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Dossier : 2013-385(GST)G

ENTRE :

INVESCO CANADA LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[traduction française officielle]

Appels entendus les 28, 29 et 30 avril 2014, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Diane Campbell


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me John Tobin/Me Stuart Svonkin

Avocates de l’intimée :

Me Marilyn Vardy/Me Andrea Jackett

 

JUGEMENT

          Les appels interjetés à l’encontre des cotisations établies sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour les périodes du 1er avril 1999 au 31 octobre 1999 (les avis de (nouvelle) cotisation de 2011 datés du 23 février 2011) et du 1er novembre 1999 au 31 juillet 2000, du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2002, du 1er octobre 2003 au 31 décembre 2003, du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2004, du 1er janvier 2005 au 30 septembre 2005 et du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006 (les avis de (nouvelle) cotisation de 2012 datés du 24 février 2012) sont accueillis, avec dépens en faveur de l’appelante, et les (nouvelles) cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, selon les motifs du jugement ci‑joints. Conformément au paragraphe 4 des présents motifs, l’appelante n’a pas poursuivi l’appel relatif à Aim Funds Management Inc. pour les périodes du 1er avril 1999 au 31 juillet 2000.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de décembre 2014.

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’avril 2015.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2014 CCI 375

Date : 20141223

Dossier : 2013-385(GST)G

ENTRE :

INVESCO CANADA LTÉE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[traduction française officielle]

 


motifs du jugement

La juge Campbell

Introduction

[1]             Le seul point en litige dans les présents appels se résume à ce qui suit : la détermination de la valeur de la contrepartie versée par différentes fiducies de fonds communs de placement (les « Fonds ») à l’appelante (également appelée la « gestionnaire ») pour la prestation de services de gestion qu’elle a fournis à chacun des Fonds. Pour déterminer cette valeur, je dois examiner en quoi constituait la contrepartie réelle dans les circonstances. Ainsi, il sera possible d’établir si l’appelante a perçu et versé la TPS de façon appropriée à l’égard des frais facturés à chaque Fonds.

[2]             Bien que plusieurs hypothèses de fait de l’intimée contenues dans la réponse à l’avis d’appel, de même que dans les observations, visent les accords juridiques et les paiements en espèces, à la fois à l’égard des sociétés de placement à capital variable et des fiducies de fonds communs de placement comme étant en apparence une seule et même chose, celles‑ci sont, dans les faits, des créatures très différentes. Les présents appels se limitent aux frais de gestion que les Fonds ont payés à l’appelante à l’égard des fiducies de fonds communs de placement. L’appelante n’a pas interjeté appel des cotisations à l’égard des sociétés de placement à capital variable.

[3]             Il s’agit d’appels de nouvelles cotisations établies sous le régime de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »). L’appelante interjette appel à l’encontre de trois groupes d’avis de nouvelle cotisation :

a)       les avis datés du 23 février 2011, établis au nom d’Invesco Canada Ltée (« Invesco ») pour la période du 1er avril 1999 au 31 octobre 1999 à l’égard de Trimark Investment Management Inc. (« TIMI »);

b)      les avis datés du 10 juin 2011, visant Aim Funds Management Inc. (« AIM ») pour la même période du 1er avril 1999 au 31 octobre 1999;

c)       les avis datés du 24 février 2012, visant AIM et TIMI précédant immédiatement et suivant la fusion d’AIM et de TIMI (maintenant appelées Invesco) le 1er août 2000 pour les périodes entre le 1er novembre 1999 et le 31 décembre 2006.

[4]             Au cours de l’audience, l’appelante a informé la Cour qu’elle n’avait pas l’intention de poursuivre l’appel à l’encontre des nouvelles cotisations qui visaient AIM pour les périodes antérieures à la fusion, soit les périodes du 1er avril 1999 au 31 juillet 2000.

[5]             L’appelante fournit des services de gestion aux Fonds au sein de l’industrie des fonds communs de placement (l’« industrie »). Pour la fourniture de ces services, qui sont des fournitures imposables, l’appelante facture des frais de gestion aux Fonds. La taxe sur les produits et services (la « TPS ») est imposée, perçue et versée à l’égard de ces frais, conformément à la LTA. Le milieu dans lequel l’industrie évolue est hautement réglementé, conformément aux lois nationales et provinciales sur les valeurs mobilières. Cela assure la transparence pour les investisseurs qui confient la garde de leur argent à un investisseur pour acheter soit des actions dans une société de placement à capital variable soit, comme c’est le cas dans les présents appels, des parts dans un fonds de fiducie. Une telle mesure permet aux investisseurs individuels d’avoir accès à un vaste portefeuille ainsi qu’à des conseils et une gestion professionnels concernant leurs placements, auxquels un plus petit investisseur n’aurait pas autrement accès.

[6]             En échange de son consentement à gérer les activités courantes des Fonds, l’appelante‑gestionnaire gagne un revenu en facturant des frais de gestion qui sont en règle générale imputés à l’ensemble de tous les actifs du fonds. Dans certains cas, pour demeurer une actrice financièrement viable au sein du marché, la gestionnaire doit attirer et conserver les groupes d’investisseurs plus importants et plus avertis, comme les fonds de retraite (les « grands investisseurs »). Comme incitatif, la gestionnaire a le pouvoir discrétionnaire de réduire les frais de gestion habituels qui sont facturés aux investisseurs ordinaires. Cette pratique des réductions des frais de gestion donne lieu à des distributions spéciales faites par les Fonds aux grands investisseurs. Ces distributions spéciales, égales au montant de la réduction des frais de gestion et effectuées mensuellement ou trimestriellement, sont connues sous le nom de « distributions sur les frais de gestion ».

[7]             Les présents appels visent le traitement de ces distributions sur les frais de gestion quant à la TPS. Aucune TPS n’a été perçue ou versée à l’égard des distributions. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante‑gestionnaire, au motif que ces distributions sur les frais de gestion faisaient partie de la contrepartie, en sus du montant des frais réduits de la gestionnaire, payée ou payable par les Fonds pour la fourniture de services de gestion par l’appelante‑gestionnaire.

