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Dossier : 2012-4373(IT)G

ENTRE :

BUHLER VERSATILE INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 


Requête entendue le 13 juin 2014 à Edmonton (Alberta).

Devant : L’honorable juge Steven K. D’Arcy

Comparutions :

 

Avocat de l’appelante :

Me Jeff D. Pniowsky

Avocate de l’intimée :

Me Carla Lamash

 

ORDONNANCE

Conformément aux motifs de l’ordonnance ci‑joints :

La requête présentée par l’intimée en vue d’obtenir, suivant les Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), une ordonnance enjoignant à l’appelante de produire cinq recueils de documents qu’elle avait fournis à une agente des appels de l’Agence du revenu du Canada est accueillie, et il est ordonné à l’appelante de produire les cinq recueils.

Des dépens de 2 000 $, payables immédiatement, sont adjugés à l’intimée.

Les parties disposent de 30 jours à partir de la présente ordonnance pour fournir à la Cour les dates d’échéance des étapes qu’il reste à franchir dans la présente instance.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de novembre 2014.

« S. D’Arcy »

Juge D’Arcy

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de mars 2015.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2014 CCI 364

Date : 20141118

Dossier : 2012-4373(IT)G

ENTRE :

BUHLER VERSATILE INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Le juge D’Arcy

[1]             L’intimée a présenté une requête en vue d’obtenir, suivant les articles 95 et 110 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), une ordonnance enjoignant à l’appelante de produire cinq recueils de documents (les « cinq recueils ») qu’elle avait fournis à une agente des appels de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »).

[2]             L’intimée demande également à la Cour de modifier l’ordonnance en ce qui concerne les dates d’échéance des différentes étapes de l’instance et de lui adjuger les dépens, payables immédiatement.

I. Exposé des faits

[3]             Au moyen d’une cotisation établie le 2 décembre 2008, le ministre a refusé à l’appelante les déductions de dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental (RS&DE) et les crédits d’impôt à l’investissement (CII) correspondants qu’elle avait demandés. Le 26 février 2009, le ministre a reçu l’avis d’opposition à la cotisation[1].

[4]             Le 21 octobre 2011, l’appelante a présenté des observations écrites à l’agente des appels chargée d’examiner son avis d’opposition (les « observations du 21 octobre 2011 de l’appelante »). Elle y précisait notamment ce qui suit :

[traduction]
[…]

Nous voulons, par les présentes, clarifier les principaux aspects de la déduction demandée au titre des activités de RS&DE et fournir des documents pertinents à l’appui. La position de Buhler se définit plus précisément de la façon suivante :

[…]

De plus, nous avons joint les documents suivants :

3)            Travail technique effectué sur des projets particuliers en 2005

4)            Un aperçu des activités de Buhler

5)            Conclusion

6)            Allégement demandé

7)            Documents justificatifs (présentés dans un autre recueil)[2]

[5]             L’appelante a fourni à l’agente des appels de l’ARC cinq recueils de documents justificatifs[3].

[6]             Le 27 février 2012, M. Lorne Anderson, directeur adjoint, RS&DE, du bureau des services fiscaux de Calgary, a écrit à M. Alnoor Kassam, chef des appels au bureau des services fiscaux de Calgary, une note de service dans laquelle il expliquait pourquoi il avait conclu que la cotisation du ministre ne devrait pas être modifiée. Il y affirme ce qui suit quant aux observations du 21 octobre 2011 de l’appelante.


[traduction]

[…]
La lettre du 21 octobre 2011 donne aussi une description générale du travail accompli dans le cadre de chacun des projets et elle est accompagnée de cinq recueils de documents justificatifs (environ 2 000 pages au total).

Réponse

[…] Les cinq recueils de documents justificatifs joints à l’AO [avis d’opposition] contenaient principalement des courriels qui semblent avoir été imprimés en série à partir de dossiers Outlook. BVI n’a fait référence à aucun de ces courriels dans sa lettre du 21 octobre 2011 et n’a pas précisé en quoi les renseignements qu’ils contenaient étaient pertinents. Des copies multiples ont été incluses pour bon nombre de courriels, et l’en‑tête de la plupart d’entre eux était manquant – cela posait un problème parce que le destinataire et l’expéditeur du courriel n’étaient pas identifiés. Néanmoins, l’ARC a examiné en détail les documents justificatifs et son analyse est présentée dans les paragraphes qui suivent[4].

[Non souligné dans l’original.]

[7]             Le 20 juin 2012, l’ARC a retourné les cinq recueils à l’appelante; elle n’a pas conservé de copies des documents contenus dans ces recueils. L’ARC a joint aux recueils une lettre avisant l’appelante que, même si l’ARC avait terminé son examen, cela ne signifiait pas que l’appelante était autorisée à détruire des documents ou des dossiers[5].

