Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20250716


Dossier : A-189-23

Référence : 2025 CAF 131

[TRADUCTION FRANÇAISE]

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE GOYETTE

LA JUGE BIRINGER

 

ENTRE :

 

 

VOLTAGE PICTURES, LLC, COBBLER NEVADA, LLC, PTG NEVADA, LLC, CLEAR SKIES NEVADA, LLC, GLACIER ENTERTAINMENT S.A.R.L. OF LUXEMBOURG, GLACIER FILMS 1, LLC, et

FATHERS & DAUGHTERS NEVADA, LLC

 

 

appelantes

(intimées dans l’appel incident)

 

 

et

 

 

ROBERT SALNA, AU NOM DES DÉFENDEURS D’UN RECOURS COLLECTIF

 

 

intimé

(appelant dans l’appel incident)

 

 

et

 

 

CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON-GLUSHKO, BELL CANADA, COGECO CONNEXION INC., ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC., SASKTEL,

TELUS COMMUNICATIONS INC. et XPLORE INC.

 

 

intervenantes

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 29 octobre 2024.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 16 juillet 2025.

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

Y ONT SOUSCRIT :

LA JUGE GOYETTE

LA JUGE BIRINGER

 


Date : 20250716


Dossier : A-189-23

Référence : 2025 CAF 131

CORAM :

LA JUGE GLEASON

LA JUGE GOYETTE

LA JUGE BIRINGER

 

ENTRE :

 

 

VOLTAGE PICTURES, LLC, COBBLER NEVADA, LLC, PTG NEVADA, LLC, CLEAR SKIES NEVADA, LLC, GLACIER ENTERTAINMENT S.A.R.L. OF LUXEMBOURG, GLACIER FILMS 1, LLC, et

FATHERS & DAUGHTERS NEVADA, LLC

 

 

appelantes

(intimées dans l’appel incident)

 

 

et

 

 

ROBERT SALNA, AU NOM DES DÉFENDEURS D’UN RECOURS COLLECTIF

 

 

intimé

(appelant dans l’appel incident)

 

 

et

 

 

CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON-GLUSHKO, BELL CANADA, COGECO CONNEXION INC., ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC., SASKTEL,

TELUS COMMUNICATIONS INC. et XPLORE INC.

 

 

intervenantes

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE GLEASON

[1] La Cour est saisie d’un appel et d’un appel incident faisant partie d’une série d’autres appels et appels incidents portant sur le recours collectif inversé envisagé par les appelantes dans lequel ces dernières allèguent que leur droit d’auteur sur cinq films a été violé lorsque les films ont été téléchargés et mis à disposition par l’entremise d’un protocole de partage poste à poste en ligne connu sous le nom de BitTorrent.

[2] Les trois régimes judiciaires suivants, l’un à l’échelle fédérale et les deux autres à l’échelle provinciale, prévoient expressément les recours collectifs inversés : voir les Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, Règles 334.14(2) et (3); la Loi de 1992 sur les recours collectifs, L.O. 1992, chap. 6, art. 4; et la Class Proceedings Act, S.N.S. 2007, c. 28, par. 5(2). Sous ces régimes, assez peu de recours collectifs inversés ont été engagés. Dans les instances autorisées comme recours collectifs inversés, la taille des groupes de défendeurs était beaucoup plus petite que ce qui était initialement envisagé en l’espèce : voir p. ex. Chippewas of Sarnia Band v. Canada (Attorney General), 1996 CanLII 8015 (C. Ont. (Div. gén.)); Berry v. Pulley, 2001 CanLII 28228 (C. sup. Ont.) [Berry]; Sutherland v. Hudson’s Bay Co., 2005 CanLII 63803 (C. sup. Ont.); Bernlohr c. Anciens employés d’Aveos Performance Aéronautique Inc., 2019 CF 837; Bernlohr c. Anciens employés d’Aveos Performance Aéronautique Inc., 2021 CF 113; Marcinkiewicz v. General Motors of Canada Co., 2022 ONSC 2180 [Marcinkiewicz]; Brewers Retail v. Campbell, 2022 ONSC 850, conf. par 2023 ONCA 534.

[3] Dans l’ordonnance portée en appel (Voltage Pictures, LLC c. Salna, 2023 CF 893 (le juge Fothergill) [Voltage CF relative à l’autorisation no 2], la Cour fédérale a rejeté (pour la deuxième fois) la requête en autorisation des appelantes visant le présent recours collectif inversé envisagé et a adjugé des dépens de 50 710 $ à l’intimé, M. Robert Salna.

[4] La Cour fédérale a conclu que les appelantes n’avaient pas démontré l’existence d’un certain fondement factuel permettant de conclure que M. Salna était un représentant défendeur convenable, puisque le plan des appelantes relativement à la poursuite de l’instance ne proposait pas de méthode efficace pour poursuivre l’instance au nom du groupe de défendeurs envisagé. La Cour fédérale a tiré cette conclusion au motif que l’utilisation proposée par les appelantes du régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur, L.R.C. (1985), ch. C‑42, pour fournir aux membres du groupe l’avis de recours collectif était contraire au paragraphe 41.25(3) de la Loi sur le droit d’auteur. La Cour fédérale a également fait remarquer que le plan des appelantes relativement à la poursuite de l’instance ne prévoyait pas de fonds suffisants pour le paiement des services de l’avocat du groupe. Bien qu’elle ait rejeté la requête en autorisation des appelantes, la Cour fédérale les a autorisées à en présenter une nouvelle une fois les lacunes relevées dans leur plan relatif à la poursuite de l’instance corrigées.

[5] Les appelantes interjettent appel de l’ordonnance de la Cour fédérale, et M. Salna forme un appel incident à l’égard de la partie de l’ordonnance portant sur l’adjudication des dépens. M. Salna demande également à notre Cour de modifier l’ordonnance de manière à ce que la requête en autorisation des appelantes soit rejetée sans autorisation de modification. Il soutient que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant à l’existence d’un certain fondement factuel permettant de conclure que le recours collectif était le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs proposés par les appelantes.

[6] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la Cour fédérale a commis une erreur en rejetant la requête en autorisation des appelantes en raison des lacunes relevées dans leur plan relatif à la poursuite de l’instance. Cependant, je juge également que la conclusion de la Cour fédérale sur le meilleur moyen doit être annulée, car il n’existe aucun fondement factuel permettant de conclure que le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs soulevés par les appelantes. Je conclus également que rien ne justifie de modifier l’ordonnance d’adjudication des dépens rendue par la Cour fédérale. Par conséquent, je rejetterais l’appel, je ferais droit à l’appel incident en partie et je modifierais l’ordonnance de la Cour fédérale de manière à rejeter la requête en autorisation des appelantes, sans leur permettre d’en présenter une nouvelle. Étant donné que M. Salna obtiendrait en grande partie gain de cause devant notre Cour, je lui adjugerais les dépens devant notre Cour calculés en fonction du milieu de la colonne IV du tarif B des Règles des Cours fédérales. Conformément à l’ordonnance rendue par la juge Woods le 11 janvier 2024, je n’adjugerais aucuns dépens à l’égard des intervenantes. Je modifierais également l'intitulé de la cause pour supprimer les intimés, autres que M. Salna, qui ne sont maintenant plus des représentants défendeurs proposés.

I. Contexte

[7] Le régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur permet au titulaire du droit d’auteur d’obliger les fournisseurs de services Internet et d’autres fournisseurs de services numériques à transmettre aux abonnés un avis de prétendue violation en ligne du droit d’auteur du titulaire sur une œuvre que les abonnés partagent en ligne. Ce régime a été adopté en 2012 dans le cadre de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur, L.C. 2012, ch. 20, dans la foulée d’une série de modifications apportées à la Loi sur le droit d’auteur, lesquelles visaient à moderniser le régime canadien du droit d’auteur afin de notamment « tenir compte des défis et des possibilités créés par Internet » (Loi sur la modernisation du droit d’auteur, sommaire).

[8] Aux termes des dispositions relatives au régime d’avis et avis prévues aux articles 41.25 à 41.27 de la Loi sur le droit d’auteur, le titulaire d’un droit d’auteur qui estime que son droit d’auteur sur une œuvre a été violé en raison d’un partage en ligne peut envoyer un avis de la prétendue violation au fournisseur de services Internet ou à un autre fournisseur de services numériques qui exploite le réseau sur lequel la violation aurait eu lieu. Après avoir reçu l’avis, le fournisseur de services doit le transmettre à l’abonné du compte identifié par le titulaire du droit d’auteur comme étant le compte ayant servi à la prétendue violation de son droit d’auteur. De plus, le fournisseur de services doit conserver l’information concernant l’abonné pour une période de six mois suivant la date de la réception de l’avis envoyé par le titulaire du droit d’auteur ou, si une procédure est engagée à l’égard de la prétendue violation, pour une période d’un an suivant cette date.

[9] Les articles 41.25 et 41.26 de la Loi sur le droit d’auteur revêtent une importance particulière dans le présent appel. Ils sont (et étaient aux moments visés par le présent appel) ainsi libellés :

Avis de prétendue violation

Notice of claimed infringement

41.25 (1) Le titulaire d’un droit d’auteur sur une œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur peut envoyer un avis de prétendue violation à la personne qui fournit, selon le cas :

41.25 (1) An owner of the copyright in a work or other subject-matter may send a notice of claimed infringement to a person who provides

a) dans le cadre de la prestation de services liés à l’exploitation d’Internet ou d’un autre réseau numérique, les moyens de télécommunication par lesquels l’emplacement électronique qui fait l’objet de la prétendue violation est connecté à Internet ou à tout autre réseau numérique;

(a) the means, in the course of providing services related to the operation of the Internet or another digital network, of telecommunication through which the electronic location that is the subject of the claim of infringement is connected to the Internet or another digital network;

b) en vue du stockage visé au paragraphe 31.1(4), la mémoire numérique qui est utilisée pour l’emplacement électronique en cause;

(b) for the purpose set out in subsection 31.1(4), the digital memory that is used for the electronic location to which the claim of infringement relates; or

c) un outil de repérage au sens du paragraphe 41.27(5).

(c) an information location tool as defined in subsection 41.27(5).

Forme de l’avis

Form and content of notice

(2) L’avis de prétendue violation est établi par écrit, en la forme éventuellement prévue par règlement, et, en outre :

(2) A notice of claimed infringement shall be in writing in the form, if any, prescribed by regulation and shall

a) précise les nom et adresse du demandeur et contient tout autre renseignement prévu par règlement qui permet la communication avec lui;

(a) state the claimant’s name and address and any other particulars prescribed by regulation that enable communication with the claimant;

b) identifie l’œuvre ou l’autre objet du droit d’auteur auquel la prétendue violation se rapporte;

(b) identify the work or other subject-matter to which the claimed infringement relates;

c) déclare les intérêts ou droits du demandeur à l’égard de l’œuvre ou de l’autre objet visé;

(c) state the claimant’s interest or right with respect to the copyright in the work or other subject-matter;

d) précise les données de localisation de l’emplacement électronique qui fait l’objet de la prétendue violation;

(d) specify the location data for the electronic location to which the claimed infringement relates;

e) précise la prétendue violation;

(e) specify the infringement that is claimed;

f) précise la date et l’heure de la commission de la prétendue violation;

(f) specify the date and time of the commission of the claimed infringement; and

g) contient, le cas échéant, tout autre renseignement prévu par règlement.

(g) contain any other information that may be prescribed by regulation.

Contenu interdit

Prohibited content

(3) Toutefois, il ne peut contenir les éléments suivants :

(3) A notice of claimed infringement shall not contain

a) une offre visant le règlement de la prétendue violation;

(a) an offer to settle the claimed infringement;

b) une demande ou exigence, relative à cette prétendue violation, visant le versement de paiements ou l’obtention de renseignements personnels;

(b) a request or demand, made in relation to the claimed infringement, for payment or for personal information;

c) un renvoi, notamment au moyen d’un hyperlien, à une telle offre, demande ou exigence;

(c) a reference, including by way of hyperlink, to such an offer, request or demand; and

d) tout autre renseignement prévu par règlement, le cas échéant.

(d) any other information that may be prescribed by regulation.

Obligations

Obligations related to notice

41.26 (1) La personne visée aux alinéas 41.25(1)a) ou b) qui reçoit un avis conforme aux paragraphes 41.25(2) et (3) a l’obligation d’accomplir les actes ci-après, moyennant paiement des droits qu’elle peut exiger :

41.26 (1) A person described in paragraph 41.25(1)(a) or (b) who receives a notice of claimed infringement that complies with subsections 41.25(2) and (3) shall, on being paid any fee that the person has lawfully charged for doing so,

a) transmettre dès que possible par voie électronique une copie de l’avis à la personne à qui appartient l’emplacement électronique identifié par les données de localisation qui sont précisées dans l’avis et informer dès que possible le demandeur de cette transmission ou, le cas échéant, des raisons pour lesquelles elle n’a pas pu l’effectuer;

(a) as soon as feasible forward the notice electronically to the person to whom the electronic location identified by the location data specified in the notice belongs and inform the claimant of its forwarding or, if applicable, of the reason why it was not possible to forward it; and

b) conserver, pour une période de six mois à compter de la date de réception de l’avis de prétendue violation, un registre permettant d’identifier la personne à qui appartient l’emplacement électronique et, dans le cas où, avant la fin de cette période, une procédure est engagée par le titulaire du droit d’auteur à l’égard de la prétendue violation et qu’elle en a reçu avis, conserver le registre pour une période d’un an suivant la date de la réception de l’avis de prétendue violation.

(b) retain records that will allow the identity of the person to whom the electronic location belongs to be determined, and do so for six months beginning on the day on which the notice of claimed infringement is received or, if the claimant commences proceedings relating to the claimed infringement and so notifies the person before the end of those six months, for one year after the day on which the person receives the notice of claimed infringement.

Droits

Fees related to notices

(2) Le ministre peut, par règlement, fixer le montant maximal des droits qui peuvent être exigés pour les actes prévus au paragraphe (1). À défaut de règlement à cet effet, le montant de ces droits est nul.

(2) The Minister may, by regulation, fix the maximum fee that a person may charge for performing his or her obligations under subsection (1). If no maximum is fixed by regulation, the person may not charge any amount under that subsection.

Dommages-intérêts

Damages related to notices

(3) Le seul recours dont dispose le demandeur contre la personne qui n’exécute pas les obligations que lui impose le paragraphe (1) est le recouvrement des dommages-intérêts préétablis dont le montant est, selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence, d’au moins 5 000 $ et d’au plus 10 000 $.

(3) A claimant’s only remedy against a person who fails to perform his or her obligations under subsection (1) is statutory damages in an amount that the court considers just, but not less than $5,000 and not more than $10,000.

Règlement

Regulations — change of amounts

(4) Le gouverneur en conseil peut, par règlement, changer les montants minimal et maximal des dommages-intérêts préétablis visés au paragraphe (3).

(4) The Governor in Council may, by regulation, increase or decrease the minimum or maximum amount of statutory damages set out in subsection (3).

[10] Aucun règlement n’a été pris aux fins de l’application des alinéas 41.25(2)g) et 41.25(3)d) de la Loi sur le droit d’auteur.

[11] Les appelantes sont des sociétés de production cinématographique qui font partie du studio de cinéma Voltage Pictures. Dans leur demande, elles allèguent que M. Salna et les membres du groupe de défendeurs envisagé ont violé leur droit d’auteur sur les films The Cobbler, Pay the Ghost, Good Kill, Fathers and Daughters et American Heist (les œuvres) lorsque BitTorrent a été utilisé à leurs adresses de protocole Internet (IP) pour télécharger certaines ou la totalité des œuvres, de sorte que les œuvres ainsi téléchargées étaient offertes à d’autres utilisateurs de BitTorrent à des fins de téléversement.