Les faits et le contexte

[8]             Seul M. David Warren, vice-président directeur et chef des finances de l’appelante, a témoigné. Les parties ont déposé un « mémoire conjoint » en sept volumes. Bien que le témoignage et l’argumentation soient concentrés sur un seul ensemble de documents concernant un ensemble de fonds communs de placement, ceux-ci étaient représentatifs de tous les documents en cause dans les présents appels.

[9]             Pour déterminer ce que les Fonds ont réellement payé à l’appelante‑gestionnaire, l’appelante a insisté sur les droits juridiques qui existaient entre la gestionnaire, les Fonds et les grands investisseurs, selon leur description dans les documents pertinents. Pour établir le « contexte factuel » des documents, l’appelante a insisté sur le fait que je devais analyser les éléments de preuve qui m’étaient présentés en vue d’établir ce qui suit :

a)       l’objet commercial des opérations;

b)      le contexte;

c)       le marché dans lequel les parties évoluaient.

[10]        Les activités commerciales de l’appelante consistent à parrainer, à gérer et à distribuer des fonds communs de placement. En ce qui concerne les Fonds, l’appelante agit à deux titres : elle agit comme fiduciaire des Fonds et elle fournit aux Fonds des services de gestion de placement et des conseils concernant les actions. Le 1er août 2000, AIM, la gestionnaire de fonds communs de placement pour le groupe de fonds AIM, et TIMI, la gestionnaire de fonds communs de placement pour le groupe de fonds Trimark, ont fusionné pour constituer Aim Funds Management Inc. [Gestion de Fonds AIM Inc.] (« AFMI »), la société qui a précédé Invesco. Au cours des périodes pertinentes, Invesco a offert des fonds communs de placement à des investisseurs publics sous les noms de marque AIM et TIMI, conformément à un prospectus annuel et à une notice annuelle, désignés ensemble sous l’appellation « documents d’offre ».

[11]        Les frais de gestion que les Fonds payaient à l’appelante‑gestionnaire étaient fixés par contrat dans un document appelé le « contrat de gestion ». Les frais étaient facturés à chaque Fonds auquel l’appelante fournissait des services. Ces frais étaient calculés quotidiennement et étaient en règle générale imputés aux actifs.

[12]        L’appelante commercialise les Fonds auprès de deux groupes d’investisseurs, soit les investisseurs particuliers et les grands investisseurs, ce dernier groupe étant habituellement composé d’investisseurs institutionnels. Les investisseurs paient les frais de gestion, quoiqu’indirectement. Ces frais, de concert avec d’autres dépenses des Fonds, diminuent les bénéfices des fonds communs de placement, réduisant ainsi le revenu qui peut être distribué aux investisseurs. La logique veut que, si le gestionnaire d’un fonds de fiducie est en mesure d’inciter de grands investisseurs à acheter des parts en offrant des frais réduits, ces frais réduits doivent alors donner lieu à des distributions plus élevées aux investisseurs en raison de l’accroissement de la base monétaire.

[13]        Contrairement aux grands investisseurs, les investisseurs particuliers n’ont pas la capacité de négocier des frais de gestion réduits, mais les Fonds leur offrent une expertise et une diversification de placements auxquelles ils ne pourraient pas autrement avoir accès sur le marché. Selon le témoignage de M. Warren, les grands investisseurs n’ont habituellement pas de conseillers financiers, mais ont plutôt recours à des consultants pour négocier une réduction des frais de gestion. Ces investisseurs ont ainsi l’avantage d’une réduction de frais négociée en recevant une distribution sur les frais de gestion, égale à la différence entre le montant potentiel de frais de gestion que l’appelante aurait pu facturer et le montant négocié de la réduction de frais de gestion ou du rabais appliqué aux frais « bruts ». Cela a été appelé les frais de gestion nets (contre-interrogatoire de M. Warren, transcription, volume 2, pages 230 et 231).

[14]        L’appelante était disposée à facturer aux Fonds des frais de gestion réduits en contrepartie de ses services de gestion parce que, dans l’ensemble, le montant brut des frais gagnés par la gestionnaire sur les actifs nets des Fonds augmenterait de façon significative par suite d’un investissement important dans les Fonds. Il en était ainsi, même si les frais facturés à un grand investisseur pouvaient être offerts à un pourcentage plus faible. Un fonds en tirait aussi avantage parce que la taille de son portefeuille de placements augmentait lorsque de grands investisseurs devenaient des porteurs de parts d’un fonds. Si des investisseurs particuliers sont également des porteurs de parts dans un fonds où de grands investisseurs sont attirés par des frais réduits en vue de devenir des porteurs de parts, tout le fonds et tous les investisseurs bénéficient de l’augmentation des actifs du fonds qui peuvent être placés.

[15]        Puisque le fiduciaire a une obligation fiduciaire envers le Fonds entier, la mise au point d’un accord qui permet aux grands investisseurs de bénéficier d’une réduction des frais de gestion sans créer d’incidence défavorable pour les autres investisseurs du Fonds est une question avec laquelle l’industrie est aux prises depuis plusieurs années.

[16]        Avant 1995, la réduction des frais de gestion était réalisée au moyen d’une remise de l’appelante aux grands investisseurs. En vertu de cette approche, l’appelante facturait le plein montant des frais de gestion prévus au contrat de gestion. L’appelante payait alors aux grands investisseurs une « remise sur les frais de gestion ». En 1995, la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (la « CVMO »), ainsi que d’autres organismes de réglementation au sein de l’industrie, ont craint que cette méthode de paiement de remises à des porteurs de parts puisse entraîner l’application du paragraphe 12(2.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR ») et assujettir les Fonds à une inclusion au titre de l’impôt sur le revenu. Dans une interprétation technique de 1994, l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») a indiqué qu’il y aurait des répercussions fiscales défavorables et a conclu qu’il en résulterait une double imposition, soit l’imposition des investisseurs qui reçoivent des remises sur les frais de gestion et l’imposition des fonds de fiducie.

