa 80(1)b), le juge a rejeté l’interprétation du terme « marché » comme une demande à l’égard d’un bien ou d’un service. Il a conclu (au paragraphe 31) que pour qu’un marché puisse exister au Canada « au sens commercial », il doit y avoir achat et vente au Canada; or, selon les principes du droit commercial, la vente du Thalomid a eu lieu au New Jersey. Le juge n’a pu trouver dans l’objet des dispositions pertinentes de la Loi sur les brevets aucune indication permettant de penser que l’intention du législateur était autre que « celle exprimée par le sens évident des mots figurants à l’alinéa 80(1)b) » (au paragraphe 36).
E. LES QUESTIONS EN LITIGE ET L’ANALYSE
i) La norme de contrôle
[27] Sur le fondement de décisions antérieures, notamment la décision de la Cour ICN Pharmaceuticals Inc. c. Canada (Personnel du Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés), [1997] 1 C.F. 32 (ICN), les avocats ont convenu que la question en litige en l’espèce concerne la compétence du Conseil et que la norme applicable au contrôle est celle de la décision correcte.
[28] Toutefois, comme la question concerne l’interprétation d’une disposition de la loi habilitante du Conseil, je doute qu’il soit maintenant approprié de la définir comme une question de « compétence » : voir mes motifs dans l’appel Alliance de la fonction publique du Canada c. Association des pilotes fédéraux du Canada 2009 CAF 223, aux paragraphes 36 à 52. Néanmoins, comme la norme de contrôle n’est pas, à mon avis, un élément important pour trancher le présent appel, je suis disposé à réviser la décision du Conseil selon la norme de la décision correcte.
ii) La décision faisant l’objet du contrôle
[29] L’affaire avait été portée devant le Conseil sur le fondement suivant : si le Conseil était habilité en vertu de l’alinéa 80(1)b) à exiger la production de renseignements sur les prix d’un médicament breveté, il pouvait aussi réglementer le prix auquel le breveté avait vendu le médicament visé « sur un marché canadien » aux termes de l’article 83. Le Conseil semble également avoir adopté ce fondement : voir, par exemple, les paragraphes 5 et 20 de ses motifs.
[30] Cependant, la seule question dont était saisi le Conseil était de savoir si le Thalomid faisait l’objet d’une « vente [… ] sur le[] marché[] canadien » au sens de l’alinéa 80(1)b) de la Loi sur les brevets, ce qui autorisait le Conseil à exiger de la brevetée, Celgene, qu’elle fournisse des renseignements sur les prix du médicament. Dans ses motifs, le Conseil a conclu qu’il était habilité à « rendre une ordonnance corrective concernant le prix du médicament Thalomid et ce, à compter du 12 janvier 1995 ».
[31] Dans la procédure devant le Conseil et la Cour fédérale, l’argumentation avancée a été fondée sur le fait que la seule vente pertinente du Thalomid était celle de Celgene au médecin et que si le Conseil pouvait exiger de Celgene qu’elle fournisse les renseignements mentionnés à l’alinéa 80(1)b), il pouvait aussi rendre une décision en matière de prix excessif et prendre des ordonnances à l’encontre de Celgene en vertu de l’article 83, même si l’article visé ne s’applique qu’au cas où un breveté a vendu un médicament au Canada.
[32] À la différence de l’article 83, l’alinéa 80(1)b) n’exige pas expressément que le médicament visé par la demande de renseignements relative au prix ait été vendu par le breveté. Par conséquent, on pourrait soutenir que même si la vente du Thalomid au médecin par Celgene a eu lieu au New Jersey, il y a eu également une vente au Canada faite par le médecin au patient, qui pourrait entraîner l’application de l’alinéa 80(1)b), mais non celle de l’article 83. L’avocat du procureur général a laissé entendre que l’alinéa 80(1)b) impliquait implicitement que la vente ait été faite par le breveté.