[12] BitTorrent est un protocole de partage de fichiers poste à poste qui permet la mise en circulation décentralisée et simultanée de fichiers informatiques par Internet. Pour décrire le fonctionnement de BitTorrent, je ne peux faire mieux que de citer le résumé fait par mon collègue le juge Rennie dans l’arrêt Salna c. Voltage Pictures, LLC, 2021 CAF 176 [Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1], autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 39895 (26 mai 2022).

[13] Aux paragraphes 11 à 14 de l’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1, le juge Rennie a écrit ce qui suit :

Les utilisateurs du logiciel BitTorrent sont connectés entre eux. Une fois connecté, l’utilisateur télécharge des segments des fichiers disponibles en petites quantités, ou paquets de données. On peut comparer le fichier à un casse-tête terminé et les paquets aux pièces du casse-tête. Une fois téléchargé, le fichier de données peut être téléversé afin d’être téléchargé par d’autres utilisateurs de BitTorrent appelés [traduction] « postes ». Les postes peuvent ainsi télécharger des paquets de données, ou pièces du casse-tête, à partir de diverses sources, tout en téléversant simultanément ce contenu pour permettre à d’autres de le télécharger.

[…] En fin de compte, il est possible d’obtenir un fichier complet en téléchargeant tous les paquets requis à partir des divers postes. Les postes qui mettent des fichiers ou des paquets à la disposition de ceux qui les téléchargent sont considérés comme « la source » du téléversement. Une source peut fournir, aux fins du téléchargement, une partie du fichier ou le fichier intégral. Il est toutefois rare qu’une personne reçoive un fichier complet à télécharger d’une seule source. Finalement, le fichier complet ou casse-tête, en l’occurrence – le film – est assemblé, pièce par pièce, pour en permettre le visionnement.

Pour ajouter des fichiers ou pour permettre à d’autres postes de les télécharger, au moins un utilisateur qui détient une copie complète du fichier en question doit être connecté. Cet utilisateur « dissémine » le fichier pour qu’il puisse être téléchargé par les autres postes. Une fois qu’un poste a téléchargé un fichier complet, il peut aussi le disséminer.

BitTorrent étant un protocole de partage de fichiers, une fois que ceux-ci sont partagés dans le réseau, ils le sont par tous les utilisateurs. Par conséquent, le téléversement ou l’offre de téléversement des fichiers ou des paquets de données peut être effectué sans que l’utilisateur en ait connaissance et peut se produire chaque fois qu’un utilisateur de BitTorrent est connecté à Internet.

[Renvois au dossier omis.]

[14] Les appelantes ont utilisé un logiciel d’analyse technique pour obtenir les adresses IP de M. Salna et des membres du groupe envisagé. Elles affirment que leur logiciel d’analyse technique a détecté les adresses IP des membres du groupe envisagé comme étant celles où BitTorrent avait été utilisé pour télécharger certaines ou la totalité des œuvres, de sorte que les œuvres ainsi téléchargées étaient offertes à d’autres utilisateurs de BitTorrent à des fins de téléversement.

[15] Une adresse IP est attribuée par un fournisseur de services Internet à l’appareil se connectant à Internet d’un abonné et permet à cet appareil de se connecter à Internet. Chaque adresse IP est unique. Cependant, les appareils tels les routeurs peuvent partager cette connexion Internet (et, par conséquent, l’adresse IP correspondante) avec d’autres appareils, tels que les cellulaires, les tablettes et les ordinateurs. Ainsi, de nombreux appareils se trouvant dans une maison peuvent accéder à Internet avec l’adresse IP d’un abonné. Il peut notamment s’agir du cellulaire d’un invité à qui l’abonné donne son mot de passe Wi-Fi.

[16] Bien qu’elles aient les adresses IP des membres du groupe envisagé, les appelantes ne savent pas qui sont les abonnés associés à ces adresses IP (outre M. Salna) ni où ils vivent. C’est le fournisseur de services Internet des abonnés dont le compte est actif qui disposerait de ces renseignements, et il doit les conserver pour une période de six mois si le titulaire du droit d’auteur lui envoie un avis dans le cadre du régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur. En application de l’alinéa 41.26(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur, la période de conservation est prolongée de six mois si une procédure est engagée dans les six mois suivant la date à laquelle le fournisseur de services Internet transmet l’avis de la prétendue violation à l’abonné.

[17] En l’espèce, les appelantes allèguent que M. Salna et les membres du groupe envisagé ont violé leur droit d’auteur sur les œuvres : (1) en mettant une œuvre à disposition pour téléchargement sur le réseau BitTorrent en offrant le fichier à des fins de téléversement; (2) en annonçant l’offre de téléchargement de l’œuvre au moyen du protocole BitTorrent; et (3) en ne prenant aucune mesure, même raisonnable, pour s’assurer qu’une personne qui télécharge une œuvre a été autorisée à le faire par la loi. Seules la première et la troisième prétendues violations sont en cause dans le présent appel. Dans les documents et pièces accompagnant la requête en autorisation, les appelantes ont utilisé l’expression [traduction] « actes illégaux nos 1 et 3 » pour désigner la première et la troisième prétendues violations.

[18] En l’espèce, le groupe envisagé comprend essentiellement « les personnes dont les comptes Internet ont été déterminés par le logiciel d’analyse technique de Voltage comme offrant de téléverser ses films au cours d’une période antérieure de six mois » (Voltage Pictures, LLC c. Salna, 2019 CF 1412 [Voltage CF relative à l’autorisation no 1], par. 11). Bien que le groupe envisagé ait initialement semblé comprendre plus de 55 000 défendeurs, à la deuxième audience relative à l’autorisation devant la Cour fédérale, le nombre de membres du groupe envisagé avait baissé à environ 874. De plus, à ce moment, M. Salna était le seul représentant défendeur proposé restant, puisque les deux autres défendeurs nommés avaient été retirés à titre de représentants défendeurs proposés plus tôt dans l’instance : Voltage CF relative à l’autorisation no 2, par. 12.

[19] Dans leur demande, les appelantes sollicitaient notamment une injonction ainsi que les dommages-intérêts préétablis visés à l’alinéa 38.1(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur. Cette disposition plafonne à 5 000 $ les dommages-intérêts préétablis pour une violation commise à des fins non commerciales.

[20] Les points de droit ou de fait communs proposés par les appelantes étaient les suivants :

[traduction]

Violation du droit d’auteur

i) Chacune des œuvres est‑elle une œuvre cinématographique originale à l’égard de laquelle un droit d’auteur subsiste?

ii) La demanderesse concernée détient-elle les droits d’auteur sur les œuvres en question?

iii) Les actes illégaux constituent-ils une violation du droit d’auteur, p. ex. :

a. les actes qu’en vertu de la Loi sur le droit d’auteur seul le titulaire du droit d’auteur a la faculté d’accomplir;

b. les actes visés aux alinéas 27(2)b) à d) de la Loi sur le droit d’auteur et que les défendeurs savaient ou auraient dû savoir qu’ils constituaient une violation du droit d’auteur;

c. les actes visés au paragraphe 27(2.3) de la Loi sur le droit d’auteur?

iv) Les actes illégaux constituent-ils une offre d’œuvre par télécommunication interdite par les dispositions de la Loi sur le droit d’auteur?

v) L’une des demanderesses a-t-elle consenti à un acte illégal ou a-t-elle autorisé un tel acte?

vi) Les abonnés à un compte Internet ont‑ils :

i détenu un contrôle suffisant à l’égard de l’utilisation de leurs comptes Internet ainsi que des ordinateurs et appareils connexes connectés à Internet, de sorte qu’ils ont autorisé, sanctionné, approuvé ou favorisé les violations précisées dans les actes illégaux nos 1 ou 2?

ii. besoin d’un préavis pour être jugés responsables de l’autorisation? Auquel cas, un avis aux termes d’une entente avec un fournisseur de services Internet est‑il suffisant pour engager leur responsabilité à l’égard des actes des contrefacteurs directs, ou un avis direct précis est-il nécessaire?

iii. reçu un avis de violation? Si un tel avis leur avait été envoyé, mais qu’ils ont choisi d’en faire fi, cela constitue-t-il une autorisation de la violation du droit d’auteur? L’aveuglement volontaire suffit‑il pour emporter une autorisation de la violation du droit d’auteur?

Moyens de défense

vii) Existe-t-il des moyens de défense pouvant être invoqués par le groupe contre la violation du droit d’auteur, y compris une défense fondée sur l’utilisation équitable?

Réparations

viii) Quel montant de dommages-intérêts l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur permet-il d’adjuger?

ix) Y a-t-il lieu d’accorder une injonction dans la présente affaire?

[21] M. Salna est (et était aux moments visés par le présent appel) le propriétaire de trois unités locatives dans un immeuble situé à Richmond Hill. Il offrait un accès Internet à ses locataires. Les appelantes soutiennent que leur logiciel d’analyse technique a révélé que les cinq œuvres avaient été téléchargées et ainsi offertes à des fins de téléversement sur BitTorrent par l’adresse IP de M. Salna pendant la période de six mois précédant la date du dépôt des documents et pièces accompagnant la requête en autorisation. Dans l’un des affidavits qu’il a déposés, M. Salna a affirmé qu’il ne savait pas comment cela s’était produit et a accusé ses locataires et leurs invités de toute violation possible du droit d’auteur des appelantes sur les œuvres.

[22] Les appelantes ont obtenu les coordonnées de M. Salna grâce à une ordonnance de type Norwich, qui tire son nom de l’arrêt Norwich Pharmacal Co. v. Customs and Excise Commissioners, [1974] A.C. 133 (H.L.). Une ordonnance de type Norwich peut être rendue à la demande d’une partie qui veut faire valoir ses droits afin d’obliger la divulgation de renseignements concernant les auteurs présumés de la faute. Pour paraphraser la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Rogers Communications Inc. c. Voltage Pictures, LLC, 2018 CSC 38, [2018] 2 R.C.S. 643 [Voltage CSC], pour obtenir une telle ordonnance, le demandeur doit démontrer que : (1) sa demande est valide; (2) la personne qui possède les renseignements recherchés a quelque chose à voir avec la violation des droits du titulaire de droits; (3) la divulgation demandée est la seule manière pratique pour le titulaire de droits d’obtenir les renseignements recherchés; (4) le titulaire de droits versera une compensation à la personne qui possède les renseignements pour les coûts raisonnables associés à la divulgation des renseignements; et (5) l’intérêt public à la divulgation l’emporte sur l’attente légitime de respect de la vie privée : Voltage CSC, par. 18.

[23] Dans la version définitive de leur plan proposé relativement à la poursuite de l’instance (daté du 20 janvier 2023), les appelantes ont proposé d’envoyer l’avis visé à l’article 41.25 de la Loi sur le droit d’auteur à chaque membre connu du groupe de défendeurs après que la Cour fédérale aura autorisé l’instance comme recours collectif. Elles ont également proposé qu’en plus des éléments énoncés au paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur, l’avis envoyé par les fournisseurs de services Internet en vertu de la Loi sur le droit d’auteur fournisse aux membres connus du groupe de défendeurs l’avis de recours collectif, contienne un hyperlien leur permettant de communiquer avec l’avocat du groupe, et les informe que, pour se retirer du recours collectif, ils doivent envoyer un courriel à l’avocat du groupe. L’avis proposé demandait également d’envoyer un courriel à l’avocat du groupe pour prouver que la prétendue violation du droit d’auteur avait pris fin et pour préciser les mesures prises par le membre du groupe afin d’atténuer le préjudice.

[24] Dans l’avis qu’elles ont proposé d’envoyer, les appelantes prévoyaient que les destinataires de cet avis resteraient anonymes, du moins au début, et qu’ils seraient identifiés par un numéro de série généré par les fournisseurs de services Internet. Cependant, les membres du groupe se seraient probablement identifiés (ou ils auraient à tout le moins fourni une adresse courriel) auprès de l’avocat du groupe s’ils communiquaient avec lui, s’ils se retiraient du recours collectif ou s’ils lui fournissaient de l’information concernant leurs efforts d’atténuation et la cessation des activités de prétendue violation. Les appelantes ont également proposé que l’ordonnance d’autorisation oblige les fournisseurs de services Internet, au gré des appelantes, à conserver les renseignements des membres du groupe jusqu’à la décision définitive sur le recours collectif inversé des appelantes, y compris les décisions définitives sur des appels. Selon la proposition des appelantes, les fournisseurs de services Internet auraient été tenus de conserver un registre pendant beaucoup plus longtemps que la période de conservation prévue par la loi.

[25] Les appelantes voulaient ainsi que les fournisseurs de services Internet transmettent l’avis de recours collectif aux membres du groupe dans le cadre du régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur de manière à faciliter le processus de retrait et de communication avec l’avocat du groupe. Si elles avaient pu envoyer un tel avis, les appelantes auraient été en mesure, du moins pour un certain temps, de passer outre la nécessité (et les coûts connexes) d’obtenir une ordonnance de type Norwich obligeant la divulgation de l’identité et des coordonnées des membres du groupe envisagé autres que M. Salna.

[26] Les fournisseurs de services Internet, qui ont été autorisés par la Cour fédérale à intervenir dans le cadre de la requête en autorisation dont il est question en l’espèce, ont présenté des éléments de preuve établissant le fardeau que leur aurait imposé le plan proposé par les appelantes relativement à la poursuite de l’instance. Selon eux, ils auraient notamment été obligés de concevoir un logiciel complexe de bases de données ou d’adopter des politiques de conservation manuelle des données et de possiblement répondre aux questions des abonnés, ce qui aurait pu entraîner la perte de clients.

II. Décisions antérieures pertinentes

[27] Avant de me pencher sur la décision de la Cour fédérale faisant l’objet du présent appel, j’estime utile de présenter plusieurs autres décisions pertinentes qui ont été rendues antérieurement dans le cadre du présent recours collectif inversé envisagé. Il est également utile d’examiner un arrêt rendu par notre Cour après la décision de la Cour fédérale faisant l’objet du présent appel. Cet arrêt a été rendu dans le cadre d’une action simplifiée portant sur de prétendues violations du droit d’auteur semblables à l’espèce et engagée contre un groupe de défendeurs par une entité liée aux appelantes.

[28] J’examine d’abord les décisions antérieures rendues dans le cadre de la présente demande.

A. Rogers Communications Inc. c. Voltage Pictures, LLC, 2018 CSC 38, [2018] 2 R.C.S. 643

[29] Dans l’arrêt Voltage CSC, la Cour suprême a conclu que les fournisseurs de services Internet peuvent être indemnisés des coûts liés au travail nécessaire pour identifier les destinataires de l’avis envoyé au titre de l’article 41.26 de la Loi sur le droit d’auteur en vue de se conformer à une ordonnance de type Norwich lorsque le travail en question ne fait pas partie de ce qu’ils doivent accomplir pour respecter les dispositions relatives au régime d’avis et avis prévues dans la Loi sur le droit d’auteur.

[30] La Cour suprême a également fait remarquer que le titulaire du droit d’auteur qui souhaite poursuivre une personne qui aurait violé son droit en ligne doit obtenir une ordonnance de type Norwich afin d’obtenir des renseignements sur cette personne. Elle ne peut pas se prévaloir du régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur à cette fin. À ce sujet, le juge Brown, s’exprimant au nom de la majorité, a déclaré ce qui suit au paragraphe 24 de l’arrêt Voltage CSC :

« [Le régime] d’avis et avis [prévu par la Loi sur le droit d’auteur] n’est que la première étape d’un processus permettant aux titulaires de droit de poursuivre ceux qui violeraient ces droits. […] [Le titulaire du droit] peut ensuite s’en servir quand il décide de poursuivre le contrevenant allégué » [citant le témoignage d’un fournisseur de services Internet devant la Chambre des communes, Comité législatif chargé du projet de loi C-32, Témoignages, no 19, 3e sess., 40e lég., 22 mars 2011, p. 10]. C’est pourquoi […] le titulaire du droit d’auteur qui souhaite poursuivre une personne qui aurait violé son droit en ligne doit obtenir une ordonnance de type Norwich pour obliger le [fournisseur de services Internet] à lui communiquer l’identité de cette personne. Le régime législatif d’avis et avis n’a pas écarté cette exigence; il fonctionne de concert avec elle. Cela est confirmé par l’al. 41.26(1)b), qui prévoit que le titulaire du droit d’auteur peut poursuivre une personne qui reçoit un avis dans le cadre du régime, et établit l’obligation du [fournisseur de services Internet] de conserver le registre permettant d’identifier cette personne pendant une certaine période suivant la réception de cet avis.

