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Dossier : 2005-4395(EI)

ENTRE :

2747-7173 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

PIOTR KOWALCZYK,

RICHARD CHALUT,

intervenants.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 4 octobre 2006, à Montréal (Québec)

 

Devant : L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

 

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Aaron Rodgers

Me Julie Gaudreault‑Martel

Avocat de l'intimé :

Me Simon Petit

Pour les intervenants :

personne n'a comparu

____________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel des cotisations établies en vertu de la Loi sur l'assurance‑emploi pour les années 2000 et 2001 est rejeté, selon les motifs du jugement ci‑joints.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de décembre 2006.

 

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx


 

 

 

Référence : 2006CCI689

Date : 20061219

Dossier : 2005-4395(EI)

ENTRE :

2747-7173 QUÉBEC INC.,

appelante,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

PIOTR KOWALCZYK,

RICHARD CHALUT,

intervenants.

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre Proulx

 

[1]     Il s’agit d’un appel des cotisations établies par le ministre du Revenu national (le « Ministre »), en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »), pour chacune des années 2000 et 2001. Les avis de cotisation ont été déposés comme pièce A-3.

 

[2]     Pour bien comprendre le litige, il faut d’abord se rapporter au Règlement sur la rémunération assurable et la perception des cotisations (le « Règlement »). Ce règlement a été modifié le 13 avril 2000. C’est à partir de cette date que l’appelante conteste les cotisations du Ministre. Donc, je ne m’occuperai que du texte actuel de la disposition pertinente soit les alinéas 2(3)a) et (a.1) du Règlement.

 

[3]     Ces dispositions de la Loi se lisent comme suit :

 

 

2(1)      Pour l’application de la définition de « rémunération assurable » au paragraphe 2(1) de la Loi et pour l’application du présent règlement, le total de la rémunération d’un assuré provenant de tout emploi assurable correspond au montant total, entièrement ou partiellement en espèces, que l’assuré reçoit ou dont il bénéficie et qui lui est versé par l’employeur à l’égard de cet emploi.

….

 

2(3)      Pour l’application des paragraphes (1) et (2), sont exclus de la rémunération :

 

a)         la somme représentant la valeur de la pension, du logement et autres avantages qu’une personne a reçus ou dont elle a joui au cours d’une période de paie au titre de son emploi, si l’employeur ne lui verse aucune rétribution en espèces pour cette période;

 

a.1)      tout somme qui est exclue du revenu en vertu des alinéas 6(1)a) ou b) des paragraphes 6(6) ou (16) de la Loi de l’impôt sur le revenu;

 

[4]     L’alinéa a.1) met en cause certaines dispositions de l’article 6 de la Loi de l’impôt sur le revenu. Dans le cas sous étude, c’est le sous‑alinéa 6(1)b)(vii) de la Loi de l’impôt sur le revenu qui est la source du litige. Il se lit comme suit :

 

6(1)      Éléments à inclure à titre de revenu tiré d'une charge ou d'un emploi -- Sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

b)         Frais personnels ou de subsistance — les sommes qu'il a reçues au cours de l'année à titre d'allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d'allocations à toute autre fin, sauf :

 

...

 

(vii)      les allocations raisonnables pour frais de déplacement, à l'exception des allocations pour l'usage d'un véhicule à moteur, qu'un employé — dont l'emploi n'est pas lié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur — a reçues de son employeur pour voyager, dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi, à l'extérieur :

 

(A) de la municipalité où était situé l'établissement de l'employeur dans lequel l'employé travaillait habituellement ou auquel il adressait ordinairement ses rapports,

 

(B) en outre, le cas échéant, de la région métropolitaine où était situé cet établissement,

 

 

[5]     La question en litige telle que présentée par les parties est de savoir si les sommes d’argent payées aux camionneurs de l’entreprise à titre d’allocations pour frais de déplacement sont des allocations raisonnables au sens du sous‑alinéa 6(1)b)(vii) de la Loi de l’impôt sur le revenu? Si elles sont raisonnables, elles seraient exclues de la rémunération assurable. Nous verrons plus tard que la preuve a révélé qu’il ne s’agissait pas de la question véritable à se poser. La question à se poser est de savoir si en fait, il s'agit d'allocations au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

[6]     L’appelante est une compagnie de transport qui effectue des voyages de longue distance à travers les États‑Unis dont notamment la Caroline du Nord, le Nevada et à travers le Canada.

 

[7]     L’appelante a engagé entre 130 à 200 chauffeurs à temps plein et à temps partiel pendant les années en litige.

 

[8]     Au cours de l’audience, il a été difficile de comprendre le mode de calcul de l’allocation pour frais de déplacement. On parlait d’un montant qui équivalait à 19% de la rémunération brute. Ce qui semblait impliquer un montant additionnel à la rémunération brute. De plus, la description des éléments pris en compte pour le calcul de la rémunération brute a été confuse tout au long de l’audition.

