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Dossier : 2003-4423(IT)G

 

 

ENTRE :

MOHAMMED REZA TEHRANI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

Appel entendu les 6 et 7 février 2006, et jugement rendu oralement le 8 février 2006, à Montréal (Québec).

 

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Aaron Rodgers

Avocat de l'intimée :

Me Alain Gareau

________________________________________________________________

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'égard de la cotisation établie en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu, dont l'avis est daté du 28 août 2002 et porte le numéro 31203, est accueilli et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant est responsable d'une somme de 114 655 $, et non de 122 829 $, conformément à l'article 227.1 de la Loi.

 

          L'intimée a droit aux dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mars 2006.

 

 

« Lucie Lamarre »

Le juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juin 2008.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2006CCI131

Date : 20060308

Dossier : 2003-4423(IT)G

 

ENTRE :

MOHAMMED REZA TEHRANI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Lamarre

 

[1]     Une cotisation datée du 28 août 2002 a été établie à l'égard de l'appelant en application du paragraphe 227(10) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Conformément à l'article 227.1 de la Loi, l'appelant a été déclaré solidairement responsable, avec la société 3111261 Canada Inc., du paiement d'une somme de 122 829 $. Cette somme consiste en des retenues à la source non versées (116 035 $) et des intérêts (8 174 $) payables par la société (pièce A‑13) relativement aux salaires payés à ses employés pour les mois de janvier à septembre 1998 (voir la réponse à l'avis d'appel (la « réponse »), au paragraphe 17j)), moins la somme de 2 349 $ payée par le syndic de faillite au titre de cette dette (voir la réponse, au paragraphe 17l)), laquelle a fait l'objet d'un redressement de 968 $ par voie d'un avis de cotisation daté du 8 juin 2001 (pièce I‑10).

 

[2]     Dans la réponse, l'intimée reconnaît que l'appelant peut être déclaré solidairement responsable, avec la société, du paiement d'une somme non pas de 122 829 $, mais de 114 655 $. L'intimée reconnaît donc que l'appelant ne sera pas déclaré responsable de la partie constituée des intérêts, qui s'élève à 8 174 $, selon l'annexe A à la pièce A‑13.

 

[3]     Il est admis que la société a fait faillite le 23 novembre 1998. L'appelant allègue qu'il a donné sa démission à titre d'administrateur de la société le 29 septembre 1998. Il a donc avancé que, selon le paragraphe 227.1(4) de la Loi, il ne peut être déclaré solidairement responsable, avec la société, de la dette de cette dernière, puisque la cotisation à son endroit a été établie plus de deux ans après qu'il a cessé pour la dernière fois d'être un administrateur. L'appelant soutient en outre que le ministre du Revenu national (le « ministre ») n'a pas établi l'existence de la créance dans les six mois suivant la date de la cession de faillite, contrairement aux exigences en ce sens prévues par l'alinéa 227.1(2)c) de la Loi.

 

[4]     L'intimée fait valoir que le ministre a produit une preuve de réclamation auprès du syndic de faillite le 6 mai 1999, soit dans les six mois de la faillite de la société. Elle avance également que l'appelant n'a pas donné sa démission le 29 septembre 1998, comme il l'a affirmé, mais bien entre le 6 juillet 2001 et le 5 novembre 2001.

 

Preuve de réclamation : l'alinéa 227.1(2)c) de la Loi

 

[5]     L'alinéa 227.1(2)c) est ainsi rédigé :

 

(2) Restrictions relatives à la responsabilité. Un administrateur n'encourt la responsabilité prévue au paragraphe (1) que dans l'un ou l'autre des cas suivants :

 

[...]

 

c) la société a fait une cession ou une ordonnance de séquestre a été rendue contre elle en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et l'existence de la créance à l'égard de laquelle elle encourt la responsabilité en vertu de ce paragraphe a été établie dans les six mois suivant la date de la cession ou de l'ordonnance de séquestre.

 