[Non souligné dans l’original.]

[31] Je souligne que la version de la Loi sur le droit d’auteur prise en considération dans l’arrêt Voltage CSC a été modifiée depuis. Plus particulièrement, en 2018, le législateur a ajouté le paragraphe 41.25(3) à la Loi sur le droit d’auteur, lequel énumère plusieurs éléments que ne peut contenir l’avis de prétendue violation envoyé par le titulaire du droit d’auteur au fournisseur de services Internet.

B. Voltage Pictures, LLC c. Salna, 2017 CAF 221

[32] La prochaine affaire d’intérêt est l’arrêt Voltage Pictures, LLC c. Salna, 2017 CAF 221 [Voltage CAF relatif au cautionnement pour dépens], par lequel notre Cour a rejeté l’appel interjeté à l’encontre de la décision de la Cour fédérale (le juge Boswell) d’accueillir la requête en cautionnement pour dépens présentée par M. Salna (Voltage Pictures, LLC c. Salna, 2017 CF 130).

[33] La Cour fédérale a accordé à M. Salna un cautionnement pour dépens de 75 000 $, que les demanderesses ont été enjointes à consigner à la Cour fédérale. Dans l’arrêt Voltage CAF relatif au cautionnement pour dépens, notre Cour a confirmé l’ordonnance relative au cautionnement pour dépens de la Cour fédérale, mais pour des motifs différents. Notre Cour a conclu qu’il était possible que M. Salna se voie adjuger les dépens liés à la requête en autorisation des appelantes, advenant son rejet. Fait important, notre Cour n’a toutefois pas tiré de conclusion quant à savoir s’il conviendrait d’adjuger des dépens. Elle a seulement déclaré ce qui suit au paragraphe 8 :

[I]l est tout à fait possible que, s’il obtient gain de cause, [M. Salna] se voie adjuger les dépens par application de l’alinéa 334.39(1)c) des Règles. Cette disposition permet l’adjudication de dépens liés à une requête en autorisation, à un recours collectif ou à un appel découlant d’un recours collectif si « des circonstances exceptionnelles font en sorte qu’il serait injuste d’en priver la partie qui a eu gain de cause ». De telles circonstances pourraient bien exister en l’espèce, mais la question ne sera pas abordée à moins et jusqu’à ce que la Cour fédérale ne rejette la requête en autorisation.

[Non souligné dans l’original.]

C. Salna c. Voltage Pictures, LLC, 2021 CAF 176

[34] Le troisième arrêt pertinent est l’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1, où notre Cour a infirmé la décision Voltage CF relative à l’autorisation no 1 par laquelle la Cour fédérale avait rejeté la requête en autorisation des appelantes.

[35] Dans cet arrêt, notre Cour a confirmé que les appelantes avaient respecté les trois premières conditions essentielles prévues à la partie 5.1 des Règles des Cours fédérales pour que l’instance en question soit autorisée comme recours collectif. Selon ces conditions : (1) les actes de procédure devaient révéler une cause d’action valable; (2) il devait exister un certain fondement factuel permettant de conclure qu’il existe un groupe identifiable formé d’au moins deux défendeurs; et (3) il devait exister un certain fondement factuel permettant de conclure que le recours collectif envisagé soulève des points de droit ou de fait communs. Notre Cour a renvoyé à la Cour fédérale les questions de savoir si le recours collectif inversé était le meilleur moyen de régler les points communs (quatrième condition d’autorisation) et si M. Salna était un représentant défendeur convenable (cinquième condition d’autorisation).

[36] Dans sa conclusion sur la première condition, notre Cour a jugé que la partie de l’avis de demande modifié des appelantes alléguant ce qu’elles appelaient une violation « directe » révélait une cause d’action valable. Les actes qui, selon les appelantes, constituaient une telle violation, qu’elles appelaient l’acte illégal no 1, consistaient à [traduction] « mettre une œuvre à disposition pour téléchargement sur le réseau BitTorrent en offrant le fichier à des fins de téléversement ».

[37] Notre Cour a également conclu que la partie de l’avis de demande modifié des appelantes alléguant ce qu’elles appelaient l’« autorisation » d’une violation révélait une cause d’action valable. Les actes qui, selon les appelantes, constituaient une telle violation, qu’elles appelaient l’acte illégal no 3, consistaient à [traduction] « ne prendre aucune mesure raisonnable pour s’assurer que les actes illégaux nos 1 et 2 n’ont pas été commis à l’égard d’un compte Internet contrôlé par un abonné et, ce faisant, à autoriser de tels actes illégaux ».

[38] Cependant, notre Cour a conclu que la partie de l’avis de demande modifié des appelantes alléguant ce qu’elles appelaient la [traduction] « violation à une étape ultérieure » ne révélait pas de cause d’action valable. Les actes qui, selon les appelantes, constituaient une telle violation, qu’elles appelaient l’acte illégal no 2, consistaient à [traduction] « annoncer l’offre de téléchargement de l’œuvre au moyen du protocole BitTorrent ». Notre Cour a conclu que, dans leur avis de demande modifié, les appelantes n’avaient pas invoqué les faits substantiels nécessaires pour justifier leur allégation de violation à une étape ultérieure.

[39] Plus précisément, au paragraphe 87, notre Cour a fait remarquer que, conformément à l’arrêt CCH Canadienne Ltée c. Barreau du Haut-Canada, 2004 CSC 13, [2004] 1 R.C.S. 339, de la Cour suprême, le critère permettant d’établir une violation à une étape ultérieure comporte trois volets : (1) une violation initiale du droit d’auteur s’est produite; (2) l’auteur de la violation à une étape ultérieure savait ou aurait dû savoir qu’il utilisait le produit d’une violation du droit d’auteur; et (3) l’auteur de la violation à une étape ultérieure a vendu, mis en circulation ou mis en vente les œuvres en cause. Notre Cour a conclu que les appelantes n’avaient pas invoqué les faits substantiels nécessaires pour étayer le critère de la connaissance permettant d’établir une violation à une étape ultérieure.

[40] En ce qui a trait à la quatrième condition d’autorisation du présent recours collectif inversé envisagé, à savoir si le recours collectif est le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs, notre Cour a conclu que la Cour fédérale avait commis une erreur dans la décision Voltage CF relative à l’autorisation no 1 en s’attardant aux lacunes du plan des appelantes relativement à la poursuite de l’instance dans son analyse du meilleur moyen. Notre Cour a fait remarquer que la condition du meilleur moyen appelle une analyse générale visant à déterminer si le recours collectif est un moyen juste et efficace de poursuivre l’instance et s’il est préférable à une autre procédure. Notre Cour a également conclu que la Cour fédérale avait commis une erreur en ne procédant pas à l’analyse requise visant à comparer l’opportunité de régler les points de droit ou de fait communs au moyen d’un recours collectif et la multiplicité d’actions individuelles. Sur cette question, notre Cour a jugé que les renseignements contenus dans le dossier dont elle disposait concernant la taille et la composition du groupe envisagé ne lui permettaient pas de déterminer si le recours collectif inversé envisagé était le meilleur moyen. Par conséquent, elle a renvoyé la question à la Cour fédérale pour que cette dernière réexamine la condition du meilleur moyen.

[41] Toutefois, dans son analyse du meilleur moyen, notre Cour a fait remarquer que le fait qu’il existait de multiples défendeurs, chacun pouvant être condamné à verser une faible somme d’argent, pouvait mener à la conclusion selon laquelle le recours collectif était un moyen juste et pratique de faire progresser l’instance. Le juge Rennie, s’exprimant au nom de notre Cour, a déclaré que des principes semblables s’appliquent dans les recours collectifs inversés et les procédures intentées pour le compte d’un groupe de demandeurs. Au paragraphe 115, il a déclaré ce qui suit :

Dans de telles circonstances, où il existe de multiples défendeurs, chacun pouvant être condamné à verser une faible somme d’argent, un recours collectif est un « moyen juste, efficace et pratique de faire progresser l’instance » (Wenham [c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 199], au paragraphe 77). Les recours collectifs permettent de diminuer les répercussions financières liées aux frais de défense, car les membres du groupe font appel aux mêmes avocats et témoins experts et divisent entre eux le paiement des honoraires. Cet allègement du fardeau financier peut aussi atténuer la pression que ressentent les membres du groupe pour en venir à un règlement avant une décision au fond.

[42] En ce qui concerne la cinquième condition d’autorisation, à savoir qu’il existe un représentant défendeur convenable, notre Cour a conclu que la Cour fédérale avait commis une erreur dans la décision Voltage CF relative à l’autorisation no 1 en jugeant que M. Salna ne l’était pas. La Cour fédérale avait conclu que M. Salna aurait été peu motivé à opposer une défense au recours collectif en raison du modeste montant des dommages-intérêts préétablis auquel il pourrait être condamné. Au paragraphe 123 de l’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1, notre Cour a déclaré que le raisonnement de la Cour fédérale était « contraire à la raison d’être des recours collectifs, où c’est “précisément lorsque le montant des dommages‑intérêts accordés à chaque demandeur ne saurait être élevé que le recours collectif devient le meilleur moyen, et parfois le seul, d’assurer véritablement l’accès à la justice” » (citant Canada c. M. Untel, 2016 CAF 191, par. 65).

[43] Notre Cour a également conclu que le plan proposé par les appelantes relativement à la poursuite de l’instance soulevait des questions factuelles qui méritaient qu’on leur accorde une attention particulière, surtout concernant les conventions relatives aux honoraires, les conflits d’intérêts possibles ainsi que les mécanismes de retrait, qui permettent aux membres du groupe de se soustraire à l’acquittement de leur part des frais (par. 126). Compte tenu du lien entre les questions sur le plan proposé relativement à la poursuite de l’instance et l’évaluation du meilleur moyen, notre Cour a renvoyé à la Cour fédérale la question de la cinquième condition d’autorisation, à savoir si M. Salna était un représentant défendeur convenable.

[44] Après avoir décidé que la question des quatrième et cinquième conditions d’autorisation serait renvoyée à la Cour fédérale pour réexamen, notre Cour a analysé l’utilisation du régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur proposée par les appelantes dans leur plan relatif à la poursuite de l’instance. Notre Cour a conclu que la Cour fédérale avait commis une erreur dans la décision Voltage CF relative à l’autorisation no 1 en jugeant que l’utilisation proposée par les appelantes du régime d’avis et avis imposerait un fardeau excessif aux fournisseurs de services Internet, puisqu’il n’y avait aucune preuve à cet effet. Notre Cour a ajouté que, dans le cadre du nouvel examen par la Cour fédérale, les fournisseurs de services Internet pourraient intervenir et présenter des éléments de preuve pertinents concernant le fardeau que leur imposerait le plan proposé par les appelantes relativement à la poursuite de l’instance.

[45] Notre Cour a également conclu que la Cour fédérale avait commis une erreur dans la décision Voltage CF relative à l’autorisation no 1 en concluant que l’intention du législateur n’était pas que le régime d’avis et avis soit utilisé de la manière proposée par les appelantes, car la Cour fédérale n’avait pas procédé à l’exercice d’interprétation législative. En raison de l’insuffisance de la preuve et des arguments présentés concernant la question de savoir si le régime d’avis et avis pouvait être utilisé de la manière proposée par les appelantes, notre Cour a conclu que « les fins auxquelles le législateur destinait l’article 41.26 de la [Loi sur le droit d’auteur] n’ont pas encore été déterminées » (par. 131). Elle a renvoyé cette question, tout comme les autres, à la Cour fédérale pour réexamen.

[46] Pour tirer cette conclusion, le juge Rennie a fait remarquer au paragraphe 129 que l’arrêt Voltage CSC de la Cour suprême :

[…] a[vait] été [rendu] avant les modifications apportées [au paragraphe 41.25(3) de la Loi sur le droit d’auteur] en 2018 [L.C. 2018, ch. 27, [art. 243], lorsque le législateur a précisé que l’avis ne devait pas inclure une offre visant le règlement, une demande ou exigence visant le versement de paiements ou l’obtention de renseignements personnels ou un renvoi à une telle offre, demande ou exigence (projet de loi C-86, Loi no 2 d’exécution du budget de 2018, L.C. 2018, ch. 27 [art. [243]]). Parallèlement, la modification proposant un avis rédigé dans la forme prévue par règlement a été rejetée au motif que le régime devrait laisser la possibilité de mettre au point des « solutions provenant du marché » (Décret fixant à la date qui tombe six mois après la date de publication du présent décret la date d’entrée en vigueur de certaines dispositions de la Loi sur le droit d’auteur, TR/2014-58, Gaz. C. 2014 II 2121 (entrée en vigueur le 2 juillet 2014), aux pages 2121 et 2122).

D. Voltage Holdings, LLC c. Untel no 1, 2023 CAF 194

[47] Passons à l’arrêt Voltage Holdings, LLC c. Untel no 1, 2023 CAF 194 [Voltage c. Untel CAF], autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 41026 (27 juin 2024), par laquelle notre Cour a rejeté l’appel de la décision Voltage Holdings, LLC c. M. Untel no 1, 2022 CF 827 [Voltage c. M. Untel CF] rendue par la Cour fédérale (la juge Furlanetto). Dans sa décision, la Cour fédérale a rejeté une requête présentée par Voltage Holdings, LLC (Voltage) en vue d’obtenir un jugement par défaut.

[48] Dans cette affaire, Voltage a constaté, à l’aide de son logiciel d’analyse technique, que BitTorrent avait été utilisé à plusieurs adresses IP pour mettre le film Revolt à disposition. Voltage a envoyé un avis de prétendue violation sous le régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur aux fournisseurs de services Internet, qui, à leur tour, ont envoyé des avertissements aux abonnés associés aux adresses IP concernées. Lorsqu’un deuxième cas de téléchargement s’est produit aux mêmes adresses IP dans les sept jours suivant le premier, Voltage a envoyé un deuxième avis de prétendue violation sous le régime d’avis et avis aux fournisseurs de services Internet, qui, à leur tour, ont envoyé un deuxième avertissement aux abonnés associés à ces adresses IP.

[49] Contrairement à l’espèce, dans l’affaire Voltage c. M. Untel CF, Voltage a obtenu des ordonnances de type Norwich enjoignant aux fournisseurs de services Internet de divulguer l’identité et l’adresse de plusieurs des défendeurs qui avaient téléchargé le film Revolt à deux reprises sur BitTorrent. Voltage a ensuite signifié à ces défendeurs une déclaration dans laquelle elle formulait des allégations semblables aux actes illégaux nos 1 et 3 allégués en l’espèce par les appelantes dans leur avis de demande. Aucun des défendeurs n’a déposé de défense, et Voltage a présenté une requête en vue d’obtenir un jugement par défaut.

[50] La Cour fédérale a rejeté la requête en jugement par défaut et a conclu que Voltage n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour établir que les défendeurs étaient des contrefacteurs directs, car elle avait seulement établi qu’ils étaient des abonnés à Internet et que rien ne démontrait que les défendeurs avaient eux-mêmes utilisé BitTorrent pour télécharger le film Revolt.