 

[9]     Or, l’examen des pièces et particulièrement les pièces A‑7 et A‑9, révèle que le 19% dont on parlait n’est qu’une répartition proportionnelle de la rémunération brute totale. Ceci devient clair quand on examine la pièce A‑9 qui est un état de salaire d’un employé. On y lit que la paie brute est de 1 012,53 $. C'est ce montant qui est réparti en deux montants, soit un montant exempté qui est de 192,38 $ et un montant régulier qui est de 820,15 $. Cette répartition est celle expliquée à l’article 8.1 du Guide des employés, pièce A-7.

 

[10]    Cet article du Guide des employés se lit ainsi :

 

8.1       Revenu brut imposable et non‑imposable

 

Le revenu brut des chauffeurs longue distance est réparti en deux revenus. Le premier revenu est imposable et correspond à 81% de votre revenu total brut. L'autre revenu, i.e. 19% du revenu brut, est non imposable puisqu'il s'agit du montant alloué à titre de remboursement de dépenses.

 

[11]    L’appelante soumet que le montant de 19% constituait un remboursement de dépenses reliées aux repas, douches et autres dépenses. Toutefois, il est à noter que rien de tel n’est inscrit à l’annexe 14 du Guide des employés.

 

[12]    Cette annexe énumère les éléments qui sont pris en compte pour l’établissement de la rémunération. Elle est divisée en deux parties, l’une concerne les différents taux au mille parcouru, l’autre concerne les autres rémunérations et avantages sociaux, soit : le bonus de millage, le bonus de sécurité, les prix accordés aux cueillettes et livraisons, le coucher, les heures d’attente, le « turn around », la manutention manuelle, le changement de remorque, le bris d’équipement, l’uniforme et l’assurance collective. Chacun de ces éléments est plus abondamment décrit à l’article 8 du Guide.

 

[13]    On ne trouve à cette annexe aucun montant ou mode de calcul spécifique pour les repas ou autres dépenses afférentes aux déplacements. Il n’y a que l’article 8.1 ci‑dessus qui prévoit une répartition du revenu en un revenu imposable et un revenu non imposable.

 

[14]    Selon la preuve, cette répartition de 19% s’est faite d’une façon plutôt approximative. Au début, la proportion était de 25% mais l’appelante a pensé que les vérificateurs du Ministre trouvaient la proportion trop élevée, alors l’appelante l’a ramenée à 19%.

 

[15]    En ce qui concerne les éléments compris dans la rémunération brute totale prise en compte pour la répartition, tel que mentionné précédemment, il n’y a eu aucune certitude à leur égard au cours de l’audience. Si je me fie à la pièce A‑9 et je n’ai aucune raison de croire qu’elle ne représente pas les faits réels, la rémunération brute totale répartie est celle qui comprend tous les éléments décrits à l’annexe 14 du Guide des employés : des éléments divers qui ont trait en général à la rémunération et non spécifiquement aux frais de déplacement.

 

[16]    Une répartition proportionnelle du revenu brut total est-elle de la nature d’une allocation pour frais de déplacement?

 

[17]    Je ne connais aucune décision de Cour acceptant ou décrivant une telle proposition. À la lecture des jugements, l’allocation pour frais de déplacement est toujours un montant additionnel à la rémunération et cette allocation est calculée sur la base de critères objectifs pertinents comme par exemple, les jours d’absence du lieu de résidence habituel de l’employé ou comme dans le cas de la décision du juge Tardif de cette Cour dans Transport Baie-Comeau Inc. c. Canada, [2006] A.C.I. no 155 (QL), dans certaines circonstances, sur les kilomètres parcourus.

 

[18]    Je cite à cet égard le paragraphe 6 de ce jugement :

 

6          En même temps, il fut décidé et accepté par les chauffeurs que l'appelante ne rembourserait plus les frais de repas et de logement. Au lieu de l'ancien système, l'appelante a commencé à payer une allocation de logement de quatre cents le kilomètre pour ceux qui effectuaient les longs trajets et de trois cents, pour les trajets à moyenne distance.

 

...

 

[19]    En ce qui concerne le sens à donner au mot « allocation », je cite le paragraphe 29 de ce même jugement :

 

29        Quant au terme « allocation », la jurisprudence, notamment dans l'affaire Gagnon c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 264, énumère les critères permettant de la définir. Ces critères sont les suivants :

 

−          La somme doit être limitée et déterminée à l'avance.

 

−          La somme doit être versée afin de permettre à celui qui la reçoit de faire face à un certain type de dépenses.        

 

−          Cette somme doit être à l'entière disposition de celui qui la touche sans qu'il ait de comptes à rendre à personne.