[17]        Dans une lettre datée du 29 juin 1995, la CVMO a transmis la demande suivante aux avocats de l’appelante :

[traduction]

 

4.         Veuillez divulguer le fait que le remboursement des frais de gestion à un investisseur peut donner lieu à des conséquences fiscales défavorables pour lui ou pour les Fonds et fournir une opinion rédigée par un avocat fiscaliste ou fournir au Fonds une indemnité provenant de Trimark pour toute obligation fiscale des Fonds relativement au remboursement des frais de gestion.

(Mémoire conjoint, volume 1, onglet 1, page 2)

Il était devenu essentiel de remanier cet accord en place jusqu’en 1995 afin d’éviter tout risque de double imposition par le biais de l’application du paragraphe 12(2.1) de la LIR. Cette disposition prévoit que des paiements incitatifs ou des remboursements faits aux bénéficiaires de fiducies doivent être inclus dans le revenu des fiducies. Étant donné que les remises sur les frais de gestion aux grands investisseurs pouvaient être considérées comme des paiements incitatifs destinés à rembourser les dépenses des fiducies, en vertu du paragraphe 12(2.1), l’alinéa 12(1)x) ferait en sorte que ces montants de remise soient également inclus dans le revenu des Fonds, donnant lieu à une double imposition des montants de remises. Ainsi, des modifications ont été apportées en 1995 afin d’éviter l’application possible du paragraphe 12(2.1). L’appelante a dû modifier la manière selon laquelle les montants de remises sur les frais de gestion étaient versés, mais ce faisant, les fiducies étaient également soumises aux contraintes du paragraphe 104(7.1) de la LIR. Voici les explications fournies par l’avocat de l’appelante dans ses observations préliminaires au paragraphe 64 :

[traduction]

[…] Vous savez que cette disposition empêcherait une fiducie de déduire ses distributions de revenu et les gains réalisés nets. Les Fonds ne souhaiteraient pas perdre ces déductions accréditives à l’égard de l’ensemble du fonds afin de régler la question du paragraphe 12(2.1) touchant les grands investisseurs.

[18]        Pour éviter ces conséquences fiscales potentielles, l’appelante a modifié la méthode de versement des paiements de remises sur les frais de gestion aux porteurs de parts des Fonds. En effet, l’appelante‑gestionnaire s’est plutôt vu conférer le pouvoir discrétionnaire de négocier avec les grands investisseurs une réduction des frais de gestion qu’elle facturait aux Fonds. En retour, les Fonds convenaient de faire une distribution du montant de cette réduction aux grands investisseurs. En conséquence, les Fonds disposeraient alors de ressources supplémentaires pour effectuer des distributions spéciales aux grands investisseurs parce que l’appelante avait réduit ses frais pour les services qu’elle fournissait.

[19]        L’appelante a décrit ainsi la nouvelle méthode de paiement des remises sur les frais de gestion :

1.       L’appelante‑gestionnaire calculait les frais de gestion nets qu’elle facturait aux Fonds en prenant le « facteur A » (les frais de gestion maximums déclarés) et en soustrayant le « facteur B » (la réduction des frais que l’appelante offrait aux Fonds, calculée à l’égard de grands investisseurs particuliers).

2.       L’appelante recueillait la TPS à l’égard des frais de gestion nets calculés selon l’étape 1.

3.       Les Fonds effectuaient alors des distributions spéciales sur les frais de gestion aux grands investisseurs à même le revenu de fiducie ou le capital fiduciaire.

[20]        L’appelante a demandé et reçu une décision anticipée en matière d’impôt pour s’assurer que le nouvel accord proposé n’entraînerait pas une double imposition au titre de la LIR (la « décision »). La décision confirmait l’opinion de l’ARC selon laquelle ces distributions spéciales sur les frais de gestion versées par les Fonds aux grands investisseurs devaient être traitées comme des montants de distribution effectuée par une fiducie à même les fonds communs de placement. Aux termes du paragraphe 104(6) de la LIR, les Fonds avaient le droit de déduire ces paiements.

[21]        Pour les besoins de l’impôt sur le revenu, les Fonds et les grands investisseurs devaient traiter les distributions sur les frais de gestion comme des montants de distribution effectuée par une fiducie. Bien que cette décision n’ait visé que le paragraphe 104(7.1) de la LIR et que l’appelante n’ait pas obtenu de décision relativement aux répercussions potentielles quant à la TPS, les accords relatifs aux frais en cause dans les présents appels sont ceux visés par la décision.

[22]        Les nouveaux accords ont été mis en œuvre au moyen de modifications apportées aux documents suivants :

1.       La déclaration de fiducie d’un Fonds a été modifiée a) pour que les « distributions sur les frais de gestion » désignent un sous-ensemble particulier de distributions offertes uniquement aux grands investisseurs; b) pour exiger que le fiduciaire du Fonds verse ces distributions aux grands investisseurs (mémoire conjoint, volume 1, onglet 5, deuxième modification de la déclaration de fiducie, aux paragraphes 2.1, 2.2 et 2.4.)

2.       Le contrat de gestion conclu entre la gestionnaire et le Fonds a été modifié pour prévoir que la gestionnaire pouvait réduire les frais de gestion à un taux annuel inférieur au taux autrement payé par les Fonds aux termes d’un contrat de gestion à l’égard d’un porteur de parts particulier, à la condition que le Fonds distribue le montant de la réduction à ce porteur de parts (mémoire conjoint, volume 1, onglet 6, modification du contrat de gestion).

La thèse de l’appelante

[23]        Les frais de gestion payés par les Fonds à l’appelante‑gestionnaire étaient les frais de gestion nets, soit le « facteur A » (les frais de gestion maximums déclarés qui pouvaient être facturés conformément aux documents d’offre) moins le « facteur B » (le montant de réduction des frais offert aux grands investisseurs admissibles). Ce montant réduit était l’unique contrepartie pour la seule fourniture de services de gestion par l’appelante. Les distributions sur les frais de gestion étaient une opération distincte qui avait lieu entre les Fonds et les grands investisseurs et étaient des distributions de revenu de fiducie ou de gain en capital réalisé des Fonds aux grands investisseurs. Les frais de l’appelante étaient réduits au point de vente et aucun rajustement ni aucune remise n’étaient payés par la suite. Ainsi, les distributions étaient une fourniture distincte et ne faisaient pas partie de la contrepartie versée à l’appelante pour la fourniture de services de gestion. Tous les documents, ainsi que les modifications, la conduite des parties, les réalités et les circonstances commerciales qui avaient cours appuient l’intention objective des parties selon laquelle les frais de gestion étaient réduits au point de vente pour les grands investisseurs à un taux qui correspondait au taux qu’un grand investisseur aurait pu obtenir en retenant directement les services d’un gestionnaire de placement. Parallèlement, l’intention objective des parties visait à éviter un paiement de fonds d’un gestionnaire à un investisseur, soit directement soit indirectement, pour empêcher une double imposition possible causée par l’application du paragraphe 12(2.1) de la LIR.