[51] La Cour fédérale a également conclu que Voltage n’avait pas déposé suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que les défendeurs exerçaient un contrôle suffisant sur les personnes qui avaient utilisé BitTorrent pour télécharger le film Revolt pour autoriser la violation du droit d’auteur sur le film en l’offrant à des fins de téléversement. La Cour fédérale a donc rejeté la théorie de Voltage selon laquelle les défendeurs avaient autorisé la violation. Elle a conclu que le fait qu’un avertissement avait été envoyé à la suite du premier téléchargement et qu’un deuxième cas de violation s’était produit à la même adresse IP dans les sept jours suivants ne permettait pas d’établir que les défendeurs avaient autorisé la violation en l’absence de preuve quant à la nature de la relation entre ceux-ci et les personnes qui avaient procédé au téléchargement et qui avaient donc offert le contenu non autorisé à des fins de téléversement.

[52] Par conséquent, la Cour fédérale a conclu que l’action de Voltage devait passer à l’étape de l’interrogatoire préalable et a rejeté la requête en vue d’obtenir un jugement par défaut.

[53] Cette décision a été confirmée par notre Cour dans l’arrêt Voltage c. Untel CAF. Dans cet arrêt, notre Cour a conclu que la théorie de l’autorisation de la violation exposée par Voltage était incompatible avec l’arrêt Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Entertainment Software Association, 2022 CSC 30, [2022] 2 R.C.S. 303 [ESA], de la Cour suprême. Le juge Rennie, s’exprimant une fois de plus au nom de notre Cour, a fait remarquer que l’arrêt ESA est clair sur le fait que « l’autorisation, dans le contexte de la violation des droits d’auteur en ligne, s’adresse à ceux qui mettent à disposition le matériel protégé par les droits d’auteur en vue de son téléchargement et n’est possible qu’à l’égard de ceux-ci » (par. 30).

[54] Dans sa conclusion, le juge Rennie a établi une distinction entre l’arrêt ESA et l’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1 rendu par notre Cour. Il a estimé que notre Cour avait seulement jugé que les appelantes avaient une demande soutenable relativement à l’autorisation de la violation et non qu’elles avaient prouvé l’autorisation de la violation. Il a également fait remarquer que l’arrêt ESA, qui a été rendu après l’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1, « fournit des orientations claires sur les exigences juridiques et les exigences en matière de preuve de la violation dans le contexte de l’infraction en ligne » (par. 85). Il a déclaré que « [l]a mise en ligne d’une œuvre et l’invitation faite à d’autres personnes de la visualiser engagent le droit d’autorisation de l’auteur; toutefois, le partage de l’accès à Internet après avoir reçu des avis de violation présumée n’apporte rien à l’œuvre en question et ne met donc en jeu aucun droit d’auteur accordé exclusivement à l’auteur » (par. 85, souligné dans l’original).

[55] Notre Cour a donc conclu que les personnes qui avaient utilisé BitTorrent pour mettre le film Revolt à disposition pour téléchargement avaient autorisé la violation du droit d’auteur de Voltage sur le film, mais que le simple fait que le téléchargement avait été fait aux adresses IP des défendeurs ne permettait pas de démontrer que ces derniers avaient autorisé la violation. Conséquemment, notre Cour a conclu que la Cour fédérale n’avait pas commis une erreur en rejetant la requête présentée par Voltage en vue d’obtenir un jugement par défaut.

III. Décision de la Cour fédérale dans la présente affaire

[56] Passons à l’examen des parties de la décision rendue par la Cour fédérale dans la présente affaire qui sont pertinentes dans le cadre de l’appel. Comme je le mentionne plus haut, dans l’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1, notre Cour a renvoyé à la Cour fédérale pour réexamen les questions de savoir si le recours collectif inversé était le meilleur moyen de régler les points communs et si M. Salna était un représentant défendeur convenable.

[57] Sur la question du meilleur moyen, la Cour fédérale a conclu qu’en l’espèce, les appelantes avaient démontré l’existence d’un certain fondement factuel permettant de conclure que le recours collectif était le meilleur moyen de régler les points communs soulevés par les appelantes. La Cour fédérale a conclu que le recours collectif envisagé « permettra de trancher des questions communes sur le fondement d’un seul ensemble d’actes de procédure » et que « [l]es questions communes seront tranchées sur la foi de la preuve commune, y compris la preuve d’expert » (par. 37). Elle a également conclu que les demandeurs pouvaient mettre en commun leurs ressources pour financer leur défense et pouvaient faire valoir une thèse concertée avec l’aide de l’avocat du groupe, de sorte que le risque de jugements contradictoires est réduit. Elle a ajouté que l’un des avantages du recours collectif inversé, comparativement à des demandes individuelles, était que le recours collectif pouvait protéger l’anonymat des défendeurs dans une plus grande mesure. La Cour fédérale a également conclu qu’un autre avantage majeur du recours collectif était que le règlement devait être approuvé par la Cour. Elle a noté qu’il s’agissait d’une « mesure de protection importante contre les “trolls de droits d’auteur”, qui font pression sur les défendeurs pour qu’ils règlent des demandes non fondées au risque de devoir payer des frais de litige importants » (par. 39).

[58] La Cour fédérale a également considéré comme conjecturales les préoccupations de M. Salna concernant le risque que d’innombrables questions individuelles supplantent les points communs et rendent le recours collectif ingérable. La Cour fédérale a fait remarquer que les préoccupations de M. Salna devaient être nuancées à la lumière des observations de notre Cour aux paragraphes 102 à 104 de l’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1, où le juge Rennie a écrit ce qui suit :

Certes, multiplier les exercices d’appréciation de faits individuels complique la gestion d’un recours collectif, mais il faut se demander si l’autorisation du recours favorise les trois principaux objectifs d’un recours collectif : l’économie des ressources judiciaires, la modification des comportements et l’accès à la justice ([AIC Limitée c. Fischer, 2013 SCC 69, [2013] 3 R.C.S. 949], au paragraphe 22). Même la résolution d’une seule question, parmi de nombreuses autres, pourrait permettre de réaliser ces objectifs, par exemple, en éliminant les issues contradictoires susceptibles de survenir lorsque différents juges sont appelés à répondre à la même question, ainsi qu’en réduisant les ressources judiciaires consacrées à l’analyse de cette seule question.

Je ne trouve pas convaincantes les conjectures à l’égard d’une identification erronée ou de l’existence possible de plusieurs scénarios factuels différents. Deuxièmement, les dispositions des Règles des Cours fédérales applicables aux recours collectifs sont empreintes d’une certaine souplesse, en ce sens que ces dernières prévoient de nombreuses solutions pour régler des questions individuelles qui pourraient survenir (Brake [c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 274], au paragraphe 92). Il s’agit notamment de la création de sous-groupes reposant sur des scénarios fondés sur des faits similaires (paragraphe 334.16(3)) et d’un processus d’évaluation individuelle supervisé par la Cour (règle 334.26). De plus, si le recours collectif lancé devient ingérable, les Règles des Cours fédérales permettent la modification des actes de procédure, voire le retrait de l’autorisation si les conditions d’autorisation ne sont plus respectées (règle 334.19).

La même réponse est donnée à l’argument selon lequel les réparations prévues par la loi demandées par Voltage nécessiteront une évaluation individuelle […].

[59] La Cour fédérale a donc conclu que la quatrième condition d’autorisation était remplie, puisque les appelantes avaient démontré l’existence d’un certain fondement factuel permettant de conclure que le recours collectif était le meilleur moyen.

[60] En revanche, la Cour fédérale a conclu que la dernière condition d’autorisation n’était pas remplie. L’alinéa 334.16(1)e) des Règles des Cours fédérales énonce les cinq conditions d’autorisation d’un recours collectif et prévoit ce qui suit :

Autorisation

Certification

Conditions

Conditions

334.16 (1) Sous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une instance comme recours collectif si les conditions suivantes sont réunies :

334.16 (1) Subject to subsection (3), a judge shall, by order, certify a proceeding as a class proceeding if

[…]

e) il existe un représentant demandeur qui :

(e) there is a representative plaintiff or applicant who

(i) représenterait de façon équitable et adéquate les intérêts du groupe,

(i) would fairly and adequately represent the interests of the class,

(ii) a élaboré un plan qui propose une méthode efficace pour poursuivre l’instance au nom du groupe et tenir les membres du groupe informés de son déroulement,

(ii) has prepared a plan for the proceeding that sets out a workable method of advancing the proceeding on behalf of the class and of notifying class members as to how the proceeding is progressing,

(iii) n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait communs,

(iii) does not have, on the common questions of law or fact, an interest that is in conflict with the interests of other class members, and

(iv) communique un sommaire des conventions relatives aux honoraires et débours qui sont intervenues entre lui et l’avocat inscrit au dossier.

(iv) provides a summary of any agreements respecting fees and disbursements between the representative plaintiff or applicant and the solicitor of record.

[61] La Cour fédérale a fait remarquer que les frais qu’était susceptible d’entraîner l’opposition d’une défense au recours collectif inversé envisagé pouvaient être considérables. Elle a déclaré que la question du paiement des honoraires et débours de l’avocat du groupe était « d’une importance capitale » et que le fait de ne pas traiter de cette question dans le plan relatif à la poursuite de l’instance pourrait faire en sorte que le recours ne soit pas autorisé (par. 54). La Cour fédérale a noté que des fonds insuffisants avaient été prévus dans le plan des appelantes relativement à la poursuite de l’instance pour le paiement des services de l’avocat du groupe et que cette lacune devait être corrigée dans un plan révisé relatif à la poursuite de l’instance que les appelantes pourraient déposer.

[62] La Cour fédérale a également conclu que l’utilisation du régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur proposée par les appelantes dans leur plan relatif à la poursuite de l’instance était contraire au paragraphe 41.25(3) de la Loi sur le droit d’auteur. La Cour fédérale a précisé que l’« avis de prétendue violation » au sens de la Loi sur le droit d’auteur doit recevoir une interprétation restrictive. Elle a noté que « [l]e paragraphe 41.25(2) prévoit la teneur de l’avis, tandis que le paragraphe 41.26(1) établit une distinction nette entre un avis anonyme de prétendue violation et les étapes d’un litige qui s’ensuit » (par. 78). Pour tirer cette conclusion, la Cour fédérale a renvoyé à des déclarations faites au cours de débats à la Chambre des communes (« Projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur », 2e lecture, Débats de la Chambre des communes, 41-1, no 78 (10 février 2012), p. 5127 (Scott Armstrong)) pour étayer la conclusion selon laquelle « [l]a conservation des données ne sert qu’à rassembler “[d]es preuves [qui] pourraient servir plus tard si une action en justice était intentée” » (par. 78).

[63] La Cour fédérale a également fait remarquer que les dispositions relatives au régime d’avis et avis prévues dans la Loi sur le droit d’auteur ne contraignent pas les fournisseurs de services Internet à prendre des mesures pour empêcher ou limiter la violation du droit d’auteur. Elle était d’accord avec les fournisseurs de services Internet que, si le législateur avait voulu les contraindre à prendre de telles mesures, il l’aurait prévu en termes exprès dans la Loi sur le droit d’auteur.

[64] La Cour fédérale a également jugé peu convaincante la suggestion selon laquelle la mention par notre Cour de solutions issues du « marché » au paragraphe 129 de l’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1 devrait être interprétée comme étant une approbation de l’utilisation du régime d’avis et avis proposée par les appelantes dans leur plan relatif à la poursuite de l’instance. À ce sujet, la Cour fédérale a conclu qu’on ne savait pas trop si la mention de solutions issues du marché renvoyait « à la teneur des avis transmis en application de l’article 41.26 de la Loi sur le droit d’auteur, ou à des solutions visant à lutter contre la violation du droit d’auteur qui dépassent le cadre de la loi » et que, « [q]uoi qu’il en soit, toute solution innovatrice issue du marché ne saurait contrevenir aux dispositions légales » (par. 80).

[65] La Cour fédérale a également jugé que, compte tenu des motifs de la Cour suprême dans l’arrêt Voltage CSC, elle devait conclure que les appelantes ne pouvaient pas utiliser le régime d’avis et avis de la manière proposée. Elle a fait remarquer que, dans l’arrêt Voltage CSC, la Cour suprême, à la lumière de l’historique législatif du régime d’avis et avis, est arrivée à la conclusion que « [ce régime] avait deux objets complémentaires, à savoir (1) dissuader la violation en ligne du droit d’auteur; (2) établir un équilibre entre les droits des parties intéressées » (par. 81, citant Voltage CSC, par. 22). La Cour fédérale a conclu que l’utilisation du régime d’avis et avis proposée par les appelantes dans leur plan relatif à la poursuite de l’instance ne s’inscrivait pas dans les objets énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Voltage CSC et que le plan transformait la fonction de dissuasion en une fonction d’application de la loi. La Cour fédérale a conclu qu’au paragraphe 24 de l’arrêt Voltage CSC, la Cour suprême s’est exprimée en termes impératifs pour trancher la question. La Cour fédérale a déclaré ce qui suit au paragraphe 83 :

La conclusion de la Cour suprême est exprimée en termes impératifs : le titulaire du droit d’auteur qui souhaite poursuivre une personne qui aurait violé son droit en ligne doit obtenir une ordonnance de type Norwich pour obliger le [fournisseur de services Internet] à lui communiquer l’identité de cette personne. ([Voltage CSC] au para 24). Le régime légal d’avis et avis ne supplante pas une telle exigence.

[Souligné dans l’original.]

[66] Sur la question des dépens, la Cour fédérale a conclu que l’arrêt Voltage CAF relatif au cautionnement pour dépens « reconnaît ainsi expressément qu’il est loisible à [la] Cour [fédérale] d’adjuger les dépens à un représentant défendeur dans un recours collectif inversé au titre de l’alinéa 334.39(1)c) au motif que l’instance même appartient aux circonstances exceptionnelles » (par. 100). La Cour fédérale a estimé que les circonstances exceptionnelles que présentait l’instance justifiaient l’adjudication des dépens à M. Salna, mais pas des dépens avocat-client. Elle a plutôt adjugé à M. Salna une somme globale de 50 700 $, ce qui équivalait à environ la moitié de ses frais et débours. Ce faisant, la Cour fédérale a rejeté l’affirmation de M. Salna selon laquelle il était un plaideur d’intérêt public parce que son adresse IP avait servi à téléverser les cinq œuvres.

IV. Questions en litige

[67] L’appel et l’appel incident soulèvent les questions suivantes :

  1. La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en concluant que l’« avis de prétendue violation » au sens du paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur doit recevoir une interprétation restrictive et que l’utilisation proposée du régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur est contraire au paragraphe 41.25(3) de la Loi sur le droit d’auteur?

  2. La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les appelantes devaient prévoir des fonds suffisants pour le paiement des services de l’avocat du groupe dans leur plan relatif à la poursuite de l’instance?

  3. La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en rejetant la demande d’autorisation au motif que le plan relatif à la poursuite de l’instance était irréalisable?

  4. La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le recours collectif est le meilleur moyen?

  5. La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur dans son ordonnance d’adjudication des dépens?

  6. Quelle ordonnance devrait être rendue en ce qui concerne les dépens de l’appel et de l’appel incident?

V. Analyse

[68] Les normes de contrôle établies dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235 [Housen], s’appliquent au présent appel. Ainsi, les questions de droit sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte, alors que les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit desquelles il n’est pas possible de dégager une question de droit sont assujetties à la norme de l’erreur manifeste et dominante : Housen, par. 8 et 37; Canada c. Greenwood, 2021 CAF 186, [2021] 4 R.C.F. 635 [Greenwood], par. 89, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 39885 (17 mars 2022); Canada (Procureur général) c. Nasogaluak, 2023 CAF 61 [Nasogaluak], par. 22, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 40734 (14 décembre 2023).