 

[20]    Je me réfère également au jugement de la Cour d’appel fédérale dans MacDonald c. Canada, [1994] A.C.F. no 378 (QL), aux paragraphes 9, 10 et 11 :

 

9          Je suis d'accord avec la définition que le juge Noël donne du terme « allocation » que l'on trouve à l'alinéa 6(1)b). Une allocation est une somme arbitraire en ce sens qu'une allocation n'est pas normalement destinée à couvrir une dépense spécifique. La somme peut être arbitraire même si elle est conçue en gros pour répondre aux attentes de l'employeur en ce qui concerne l'importance de la dépense ou la proportion de la dépense que l'employeur est prêt à supporter. En d'autres termes, le montant de l'allocation est déterminé à l'avance sans tenir compte du montant exact d'une dépense ou d'un coût effectivement engagés, bien que le chiffre puisse être fixé en fonction d'une prévision ou d'une moyenne de la dépense ou du coût en question.

 

10        Le juge Pratte de notre Cour a proposé une autre excellente définition de l'allocation dans l'arrêt La Reine c. Pascoe, (1975), 75 DTC 5427, à la page 5428 :

 

Selon nous, une allocation est une somme d'argent limitée et déterminée à l'avance, versée afin de permettre à celui qui la reçoit de faire face à certains types de dépenses; sa quotité est établie à l'avance et celui qui la touche en a la libre disposition, sans comptes à rendre à personne. Un versement effectué pour satisfaire à une obligation d'indemniser ou de rembourser quelqu'un ou de le défrayer de dépenses réellement engagées n'est pas une allocation; il ne s'agit pas en effet d'une somme susceptible d'être affectée par celui qui la touche, à sa discrétion, à certains types de dépenses.

 

11        Une explication similaire a été exposée par E.C. Harris dans Canadian Income Taxation (4e éd. 1985) à la page 108 :

 

[TRADUCTION] Une « allocation » est une somme approximative qui est versée à un employé pour lui permettre de faire face aux dépenses qu'il engagera au nom de son employeur, comme les frais de déplacement et les frais de représentation. L'employé n'est pas tenu de rendre compte par la suite à son employeur de ce qu'il a effectivement dépensé. Si l'employé rend compte à son employeur des dépenses qu'il a effectivement engagées, ni l'avance initiale que lui a remise son employeur ni le paiement subséquent que lui fait l'employeur pour le rembourser de ses dépenses ne constitue une « allocation ». Les risques d'abus sont plus élevés en matière d'allocations : comme l'employé n'a pas à rendre compte de l'allocation, il est possible de lui verser une rémunération cachée sous forme d'allocations élevées. D'où la règle générale suivant laquelle les allocations font partie du revenu d'emploi.

 

[21]    Je me permets de citer le paragraphe 40 du Bulletin d’interprétation IT‑522R, car à mon sens, il décrit bien la compréhension juridique que l’on doit avoir d’une allocation pour frais de déplacement :

 

Allocation pour frais de déplacement – Généralités

 

40. Dans ce bulletin, le terme « allocation » signifie tout paiement périodique ou autre que l'employé reçoit de son employeur, en plus de son traitement ou salaire, sans avoir à en justifier l'emploi. L'allocation peut être calculée en fonction de la distance ou du temps (p. ex., une allocation pour frais de véhicule à moteur reposant sur la distance parcourue ou une allocation pour frais de déplacement reposant sur le nombre de jours passés à l'extérieur) ou selon tout autre critère. Une allocation est imposable à moins de faire partie des exceptions énumérées aux sous-alinéas 6(1)b)(i) à (ix) ...

 

[22]    L’allocation pour frais de déplacement est un montant déterminé ou déterminable en fonction de critères objectifs pertinents, qui s’ajoute à la rémunération d’un employé et qui a pour but, de permettre à ce dernier d'assumer ses frais de déplacement. Je suis donc d’avis que la répartition proportionnelle du revenu brut total d'emploi telle que faite par l’appelante n’est pas de la nature d’une allocation pour frais de déplacement au sens de cette expression dans la Loi.

 

[23]    Même, si cette répartition était une allocation pour frais de déplacement, je suis d’avis qu’elle n’est pas raisonnable parce qu’elle est calculée sur des critères qui, pour la plupart d’entre eux, n’ont rien à voir avec les frais de déplacement à l’extérieur du lieu où est situé l’établissement de l’employeur.

 

[24]    L'appel est en conséquence rejeté.

 

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de décembre 2006.

 

 

« Louise Lamarre Proulx »

Juge Lamarre Proulx

 

 


 

 

 

RÉFÉRENCE :                                  2006CCI689

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :      2005-4395(EI)

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :              2747-7173 QUÉBEC INC. c. M.R.N.

                                                          et PIOTR KOWALCZYK

                                                          et RICHARD CHALUT

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                 le 4 octobre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :       L'honorable juge Louise Lamarre Proulx

 

DATE DU JUGEMENT :                   le 19 décembre 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelante :

Me Aaron Rodgers

Me Julie Gaudreault‑Martel

Avocat de l'intimé :

Me Simon Petit

Pour les intervenants :

personne n'a comparu

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l'appelante:

 

                     Nom :                            Me Aaron Rodgers

 

                 Cabinet :                           Spiegel Sohmer Inc.

                                                          Montréal (Québec)

 

       Pour l’intimé :                             John H. Sims, c.r.

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

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