[6]     Concernant la preuve de réclamation, je suis convaincue que l'intimée a satisfait à cette condition dans le délai fixé à l'alinéa 227.1(2)c) de la Loi. La preuve a révélé que le syndic de faillite a réuni tous les renseignements relatifs aux salaires payés aux employés de la société, y compris les relevés T4 délivrés à ces derniers. Le formulaire T4 Sommaire produit comme pièce A‑14, qui a été signé le 3 février 1999 par Mélanie Bourdon, laquelle travaille pour le syndic de faillite, fait état de retenues totales non versées de 116 035 $. Ce renseignement est tiré des T4 délivrés aux employés mentionnés dans un document que « M. Tehrani » a envoyé à Mme Bourdon pour le compte de l'Institut technique Aviron, le 29 janvier 1998 (pièce I‑7). Un « avis d'écart concernant les retenues pour l'impôt, le Régime de pensions du Canada et l'assurance‑emploi » établi par Revenu Canada le 30 avril 1999 et reçu par le syndic le 6 mai 1999 fait état de la même somme : 116 035 $ (pièce A‑15). Ce chiffre est reproduit à l'annexe B de la preuve de réclamation datée du 6 mai 1999 envoyée par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'« ADRC ») au syndic, qui l'a reçue le 11 mai 1999 (pièce A‑13). À mon avis, la preuve de réclamation renferme des renseignements raisonnables et dignes de foi quant à cette somme, laquelle est étayée par des éléments de preuve à l'appui, comme l'exige l'alinéa 227.1(2)c) de la Loi. Contrairement à ce que laisse entendre l'appelant, le fait que la cotisation relative à la société est datée du 23 novembre 1998 (date de la faillite), mais n'a été établie que vers le 6 mai 1999 selon le témoignage de M. Thibault, fonctionnaire de l'ADRC, n'a aucune incidence sur la preuve de réclamation. Je conviens avec l'avocat de l'intimée que la responsabilité de l'administrateur et de la société découle de la Loi et non de l'avis de cotisation. L'avis de cotisation en lui‑même n'est pas essentiel à la preuve de réclamation (voir la décision Amyot et al. c. La Reine, 2006 CAF 55).

 

[7]     La preuve est suffisante pour montrer que la somme en litige consiste en des retenues à la source qui n'ont pas été versées à l'État. La somme a été calculée par le syndic de faillite, lequel avait l'obligation d'établir le formulaire T4 Sommaire et de le faire parvenir à l'État. Le ministre a ensuite produit sa preuve de réclamation sur le fondement de ce calcul. J'arrive à la conclusion que la preuve est suffisante pour établir la créance du ministre conformément à l'alinéa 227.1(2)c) de la Loi.

 

Date de démission comme administrateur

 

[8]     Les dispositions légales applicables sont les suivantes :

 

Le paragraphe 227.1(4) de la Loi

 

(4) Prescription. L'action ou les procédures visant le recouvrement d'une somme payable par un administrateur d'une société en vertu du paragraphe (1) se prescrivent par deux ans à compter de la date à laquelle l'administrateur cesse pour la dernière fois d'être un administrateur de cette société.

 

Les paragraphes 108(1) et 108(2) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (la « LCSA »)

 

108. (1) Fin du mandat. Le mandat d'un administrateur prend fin en raison :

 

a) de son décès ou de sa démission;

 

b) de sa révocation aux termes de l'article 109;

 

c) de son inhabilité à l'exercer, aux termes du paragraphe 105(1).

 

(2) Date d'effet de la démission. La démission d'un administrateur prend effet à la date de son envoi par écrit à la société ou, à la date postérieure qui y est indiquée.

 

[9]     En ce qui a trait à la date de la démission de l'appelant, la LCSA énonce au paragraphe 108(2) que la démission d'un administrateur prend effet à la date de son envoi par écrit à la société. La preuve est contradictoire sur ce point.

 

[10]    L'appelant soutient que l'original de sa démission a été envoyé à la société le 29 septembre 1998. Son avocat à cette époque, Me Fridhandler, est censé avoir produit auprès de l'Inspecteur général des institutions financières (l'« IGIF »), le 27 octobre 1998, une « Déclaration modificative » mentionnant que M. Kamal Chehab était devenu administrateur de la société et que l'appelant avait cessé d'agir en cette qualité. Cependant, Me Fridhandler a reconnu qu'aucun original d'une telle lettre de démission ne figurait dans le registre des procès‑verbaux. Il a affirmé que le document se trouvait probablement dans le dossier de la société, lequel avait fort vraisemblablement été retourné soit à M. Mario Colucci, le dernier administrateur de la société selon la « Déclaration modificative » produite à l'IGIF le 8 juin 1999 (pièce A‑10), soit au frère de l'appelant, Mehdi Tehrani, lequel était un employé de la société. Il importe toutefois de signaler que la lettre de démission de M. Kamal Chehab à titre d'administrateur se trouvait dans le registre des procès‑verbaux (pièce I‑3). Monsieur Chehab a mentionné que cette lettre de démission ne reflétait pas de façon exacte la situation réelle puisqu'elle est datée du 2 octobre 1998 et qu'il était toujours le seul administrateur de la société à la date de la faillite, comme en fait foi la cession de faillite qu'il a signée le 23 novembre 1998 (pièce A‑12).