[33] Cependant, comme l’argumentation s’est fondée sur la vente faite par Celgene au médecin, je n’examinerai pas plus longuement ce point. Par conséquent, comme le Conseil et la Cour fédérale, je suis d’avis que le pouvoir du Conseil d’exiger que Celgene fournisse des renseignements au sujet des prix du Thalomid s’applique également au pouvoir que lui confère l’article 83 de rendre des décisions en matière de prix excessifs et de prendre des ordonnances réparatrices, de manière à protéger les consommateurs contre les prix excessifs des médicaments vendus sur les marchés du Canada par la brevetée.
iii) « vendu sur les marchés canadien et étranger »; « sold in any market in Canada and elsewhere »;
[34] L’appelant soutient que « marchés » est le mot important dans cette formulation de l’alinéa 80(1)b). « Marchés », fait valoir l’avocat, connote l’existence au Canada d’une demande à l’égard d’un médicament, demande qui trouve sa réponse dans l’achat du médicament par un médecin pour le traitement d’un patient au Canada. En d’autres termes, le mot « canadien » identifie le lieu du marché, et non la vente. Toute autre interprétation, dit l’avocat, créerait deux catégories de patients : les patients dont le médicament est vendu par un fabricant de l’extérieur du Canada en vertu d’une autorisation du PAS, et les autres. La première catégorie ne serait pas protégée contre les prix excessifs alors que la seconde le serait. Cette distinction, soutient l’avocat, est tellement contraire à l’objet du texte législatif qu’elle ne peut représenter l’intention du législateur.
[35] Pour sa part, l’intimée dit que le texte législatif est d’une telle clarté que l’intention du législateur, qui a adopté l’expression contestée ainsi que le régime de réglementation dont elle fait partie, joue un rôle mineur dans son interprétation. Dans les observations de l’avocat, les mots « vendu au Canada » ont leur « sens ordinaire », c’est‑à‑dire que la vente a eu lieu au Canada si elle est définie selon les principes du droit international privé en matière de litiges contractuels.
[36] À mon avis, l’extrait suivant de l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54. [2005] 2 R.C.S. 601, au paragraphe 10, traduit précisément l’approche moderne de l’interprétation législative :
L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble. Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation. Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux. (Non souligné dans l’original.)
[37] Par conséquent, l’exercice d’interprétation ne peut s’arrêter au texte de la disposition législative; il doit aussi comporter une analyse téléologique et contextuelle des termes litigieux, bien que le poids relatif à attribuer à chaque élément puisse varier. Le sens ordinaire du libellé législatif « précis et non équivoque » constituera un facteur particulièrement important, encore que non nécessairement déterminant, de l’analyse.
[38] Toutefois, le langage est malléable et subtil et, comme on le voit à l’évidence dans tout dictionnaire, le « sens ordinaire » des mots évoque normalement une gamme de significations. Néanmoins, lorsque le législateur emploie des mots qui forment un terme technique du domaine juridique, il faut présumer qu’il a l’intention de leur donner ce sens.
a) Le texte
[39] Malgré l’argumentation répétée par l’avocat de Celgene, la Loi n’exige pas qu’un médicament breveté soit vendu au Canada pour que le Conseil puisse exercer ses pouvoirs en vertu de l’alinéa 80(1)b) ou de l’article 83. Celgene exclut en effet les mots « sur le[] marché[] canadien » ou « sur un marché canadien », ce qui est contraire à la présomption en matière d’interprétation qu’il faut donner un sens à chacun des mots d’un texte législatif. Avant que l’affaire se rende à la Cour d’appel fédérale, Celgene avait soutenu que ces expressions signifiaient que le Conseil n’avait compétence que sur le prix facturé des médicaments commercialisés au Canada sous le régime de l’AC.
[40] Je ne suis pas certain que « vendu au Canada » soit vraiment une expression technique du domaine juridique. Lorsqu’une vente a un rattachement à plus d’un territoire, il peut être nécessaire de décider quelle loi régit la vente dans le cas où la loi pertinente de ces territoires n’est pas la même ou dans quel territoire les parties doivent intenter une action en cas de litige contractuel. L’identification du territoire auquel un contrat se rattache le plus étroitement, pour les questions de conflit de lois, comprend normalement une analyse multifactorielle, notamment le lieu où le contrat a été passé.