[24]        Les avocats de l’appelante se sont également appuyés sur des documents comptables internes et des déclarations fiscales concernant le paiement des frais et l’interprétation des contrats.

[25]        Subsidiairement, l’appelante a soutenu que, si la Cour concluait que le contrat de gestion contenait une garantie ou une condition qui était une contrepartie partielle de la fourniture des services de gestion, le ministre n’a pas formulé dans les actes de procédure d’hypothèse concernant la valeur de cette condition ou garantie, auquel cas le fardeau incombe au ministre et non à l’appelante. L’appelante soutient par ailleurs que l’intimée n’a produit aucun élément de preuve à l’audience concernant cette question.

La thèse de l’intimée

[26]        L’intimée a fait valoir que les distributions sur les frais de gestion aux grands investisseurs ne représentaient pas un rajustement du prix des services de gestion que l’appelante offrait et, par conséquent, elles ne réduisaient pas la valeur de la contrepartie payable par les Fonds pour la fourniture de services de gestion. Il n’y avait pas de réduction à l’égard du montant total que les fiducies devaient payer aux termes du contrat de gestion. Les Fonds payaient la totalité des frais de gestion, mais à deux parties différentes :

[traduction]

61.       […] La seule modification prévoyait que, plutôt qu’être tenue de payer le montant total payable (c’est-à-dire les frais de gestion bruts) directement à l’appelante (c’est-à-dire le fournisseur), la fiducie était maintenant tenue de payer une composante des frais de gestion bruts, ou du moins elle était autorisée à le faire, à des investisseurs particuliers (identifiés par l’appelante) sous la forme de distributions sur les frais de gestion.

(Observations écrites de l’intimée, au paragraphe 61)

La deuxième partie des frais qui était payée aux grands investisseurs selon la directive de l’appelante faisait par conséquent partie de la valeur de la contrepartie des services de gestion et à l’égard de laquelle la TPS aurait dû être versée.

[27]        Selon l’intimée, tant qu’il existe un lien ou une relation directe entre le montant payable et la fourniture effectuée, alors le montant sera la contrepartie de cette fourniture.

[28]        Pour déterminer la valeur de la contrepartie, tant la réalité juridique que la « réalité économique » des opérations devraient être prises en compte. La réalité économique des opérations faisait en sorte que les Fonds ne se retrouvaient pas en meilleure position par suite des réductions des frais de gestion. Du point de vue des Fonds, il n’y avait aucune différence entre les périodes avant et après 1995 lorsque les modifications ont été effectuées. Plutôt que payer les frais complets à l’appelante‑gestionnaire pour la fourniture de services de gestion, les Fonds effectuent maintenant deux paiements, un à l’appelante et l’autre aux grands investisseurs. Sous l’angle de la réalité économique, les Fonds n’avaient pas d’argent supplémentaire dans leurs coffres. Selon l’intimée, la réalité juridique fait en sorte que l’appelante a négocié des ententes avec les grands investisseurs et a convenu de faire en sorte que les Fonds effectuent ces paiements de distributions sur les frais de gestion en échange des placements des investisseurs dans les Fonds. C’est l’appelante qui avait une obligation envers les grands investisseurs, une obligation égale au montant de ces distributions. Si les Fonds n’avaient pas effectué les distributions, les grands investisseurs auraient eu juridiquement le droit de recouvrer tout montant impayé auprès de l’appelante‑gestionnaire. L’appelante aurait alors eu des droits juridiques à faire valoir à l’encontre des Fonds relativement à leur obligation de verser les distributions.

[29]        Ainsi, il y a à la fois un lien ou une relation juridique ou économique entre les frais de gestion bruts non réduits et la fourniture de services de gestion aux Fonds. Aux termes du contrat de gestion, les Fonds étaient tenus de payer les frais bruts à la condition que l’appelante s’acquitte de ses responsabilités de gestionnaire. Cependant, l’appelante et les Fonds ont convenu que les Fonds verseraient à l’appelante une partie de ces frais en argent comptant plutôt que le paiement des frais de gestion bruts et les Fonds accepteraient d’assumer l’obligation ou la condition de payer les montants réduits négociés aux grands investisseurs. Cette obligation avait une valeur égale au montant négocié entre l’appelante et les grands investisseurs.

[30]        En réponse à la question du caractère suffisant des actes de procédure soulevée par l’appelante, l’intimée a soutenu que la réponse à l’avis d’appel indique que l’avantage de la réduction négociée allait, non pas aux Fonds, mais aux grands investisseurs avec lesquels les gestionnaires avaient négocié une entente spéciale. La réponse supposait que les Fonds n’avaient pas reçu ces montants négociés ni aucun autre avantage découlant de cette entente et que les frais de gestion n’avaient jamais fait l’objet d’une réduction.

Analyse

A. Le cadre législatif et la jurisprudence

[31]        Le paragraphe 165(1) de la LTA est la disposition d’assujettissement. La disposition prévoit qu’une taxe est payée sur la valeur de la contrepartie d’une fourniture taxable. Dans les présents appels, les services de gestion fournis par l’appelante aux Fonds sont la fourniture taxable, et l’appelante a reconnu que ses services étaient des fournitures taxables pour les besoins de la TPS. Les Fonds étaient les acquéreurs de la fourniture. La question soulevée vise l’évaluation de la contrepartie pour ces services. Selon le libellé du paragraphe 165(1), la contrepartie doit viser « la fourniture ». Cela signifie qu’il doit y avoir un lien ou une relation entre la contrepartie et la fourniture elle-même. Le paragraphe 123(1) de la LTA contient la définition suivante du mot « contrepartie » :

« contrepartie » Est assimilé à une contrepartie tout montant qui, par effet de la loi, est payable pour une fourniture.