A. La Cour fédérale a-t-elle commis une erreur en concluant que l’« avis de prétendue violation » au sens du paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur doit recevoir une interprétation restrictive et que l’utilisation proposée du régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur était contraire au paragraphe 41.25(3) de la Loi sur le droit d’auteur?

[69] La question de savoir si la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que l’« avis de prétendue violation » au sens du paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur doit recevoir une interprétation restrictive est une question d’interprétation de la loi, c’est-à-dire une question de droit. Par conséquent, la conclusion de la Cour fédérale sur cette question est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Sa deuxième conclusion, selon laquelle l’utilisation proposée du régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur était contraire au paragraphe 41.25(3) de la Loi sur le droit d’auteur, fait intervenir une question de droit et une question de fait et est assujettie à la norme de l’erreur manifeste et dominante. Plus précisément, déterminer en quoi consiste une « demande […] visant le versement de paiements » au sens du paragraphe 41.25(3) de la Loi sur le droit d’auteur est une question de droit, tandis que déterminer la nature de l’avis proposé par les appelantes en est une de fait.

[70] Passons à l’interprétation du paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur. Comme toute disposition législative, le paragraphe 41.25(2) doit être interprété conformément au principe moderne d’interprétation des lois, selon lequel la Cour doit examiner les mots d’une loi « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Piekut c. Canada (Revenu national), 2025 CSC 13, par. 42, ESA, par. 139, citant Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, [2019] 4 R.C.S. 653, par. 117, citant Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, 1998 CanLII 837, par. 21, et Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, par. 26, citant E. A. Driedger, Construction of Statutes, 2e éd. Toronto : Buttersworth, 1983, p. 87). Je dois donc examiner le libellé, le contexte et l’objet du paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur.

[71] Examinons d’abord le libellé du paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur. Je conclus que, selon ce libellé et celui des dispositions connexes, le paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur doit recevoir une interprétation restrictive.

[72] Il convient de commencer l’examen de cette question en reprenant le paragraphe 41.25(2), qui est ainsi rédigé :

Forme de l’avis

Form and content of notice

41.25 (2) L’avis de prétendue violation est établi par écrit, en la forme éventuellement prévue par règlement, et, en outre :

41.25 (2) A notice of claimed infringement shall be in writing in the form, if any, prescribed by regulation and shall

a) précise les nom et adresse du demandeur et contient tout autre renseignement prévu par règlement qui permet la communication avec lui;

(a) state the claimant’s name and address and any other particulars prescribed by regulation that enable communication with the claimant;

b) identifie l’œuvre ou l’autre objet du droit d’auteur auquel la prétendue violation se rapporte;

(b) identify the work or other subject-matter to which the claimed infringement relates;

c) déclare les intérêts ou droits du demandeur à l’égard de l’œuvre ou de l’autre objet visé;

(c) state the claimant’s interest or right with respect to the copyright in the work or other subject-matter;

d) précise les données de localisation de l’emplacement électronique qui fait l’objet de la prétendue violation;

(d) specify the location data for the electronic location to which the claimed infringement relates;

e) précise la prétendue violation;

(e) specify the infringement that is claimed;

f) précise la date et l’heure de la commission de la prétendue violation;

(f) specify the date and time of the commission of the claimed infringement; and

g) contient, le cas échéant, tout autre renseignement prévu par règlement.

(g) contain any other information that may be prescribed by regulation.

[73] Le paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur énumère tous les éléments que doit contenir l’avis de prétendue violation du droit d’auteur. La personne qui reçoit l’avis peut ainsi comprendre les allégations formulées contre elle et mettre fin à ses activités de violation. En revanche, les éléments supplémentaires que les appelantes veulent inclure dans leur avis sont totalement différents, et ces dernières proposent de les inclure pour faciliter la poursuite de leur recours collectif contre les auteurs présumés de la violation. Leur but est d’obtenir des dommages‑intérêts des membres du groupe en plus des autres réparations énumérées dans l’avis de demande.

[74] Le fait que les éléments que les appelantes veulent inclure dans leur avis sont totalement différents de ceux énumérés au paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur tend à étayer la conclusion que l’avis de prétendue violation ne devrait pas comprendre un avis de recours collectif comme celui proposé par les appelantes.

[75] Cette conclusion est renforcée par l’alinéa 41.26(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur, qui prévoit que, si une procédure est engagée, elle le sera après l’envoi de l’avis de prétendue violation. Selon cette disposition, le fournisseur de services Internet doit conserver les registres exigés par la loi pour « une période de six mois à compter de la date de réception de l’avis de prétendue violation […] et, dans le cas où, avant la fin de cette période, une procédure est engagée par le titulaire du droit d’auteur à l’égard de la prétendue violation et [que le fournisseur de services Internet] en a reçu avis, […] pour une période d’un an suivant la date de la réception de l’avis de prétendue violation ». Le fait que la disposition prévoit qu’une procédure peut être engagée avant la fin de la période initiale de six mois donne à penser que la période initiale de six mois commence à courir avant le début de la procédure et que la procédure fait donc suite à l’avis prévu au paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur.

[76] La version anglaise de l’alinéa 41.26(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur appuie cette interprétation, indiquant également qu’une procédure ne serait engagée qu’après l’envoi de l’avis. Selon la version anglaise, le fournisseur de services Internet doit conserver les registres exigés par la loi pour la période suivante : « six months beginning on the day on which the notice of claimed infringement is received or, if the claimant commences proceedings relating to the claimed infringement and so notifies the [ISP] before the end of those six months, for one year after the day on which the [ISP] receives the notice of claimed infringement ».

[77] Cette interprétation concorde avec celle donnée à l’alinéa 41.26(1)b) par la Cour suprême dans l’arrêt Voltage CSC. Après avoir affirmé de nouveau que le titulaire du droit d’auteur doit obtenir une ordonnance de type Norwich pour obliger le fournisseur de services Internet à lui communiquer l’identité de l’auteur de la prétendue violation, le juge Brown a expliqué ce qui suit au paragraphe 24 :

Cela est confirmé par l’al. 41.26(1)b), qui prévoit que le titulaire du droit d’auteur peut poursuivre une personne qui reçoit un avis dans le cadre du régime, et établit l’obligation du [fournisseur de services Internet] de conserver le registre permettant d’identifier cette personne pendant une certaine période suivant la réception de cet avis.

[Non souligné dans l’original.]

[78] Par conséquent, je conclus que le libellé du paragraphe 41.25(2) et celui de l’alinéa 41.26(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur étayent la conclusion selon laquelle l’« avis de prétendue violation » doit recevoir une interprétation restrictive et ne doit pas comprendre d’avis de recours collectif comme celui proposé par les appelantes.

[79] Cette conclusion est renforcée par le contexte des dispositions de la Loi sur le droit d’auteur sur le régime d’avis et avis.

[80] Le premier élément contextuel est qu’en adoptant le régime d’avis et avis dans le cadre de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur, le législateur a du même coup exonéré les fournisseurs de services Internet de toute responsabilité en matière d’autorisation à l’article 31.1 de la Loi sur le droit d’auteur. La Clinique d’intérêt public et de politique d’Internet du Canada Samuelson-Glushko (la Clinique), intervenante, fait remarquer à juste titre que cela démontre que l’intention du législateur était de limiter la participation des fournisseurs de services Internet dans les litiges en matière de violation du droit d’auteur.

[81] L’article 31.1 de la Loi sur le droit d’auteur prévoit ce qui suit :

Services réseau

Network Services

Services réseau

Network services

31.1 (1) La personne qui, dans le cadre de la prestation de services liés à l’exploitation d’Internet ou d’un autre réseau numérique, fournit des moyens permettant la télécommunication ou la reproduction d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur par l’intermédiaire d’Internet ou d’un autre réseau ne viole pas le droit d’auteur sur l’œuvre ou l’autre objet du seul fait qu’elle fournit ces moyens.

31.1 (1) A person who, in providing services related to the operation of the Internet or another digital network, provides any means for the telecommunication or the reproduction of a work or other subject-matter through the Internet or that other network does not, solely by reason of providing those means, infringe copyright in that work or other subject-matter.

Acte lié

Incidental acts

(2) Sous réserve du paragraphe (3), si la personne met l’œuvre ou l’autre objet du droit d’auteur en antémémoire ou effectue toute autre opération similaire à leur égard en vue de rendre la télécommunication plus efficace, elle ne viole pas le droit d’auteur sur l’œuvre ou l’autre objet du seul fait qu’elle accomplit un tel acte.

(2) Subject to subsection (3), a person referred to in subsection (1) who caches the work or other subject-matter, or does any similar act in relation to it, to make the telecommunication more efficient does not, by virtue of that act alone, infringe copyright in the work or other subject-matter.

Conditions d’application

Conditions for application

(3) Le paragraphe (2) ne s’applique que si la personne respecte les conditions ci-après en ce qui a trait à l’œuvre ou à l’autre objet du droit d’auteur :

(3) Subsection (2) does not apply unless the person, in respect of the work or other subject-matter,

a) elle ne les modifie pas, sauf pour des raisons techniques;

(a) does not modify it, other than for technical reasons;

b) elle veille à ce que les directives relatives à leur mise en antémémoire ou à l’exécution à leur égard d’une opération similaire, selon le cas, qui ont été formulées, suivant les pratiques de l’industrie, par quiconque les a mis à disposition pour télécommunication par l’intermédiaire d’Internet ou d’un autre réseau numérique soient lues et exécutées automatiquement si elles s’y prêtent;

(b) ensures that any directions related to its caching or the doing of any similar act, as the case may be, that are specified in a manner consistent with industry practice by whoever made it available for telecommunication through the Internet or another digital network, and that lend themselves to automated reading and execution, are read and executed; and

c) elle n’entrave pas l’usage, à la fois licite et conforme aux pratiques de l’industrie, de la technologie pour l’obtention de données sur leur utilisation.

(c) does not interfere with the use of technology that is lawful and consistent with industry practice in order to obtain data on the use of the work or other subject-matter.

Stockage

Hosting

(4) Sous réserve du paragraphe (5), quiconque fournit à une personne une mémoire numérique pour qu’elle y stocke une œuvre ou tout autre objet du droit d’auteur en vue de permettre leur télécommunication par l’intermédiaire d’Internet ou d’un autre réseau numérique ne viole pas le droit d’auteur sur l’œuvre ou l’autre objet du seul fait qu’il fournit cette mémoire.

(4) Subject to subsection (5), a person who, for the purpose of allowing the telecommunication of a work or other subject-matter through the Internet or another digital network, provides digital memory in which another person stores the work or other subject-matter does not, by virtue of that act alone, infringe copyright in the work or other subject-matter.

Conditions d’application

Condition for application

(5) Le paragraphe (4) ne s’applique pas à l’égard d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur si la personne qui fournit la mémoire numérique sait qu’un tribunal compétent a rendu une décision portant que la personne qui y a stocké l’œuvre ou l’autre objet viole le droit d’auteur du fait de leur reproduction ou en raison de la manière dont elle les utilise.

(5) Subsection (4) does not apply in respect of a work or other subject-matter if the person providing the digital memory knows of a decision of a court of competent jurisdiction to the effect that the person who has stored the work or other subject-matter in the digital memory infringes copyright by making the copy of the work or other subject-matter that is stored or by the way in which he or she uses the work or other subject-matter.

Exception

Exception

(6) Les paragraphes (1), (2) et (4) ne s’appliquent pas à l’égard des actes qui constituent une violation du droit d’auteur prévue au paragraphe 27(2.3).

(6) Subsections (1), (2) and (4) do not apply in relation to an act that constitutes an infringement of copyright under subsection 27(2.3).

[82] Le paragraphe 27(2.3) de la Loi sur le droit d’auteur, mentionné au paragraphe 31.1(6), est ainsi rédigé :

Violation relative aux fournisseurs de services

Infringement — provision of services

(2.3) Constitue une violation du droit d’auteur le fait pour une personne de fournir un service sur Internet ou tout autre réseau numérique principalement en vue de faciliter l’accomplissement d’actes qui constituent une violation du droit d’auteur, si une autre personne commet une telle violation sur Internet ou tout autre réseau numérique en utilisant ce service.

(2.3) It is an infringement of copyright for a person, by means of the Internet or another digital network, to provide a service primarily for the purpose of enabling acts of copyright infringement if an actual infringement of copyright occurs by means of the Internet or another digital network as a result of the use of that service.

[83] Je suis d’accord avec la Clinique que l’exonération des fournisseurs de services Internet de toute responsabilité en matière d’autorisation à l’article 31.1 de la Loi sur le droit d’auteur appuie la conclusion selon laquelle l’« avis de prétendue violation » au sens du paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur doit recevoir une interprétation restrictive.

[84] Cette conclusion est également renforcée par le fait que, lorsque le législateur a voulu engager la responsabilité des fournisseurs de services Internet dans la Loi sur la modernisation du droit d’auteur, il l’a clairement fait pour les fournisseurs de services qui facilitent l’accomplissement d’actes de violation au paragraphe 27(2.3) de la Loi sur le droit d’auteur. De plus, à l’alinéa 27(2.4)d) de la Loi sur le droit d’auteur, également édicté par la Loi sur la modernisation du droit d’auteur, le législateur a prévu que, pour déterminer s’il y a eu violation du paragraphe 27(2.3) de la Loi sur le droit d’auteur, le tribunal peut tenir compte des « mesures […] prises » par un fournisseur de services Internet pour « limiter la possibilité d’accomplir » des « actes qui constituent une violation du droit d’auteur ».

[85] En revanche, les articles 41.25 et 41.26 de la Loi sur le droit d’auteur ne créent aucune obligation pour les fournisseurs de services Internet en ce qui concerne les litiges en matière de violation du droit d’auteur, hormis celle de conserver des dossiers pour une période déterminée. Si le législateur avait voulu leur imposer l’obligation de remettre un avis de recours collectif, je crois qu’il l’aurait fait, surtout si l’on considère qu’au même moment où il a adopté les articles 41.25 et 41.26 de la Loi sur le droit d’auteur, il a adopté d’autres dispositions qui engagent la responsabilité des fournisseurs de services Internet qui facilitent l’accomplissement d’actes de violation.

[86] En plus de ces dispositions dans la Loi sur le droit d’auteur édictées en même temps que les articles 41.25 et 41.26, un autre élément contextuel important est la loi américaine, la Digital Millennium Copyright Act, 17 U.S.C. § 512 (1998), qui prévoit un régime différent, habituellement appelé le régime « d’avis et de retrait », selon lequel les fournisseurs de services Internet doivent, « à la réception d’un avis de prétendue violation du droit d’auteur, pren[dre] des mesures rapidement en supprimant ou en bloquant l’accès au contenu qui fait l’objet de la prétendue violation » (Voltage CSC, par. 26). Le législateur avait connaissance de la loi américaine lorsqu’il a édicté la Loi sur la modernisation du droit d’auteur et a délibérément choisi d’adopter le régime d’avis et avis, qui impose des obligations moins strictes aux fournisseurs de services Internet comparativement au régime américain d’avis et de retrait.

[87] Plusieurs commentaires formulés à la Chambre des communes et devant le Comité législatif lors des débats sur la Loi sur la modernisation du droit d’auteur fournissent un contexte qui appuie une interprétation restrictive de l’« avis de prétendue violation » au sens du paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur et la conclusion selon laquelle un tel avis ne peut servir principalement à des fins de litige et donc contenir un avis de recours collectif comme celui proposé par les appelantes.

[88] Au paragraphe 24 de l’arrêt Voltage CSC, le juge Brown a fait sienne l’explication offerte par une représentante de Rogers au sujet des dispositions en question dans son témoignage devant le comité parlementaire, selon laquelle « le processus d’avis et avis n’est pas une solution miracle; ce n’est que la première étape d’un processus permettant aux titulaires de droit de poursuivre ceux qui violeraient ces droits. […] [Le titulaire du droit] peut ensuite s’en servir quand il décide de poursuivre le contrevenant allégué » (citant Chambre des communes, Comité législatif chargé du projet de loi C-32, Témoignages, no 19, 3e sess., 40e lég., 22 mars 2011, p. 10).