[41] En outre, le fait qu’une vente de marchandises ait eu lieu au Canada ou ailleurs peut être pertinent pour établir si le vendeur est responsable au Canada de contrefaçon de brevet : Dole Refrigerating Products Ltd. c. Canadian Ice Machine Co. (1957), 28 C.P.R. Section II, 32 (C. de l’É.) (Dole Refrigerating); Domco Industries Ltd. c. Mannington Mills Inc. (1990), 29 C.P.R. (3d) 481 (C.A.F.) (Domco Industries). Le fait de savoir si des marchandises ont été « vendues au Canada » peut aussi avoir une pertinence dans certains contextes législatifs, par exemple quand il s’agit d’établir l’obligation de payer des droits de douane.
[42] Par ailleurs, comme l’expression « condition de la vente » examinée dans l’arrêt Mattel, « vendu » est un terme juridique et son emploi législatif, peut‑on présumer, connote l’existence d’un contrat de vente au sens du droit privé : Pfizer Canada Inc. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 719. En l’espèce, il n’est pas contesté que Celgene a vendu du Thalomid à un médecin au Canada pour le traitement d’une patiente sous ses soins.
[43] Quoi qu’il en soit, l’expression de l’alinéa 80(1)b) est « vente [… ] sur le[] marché[] canadien » et non pas « vendu au Canada ». La version française appuie la prétention de l’appelant que l’expression « sur le[] marché[] canadien » a une relation plus étroite avec le lieu du « marché » qu’avec celui de la vente. On lit en français : « le prix de vente […] du médicament sur les marchés canadien et étranger ».
[44] L’avocat fait valoir que le législateur aurait pu facilement dire « vendu pour le traitement d’un patient au Canada » si telle était son intention. Cela est parfaitement vrai, mais il lui aurait été tout aussi facile de dire « vendu au Canada » si c’est ce qu’il voulait dire. En réalité, comme la situation envisagée en l’espèce n’a vraisemblablement pas été prévue par les rédacteurs législatifs, le législateur n’a donné aucune réponse claire.
[45] Dans les circonstances, la Cour doit lever l’ambiguïté en choisissant parmi les sens possibles que le texte peut raisonnablement avoir ceux qui correspondent le mieux aux objectifs législatifs. Le législateur est présumé souhaiter que la législation qu’il adopte atteigne efficacement les objectifs recherchés : voir la Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I‑21, article 12. La législation réglementaire qu’administrent les organismes administratifs est dite « habilitante » précisément parce qu’elle a pour fonction d’habiliter ceux‑ci à exercer leur mandat et elle doit être interprétée dans cette perspective.
[46] En concluant que les mots « vente [… ] sur le[] marché[] canadien » ne doivent pas être interprétés suivant les principes juridiques commerciaux de la common law pour établir le lieu de la vente, j’ai également pris en considération l’avertissement récent de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct Inc., 2008 CSC 32, [2008] 2 R.C.S. 195 au paragraphe 34. La juge Abella, s’exprimant au nom de la majorité de la Cour, a écrit :
J’estime, en toute déférence, que la Cour d’appel a commis une erreur d’interprétation en examinant la législation à travers le prisme des principes de la liberté contractuelle et de la libre concurrence, plutôt que dans la perspective de la LCI, considérée comme une loi de protection du consommateur.
Appliquée aux faits de l’espèce, cette opinion peut être reformulée de la manière suivante. L’erreur d’interprétation du juge de première instance, si je puis me permettre, a été d’envisager la législation à travers le prisme d’un litige en droit commercial plutôt que dans la perspective des dispositions de réglementation des prix de la Loi sur les brevets, considérée comme une loi de protection du consommateur.
[47] Par conséquent, je ne puis conclure que le texte de l’alinéa 80(1)b) est si « précis et non équivoque » qu’il faille lui accorder un poids supérieur à celui de l’objet et du contexte législatifs.
b) L’objet de la loi
[48] L’objet des dispositions de la Loi sur les brevets créant le régime de réglementation des prix des médicaments brevetés est d’établir un équilibre entre, d’une part, l’intérêt public lié à l’encouragement de la recherche et de la mise au point de nouveaux médicaments par la délivrance et la protection du brevet et, d’autre part, « la nécessité de faire en sorte que les Canadiens puissent se procurer des médicaments brevetés à prix raisonnable » : ICN au paragraphe 3.