Les Notes techniques qui accompagnaient l’insertion de cette définition expliquaient l’objet qui sous-tendait l’inclusion de l’expression « par effet de la loi » dans la définition :

[…] [Dans] certaines situations, des montants peuvent, par effet de la loi, être exigibles pour une fourniture, en l’absence d’un contrat. […] C’est le cas, par exemple, lorsque des services sont rendus à une personne sans qu’une convention à cet égard ait été conclue et que cette personne est tenue, par la loi, de payer la juste valeur des services reçus. […] [Non souligné dans l’original.]

(Notes explicatives du projet de loi concernant la taxe sur les produits et services, ministère des Finances, février 1993)

[32]        L’inclusion de l’expression « par effet de la loi » a pour but d’englober les relations qui peuvent ne pas être de nature contractuelle, mais qui sont néanmoins régies par les principes de la common law ou la loi. L’explication contenue dans les Notes techniques reflète la définition que la Cour d’appel fédérale a fournie dans l’arrêt Commission scolaire des Chênes c. Canada (2001 CAF 264; [2001] ACF no 1559, aux paragraphes 18 et 19).

[33]        Dans ses motifs de l’arrêt Commission scolaire des Chênes, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’il était nécessaire que deux facteurs soient présents pour qu’une contrepartie soit payée pour une fourniture :

18.       La notion de contrepartie selon la Loi est facilement discernable lorsque l’obligation de payer découle d’un contrat. […]

19.       Selon la Loi, un paiement pour constituer une contrepartie, doit découler d’une obligation juridique (contractuelle ou autre) et doit être suffisamment relié à une fourniture pour être considéré comme ayant été effectué « pour » cette fourniture (voir la définition du mot « contrepartie » à l’article 123). De là l’exigence du lien direct.

La Cour d’appel fédérale a souligné que le paiement effectué selon les modalités d’un contrat répondra toujours à la définition de contrepartie. Toutefois, dans les cas où un paiement est effectué en dehors du cadre contractuel, une analyse sera nécessaire pour établir s’il existe un lien direct entre le paiement et la fourniture. La Cour d’appel fédérale a conclu ainsi au paragraphe 20 de l’arrêt Commission scolaire des Chênes :

20.       […] [L]orsque le paiement s’inscrit à l’extérieur du cadre contractuel, le but visé par le paiement et les circonstances dans lesquelles il est effectué doivent être analysés minutieusement afin de déterminer s’il existe un lien direct avec la fourniture; un paiement aura la qualité de contrepartie seulement dans la mesure où il est effectué « pour » ou en retour de cette fourniture.

[34]        Dans la décision Le comté de Lethbridge c. La Reine, 2005 CCI 809; [2006] ACI no 56, le juge Bell a confirmé que la définition de contrepartie pour les besoins de la LTA incluait un montant qui serait une contrepartie au titre de la common law :

95.       […] Dans l’arrêt Dunlop Pneumatic Tyre Co. Ltd. v. Selfridge & Co. Ltd., [1915] A.C. 847 (Ch. des lords), lord Dunedin a dit ce qui suit, à la page 855 :

[TRADUCTION]

 

[...] je suis heureux d’adopter d’un ouvrage de sir Frederick Pollock [...] les propos suivants quant à savoir ce qu’est une contrepartie :

 

Un acte ou une renonciation de la part d’une partie, ou une promesse quant à cet acte ou à cette renonciation, est le prix auquel est achetée la promesse de l’autre partie, et la promesse ainsi donnée contre valeur est exécutoire.

 

Au paragraphe 100, le juge Bell a déclaré ce qui suit :

100.     […] Le critère à appliquer n’est pas de savoir s’il existe un « lien direct ». Ce parcours enthousiaste en terrain miné est étranger à la notion de la contrepartie contractuelle en common law. En l’espèce, le critère consiste à savoir s’il y a « contrepartie » au sens où ce terme existe, selon la définition donnée dans la Loi, ou selon la common law.

[35]        Compte tenu des commentaires qui précèdent, une grande partie des observations de l’intimée sur le [traduction] « lien direct » entre les paiements et la jurisprudence applicable était inutile. Suivant l’arrêt Commission scolaire des Chênes et la définition de contrepartie suivant la common law, tout ce qui serait nécessaire pour que les distributions sur les frais de gestion constituent une contrepartie de la fourniture taxable que sont les services de gestion serait une obligation contractuelle.

[36]        La LTA fournit également la définition suivante de la valeur de la contrepartie d’une fourniture, au paragraphe 153(1) :

153. (1) Valeur de la contrepartiePour l’application de la présente partie et sous réserve de la présente section, la valeur de tout ou partie de la contrepartie d’une fourniture est réputée correspondre, si la contrepartie est sous forme d’un montant d’argent, à ce montant; sinon, à sa juste valeur marchande au moment de la fourniture.

[37]        L’appelante a soutenu qu’aux termes du paragraphe 153(1), la fourniture unique correspondait à un montant d’argent au titre du contrat de gestion. En ce qui concerne l’argument de l’intimée selon lequel il y avait une contrepartie supplémentaire qui n’était pas un montant d’argent et qui prenait la forme d’une obligation légale de verser des distributions sur les frais de gestion aux grands investisseurs, l’appelante a fait valoir que l’intimée devait traiter de la juste valeur marchande de cette contrepartie autre qu’un montant d’argent. L’avocat de l’appelante a soutenu que l’intimée n’avait pas présenté d’éléments de preuve concernant la juste valeur marchande. Selon la thèse de l’appelante, la déclaration de fiducie prévoit l’obligation légale d’effectuer des distributions sur les frais de gestion aux grands investisseurs. L’appelante soutient que le contrat de gestion contient une garantie portant que les Fonds s’acquitteront de leur obligation aux termes de la déclaration de fiducie. Toutefois, une fois examinée sous l’angle de l’ensemble du contexte factuel, cette garantie n’est pas une contrepartie pour les services de gestion qu’a fournis l’appelante et, même si la Cour concluait que c’était le cas, l’intimée n’a pas établi la valeur de cette garantie.