[8]             Le ministre a ratifié la cotisation établie le 3 août 2012. L’appelante a ensuite interjeté appel.

[9]             L’appelante a déposé sa liste de documents auprès de la Cour le 20 juin 2013. Le numéro de document 262 a été attribué aux observations du 21 octobre 2011 de l’appelante[6].

[10]        Au cours de l’interrogatoire préalable du représentant de l’appelante, M. Allan Minaker, l’avocate de l’intimée a demandé à celui-ci de produire des copies des cinq recueils. L’avocat de l’appelante a répondu que cette demande serait considérée ultérieurement pour les raisons suivantes :

                   il n’était pas certain de [traduction] « pouvoir y répondre maintenant »;

                   il n’était pas certain que [traduction] « cela englobait le privilège relatif au litige »;

                   [traduction] « Comme vous le savez, il ne s’agit pas d’un contrôle judiciaire. Pour le présent litige, nous avons présenté les documents que nous avons jugé pertinents pour soutenir notre cause »[7].

[11]        Dans ses réponses écrites aux engagements pris durant l’interrogatoire préalable de M. Minaker, l’appelante a refusé de fournir les cinq recueils. Elle y affirmait ceci : [traduction] « Il ne s’agit pas en l’espèce d’un contrôle judiciaire, et tous les documents pertinents ont été fournis »[8].

II. Obligation de production en vertu des paragraphes 85(3) et 105(1) des Règles

[12]        À mon avis, le paragraphe 85(3) et l’alinéa 105(1)a) des Règles obligent l’appelante à produire les cinq recueils en question.

[13]        Ces dispositions sont rédigées de la façon suivante :

85(3) Sauf si les parties en conviennent autrement, tous les documents énumérés dans la liste de documents présentée par une partie sous le régime de l’article 81 ou de l’article 82 et qui ne sont pas privilégiés, et tous les documents produits antérieurement pour examen par la partie doivent, sans avis, ni subpœna ou directive, être apportés et produits, selon le cas :

a) lors de l’interrogatoire préalable de la partie ou d’une personne interrogée au nom, au lieu ou en plus de la partie;

b) lors de l’audition de l’appel.

105(1) Sauf consentement des parties ou directive contraire de la Cour, la personne qui doit être interrogée apporte à l’interrogatoire et produit, à des fins d’examen :

a) lors d’un interrogatoire préalable, tous les documents qu’elle est tenue d’apporter en application du paragraphe 85(3);

[14]        Le paragraphe 85(3) et l’alinéa 105(1)a) ont pour effet d’obliger l’appelante à apporter à l’interrogatoire préalable et à produire pour examen tous les documents inscrits sur sa liste de documents.

[15]        Les observations du 21 octobre 2011 de l’appelante figurent dans sa liste de documents sous le numéro 262. Par conséquent, elle était tenue de produire ces observations à l’interrogatoire préalable.

[16]        L’avocat de l’appelante a affirmé en ce qui a trait au document inscrit sous le numéro 262 qu’il s’agissait en fait du document de 21 pages compris dans les observations écrites du 21 octobre 2011 de l’appelante. Il a prétendu que les documents justificatifs contenus dans les cinq recueils n’en faisaient pas partie. Je rejette cet argument.

[17]        L’appelante affirme à la première page de ses observations du 21 octobre 2011 qu’elle veut [traduction] « clarifier les principaux aspects de la déduction demandée au titre des activités de RS&DE et fournir des documents pertinents à l’appui ». Elle fait ensuite état plus particulièrement des documents justificatifs contenus dans un recueil distinct[9].

[18]        À mon avis, le document inscrit sous le numéro 262 dans la liste comprend le document de 21 pages et les documents présentés à l’appui, c’est‑à‑dire les cinq recueils. Les observations écrites et les documents justificatifs forment ensemble le document numéro 262. Les paragraphes 85(3) et 105(1) des Règles exigeaient que l’appelante produise le document complet, y compris les cinq recueils, à l’interrogatoire préalable.

III. Obligation de production en vertu du paragraphe 105(2) des Règles

[19]        Même si le document d’observations écrites de 21 pages et les cinq recueils ne formaient pas un seul et même document, le paragraphe 105(2) des Règles exigeait que l’appelante produise les cinq recueils dans un délai de dix jours suivant l’interrogatoire préalable.

[20]        Le paragraphe 105(2) est rédigé en ces termes :

Sauf directive contraire de la Cour, si une personne reconnaît, au cours d’un interrogatoire, qu’un document non privilégié qui se rapporte à une question en litige dans l’instance se trouve en sa possession, sous son contrôle ou sous sa garde, elle le produit, à des fins d’examen par la partie interrogatrice, immédiatement, si elle l’a avec elle, sinon, dans un délai de dix jours.

[21]        Je ne suis pas certain que le représentant de l’appelante a reconnu que l’appelante avait en sa possession ou sous son contrôle les cinq recueils. Toutefois, une partie ne peut éviter l’application du paragraphe 105(2) en refusant de répondre lorsqu’on lui demande de produire les documents en question. L’appelante avait en sa possession les cinq recueils. Par conséquent, elle était tenue de les produire dès que l’avocate de l’intimée les lui a demandés.

IV. Arguments de l’appelante

[22]        Je vais répondre brièvement aux arguments soulevés par l’appelante.

[23]        L’appelante a avancé que la demande de l’intimée en vue d’obtenir les cinq recueils constituait en fait une recherche aléatoire. Je ne comprends pas comment l’appelante est parvenue à formuler cet argument à la lumière des faits. L’intimée demande simplement les documents que l’appelante a fournis, de sa propre initiative, à l’agente des appels de l’ARC au soutien de son appel.

[24]        L’avocat de l’appelante a fait valoir que ces documents n’étaient pas réputés utiles pour l’instance devant la Cour du seul fait qu’ils avaient été remis à une agente des appels de l’ARC. Il se peut que cet argument soit valable dans certaines situations de fait. Toutefois, les documents que l’appelante a remis à l’agente des appels de l’ARC pour étayer sa thèse suivant laquelle certaines dépenses étaient attribuables à des activités de RS&DE sont pertinents, particulièrement compte tenu du fait que l’agente des appels les a examinés pour prendre sa décision, une décision que l’appelante conteste devant la Cour.

[25]        L’appelante a allégué que l’intimée avait déjà eu accès aux documents et qu’elle tentait maintenant de se servir de la Cour pour l’aider à les récupérer. L’appelante semble confondre la Cour et l’ARC. L’appelante a communiqué les documents lors du processus d’appel de l’ARC, mais elle ne les a pas communiqués au cours du présent appel. La Cour examinera seulement les documents que les parties verseront en preuve dans le présent appel.

[26]        Enfin, l’avocat de l’appelante a soutenu qu’il s’agissait d’un procès de novo, et non d’un appel jugé sur dossier. Je ne comprends pas l’argument de l’appelante sur ce point. La Cour canadienne de l’impôt est une cour de première instance, et ses décisions se fondent sur la preuve qui lui est dûment présentée et sur le droit. Les règles de la Cour visent à faire en sorte que, dans un souci d’efficacité, les parties aient la possibilité d’examiner, avant la tenue de l’audience proprement dite, toute preuve pertinente qui serait en la possession ou sous le contrôle de l’autre partie.

[27]        Pour les motifs exposés précédemment, la requête est accueillie, et il est enjoint à l’appelante de produire les cinq recueils.

[28]        À mon avis, la conduite de l’appelante a prolongé inutilement la durée de l’instance. Par conséquent, des dépens de 2 000 $, payables immédiatement, sont adjugés à l’intimée.

[29]        Les parties disposent de 30 jours à partir de la présente ordonnance pour fournir à la Cour les dates d’échéance des étapes qu’il reste à franchir dans la présente instance.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de novembre 2014.

« S. D’Arcy »

Juge D’Arcy

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de mars 2015.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 364

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-4373(IT)G

INTITULÉ :

BUHLER VERSATILE INC. c. LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 juin 2014

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge Steven K. D’Arcy

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 18 novembre 2014

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelante :

Me Jeff D. Pniowsky

Avocat de l’intimée :

Me Carla Lamash

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Jeff D. Pniowsky

 

Cabinet :

Thompson Dorfman Sweatman LLP

Winnipeg (Manitoba)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           Affidavit de Keith Chrystall, paragraphe 2.

[2]           Pièce A de l’affidavit de Keith Chrystall, à la première page.

[3]           Affidavit de Keith Chrystall, paragraphe 3.

[4]           Affidavit de Keith Chrystall, paragraphe 4; pièce C de l’affidavit de Keith Chrystall, aux pages 1 et 2.

[5]           Affidavit de Keith Chrystall, paragraphe 3; pièce A de l’affidavit de Keith Chrystall, à la page 1; pièce B de l’affidavit de Keith Chrystall.

[6]           Pièce E de l’affidavit de Keith Chrystall, troisième page.

[7]           Pièce E de l’affidavit de Keith Chrystall, quatrième et cinquième pages.

[8]           Pièce F de l’affidavit de Keith Chrystall, à la page 2.

[9]           Pièce A de l’affidavit de Keith Chrystall, à la première page. C’est moi qui souligne dans la citation.

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