[89] Des membres de nombreux partis ont affirmé souhaiter que le régime d’avis et avis ne soit pas utilisé comme une arme pour encourager les pratiques douteuses en matière de recours collectifs, comme on l’a vu aux États‑Unis : « Projet de loi C-32, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur », 2e lecture, Débats de la Chambre des communes, 40-3, no 92 (2 novembre 2010), p. 5655, 5657, 5664, 5669 et 5670; « Projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur », 2e lecture, Débats de la Chambre des communes, 41-1, no 31 (18 octobre 2011), p. 2109 et 2114; « Projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur le droit d’auteur », Étape du rapport, Débats de la Chambre des communes, 41-1, no 123 (14 mai 2012), p. 7985.

[90] Au paragraphe 23 de l’arrêt Voltage CSC, la Cour suprême a également fait remarquer que le gouvernement du Canada avait indiqué sur son site Web que l’objectif du régime était principalement dissuasif : voir « Le régime d’avis et avis » (dernière modification le 20 janvier 2015), en ligne (pdf) : Archives de la CSC <https://www.scc-csc.ca/cso-dce/2018SCC-CSC38_1_fra.pdf>. Sur ce site, on fait une distinction entre un avis et une poursuite :

L’objet d’un tel avis est de décourager les violations commises en ligne. Le fait de recevoir un avis ne signifie pas nécessairement que vous avez violé des droits d’auteur ou que vous serez poursuivi pour violation de droits d’auteur.

[…]

Un avis de prétendue violation est une mesure distincte d’une poursuite pour violation de droits d’auteurs. Il n’y a aucune obligation juridique de payer le titulaire des droits qui soumet une proposition de règlement.

[…]

Un titulaire de droits d’auteur peut décider d’intenter des poursuites judiciaires. De telles poursuites peuvent être engagées indépendamment du fait que le titulaire de droits d’auteur a envoyé un avis de régime ou non. La cour déterminera alors si la prétendue violation a en fait eu lieu.

[91] Enfin, pour ce qui est du contexte, l’ajout du paragraphe 41.25(3) de la Loi sur le droit d’auteur par l’intermédiaire de la Loi no 2 d’exécution du budget de 2018, L.C. 2018, ch. 27, art. 243, appuie une interprétation restrictive de l’avis de prétendue violation au sens du paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur. Selon le paragraphe 41.25(3), l’avis de prétendue violation ne peut contenir une offre de règlement, une demande ou exigence visant le versement de paiements ou l’obtention de renseignements personnels, ou un renvoi par hyperlien à une telle offre, demande ou exigence. L’ajout de cette restriction appuie la conclusion selon laquelle l’intention du législateur était que l’avis de prétendue violation reçoive une interprétation restrictive.

[92] Lorsqu’il a présenté ces modifications au nom du gouvernement, M. David Lametti a donné l’explication suivante :

D’autre part, le projet de loi renforce également notre régime d’avis et avis pour éviter que des gens en abusent en signalant ou en invoquant une violation du droit d’auteur et en exigeant une somme d’argent comme offre de règlement.

Dans le cadre des consultations du [Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie], nous avons entendu de bonnes choses au sujet du régime d’avis et avis, notamment pour ce qui est de prévenir les abus. Dans les régimes d’avis et retrait, on invoque le droit d’auteur pour retirer du contenu, même lorsque la revendication n’a rien à voir avec le droit d’auteur ou que le droit d’auteur est, en fait, légitime. Le formulaire normalisé permettra de signaler les atteintes aux droits d’auteur tout en évitant les signalements indus.

[« Projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures », 2e lecture, Débats de la Chambre des communes, 42-1, no 350 (6 novembre 2018), p. 23351.]

[93] En bref, le contexte du régime d’avis et avis démontre une intention de limiter la participation des fournisseurs de services Internet à la délivrance initiale de l’avis visant la dissuasion. Autrement (à moins qu’un tribunal leur ordonne de procéder différemment), les fournisseurs de services Internet ne doivent conserver leurs registres que pour une période limitée à des fins d’identification. Rien n’indique que le titulaire du droit d’auteur qui souhaite poursuivre l’auteur présumé de la violation peut utiliser le régime d’avis et avis comme outil de litige.

[94] En ce qui concerne l’objet, comme je le mentionne plus haut, la Cour suprême a conclu que le régime d’avis et avis « vise deux objectifs complémentaires : (1) dissuader la violation en ligne du droit d’auteur; (2) établir un équilibre entre les droits des parties intéressées » (Voltage CSC, par. 22).

[95] Pour ce qui est de la dissuasion, la Cour suprême a conclu que le régime d’avis et avis « n’avait pas pour but d’établir un cadre exhaustif au moyen duquel les cas de violation en ligne du droit d’auteur pourraient être totalement éliminés » (Voltage CSC, par. 24). En fait, comme je l’explique plus haut, la Cour suprême a indiqué que le régime d’avis et avis, dans son rôle limité, n’est que la « première étape » dans l’application de la loi. Plus précisément, la fonction de conservation des registres prévue à l’alinéa 41.26(1)b) facilite la conformité à une ordonnance de type Norwich, qui doit être obtenue pour obliger le fournisseur de services Internet à divulguer l’identité de la personne que le titulaire du droit d’auteur souhaite poursuivre pour violation : Voltage CSC, par. 24 et 45.

[96] Je suis d’accord avec la Cour fédérale que l’avis proposé par les appelantes va bien plus loin que la simple dissuasion des personnes qui le reçoivent de commettre d’autres violations de leur droit d’auteur sur les œuvres. De plus, au lieu de faciliter l’obtention d’une ordonnance de type Norwich, selon la proposition des appelantes, le régime d’avis et avis serait une étape obligatoire du processus visant à obtenir des dommages‑intérêts et à faire respecter le droit d’auteur des appelantes, tout en évitant l’obligation d’obtenir une ordonnance de type Norwich. Cette proposition n’est pas conforme à l’objectif pour lequel les dispositions relatives au régime d’avis et avis ont été adoptées.

[97] Par conséquent, je conclus que la Cour fédérale n’a pas commis d’erreur en concluant que l’« avis de prétendue violation » au sens du paragraphe 41.25(2) de la Loi sur le droit d’auteur doit recevoir une interprétation restrictive et ne peut comprendre le genre de renseignements sur le recours collectif envisagé que les appelantes souhaitent inclure.

[98] Je ne vois pas non plus d’erreur dans la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle l’avis proposé par les appelantes va à l’encontre du paragraphe 41.25(3) de la Loi sur le droit d’auteur. Comme je le mentionne plus haut, cette disposition prévoit que l’avis de prétendue violation ne peut contenir de demande ou d’exigence visant le versement de paiements ou l’obtention de renseignements personnels, y compris au moyen d’un hyperlien.

[99] L’avis proposé par les appelantes est une demande ou une exigence visant l’obtention de renseignements personnels. On y informe les membres du groupe envisagé qu’ils devraient [traduction] « communiquer avec l’avocat du groupe de défendeurs pour démontrer qu’ils ont cessé de commettre la violation en lui écrivant à [l’adresse courriel de l’avocat] ou en l’appelant au [le numéro de téléphone de l’avocat] ». Il est aussi indiqué ce qui suit : [traduction] « [S]i vous ne communiquez pas avec l’avocat du groupe, cela pourrait être utilisé contre vous en cour. » Pour se conformer à cette demande, les membres présumés du groupe devront divulguer des renseignements personnels, à tout le moins leur adresse courriel ou leur numéro de téléphone. Selon toute vraisemblance, l’avocat du groupe voudra également obtenir leurs noms et d’autres coordonnées. Soit dit en passant, le fait que l’avis proposé demande que ces renseignements soient communiqués à l’avocat du groupe plutôt qu’aux appelantes n’a aucune importance. Il s’agit peu importe d’une demande ou d’une exigence interdite en raison du contenu de l’avis proposé par les appelantes.

[100] Le recours collectif envisagé par les appelantes consiste aussi en grande partie en une demande visant le paiement de dommages-intérêts préétablis. La description du recours et l’ajout d’un hyperlien dans l’avis proposé par les appelantes, par lequel les membres du groupe envisagé obtiendraient une copie des actes de procédure, pourraient fort bien constituer à mon avis « une demande ou exigence […] visant le versement de paiements » au sens du paragraphe 41.25(3) de la Loi sur le droit d’auteur.

[101] Par conséquent, je souscris à la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle l’avis que les appelantes souhaitent envoyer au moyen du régime d’avis et avis était contraire au paragraphe 41.25(3) de la Loi sur le droit d’auteur puisqu’il demandait ou exigeait des renseignements qui, selon le paragraphe 41.25(3), ne peuvent être sollicités dans un tel avis.

B. La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les appelantes devaient prévoir des fonds suffisants pour le paiement des services de l’avocat du groupe dans leur plan relatif à la poursuite de l’instance?

[102] En ce qui concerne la deuxième question, l’article 121 des Règles des Cours fédérales prévoit que le représentant demandeur et le représentant défendeur doivent se faire représenter par un avocat, à moins que la Cour n’en ordonne autrement. Il est ainsi rédigé :

Partie n’ayant pas la capacité d’ester en justice ou agissant en qualité de représentant

Parties under legal disability or acting in representative capacity

121 La partie qui n’a pas la capacité d’ester en justice ou qui agit ou demande à agir en qualité de représentant, notamment dans une instance par représentation ou dans un recours collectif, se fait représenter par un avocat à moins que la Cour, en raison de circonstances particulières, n’en ordonne autrement.

121 Unless the Court in special circumstances orders otherwise, a party who is under a legal disability or who acts or seeks to act in a representative capacity, including in a representative proceeding or a class proceeding, shall be represented by a solicitor.

[103] En l’espèce, M. Salna a retenu les services d’un avocat, qui a agi en son nom à chaque étape de l’instance et qui a vigoureusement défendu ses intérêts : voir Voltage CF relative à l’autorisation no 2, par. 53. Toutefois, la Cour ne dispose d’aucune information concernant l’entente financière entre M. Salna et son avocat puisque M. Salna n’a pas déposé d’éléments de preuve à ce sujet : voir Voltage CF relative à l’autorisation no 2, par. 110.

[104] Comme je le mentionne plus haut, la Cour fédérale a conclu que les appelantes devaient prévoir des fonds suffisants pour le paiement des services de l’avocat du groupe dans leur plan relatif à la poursuite de l’instance. En tout respect, je ne souscris pas à cette conclusion pour trois raisons.

[105] Premièrement, dans notre système contradictoire, il serait très inhabituel pour le demandeur dans un litige entre parties privées de prévoir des fonds pour le paiement des services de l’avocat du défendeur, ce qui pourrait entraîner des conflits d’intérêts inévitables. De plus, si pareille obligation existait, il serait relativement facile pour le défendeur de contrecarrer la poursuite d’une instance. Comme les appelantes l’ont fait valoir dans leurs observations écrites, le défendeur pourrait être [traduction] « encouragé non seulement à refuser de payer sa propre représentation juridique, mais [aussi] à critiquer toute solution de financement au motif qu’elle est irréalisable afin de faire rejeter les allégations formulées contre lui ».

[106] Deuxièmement, rien dans les Règles des Cours fédérales n’oblige les demandeurs dans un recours collectif inversé envisagé d’aborder la question du paiement des services de l’avocat du groupe de défendeurs dans leur plan relatif à la poursuite de l’instance.

[107] Les paragraphes 334.14(2) et (3) des Règles des Cours fédérales permettent l’introduction de recours collectifs inversés :

Groupe de défendeurs

Defendant or respondent class proceeding

334.14 (2) Une partie à une action ou une demande introduite contre plusieurs défendeurs peut, en tout temps, présenter une requête en vue de faire autoriser l’instance comme recours collectif et de faire nommer un représentant défendeur.

334.14 (2) A party to an action or an application against two or more defendants or respondents may, at any time, bring a motion for the certification of the proceeding as a class proceeding and for the appointment of a representative defendant or respondent.

Adaptations nécessaires

Necessary modifications

(3) La présente partie s’applique, avec les adaptations nécessaires, à la demande reconventionnelle visée au paragraphe (1) et à toute instance visée au paragraphe (2).

(3) This Part applies, with any necessary modifications, to a counterclaim referred to in subsection (1) and to a proceeding referred to in subsection (2).

[108] L’article 334.16 des Règles des Cours fédérales porte sur les conditions d’autorisation des recours collectifs :

Autorisation

Certification

Conditions

Conditions

334.16 (1) Sous réserve du paragraphe (3), le juge autorise une instance comme recours collectif si les conditions suivantes sont réunies :

334.16 (1) Subject to subsection (3), a judge shall, by order, certify a proceeding as a class proceeding if

a) les actes de procédure révèlent une cause d’action valable;

(a) the pleadings disclose a reasonable cause of action;

b) il existe un groupe identifiable formé d’au moins deux personnes;

(b) there is an identifiable class of two or more persons;

c) les réclamations des membres du groupe soulèvent des points de droit ou de fait communs, que ceux-ci prédominent ou non sur ceux qui ne concernent qu’un membre;

(c) the claims of the class members raise common questions of law or fact, whether or not those common questions predominate over questions affecting only individual members;

d) le recours collectif est le meilleur moyen de régler, de façon juste et efficace, les points de droit ou de fait communs;

(d) a class proceeding is the preferable procedure for the just and efficient resolution of the common questions of law or fact; and

e) il existe un représentant demandeur qui :

(e) there is a representative plaintiff or applicant who

(i) représenterait de façon équitable et adéquate les intérêts du groupe,

(i) would fairly and adequately represent the interests of the class,

(ii) a élaboré un plan qui propose une méthode efficace pour poursuivre l’instance au nom du groupe et tenir les membres du groupe informés de son déroulement,

(ii) has prepared a plan for the proceeding that sets out a workable method of advancing the proceeding on behalf of the class and of notifying class members as to how the proceeding is progressing,

(iii) n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait communs,

(iii) does not have, on the common questions of law or fact, an interest that is in conflict with the interests of other class members, and

(iv) communique un sommaire des conventions relatives aux honoraires et débours qui sont intervenues entre lui et l’avocat inscrit au dossier.

(iv) provides a summary of any agreements respecting fees and disbursements between the representative plaintiff or applicant and the solicitor of record.

Facteurs pris en compte

Matters to be considered

(2) Pour décider si le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points de droit ou de fait communs de façon juste et efficace, tous les facteurs pertinents sont pris en compte, notamment les suivants :

(2) All relevant matters shall be considered in a determination of whether a class proceeding is the preferable procedure for the just and efficient resolution of the common questions of law or fact, including whether

a) la prédominance des points de droit ou de fait communs sur ceux qui ne concernent que certains membres;

(a) the questions of law or fact common to the class members predominate over any questions affecting only individual members;

b) la proportion de membres du groupe qui ont un intérêt légitime à poursuivre des instances séparées;

(b) a significant number of the members of the class have a valid interest in individually controlling the prosecution of separate proceedings;

c) le fait que le recours collectif porte ou non sur des réclamations qui ont fait ou qui font l’objet d’autres instances;

(c) the class proceeding would involve claims that are or have been the subject of any other proceeding;

d) l’aspect pratique ou l’efficacité moindres des autres moyens de régler les réclamations;

(d) other means of resolving the claims are less practical or less efficient; and

e) les difficultés accrues engendrées par la gestion du recours collectif par rapport à celles associées à la gestion d’autres mesures de redressement.

(e) the administration of the class proceeding would create greater difficulties than those likely to be experienced if relief were sought by other means.