[38]        L’intimée a soutenu que le contrat de gestion créait l’obligation légale d’effectuer des distributions sur les frais de gestion aux grands investisseurs pour le compte de l’appelante, mais que l’obligation de verser les distributions aux grands investisseurs incombait à l’appelante. Aux termes du contrat de gestion, lorsque les Fonds ont convenu d’accepter cette obligation, une chose de valeur était fournie à l’appelante (observations écrites de l’intimée, au paragraphe 62). Selon la thèse de l’intimée, la valeur de l’obligation, soit la contrepartie des services de gestion, est égale aux distributions sur les frais de gestion.

[39]        Dans les présents appels, la première étape consiste à interpréter les contrats et les documents pertinents afin de déterminer la nature véritable des obligations légales qui ont été créées. Si je détermine que la seule contrepartie des services de gestion était le montant en argent des frais réduits de l’appelante, l’affaire se termine ici. Cependant, si je conclus que les Fonds avaient une obligation légale de verser des montants en sus des frais réduits pour les services de l’appelante, l’étape suivante consistera alors à déterminer la juste valeur marchande de cette obligation ou condition légale pour l’appelante.

B. Le contexte factuel et l’interprétation contractuelle et le récent arrêt de la CSC dans Sattva Capital Corp c. Creston Moly Corp, 2014 CSC 53 (« Sattva »)

[40]        L’importance du contexte factuel pertinent et le rôle qu’il joue dans l’interprétation des contrats sont bien établis dans la jurisprudence canadienne et plus particulièrement dans les affaires fiscales. Après l’audition des présents appels, la Cour suprême du Canada a, le 1er août 2014, rendu un arrêt dans Sattva qui portait sur les principes de l’interprétation contractuelle. Puisque cet arrêt vise directement la question sur laquelle je dois me prononcer, soit la détermination de la valeur de la contrepartie que l’appelante a reçue des Fonds en échange de la fourniture de services de gestion, j’ai demandé aux parties de fournir des observations écrites supplémentaires concernant l’incidence de l’arrêt Sattva.

[41]        Dans l’ensemble, les motifs prononcés par le juge Marshall Rothstein et les principes énoncés concernant l’interprétation contractuelle sont compatibles avec la jurisprudence antérieure. Alors que l’arrêt Sattva clarifie les principes de base existants en matière d’interprétation contractuelle, il ne modifie pas le droit applicable ni ma façon de voir la question qui m’est soumise, compte tenu de la jurisprudence qui existe déjà. Dans l’arrêt Sattva, le juge Rothstein a, quant à l’interprétation des contrats, souscrit à une démarche pratique, axée sur le bon sens plutôt que sur des règles de forme en matière d’interprétation. Pour la Cour, la question prédominante et la démarche qu’elle doit maintenant adopter consistent à discerner l’intention des parties et la portée de leur entente. Pour ce faire, le décideur doit interpréter le contrat dans son ensemble, en donnant aux mots y figurant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du contrat, souvent appelées le « contexte factuel ». Le juge Rothstein décrit ainsi cette démarche, au paragraphe 47 :

[47]      Relativement au premier changement, l’interprétation des contrats a évolué vers une démarche pratique, axée sur le bon sens plutôt que sur des règles de forme en matière d’interprétation. La question prédominante consiste à discerner « l’intention des parties et la portée de l’entente » (Jesuit Fathers of Upper Canada c. Cie d’assurance Guardian du Canada, [2006] 1 R.C.S. 744, par. 27, le juge LeBel; voir aussi Tercon Contractors Ltd. c. Colombie‑Britannique (Transports et Voirie), [2010] 1 R.C.S. 69, par. 64‑65, le juge Cromwell). Pour ce faire, le décideur doit interpréter le contrat dans son ensemble, en donnant aux mots y figurant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du contrat. Par l’examen des circonstances, on reconnaît qu’il peut être difficile de déterminer l’intention contractuelle à partir des seuls mots, car les mots en eux‑mêmes n’ont pas un sens immuable ou absolu :

[traduction] Aucun contrat n’est conclu dans l’abstrait : les contrats s’inscrivent toujours dans un contexte [...] Lorsqu’un contrat commercial est en cause, le tribunal devrait certes connaître son objet sur le plan commercial, ce qui présuppose d’autre part une connaissance de l’origine de l’opération, de l’historique, du contexte, du marché dans lequel les parties exercent leurs activités.

(Reardon Smith Line, p. 574, lord Wilberforce.)

[42]        Ainsi, la Cour doit examiner l’objet de l’opération sur le plan commercial, l’historique et le contexte, ainsi que le marché dans lequel les parties à un contrat exercent leurs activités. Ceci nous ramène au principe de base même de l’interprétation des contrats : aucun contrat n’est conclu dans l’abstrait.

[43]        Les mots en eux‑mêmes n’ont pas un sens immuable ou absolu. Leur signification devrait être examinée à la lumière des facteurs contextuels pertinents, y compris l’objet de l’entente et la nature des rapports créés par celle-ci. Au paragraphe 48 de l’arrêt Sattva, le juge Rothstein a repris les propos suivants de lord Hoffman dans la décision Investors Compensation Scheme Ltd v. West Bromwich Building Society, [1998] 1 All ER 98 (CL) :

[48]      […]

[traduction] Le sens d’un document (ou toute autre déclaration) qui est transmis à la personne raisonnable n’équivaut pas au sens des mots qui le composent. Le sens des mots fait intervenir les dictionnaires et les grammaires; le sens du document représente ce qu’il est raisonnable de croire que les parties, en employant ces mots compte tenu du contexte pertinent, ont voulu exprimer. [p. 115]