[49] Cet objet est atteint par une interprétation de l’alinéa 80(1)b) qui s’applique à tous les médicaments brevetés vendus en vue de leur consommation par des patients au Canada, qui devront payer ces médicaments ou que leurs assureurs (publics ou privés) devront payer. Il n’est pas conforme à l’intention du législateur d’interpréter la Loi d’une manière qui prive les patients au Canada de la protection qu’assure la réglementation des prix dans les cas où il se trouve que les médicaments dont ces patients ont besoin ne font pas l’objet d’un AC ou ne sont pas disponibles en vertu du PAS auprès d’un fabricant au Canada.
[50] L’avocat du procureur général a également soutenu qu’en plus de négliger de mettre en œuvre l’objet législatif de la manière évoquée ci‑dessus, l’interprétation de Celgene élargit excessivement la compétence du Conseil. Si le lieu de la vente, plutôt que celui du marché, est déterminant pour établir si le prix d’un médicament tombe sous la réglementation du Conseil, il s’ensuivrait que le prix d’un médicament breveté vendu par un breveté canadien à l’exportation et expédié FAB, par exemple, en Allemagne, serait assujetti à la réglementation du Conseil.
[51] Pareil résultat serait bizarre, parce que la législation canadienne sur la protection du consommateur ne vise pas la réglementation des prix des médicaments brevetés canadiens vendus sur les marchés étrangers. Toutefois, l’alinéa 80(1)b) autorise expressément le Conseil à exiger du breveté qu’il fournisse des renseignements sur les prix d’un médicament vendu sur les marchés canadien et étranger.
[52] L’avocat de Celgene a fait valoir que, dans la mesure limitée où l’objet législatif est pertinent à l’égard de l’interprétation de l’expression « vente [… ] sur le[] marché[] canadien », l’objet du texte législatif est la réglementation des prix des médicaments vendus au Canada. Je ne suis pas de cet avis. J’estime qu’il s’agit là d’une formulation terriblement étroite de l’objet législatif qui sous‑tend la réglementation et qu’elle n’est pas conforme à la portée plus large exprimée dans l’arrêt ICN.
c) Le contexte législatif
[53] J’insisterai ici sur deux points. Premièrement, l’expression litigieuse figure dans un contexte de droit public : il s’agit d’un régime de réglementation, administré par un tribunal spécialisé, en vue d’empêcher l’abus d’un pouvoir de monopole commercial, créé par le brevet, par la facturation de prix excessifs pour des médicaments employés pour le traitement de patients au Canada. À mon avis, ce contexte fournit une orientation plus fiable sur le sens de l’expression visée que les principes de droit privé qui concernent le règlement de litiges commerciaux entre un vendeur et un acheteur ou, comme c’est le cas dans la décision Dole Refrigerating et dans l’arrêt Domco Industries, servent à déterminer le lieu de la contrefaçon d’un brevet.
[54] Deuxièmement, on a soutenu que l’interprétation du Conseil donne un effet extraterritorial à la loi, car elle permet au Conseil de rendre des ordonnances sur le prix de médicaments vendus à l’extérieur du Canada qu’il ne pourrait faire respecter. Le législateur, a dit l’avocat, ne doit pas être réputé légiférer sans effet pratique. Je ne pense pas que l’interprétation du Conseil engendre nécessairement cette conséquence.
[55] Le Conseil a un intérêt légitime à l’égard du prix payé pour un médicament acheté dans le cadre du PAS par un médecin (peut‑être à titre d’agent du patient auquel le traitement a été prescrit) d’un breveté à l’extérieur du Canada, du fait que ce sera le prix payé pour le médicament par le consommateur final au Canada. Dans ces circonstances, la décision du Conseil que le prix facturé par le breveté, et payé en fin de compte par le patient, l’assureur ou un établissement au Canada, est excessif et l’ordonnance enjoignant au breveté de baisser le prix de vente du médicament ne donnent pas, à mon avis, un effet extraterritorial à la loi.