Sous-groupe

Subclasses

(3) Si le juge constate qu’il existe au sein du groupe un sous-groupe de membres dont les réclamations soulèvent des points de droit ou de fait communs que ne partagent pas tous les membres du groupe de sorte que la protection des intérêts des membres du sous-groupe exige qu’ils aient un représentant distinct, il n’autorise l’instance comme recours collectif que s’il existe un représentant demandeur qui :

(3) If the judge determines that a class includes a subclass whose members have claims that raise common questions of law or fact that are not shared by all of the class members so that the protection of the interests of the subclass members requires that they be separately represented, the judge shall not certify the proceeding as a class proceeding unless there is a representative plaintiff or applicant who

a) représenterait de façon équitable et adéquate les intérêts du sous-groupe;

(a) would fairly and adequately represent the interests of the subclass;

b) a élaboré un plan qui propose une méthode efficace pour poursuivre l’instance au nom du sous-groupe et tenir les membres de celui-ci informés de son déroulement;

(b) has prepared a plan for the proceeding that sets out a workable method of advancing the proceeding on behalf of the subclass and of notifying subclass members as to how the proceeding is progressing;

c) n’a pas de conflit d’intérêts avec d’autres membres du sous-groupe en ce qui concerne les points de droit ou de fait communs;

(c) does not have, on the common questions of law or fact for the subclass, an interest that is in conflict with the interests of other subclass members; and

d) communique un sommaire des conventions relatives aux honoraires et débours qui sont intervenues entre lui et l’avocat inscrit au dossier.

(d) provides a summary of any agreements respecting fees and disbursements between the representative plaintiff or applicant and the solicitor of record.

[109] Suivant le paragraphe 334.14(3) des Règles des Cours fédérales, les conditions d’autorisation prévues à l’article 334.16 sont assujetties à des « adaptations nécessaires » dans des recours collectifs inversés. Dans son document de travail intitulé « Le recours collectif en Cour fédérale du Canada » (2000) [document de travail de la CF], le Comité des règles de la Cour fédérale a fait observer que les conditions d’autorisation « ne devraient s’appliquer à des groupes de défendeurs que dans des circonstances appropriées » (p. 35).

[110] Au sous-alinéa 334.16(1)e)(iv) des Règles des Cours fédérales, qui porte sur les recours où il y a un représentant demandeur, il convient d’adapter le libellé de manière à lire le mot « lui » comme renvoyant au représentant « défendeur » plutôt qu’au représentant « demandeur ».

[111] Dans le cas où, comme en l’espèce, le représentant défendeur proposé a retenu les services d’un avocat, c’est à lui qu’il incombe de déposer des éléments de preuve concernant l’entente financière. Il est logique que le représentant défendeur, s’il est représenté par un avocat, soit responsable de communiquer l’entente financière conclue avec son avocat, car lui seul est au courant de cette entente. Si le défendeur, qui se fait représenter par un avocat, ne fournit pas les renseignements sur l’entente financière, il pourrait être tenu par la Cour de déposer des éléments de preuve relativement à cette entente.

[112] Troisièmement, dans un recours collectif inversé, contrairement à un recours où l’autorisation est demandée pour un groupe de demandeurs, une entente financière insuffisante conclue avec les avocats du groupe ne devrait pas constituer un obstacle absolu à l’autorisation. Il s’agit d’une autre adaptation nécessaire au recours collectif inversé.

[113] Si l’insuffisance des fonds pour le paiement des services de l’avocat peut très bien empêcher l’autorisation d’un recours collectif typique entrepris par un groupe de demandeurs et peut‑être même empêcher le dépôt d’une demande d’autorisation, il est injuste que l’insuffisance des fonds prévus pour l’avocat du groupe de défendeurs empêche nécessairement l’autorisation du recours collectif inversé dans tous les cas. Si l’obligation de prévoir des fonds pour le paiement des services de l’avocat du groupe de défendeurs était une condition préalable à l’autorisation, elle permettrait aux défendeurs récalcitrants de faire rejeter des recours qui mériteraient par ailleurs d’être autorisés, ce qui serait inacceptable. Cela n’est pas sans rappeler la jurisprudence où l’on a conclu qu’un représentant défendeur capable de défendre vigoureusement le groupe peut convenir même s’il n’est pas un représentant volontaire ou consentant : voir Berry, par. 52; Marcinkiewicz, par. 186 et 188.

[114] Dans le cas où le représentant défendeur proposé n’a pas retenu les services d’un avocat ou ne les a retenus que jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête en autorisation dans le cadre d’un mandat limité, la Cour peut autoriser l’instance comme recours collectif sans que le représentant défendeur proposé ne soit représenté par un avocat, en application de l’article 121 des Règles des Cours fédérales.

[115] Cela dit, les autres conditions d’autorisation agissent comme protection contre l’autorisation de recours collectifs envisagés par des groupes de défendeurs ingérables : document de travail de la CF, p. 35. S’il est essentiel que le représentant défendeur proposé soit représenté par un avocat (ce qui pourrait être le cas lorsque les points communs soulèvent des questions complexes) et qu’il n’y a pas d’intervenant comme la Clinique qui soit disposé à présenter des observations à la Cour pour soutenir la thèse du groupe proposé, la Cour pourrait refuser d’autoriser le recours collectif au motif qu’il est ingérable si le représentant défendeur démontre qu’il est impossible ou fondamentalement inéquitable pour les membres du groupe envisagé de payer pour les services de représentation et que le demandeur dispose d’un autre moyen pour faire progresser l’instance contre les membres du groupe envisagé. Ces questions devraient être examinées dans le cadre de l’analyse du meilleur moyen : Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1, par. 109; Michael A. Eizenga et al., Class Actions Law and Practice, 2e éd. Toronto : LexisNexis Canada, 2008 (éditions à feuilles mobiles, mises à jour en mai 2025)) (QL), § 3.180.1.

[116] Devant notre Cour, l’intimé a parlé de la difficulté à payer pour les services de l’avocat du groupe dans le cadre de la présente instance compte tenu de la limitation prévue par la loi en matière de responsabilité du défendeur (5 000 $ suivant l’alinéa 38.1(1)b) de la Loi sur le droit d’auteur). Bien que les difficultés pratiques liées au paiement des services de l’avocat puissent être bien réelles dans d’autres instances semblables, elles ne se posent tout simplement pas en l’espèce, car M. Salna a été représenté par un avocat tout au long de l’instance et n’a déposé aucune preuve concernant sa capacité, ou celle du groupe proposé, à continuer de payer pour les services de représentation.

[117] Par conséquent, je conclus que la Cour fédérale a commis une erreur en concluant que l’absence d’entente financière conclue avec l’avocat du groupe pourrait constituer un obstacle à l’autorisation.

C. La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en rejetant la demande d’autorisation au motif que le plan relatif à la poursuite de l’instance était irréalisable?

[118] En ce qui concerne la troisième question, je conclus que, même si le plan proposé relativement à la poursuite de l’instance était irréalisable en raison de l’utilisation proposée du régime d’avis et avis, la Cour fédérale a eu tort de refuser l’autorisation pour cette raison, puisqu’elle avait conclu que le plan relatif à la poursuite de l’instance pouvait être modifié. En autorisant les appelantes à demander de nouveau l’autorisation avec un plan modifié, la Cour fédérale a accepté qu’elles pouvaient apporter les modifications nécessaires.

[119] Comme les appelantes le font remarquer, d’autres dispositions auraient pu être prises pour informer les membres du groupe envisagé autrement que par l’intermédiaire du régime d’avis et avis prévu par la Loi sur le droit d’auteur. Par exemple, les appelantes auraient évidemment pu obtenir des ordonnances de type Norwich pour la divulgation de l’identité et des coordonnées des membres du groupe envisagé. Il aurait ainsi été possible de leur signifier l’avis de recours collectif.

[120] Notre Cour a conclu qu’une erreur de droit commise dans l’évaluation d’un plan relatif à la poursuite de l’instance est un motif d’intervention : voir Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1, par. 113 et 114. Elle a également conclu que refuser l’autorisation en raison de lacunes dans le plan relatif à la poursuite de l’instance qui peuvent être corrigées est une erreur de droit. Dans l’arrêt Wenham c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 199 [Wenham], notre Cour a infirmé une décision dans laquelle la Cour fédérale avait refusé l’autorisation en partie parce que le plan relatif à la poursuite de l’instance était inadéquat et ne traitait pas de la question du délai de prescription et du dossier de preuve. Le juge Stratas, s’exprimant au nom de la Cour, a affirmé ce qui suit au paragraphe 103 :

[L]a Cour fédérale n’a pas tenu compte du fait que le plan de déroulement de l’instance proposé lors de la requête en autorisation n’est pas coulé dans le béton. Refuser d’approuver un plan de déroulement de l’instance en raison d’une faiblesse présumée est une erreur de droit. Un plan de déroulement de l’instance est [traduction] « un document en constante évolution » et, en droit, [traduction] « quelles que soient ses lacunes, il peut être modifié au fur et à mesure du déroulement du litige ».

[Renvois omis.]

[121] À l’appui de cette affirmation, le juge Stratas a cité l’arrêt Cloud v. Canada (Attorney General), 2004 CanLII 45444 (C.A. Ont.), dans lequel le juge Goudge, s’exprimant au nom de la Cour d’appel de l’Ontario, a rejeté l’argument selon lequel un plan relatif à la poursuite de l’instance insuffisant peut faire obstacle à l’autorisation. Il a donné l’explication suivante :

[traduction]

[95] Je ne suis pas d’accord que la requête en autorisation des appelantes devrait être rejetée pour ce motif. Le plan qu’elles ont présenté relativement à la poursuite de l’instance est, comme tous les plans relatifs à la poursuite de l’instance, un document en constante évolution. Il devra sans aucun doute être modifié, en particulier à la lumière des questions considérées comme justifiant un procès commun. Toute lacune résultant de l’absence de dispositions relatives au moment où les questions de prescription seront examinées ou à la façon dont les réclamations des tiers seront prises en compte pourra être corrigée sous la supervision du juge responsable de la gestion de l’instance une fois que les actes de procédures seront complets. Plus important encore, rien dans le plan relatif à la poursuite de l’instance ne révèle de lacunes dans la demande telle que formulée qui minent la conclusion selon laquelle le recours collectif est le meilleur moyen.

[122] Dans le même ordre d’idées, les auteurs de l’ouvrage intitulé Class Actions Law and Practice ont expliqué que [traduction] « le juge et les avocats peuvent collaborer et élaborer un plan détaillé avant le procès, pendant la gestion de l’instance et au cours du procès afin de garantir le bon déroulement de l’instance » (§ 3.179). De même, dans l’arrêt Buffalo c. Nation Crie de Samson, 2010 CAF 165, au paragraphe 12, notre Cour a accepté que :

[…] les tribunaux peuvent être très actifs et souples lorsqu’ils sont saisis d’une requête en autorisation ou après qu’ils y ont fait droit, en raison de la nature complexe et dynamique des recours collectifs. Par exemple, ils doivent toujours être ouverts aux modifications touchant des aspects comme la définition du groupe, les points communs et le plan relatif au litige du représentant demandeur, et ils peuvent jouer un rôle clé dans la gestion de l’instance.

[123] Il est souvent préférable que les parties tentent d’abord de négocier les modalités du plan relatif à la poursuite de l’instance avant de le présenter dans le cadre de la gestion de l’instance : voir McCrea c. Canada (Procureur général), 2015 CF 592, par. 445 et 446, inf. pour d’autres motifs, 2016 CAF 285; Sweet c. Canada, 2022 CF 1228, par. 201. Par exemple, dans la décision Papassay v. Ontario, 2017 ONSC 2023, citée par notre Cour dans l’arrêt Wenham au paragraphe 103, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a fait remarquer qu’en présence d’un plan insuffisant, les tribunaux devraient [traduction] « attendre que les parties négocient les modalités de l’avis et d’autres aspects du plan relatif à la poursuite de l’instance » et, si les parties ne parviennent pas à s’entendre, « elles peuvent retourner devant le tribunal pour obtenir des directives » (Papassay, par. 106 et 107).

[124] De plus, même lorsqu’un plan relatif à la poursuite de l’instance est approuvé mais que de nouvelles circonstances surviennent, la Cour fédérale peut le modifier dans le cadre de sa gestion de l’instance : voir p. ex. Brake c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 274, [2020] 2 R.C.F. 638 [Brake], par. 102 et 103, citant les Règles des Cours fédérales, art. 3. Par conséquent, la suffisance d’un plan relatif à la poursuite de l’instance devrait être examinée [traduction] « dans l’optique des outils de gestion de l’instance dont dispose le tribunal après l’autorisation » (Jiang v. Vancouver City Savings Credit Union, 2019 BCCA 149, par. 62, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 38738 (14 novembre 2019)).

[125] Je conclus donc que la Cour fédérale a eu tort de refuser l’autorisation en raison de l’utilisation du régime d’avis et avis proposée par les appelantes. La Cour aurait plutôt dû autoriser le recours collectif ou reporter l’audition de la requête en autorisation pour permettre aux parties de négocier la question de l’avis, puis permettre aux appelantes de présenter un plan modifié. Au besoin, elle aurait pu vérifier auprès des appelantes si elles étaient disposées à aviser les membres du groupe envisagé d’une autre manière. Si les appelantes avaient indiqué qu’elles n’étaient ni disposées à le faire ni en mesure de le faire, la Cour aurait alors pu rejeter la requête en autorisation ou annuler l’autorisation accordée. Je précise que la Cour fédérale a le pouvoir discrétionnaire de prévoir le moment où un nouveau plan doit lui être remis et d’énoncer ses attentes à l’égard de celui‑ci, y compris en autorisant le recours sous certaines conditions ou en prévoyant un ajournement avant de rendre sa décision sur l’autorisation. Quoi qu’il en soit, elle ne pouvait simplement refuser l’autorisation en raison de l’insuffisance du plan relatif à la poursuite de l’instance alors qu’elle avait reconnu que des modifications au plan pouvaient être apportées.

D. La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur en concluant que le recours collectif est le meilleur moyen?

[126] Pour déterminer si la partie qui sollicite l’autorisation a démontré l’existence d’un certain fondement factuel permettant de conclure que le recours collectif est le meilleur moyen de régler les points communs, le juge saisi de la requête doit examiner si le recours collectif envisagé est un moyen juste, efficace et pratique de régler les points communs et de faire progresser l’instance et s’il est préférable à tous les autres moyens offerts pour régler la demande.

[127] Le juge saisi de la requête doit examiner ces questions à la lumière des trois principaux objectifs du recours collectif, à savoir l’accès à la justice, l’économie des ressources judiciaires et la modification des comportements : AIC Limitée c. Fischer, 2013 CSC 69, [2013] 3 R.C.S. 949 [Fischer], par. 22 et 23; Hollick c. Toronto (Ville), 2001 CSC 68, [2001] 3 R.C.S. 158, par. 28 à 31; Rumley c. Colombie-Britannique, 2001 CSC 69, [2001] 3 R.C.S. 184, par. 35 à 39; Brake, par. 85 à 87; Greenwood, par. 200, Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1, par. 105; Nasogaluak, par. 16.

[128] Comme il est indiqué au paragraphe 77 de l’arrêt Wenham :

a) le critère du meilleur moyen comporte deux concepts fondamentaux :

(i) premièrement, la question de savoir si le recours collectif serait un moyen juste, efficace et pratique de faire progresser l’instance;

(ii) deuxièmement, la question de savoir si le recours collectif serait préférable à tous les autres moyens raisonnables offerts pour régler les demandes des membres du groupe;

b) pour faire cette détermination, il faut examiner les questions communes dans leur contexte, en tenant compte de l’importance des questions communes par rapport à la demande dans son ensemble;

c) le critère du meilleur moyen peut être satisfait même lorsqu’il y a d’importantes questions individuelles; il n’est pas nécessaire que les questions communes prévalent sur les questions individuelles.