[44]        Cependant, comme l’a conclu le juge Rothstein dans l’arrêt Sattva, bien que les circonstances constituent un facteur pertinent en matière d’interprétation contractuelle, elles ne peuvent pas supplanter les mots qui figurent dans un contrat. Ce principe découle logiquement du principe selon lequel on donne aux mots leur sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances prévalant au moment de la formation du contrat. S’il en allait autrement, les mots d’un contrat ne recevraient pas leur sens ordinaire et grammatical. En d’autres mots, les tribunaux ne peuvent pas utiliser les circonstances pour s’écarter du texte de façon à créer une nouvelle entente. Plus précisément, le juge Rothstein a déclaré ce qui suit à l’égard de ce qu’une cour peut examiner lorsqu’elle interprète un contrat :

[57]      Bien que les circonstances soient prises en considération dans l’interprétation des termes d’un contrat, elles ne doivent jamais les supplanter (Hayes Forest Services, par. 14; Hall, p. 30). Le décideur examine cette preuve dans le but de mieux saisir les intentions réciproques et objectives des parties exprimées dans les mots du contrat. Une disposition contractuelle doit toujours être interprétée sur le fondement de son libellé et de l’ensemble du contrat (Hall, p. 15 et 30 à 32). Les circonstances sous‑tendent l’interprétation du contrat, mais le tribunal ne saurait fonder sur elles une lecture du texte qui s’écarte de ce dernier au point de créer dans les faits une nouvelle entente (Glaswegian Enterprises Inc. c. B.C. Tel Mobility Cellular Inc. (1997), 101 B.C.A.C. 62).

[45]        Comme l’a souligné le juge Rothstein au paragraphe 58 de ses motifs, la preuve concernant les circonstances variera nécessairement d’une affaire à l’autre et sera limitée à la preuve objective du contexte factuel au moment de la formation et de la signature du contrat. Ainsi, un tribunal doit examiner les connaissances que possédaient ou auraient dû posséder les parties, encore une fois avant la formation du contrat et au moment de sa formation. Comme l’arrêt Sattva le souligne, la prise en compte des circonstances, comme outil d’interprétation, n’est pas contraire à la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque. Cette règle interdit les éléments de preuve concernant les intentions subjectives des parties et empêche l’admission d’autres éléments de preuve que les termes du contrat qui auraient pour effet de modifier le contrat de quelque façon. En l’absence d’ambiguïté, la Cour ne peut tenir compte de l’intention subjective des parties à un contrat ni de leurs actions ultérieures à la formation du contrat. Bien que l’appelante se soit appuyée sur des documents comptables et des déclarations de revenus ultérieurs pour étayer sa thèse, comme les documents ne présentent aucune ambiguïté, je n’ai pas tenu compte de cette partie de ses observations.

La thèse de l’appelante après l’arrêt Sattva

[46]        L’appelante fait valoir que les motifs de l’arrêt Sattva étayent encore plus l’interprétation qu’elle préconise relativement aux contrats entre les parties. L’intention objective des parties était de mettre en œuvre l’opération décrite dans la DAMI‑65 et la décision afin d’éviter l’incidence d’une double imposition de revenus. L’intention objective des parties ne pouvait donc pas être l’augmentation de la TPS payable à l’égard des services de gestion par la mise en œuvre des accords en plusieurs étapes et compliqués invoqués par l’intimée (observations écrites de l’appelante concernant l’arrêt Sattva, au paragraphe 18). Le libellé des contrats de gestion qui renvoie au caractère conditionnel du rabais des frais de gestion ne devrait pas être interprété pour signifier que les Fonds devaient « gagner » le rabais en effectuant une fourniture distincte à chaque application d’un rabais (observations écrites de l’appelante concernant l’arrêt Sattva, au paragraphe 19). Cela ferait essentiellement échec aux objectifs commerciaux des parties et mènerait à des incohérences quant au traitement du paiement de distributions sur les frais de gestion comme étant des distributions effectuées par une fiducie (observations écrites de l’appelante concernant l’arrêt Sattva, aux alinéas 19a) et b)). Le caractère conditionnel du rabais visait des préoccupations d’un droit différent au revenu ou au capital entre les bénéficiaires d’une fiducie, contraire au paragraphe 104(7.1) de la LIR. Il assurait également l’intégrité de la nouvelle mesure en empêchant d’autres investisseurs de contester ces mesures, parce que les réductions des frais n’étaient pas utilisées pour verser des distributions à tous les investisseurs du Fonds (observations écrites de l’appelante concernant l’arrêt Sattva, aux alinéas 20a) et b)). Le libellé qui figure dans les lettres de confirmation des Fonds à l’intention des grands investisseurs confirme simplement que les grands investisseurs recevraient des distributions sur les frais de gestion de la part des Fonds. L’appelante ne consentait pas à effectuer elle‑même la distribution aux grands investisseurs (observations écrites de l’appelante concernant l’arrêt Sattva, au paragraphe 21).

La thèse de l’intimée après l’arrêt Sattva

[47]        Les Fonds étaient distincts des grands investisseurs à l’égard desquels l’appelante exigeait que les Fonds effectuent les distributions (observations écrites de l’intimée concernant l’arrêt Sattva, au paragraphe 9). Aux termes des contrats de gestion, les Fonds étaient tenus de payer une contrepartie pour la fourniture de services de gestion de la part de l’appelante, puisque les Fonds étaient les bénéficiaires de la fourniture taxable de l’appelante (observations écrites de l’intimée concernant l’arrêt Sattva, au paragraphe 10).

[48]        Les Fonds n’ont réalisé aucune économie en raison de la réduction des frais de gestion négociée entre l’appelante et les grands investisseurs. Les distributions sur les frais étaient des montants payables par les Fonds au titre des contrats de gestion modifiés, en sus des montants en espèces payés par les Fonds à l’appelante‑gestionnaire (observations écrites de l’intimée concernant l’arrêt Sattva, aux paragraphes 11 et 12). Dans ces circonstances, la contrepartie a une portée beaucoup plus vaste et elle n’est pas limitée au montant d’argent versé par le bénéficiaire au fournisseur (observations écrites de l’intimée concernant l’arrêt Sattva, aux paragraphes 13, 27 et 29). Par conséquent, la Cour devrait interpréter le mot « contrepartie » de façon à inclure les distributions sur les frais de gestion payables par les Fonds aux grands investisseurs.

[49]        L’appelante ne souhaitait pas que les Fonds réalisent des économies qui, à leur tour, bénéficieraient à tous les porteurs de parts et ne souhaitait pas réduire ses frais de gestion à l’égard de tous les investisseurs. Pour les besoins des relevés comptables et des états financiers, les Fonds inscrivaient les distributions payables aux grands investisseurs à titre d’éléments de passif et inscrivaient les distributions versées à ces investisseurs à titre de dépenses (observations écrites de l’intimée concernant l’arrêt Sattva, au paragraphe 14). Ce cadre factuel appuie la thèse de l’intimée selon laquelle les montants payables par les Fonds pour la fourniture de services de gestion n’étaient pas réduits.

[50]        Si un fournisseur, à son gré, réduit le montant payable par le bénéficiaire uniquement à la condition que le bénéficiaire paie la différence à une autre partie, le fournisseur n’a pas réduit le montant que le bénéficiaire paie pour la fourniture (observations écrites de l’intimée concernant l’arrêt Sattva, au paragraphe 16). L’idée subjective qu’entretient l’appelante selon laquelle la contrepartie payée par les Fonds pour les besoins de la TPS/TVH était inférieure aux frais de gestion « bruts » n’est pas pertinente (observations écrites de l’intimée concernant l’arrêt Sattva, au paragraphe 20). La Cour suprême du Canada a statué qu’aucune disposition de la LTA n’exige qu’une fourniture ait un seul bénéficiaire (Calgary (Ville) c. La Reine, 2012 CSC 20; [2012] 1 RCS 689, et United Parcel Service du Canada Ltée c. La Reine, [2009] 1 RCS 657). Selon l’interprétation de l’appelante, le mot « contrepartie » inclurait dans la définition des limitations que le législateur n’a aucunement souhaitées (observations écrites de l’intimée concernant l’arrêt Sattva, aux paragraphes 23 à 29).

[51]        Ces ententes concernant les frais avaient pour but d’accorder un traitement préférentiel à un groupe choisi d’investisseurs. Les Fonds ont toujours eu l’obligation de payer la totalité des frais de gestion « bruts » à l’appelante, en partie au moyen de paiements en argent versés directement à l’appelante et en partie au moyen du versement de distributions spéciales aux grands investisseurs. Cette interprétation est compatible avec la démarche pratique, axée sur le bon sens, adoptée dans l’arrêt Sattva (observations écrites de l’intimée concernant l’arrêt Sattva, aux paragraphes 30 et 31).

[52]        Je dois faire un commentaire concernant le point suivant qui découle des observations supplémentaires des parties concernant l’arrêt Sattva : l’argument de l’intimée selon lequel, du point de vue d’une démarche pratique, axée sur le bon sens, la contrepartie payée par les Fonds n’a pas été réduite simplement parce que l’appelante (le fournisseur) a réduit le montant payable par les Fonds (le bénéficiaire) uniquement en raison de la condition portant que les Fonds paient la différence à une autre partie (observations écrites de l’intimée concernant l’arrêt Sattva, aux paragraphes 12 à 16).

[53]        En termes simples, l’intimée dit que les Fonds doivent payer les distributions sur les frais de gestion soit aux grands investisseurs soit à l’appelante‑gestionnaire. D’une façon ou d’une autre, les Fonds en paieront le montant complet et, par conséquent, la contrepartie payable par les Fonds n’a pas été réduite. La contrepartie demeure les frais de gestion « bruts » avant la réduction des frais. L’intimée s’appuie sur l’opinion portant que c’est la gestionnaire qui doit les distributions spéciales aux grands investisseurs. L’appelante a désigné ceci comme étant [traduction] « […] la théorie de paiement ordonné [qui] soulève dans les faits la question de l’intermédiaire ou de la fiducie ou quelque chose […] » (Observations de l’appelante en réponse, transcription, volume 3, page 450). Je déduis de la mention de l’expression [traduction] « ou quelque chose » par l’avocat de l’appelante qu’il s’agit d’une relation de mandataire lorsqu’il utilise le mot [traduction] « intermédiaire » dans la même phrase. Une relation de mandataire n’a jamais été soulevée en l’espèce, sauf quand l’appelante y a fait allusion ici. Étant donné que j’ai conclu, selon mon interprétation des contrats, que l’obligation légale de payer les grands investisseurs aux termes des modalités de la déclaration de fiducie incombait aux Fonds et non à l’appelante, il n’est pas nécessaire d’examiner le renvoi à la relation de mandataire ou à l’intermédiaire.

[54]        Les Fonds jouissaient d’un avantage découlant de leur accès à la réduction des frais pendant la période écoulée entre le paiement des frais de gestion nets à l’appelante et les distributions sur les frais de gestion aux grands investisseurs. Les Fonds payaient des frais de gestion nets à l’appelante toutes les semaines et à la fin du mois, alors que le montant de la réduction des frais de gestion était versé aux grands investisseurs en guise de distributions spéciales tous les mois ou à tous les trimestres. Contrairement à l’hypothèse de l’intimée selon laquelle les fiducies n’ont pas reçu les montants négociés ni l’avantage des montants négociés (réponse à l’avis d’appel, hypothèse formulée à l’alinéa t)), les Fonds ont en effet reçu un avantage parce qu’ils avaient accès à ces montants à des fins de placement pendant des périodes de diverses durées. Bien que la preuve n’ait pas porté exactement sur la durée pendant laquelle les Fonds avaient accès à la réduction de frais de chaque grand investisseur, il y avait nettement un laps de temps entre le moment de la réduction négociée des frais et les éventuelles distributions à ces investisseurs. Pendant cette période, les Fonds jouissaient de l’avantage d’actifs supplémentaires atténuant l’application potentielle du paragraphe 104(7.1). Ainsi, aucun argument portant que les distributions créaient des droits différents à l’égard des actifs des Fonds pour les bénéficiaires des fonds de fiducie ne pouvait être invoqué.

[55]        Même si j’acceptais l’argument de l’intimée portant que les distributions spéciales constituent une contrepartie pour l’appelante, ces montants doivent être réduits d’une certaine valeur attribuée à l’avantage. