A-45-96
CORAM : LE JUGE EN CHEF
LE JUGE ROBERTSON
LE JUGE McDONALD
AFFAIRE intéressant la Loi sur l'assurance-chômage
Entre :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
requérant,
- et -
DOUGLAS BOULTON,
intimé.
MOTIFS DU JUGEMENT
(prononcés à l'audience tenue à Winnipeg,
le mercredi 18 décembre 1996)
Le juge ROBERTSON
Le 12 octobre 1993, l'intimé a perdu son emploi après qu'un certain nombre de collègues eurent remarqué qu'il était «sous l'empire de l'alcool» pendant le travail le 8 octobre 1993. Il a fait une demande de prestations d'assurance-chômage le 25 octobre 1993, déclarant qu'il avait perdu son emploi parce que son haleine sentait l'alcool. La Commission a rejeté sa demande par ce motif qu'il avait perdu son travail en raison de sa propre inconduite. Cette décision était fondée sur l'article 28 de la Loi sur l'assurance-chômage. Avant d'en appeler devant le conseil arbitral, l'intimé a déposé un grief avec l'aide de son syndicat. Le 23 janvier 1994, le grief a été résolu de la façon suivante, sans arbitrage, ainsi qu'il ressort d'une lettre émanant de l'employeur et acceptée par l'agent de négociation de l'intimé :
[TRADUCTION]
La compagnie est disposée à résoudre, «sans préjudice» et «sans précédent», le grief relatif au renvoi de Doug Boulton comme suit :
1.Douglas Boulton se désiste par les présentes de tous ses griefs relatifs à toutes affaires le concernant, lesquels griefs sont considérés comme intégralement et définitivement résolus.
2.M. Boulton sera considéré comme ayant été réintégré dans son emploi le 7 décembre 1993, contre renonciation à toutes réclamations en matière de rappel de salaires, d'avantages sociaux, etc.
3.Il est convenu que M. Boulton aura été mis à pied en fonction de l'ordre d'ancienneté, à la date du 7 décembre 1993.
4.M. Boulton et le syndicat le représentant renoncent intégralement et définitivement, par les présentes, à tout droit de rappel au travail ou de rengagement que M. Boulton aurait pu avoir.
Le conseil arbitral a entendu l'appel le 26 janvier 1994. S'appuyant sur la décision rendue dans le dossier CUB 22053A, il a conclu à la majorité des voix que les transactions «sans préjudice» ne sont pas admissibles pour prouver que la perte d'emploi n'est pas due à l'inconduite. Par ce motif, il a examiné la question de l'inconduite à la lumière des autres preuves pour conclure que le prestataire avait été exclu, en application de l'article 28 de la Loi, du bénéfice des prestations.
Le membre dissident du conseil arbitral s'est attaché aux dispositions de la transaction qui stipulent que le prestataire est réputé avoir été réintégré dans son emploi à compter du 7 décembre 1993 puis a été mis à pied en fonction de l'ordre d'ancienneté à la même date. À son avis, la jurisprudence pose qu'une fois le renvoi rapporté et l'employé réintégré dans son emploi, il n'est plus possible de dire que celui-ci l'a perdu en raison de sa propre inconduite. En conséquence, puisque la transaction a fait table rase de l'inconduite du prestataire, la Commission ne pouvait plus prouver que celle-ci était la cause de la perte de son emploi.
Le prestataire a fait appel de la décision du conseil arbitral au juge-arbitre, qui a tiré deux conclusions principales. En premier lieu, il conclut que la transaction est admissible en preuve, citant à cet effet Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada (Toronto : Butterworths, 1992), page 730. En second lieu, il adopte le raisonnement tenu dans l'affaire CUB 19724 pour faire droit à l'appel et infirmer la décision de la Commission portant exclusion du prestataire. Dans cette dernière affaire, le juge-arbitre avait conclu que l'employeur ayant retiré le reproche d'inconduite fait au prestataire, on ne pouvait dire que celui-ci avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.
L'avocat représentant le procureur général ne conteste pas la conclusion du juge-arbitre sur l'admissibilité en preuve de la transaction. Il a par contre réduit le point litigieux à la question de savoir si celui-ci a commis une erreur en invoquant l'existence d'un règlement de grief entre l'employeur et le prestataire pour conclure que le premier a retiré son argument initial que le second avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Nous somme d'avis que telle est en effet l'erreur commise par le juge-arbitre.
Le simple fait qu'il existe une transaction ne tranche pas la question de savoir si l'employé a été renvoyé en raison de sa propre inconduite; v. Canada (Procureur général) c. Peruse, décision non rapportée, no A-309-81, 14 décembre 1981 (C.A.F.). Il appartient au conseil arbitral d'examiner les preuves et témoignages et d'en tirer les conséquences de droit. Il n'est pas lié par la manière dont les motifs de renvoi sont qualifiés par l'employeur et l'employé ou un tiers.
Nous sommes aussi d'avis que rien dans la transaction en question ne permet de conclure que l'employeur a retiré l'allégation d'inconduite faite contre le prestataire. Cette transaction ne renferme aucun aveu exprès ou implicite que les faits consignés dans le dossier déposé auprès de la Commission étaient mal rapportés ou ne s'accordaient pas avec les événements survenus le 8 octobre 1993. En bref, rien dans cette transaction ne suscite des doutes quant à la décision majoritaire du conseil arbitral.