 

[11]    Il est quelque peu difficile de croire que le registre des procès‑verbaux renfermant la résolution qui acceptait vraisemblablement la démission de l'appelant (pièce A‑2) n'a pu être mis à la disposition du syndic. En fait, cette résolution aurait normalement dû être consignée dans le registre des procès‑verbaux le 29 septembre 1998, c'est‑à‑dire seulement deux mois avant la faillite. Maître Fridhandler a déclaré qu'il a produit une « Déclaration modificative » auprès de l'IGIF le 27 octobre 1998 (pièce A‑5), soit seulement un mois avant la cession de faillite. De plus, selon M. Chehab, c'est l'appelant qui a recommandé qu'il fasse une cession de faillite. C'est l'appelant qui a traité avec le syndic, selon les pièces I‑4 et I‑5 et selon le témoignage de M. Chehab, lequel n'a jamais été en communication avec le syndic sauf au moment de signer la cession de faillite sous la supervision de l'appelant. C'est l'appelant qui, le 23 novembre 1998, a signé à titre d'administrateur de la société la déclaration du débiteur, à laquelle était annexé l'inventaire définitif des avoirs de la société (pièce I‑6). C'est aussi le plus vraisemblablement l'appelant qui a envoyé la liste des employés au syndic sous le nom de « M. Tehrani » (pièce I‑7).

 

[12]    Dans son témoignage, l'administrateur de la faillite, M. Noubar Boyadjian, a déclaré qu'il avait demandé tous les documents, mais que le registre des procès‑verbaux ne lui avait jamais été remis. Maître Fridhandler avait le registre des procès‑verbaux en sa possession à l'instruction. Je trouve étonnant que Me Fridhandler, qui était toujours en communication avec l'appelant au moment de la faillite de la société, n'ait pas remis au syndic le registre des procès‑verbaux et notamment la résolution acceptant la démission de l'appelant datée du 29 septembre 1998, comme cela aurait normalement dû être fait. En outre, après avoir reçu de l'ADRC, le 6 juillet 2001, un avis demandant des documents à l'appui (pièce A‑8), l'appelant est allé voir son avocat, Me Fridhandler, lequel a rédigé une lettre de démission que l'appelant a alors signée. Maître Fridhandler a déclaré dans une lettre adressée à l'ADRC qu'il s'agissait d'un double de la lettre de démission datée du 29 septembre 1998. Maître Fridhandler n'a pas estimé nécessaire de préciser que l'original de la lettre de démission avait été perdu ni d'envoyer un double de la résolution consignée au registre des procès‑verbaux, ce qui aurait permis d'étayer l'assertion voulant que l'appelant ait envoyé une démission par écrit à la société en septembre 1998. Il est vrai qu'il a envoyé un double de la « Déclaration modificative » qui a, on peut le supposer, été produite auprès de l'IGIF le 27 octobre 1998. Cependant, je suis d'avis que ce document à lui seul ne constitue pas une preuve suffisante du fait que l'appelant a dûment envoyé une démission écrite à la société en septembre 1998, comme l'exige le paragraphe 108(2) de la LCSA. Le fait que deux lettres de démission distinctes (pièces I‑1 et I‑2) ont été présentées à l'ADRC ajoute à la confusion et me conforte dans mon opinion selon laquelle l'appelant n'a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu'il ait réellement donné sa démission en septembre 1998.

 

[13]    À mon sens, les documents présentés à l'instruction par l'appelant constituent une preuve intéressée après le fait et, s'ils existaient réellement en 1998, on aurait dû les communiquer dès que le syndic ou l'ADRC les a demandés.

 

[14]    Je ne suis pas convaincue que l'appelant ait réellement donné sa démission le 29 septembre 1998. Comme la seule lettre de démission qui reste a été signée en 2001, la cotisation établie en vertu de l'article 227.1 de la Loi le 28 août 2002 l'a été dans le délai de prescription prévu au paragraphe 227.1(4). Comme aucun autre argument n'a été avancé par l'appelant, il est solidairement responsable, avec la société, d'une dette de 114 655 $ envers le ministre.

 

[15]    L'appel est accueilli uniquement dans la mesure où il faut soustraire du montant de la cotisation les intérêts s'élevant à 8 174 $ de manière à refléter la concession faite par l'intimée. La cotisation est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant est responsable d'une somme de 114 655 $ conformément aux dispositions de l'article 227.1 de la Loi.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de mars 2006.

 

 

« Lucie Lamarre »

Le juge Lamarre

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juin 2008.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :                                  2006CCI131

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :     2003-4423(IT)G

 

INTITULÉ :                                       MOHAMMED REZA TEHRANI c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                  Les 6 et 7 février 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :               L'honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                   Le 8 mars 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Aaron Rodgers

Avocat de l'intimée :

Me Alain Gareau

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

                   Nom :           Me Aaron Rodgers

 

                   Cabinet :      Spiegel Sohmer

 

          Pour l'intimée :       Me John H. Sims, c.r.

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 

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