[56] D’une part, le breveté peut décider de ne plus vendre le médicament au Canada à un prix inférieur à celui que le Conseil a jugé excessif. Cependant, il s’agit là d’une option à la disposition des brevetés à l’égard de tous les médicaments, en réponse à une ordonnance du Conseil. D’autre part, si le breveté décide de passer outre à l’ordonnance du Conseil et de continuer à vendre le médicament au prix que le Conseil a jugé excessif, il se peut que le Conseil ne soit pas en mesure de faire respecter son ordonnance si le breveté n’est pas présent au Canada. Mais ces réponses hypothétiques d’un breveté à une ordonnance du Conseil sont de nature conjecturale.
[57] À mon avis, il est tout aussi vraisemblable que le breveté soit disposé à respecter l’ordonnance et à vendre le médicament au prix permis. Le Conseil n’a pas intérêt à décider qu’un prix est excessif, sur le fondement des critères prévus à l’article 85 et des lignes directrices élaborées en consultation avec le secteur pharmaceutique, les consommateurs et Santé Canada, lorsqu’il est justifié de croire que le breveté n’accepterait pas de vendre son médicament à un prix inférieur.
[58] J’estime donc que les contextes législatif et réglementaire appuient l’interprétation que le Conseil donne de l’alinéa 80(1)b).
F. CONCLUSIONS
[59] Pour ces motifs, je suis d’accord avec l’interprétation que donne le Conseil des expressions « vente sur le marché canadien » et « vendu sur un marché canadien » aux articles 80(1), 83 et 85 de la Loi sur les brevets. J’accueillerais donc l’appel avec dépens en appel et en première instance, j’annulerais l’ordonnance du juge de première instance et je rejetterais la demande de contrôle judiciaire de Celgene.
« Je suis d’accord.
K. Sharlow, j.c.a. »
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.B.
ANNEXE
Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4
Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870
LE JUGE RYER (motifs dissidents)
[60] En toute déférence, je ne puis me ranger à la conclusion de mon collègue, le juge Evans. À mon avis, l’interprétation correcte de l’alinéa 80(1)b) de la Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4 (la Loi) est que le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (le Conseil) n’a pas le pouvoir de demander des renseignements du type visé dans la disposition concernant le prix de vente d’un médicament donné, à moins que ce médicament ne soit ou n’ait été vendu au Canada. En d’autres termes, la compétence du Conseil n’est pas établie à moins qu’il soit démontré que le médicament visé a fait l’objet d’une vente qui a eu lieu au Canada. Par conséquent, je suis d’accord avec la décision du juge Campbell qui conclut que la décision du Conseil, datée du 1er janvier 2008, devrait être annulée.
[61] À l’appui de cette conclusion et pour répondre à certains motifs avancés par mon collègue, je souhaite faire les observations suivantes.
[62] Premièrement, à mon avis, l’approche textuelle, contextuelle et téléologique de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54 commande de s’appuyer sur le sens ordinaire des mots de la disposition examinée quand ces mots sont précis et non équivoques. À mes yeux, les mots « vente [… ] sur le[] marché[] canadien », qui figurent à l’alinéa 80(1)b) de la Loi, concernent les ventes du médicament visé qui ont lieu au Canada, sans égard au fait que tout ou partie de l’expression soit considéré comme un « terme technique du domaine juridique ».
[63] Deuxièmement, mon collègue semble privilégier une interprétation de l’expression « vente [… ] sur le[] marché[] canadien » qui accorde plus d’importance au lieu du marché qu’au lieu de la vente du médicament. Par conséquent, selon cette approche, le Conseil aurait le pouvoir de demander des renseignements ayant trait à la vente d’un médicament par Celgene qui a lieu sur un marché au Canada. Mais comment la vente d’un médicament dont il est admis qu’elle a eu lieu aux États‑Unis pourrait-elle également avoir lieu sur un marché au Canada? À mon avis, cette énigme illustre la difficulté insurmontable que présente l’interprétation axée sur la nécessité d’un marché au Canada. À l’évidence, toute vente qui a lieu au Canada se réalisera également sur un marché au Canada.
[64] Sans m’engager dans un débat sur le sens du terme français « marché », je note que l’avocat de l’appelant affirme, au paragraphe 45 de son mémoire :
[traduction] La définition correspondante du mot marché renvoie expressément à la zone géographique où s’effectuent les opérations commerciales sur les marchandises et les services… [Non souligné dans l’original.]
À mes yeux, des opérations de vente ne peuvent s’effectuer dans une zone géographique donnée sans la présence de l’acheteur et du vendeur. De plus, la simple demande d’une marchandise ne suffit pas à créer une opération commerciale à l’égard de cette marchandise.
[65] Troisièmement, l’interprétation de mon collègue semble une reformulation de l’expression visée, convertie en « vendu dans un marché au Canada ». Cette interprétation élargit le sens de l’expression au-delà de son sens ordinaire. Si le législateur avait eu l’intention de donner un sens plus large à l’expression « vente [… ] sur le[] marché[] canadien » de l’alinéa 80(1)b) de la Loi, il aurait pu le faire, comme il l’a d’ailleurs fait en élargissant le sens de « breveté » ou « titulaire d’un brevet » à l’article 79 de la Loi. Ce sens large s’applique aux articles 79 à 103 de la Loi. J’estime que l’absence dans la Loi d’une extension du sens de « vente [… ] sur le[] marché[] canadien » indique que l’expression doit recevoir son sens ordinaire. Comme le législateur n’a pas stipulé que les mots visés devaient recevoir un sens différent de leur sens ordinaire, je ne suis pas convaincu qu’il incombe à la Cour de le faire.
[66] Quatrièmement, la question dont ont été saisis le Conseil, la Cour fédérale et la présente Cour concerne la compétence du Conseil de demander des renseignements en vertu de l’alinéa 80(1)b) de la Loi. Je me permets de dire que la question de la compétence du Conseil de prendre une ordonnance à l’encontre de Celgene en vertu de l’article 83 de la Loi n’était pas soulevée et qu’elle n’a pas fait l’objet d’une argumentation complète devant la présente Cour. Je reporterais donc le débat sur l’étendue de la compétence du Conseil sur Celgene en vertu de la disposition visée à une procédure où la question est effectivement soulevée.
[67] Enfin, je ne suis pas porté à considérer la Loi comme une législation de protection du consommateur. Le Conseil lui‑même, d’ailleurs, semble estimer que son mandat est plus large. Au paragraphe 5 de ses motifs, le Conseil déclare :
5. Le Conseil est investi du mandat de protéger les intérêts des consommateurs dans une situation où le titulaire d’un brevet lié à un médicament exerce un monopole. Le titulaire d’un brevet canadien lié à un médicament vendu au Canada est assujetti à la compétence du Conseil et en vertu de laquelle il doit faire rapport au Conseil de l’information concernant le prix auquel il a vendu son médicament breveté sur un marché au Canada. Le Conseil compare ce prix aux prix des médicaments de comparaison ainsi qu’aux prix auxquels le médicament est vendu dans les pays de comparaison afin de déterminer si le prix du médicament sous examen est ou non excessif. En consultation avec ses intervenants, à savoir l’industrie, les gouvernements et les consommateurs, le Conseil a formulé des Lignes directrices que suivent les brevetés et les membres du personnel du Conseil afin que les prix au Canada des médicaments brevetés ne soient pas excessifs. [Non souligné dans l’original.]
[68] Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.
« C. Michael Ryer »
j.c.a.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.B.
COUR D’APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : A-177-09
APPEL À L’ENCONTRE D’UNE ORDONNANCE DE LA COUR FÉDÉRALE, DATÉE DU 17 MARS 2009, DOSSIER N° T‑278‑08
INTITULÉ : PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et
CELGENE CORPORATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 1er décembre 2009
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE EVANS
Y A SOUSCRIT : LA JUGE SHARLOW
MOTIFS DISSIDENTS : LE JUGE RYER
DATE DES MOTIFS : Le 23 décembre 2009
COMPARUTIONS :
POUR L’APPELANT
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POUR L’INTIMÉE
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sous‑procureur général du Canada
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POUR L’APPELANT
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Ottawa (Ontario) |
POUR L’INTIMÉE
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