À notre avis, on ne peut reprocher au juge-arbitre de s'en être remis à la décision CUB 19724, laquelle a été récemment éclipsée par une décision, non rapportée, de notre Cour, Canada (P.G.) c. Wile (30 novembre 1994) A-233-94. Dans cette affaire, la Cour était appelée à se prononcer sur les effets d'une transaction qui comportait cette phrase : «Aucune faute n'est reconnue ou alléguée par l'une ou l'autre partie au sujet des malheureux différends qui les opposent». Le raisonnement tenu par le juge-arbitre dans l'affaire en instance s'apparente à celui qu'adoptait le juge-arbitre saisi de l'affaire Wile, qui s'est prononcé en ces termes :
À mon avis, [cette phrase] annule les observations du superviseur du prestataire sur lesquelles la Commission, et plus tard le conseil arbitral, se sont fondés pour conclure que le prestataire avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. À part ce témoignage, dont à mon avis il ne faut plus tenir compte, il n'y a pas d'élément de preuve indiquant que le prestataire a été renvoyé en raison de sa propre inconduite.
L'affaire ayant été portée en appel, notre Cour a jugé que le raisonnement ci-dessus constituait une erreur de droit. Prononçant les motifs de décision de la Cour, le juge d'appel Stone a tiré la conclusion suivante :
Nous serions d'accord avec le savant juge-arbitre, si la preuve des faits décrits dans le règlement pouvait être interprétée de cette façon. Cependant, la clause que le juge-arbitre a invoquée doit être examinée dans le contexte de l'ensemble de l'entente. En fait, celle-ci visait à régler une plainte de discrimination fondée sur le sexe que l'intimé a déposée à l'encontre de son ex-employeur. Aucun élément de l'entente ne peut raisonnablement être considéré comme un élément pouvant être lié aux circonstances précises qui ont mené au congédiement de l'intimé le 15 mars 1991. Contrairement à ce que le juge-arbitre a conclu, nous ne pouvons dire que la clause en question a eu pour effet d'annuler les observations que le superviseur de l'intimé avait formulées devant le conseil arbitral.
Le raisonnement qui se dégage de l'arrêt Wile est que, avant qu'une transaction puisse être invoquée pour réfuter une constatation antérieure d'inconduite, il faut qu'il y ait une preuve quelconque en la matière qui neutraliserait la position prise par l'employeur durant l'enquête de la Commission ou lors de l'audience du conseil arbitral. À notre avis, la transaction en question n'a pas cet effet. Ce qui ne signifie pas que les transactions ne puissent être admises en preuve pour réfuter la conclusion tirée par la Commission que le prestataire a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Dans le cas par exemple où la transaction prévoit la réintégration ou le paiement d'une compensation substantielle à l'employé, elle constitue une preuve dont il faut vraiment tenir compte.
Par ces motifs, la demande sera accueillie, la décision en date du 15 octobre 1995 annulée, et l'affaire renvoyée au juge-arbitre en chef ou à son délégué pour rejet de l'appel contre la décision du conseil arbitral.
Signé : J.T. Robertson
________________________________
J.C.A.
Traduction certifiée conforme ________________________________
F. Blais, LL. L.
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER
NUMÉRO DU GREFFE : A-45-96
INTITULÉ DE LA CAUSE : Le procureur général du Canada
c.
Douglas Boulton
LIEU DE L'AUDIENCE : Winnipeg (Manitoba)
DATE DE L'AUDIENCE : 18 décembre 1996
MOTIFS DU JUGEMENT Le juge en chef
DE LA COUR : Le juge Robertson
Le juge McDonald
PRONONCÉS PAR : Le juge Robertson
LE : 18 décembre 1996
ONT COMPARU :
M. Douglas Boulton pour son propre compte
M. M. Curby pour le requérant
Ministère de la Justice
211 Bank of Montreal Building
10199 - 101 Street
Edmonton (Alberta)
T5J 3Y4
PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :
M. Douglas Boulton pour son propre compte
314 - 359 St. Anne's Road
Winnipeg (Manitoba)
R2M 1Z9
M. George Thomson, c.r. pour le requérant
Sous-procureur général du Canada
Ottawa (Ontario)
A-45-96
CORAM : LE JUGE EN CHEF
LE JUGE ROBERTSON
LE JUGE McDONALD
AFFAIRE intéressant la Loi sur l'assurance-chômage
Entre :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
requérant,
- et -
DOUGLAS BOULTON,
intimé.
JUGEMENT
La Cour fait droit à la demande fondée sur l'article 28, infirme la décision en date du 15 octobre 1995 du juge-arbitre, et renvoie l'affaire au juge-arbitre en chef ou à son délégué pour rejet de l'appel formé contre la décision du conseil arbitral.
Signé : Julius A. Isaac
________________________________
Juge en chef
Traduction certifiée conforme ________________________________
F. Blais, LL. L.
A-45-96
CORAM : LE JUGE EN CHEF
LE JUGE ROBERTSON
LE JUGE McDONALD
AFFAIRE intéressant la Loi sur l'assurance-chômage
Entre :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
requérant,
- et -
DOUGLAS BOULTON,
intimé.
Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le mercredi 18 décembre 1996
Jugement rendu à l'audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 18 décembre 1996
MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR
PRONONCÉS PAR : LE JUGE ROBERTSON
COUR D'APPEL FÉDÉRALE
A-45-96
AFFAIRE intéressant
la Loi sur l'assurance-chômage
Entre :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,
requérant,
- et -
DOUGLAS BOULTON,
intimé
MOTIFS DU JUGEMENT