[129] En l’espèce, l’autre moyen auquel le recours collectif envisagé par les appelantes a été comparé était une série de demandes individuelles. Comme je le mentionne plus haut, la Cour fédérale a donné plusieurs raisons pour expliquer pourquoi elle considérait que le recours collectif envisagé était préférable aux demandes individuelles. Toutes ces raisons étaient valables.

[130] Toutefois, lorsqu’elle a effectué son analyse, la Cour fédérale ne disposait pas des motifs de notre Cour dans l’arrêt Voltage c. Untel CAF. Il semble également que les parties n’ont pas porté l’arrêt ESA de la Cour suprême à l’attention de la Cour. Ces arrêts ont une incidence directe sur la conclusion de la Cour fédérale en ce qui concerne le meilleur moyen.

[131] Comme je le mentionne plus haut, dans l’arrêt Voltage c. Untel CAF, notre Cour s’est appuyée sur l’arrêt ESA de la Cour suprême pour conclure que, pour établir que le défendeur a commis une violation du droit d’auteur en téléchargeant l’œuvre ou en l’offrant à des fins de téléversement sur Internet par l’intermédiaire de BitTorrent (que la violation soit directe ou commise par voie d’autorisation), le demandeur doit démontrer que c’est bien le défendeur qui a téléchargé l’œuvre ou l’a offert à des fins de téléversement ou que ce dernier avait un certain degré de contrôle sur les personnes qui ont commis la violation. Il ne suffit pas qu’il soit l’abonné du compte au moyen duquel la violation a été commise, même s’il a déjà reçu un avertissement dans le cadre du régime d’avis et avis.

[132] Cette conclusion a d’importantes conséquences sur l’analyse du meilleur moyen en l’espèce. La question vi) était le principal point commun proposé qui, en l’absence des conclusions tirées dans les arrêts Voltage c. Untel CAF et ESA, aurait pu mener la Cour fédérale à conclure que le recours collectif était le meilleur moyen :

vi) Les abonnés à un compte Internet ont‑ils :

i. détenu un contrôle suffisant à l’égard de l’utilisation de leurs comptes Internet ainsi que des ordinateurs et appareils connexes connectés à Internet, de sorte qu’ils ont autorisé, sanctionné, approuvé ou favorisé les violations précisées dans les actes illégaux nos 1 ou 2?

ii. besoin d’un préavis pour être jugés responsables de l’autorisation? Auquel cas, un avis aux termes d’une entente avec un fournisseur de services Internet est‑il suffisant pour engager leur responsabilité à l’égard des actes des contrefacteurs directs, ou un avis direct précis est-il nécessaire?

iii. reçu un avis de violation? Si un tel avis leur avait été envoyé, mais qu’ils ont choisi d’en faire fi, cela constitue-t-il une autorisation de la violation du droit d’auteur? L’aveuglement volontaire suffit‑il pour emporter une autorisation de la violation du droit d’auteur?

[133] Selon les arrêts ESA et Voltage c. Untel CAF, le simple fait qu’un membre du groupe soit un abonné à Internet dont le compte a été utilisé pour télécharger les œuvres sur BitTorrent n’est pas suffisant pour établir la violation. Ainsi, étant donné qu’il est possible de répondre à la question vi) pour l’ensemble des membres du groupe, je dois y répondre par la négative.

[134] Les autres points communs proposés par les appelantes ne contribuent pas vraiment à faire progresser l’action. Les questions i) et ii) concernent seulement la propriété du droit d’auteur sur les œuvres, un sujet qui n’est pas en litige. De même, rien ne laisse croire que les appelantes ont consenti aux actes illégaux ou ont autorisé de tels actes, comme le soulève la question v). L’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1 a répondu à la question iii), laquelle ne permet aucunement d’établir que l’un ou l’autre des membres du groupe de défendeurs a commis la violation ou en est responsable. Il en est de même pour la question iv). Les autres questions ne se poseraient pas à moins que la responsabilité ne soit établie.

[135] Par conséquent, aucun des points communs ne permettrait de véritablement faire progresser l’instance. Ainsi, je ne vois aucun fondement factuel permettant de conclure que le recours collectif envisagé est préférable à des actions individuelles au motif que les points individuels en l’espèce l’emportent sur les points communs qui pourraient subsister. Il ne s’agit pas simplement d’une affaire où les points individuels l’emportent sur les points communs, ce qui ne ferait pas nécessairement obstacle à l’autorisation : voir Wenham, par. 77; Règles des Cours fédérale, al. 334.16(2)a). Il s’agit plutôt d’une affaire où les points communs ont peu d’importance relativement à la demande dans son ensemble. Même si la demande était autorisée comme recours collectif, il serait tout de même nécessaire de déterminer exactement ce que chaque abonné a fait relativement à l’utilisation de BitTorrent pour télécharger les œuvres avant de pouvoir établir la violation et une certaine responsabilité. Par conséquent, un recours collectif contribuerait peu à promouvoir l’économie des ressources judiciaires ou l’accès à la justice.

[136] Ces questions ne sont plus hypothétiques, comme la Cour fédérale l’a conclu dans ce cas-ci en s’appuyant sur les commentaires qui se trouvent dans l’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1, compte tenu de la décision subséquente de cette Cour dans l’affaire Voltage c. Untel CAF.

[137] Notre Cour a récemment tiré une conclusion assez semblable dans l’arrêt Canada c. Stonechild, 2025 CAF 105. Elle a infirmé une ordonnance d’autorisation rendue par la Cour fédérale principalement parce que les points communs ne contribuaient pas vraiment à faire progresser l’action. S’exprimant au nom de la majorité, le juge Rennie a déclaré ce qui suit au paragraphe 34 :

Le juge saisi de la requête en autorisation n’a pas tenu compte du facteur de la prédominance des points de droit ou de fait communs sur ceux qui ne concernent que certains membres, comme le prévoit l’alinéa 334.16(2)a) des Règles. Ainsi que la Cour d’appel de l’Ontario l’a conclu dans l’arrêt Bayens v. Kinross Gold Corporation, 2014 ONCA 901 (Bayens), il est difficile de satisfaire au critère du meilleur moyen lorsqu’il faut, pour chaque demandeur, se lancer dans un processus à la fois nécessaire et inévitable de demandes de renseignements et d’établissement des faits. Dans l’affaire Bayens, la Cour d’appel de l’Ontario a jugé que l’exercice visant à répondre à de telles questions ne se prêtait pas à un recours collectif, affirmant que [traduction] « le nombre de demandes de renseignements individuelles à traiter va à l’encontre de l’objectif d’économie des ressources judiciaires et pourrait nuire à la résolution des questions communes, auquel cas le recours collectif serait inefficace et impossible à gérer » (Bayens, au para. 129).

[138] Les appelantes font valoir que notre Cour ne peut procéder à l’analyse qui précède, car M. Salna a uniquement porté en appel la conclusion de la Cour fédérale sur les dépens dans son avis d’appel incident. Elles soutiennent également que les arrêts Voltage c. Untel CAF et ESA ne sont pertinents que pour déterminer si leur avis de demande satisfait aux première et troisième conditions d’autorisation, à savoir qu’il révèle une cause d’action valable et soulève des points communs, questions qui ont finalement été tranchées en leur faveur dans l’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1.

[139] Je ne partage pas l’avis des appelantes à cet égard.

[140] Bien que l’avis d’appel incident de M. Salna ne soit pas rédigé aussi clairement qu’il aurait pu l’être, il ressort manifestement de cet avis et de son mémoire des faits et du droit qu’il demandait à notre Cour de modifier l’ordonnance de la Cour fédérale de façon à ce que la requête en autorisation soit rejetée, sans autorisation de présenter une nouvelle demande, au motif que l’arrêt Voltage c. Untel CAF établit qu’il n’existe aucun fondement factuel permettant de conclure que le recours collectif est le meilleur moyen. Les appelantes étaient pleinement conscientes de cet argument et de la réparation sollicitée par M. Salna, et la question a été suffisamment traitée dans l’avis d’appel incident de M. Salna pour être soumise à la Cour.

[141] En ce qui concerne la pertinence des arrêts Voltage c. Untel CAF et ESA, ceux-ci ont une incidence sur trois conditions d’autorisation, à savoir la cause d’action valable, les points communs et le meilleur moyen. Toutefois, comme M. Salna n’a pas demandé à notre Cour d’examiner de nouveau les conditions relatives à la cause d’action et les points communs, je ne fais aucun commentaire sur l’application du principe de l’autorité de la chose jugée ni sur la façon dont l’analyse de notre Cour dans l’arrêt Voltage CAF relatif à l’autorisation no 1 aurait pu être différente à la lumière de la jurisprudence subséquente. Pour les besoins de l’espèce, il suffit de concentrer notre analyse sur la condition relative au meilleur moyen.

[142] L’analyse du meilleur moyen consiste essentiellement à déterminer dans quelle mesure le recours collectif permettrait de faire progresser l’instance en répondant aux points communs et combien de ressources judiciaires seraient économisées en y répondant de manière commune, comparativement à la situation où l’instance ne serait pas autorisée comme recours collectif et qu’un autre moyen de régler les questions serait utilisé : voir Brake, par. 85 et 86. Les tribunaux doivent recourir à une analyse pratique tenant compte des coûts et des avantages et prendre en considération l’incidence du recours collectif sur les membres du groupe, les défendeurs et le tribunal : Fischer, par. 21.

[143] En l’espèce, comme je le mentionne plus haut, les points communs ont peu d’importance par rapport à la demande dans son ensemble et ne contribuent donc pratiquement pas à faire progresser l’instance. Par conséquent, je juge que la conclusion de la Cour fédérale sur le meilleur moyen ne peut être maintenue.

E. La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur dans son ordonnance d’adjudication des dépens? Quelle ordonnance devrait être rendue en ce qui concerne les dépens de l’appel et de l’appel incident?

[144] Passons enfin à la question des dépens. Contrairement à ce qu’a affirmé la Cour fédérale dans l’affaire qui nous occupe, dans l’arrêt Voltage CAF relatif au cautionnement pour dépens, notre Cour n’a pas conclu que le fait qu’une instance soit un recours collectif inversé constitue une circonstance exceptionnelle justifiant d’adjuger les dépens en faveur du défendeur qui a obtenu gain de cause. Dans cet arrêt, notre Cour a simplement déclaré qu’il était possible de conclure que la présente instance était exceptionnelle et justifiait l’adjudication des dépens.

[145] Cela dit, je juge que la présente instance relève effectivement de circonstances exceptionnelles, compte tenu de la nature des réclamations formulées, du fait que M. Salna a obtenu gain de cause en l’espèce et devant les juridictions inférieures, du caractère nouveau des questions ainsi que du montant des dommages‑intérêts auxquels M. Salna pourrait être condamné à titre personnel par rapport aux dépens engagés.

[146] Je conclus également que la somme adjugée par la Cour fédérale était adéquate, et je suis d’accord que M. Salna n’est pas un plaideur d’intérêt public. Par conséquent, je maintiendrais l’ordonnance d’adjudication des dépens de la Cour fédérale.

[147] En ce qui concerne les dépens devant notre Cour, une somme inférieure à celle adjugée par la Cour fédérale est justifiée, car une grande partie du travail difficile sur les questions dont la Cour était saisie a été effectuée par les intervenantes. Par conséquent, j’adjugerais à M. Salna les dépens devant notre Cour calculés selon le milieu de la colonne IV du tarif B des Règles des Cours fédérales.

VI. Dispositif proposé

[148] Par conséquent, je rejetterais l’appel, je ferais droit à l’appel incident en partie et je modifierais l’ordonnance de la Cour fédérale de manière à rejeter la requête en autorisation des appelantes, sans autorisation de présenter une nouvelle demande. Étant donné que M. Salna obtiendrait largement gain de cause devant notre Cour, je lui adjugerais les dépens devant notre Cour, calculés selon le milieu de la colonne IV du tarif B des Règles des Cours fédérales. Aucuns dépens ne seraient adjugés aux intervenantes conformément à l’ordonnance de notre Cour rendue par la juge Woods le 11 janvier 2024. Enfin, je modifierais l’intitulé de la cause pour ne nommer que M. Salna comme intimé.

« Mary J.L. Gleason »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

Nathalie Goyette j.c.a. »

« Je suis d’accord.

Monica Biringer j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

A-189-23

 

 

INTITULÉ :

VOLTAGE PICTURES, LLC, COBBLER NEVADA, LLC, PTG NEVADA, LLC, CLEAR SKIES NEVADA, LLC, GLACIER ENTERTAINMENT S.A.R.L. OF LUXEMBOURG, GLACIER FILMS 1, LLC, ET FATHERS & DAUGHTERS NEVADA, LLC c. ROBERT SALNA, REPRÉSENTANT DÉFENDEUR PROPOSÉ, AU NOM DES DÉFENDEURS D’UN RECOURS COLLECTIF ET CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON-GLUSHKO, BELL CANADA, COGECO CONNEXION INC., ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC., SASKTEL, TELUS COMMUNICATIONS INC., ET XPLORE INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 OCTOBRE 2024

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

LA JUGE GLEASON

 

y ont souscrit

LA JUGE GOYETTE

LA JUGE BIRINGER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 JUILLET 2025

 

COMPARUTIONS :

Kenneth R. Clark

Lawrence Veregin

Cynthia Zhang

POUR LES APPELANTES

(INTIMÉES DANS L’APPEL INCIDENT)

VOLTAGE PICTURES, LLC, COBBLER NEVADA, LLC, PTG NEVADA, LLC, CLEAR SKIES NEVADA, LLC, GLACIER ENTERTAINMENT S.A.R.L. OF LUXEMBOURG, GLACIER FILMS 1, LLC, ET FATHERS & DAUGHTERS NEVADA, LLC

Sean N. Zeitz

Ian J. Klaiman

POUR L’INTIMÉ

(APPELANT DANS L’APPEL INCIDENT)

ROBERT SALNA, REPRÉSENTANT DÉFENDEUR PROPOSÉ, AU NOM DES DÉFENDEURS D’UN RECOURS COLLECTIF

David Fewer

 

POUR L’INTERVENANTE

CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON-GLUSHKO

 

Barry Sookman

Kendra Levasseur

 

POUR LES INTERVENANTES

BELL CANADA, COGECO CONNEXION INC., ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC., SASKTEL, TELUS COMMUNICATIONS INC. ET XPLORE INC.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Aird & Berlis LLP

Toronto (Ontario)

POUR LES APPELANTES

(INTIMÉES DANS L’APPEL INCIDENT)

VOLTAGE PICTURES, LLC, COBBLER NEVADA, LLC, PTG NEVADA, LLC, CLEAR SKIES NEVADA, LLC, GLACIER ENTERTAINMENT S.A.R.L. OF LUXEMBOURG, GLACIER FILMS 1, LLC, ET FATHERS & DAUGHTERS NEVADA, LLC

Lipman, Zener & Waxman PC

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉ

(APPELANT DANS L’APPEL INCIDENT)

ROBERT SALNA, REPRÉSENTANT DÉFENDEUR PROPOSÉ, AU NOM DES DÉFENDEURS D’UN RECOURS COLLECTIF

David Fewer

Ottawa (Ontario)

 

POUR L’INTERVENANTE

CLINIQUE D’INTÉRÊT PUBLIC ET DE POLITIQUE D’INTERNET DU CANADA SAMUELSON-GLUSHKO

 

McCarthy Tétrault, S.E.N.C.R.L., s.r.l

Toronto (Ontario)

POUR LES INTERVENANTES

BELL CANADA, COGECO CONNEXION INC., ROGERS COMMUNICATIONS CANADA INC., SASKTEL, TELUS COMMUNICATIONS INC. ET XPLORE INC.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.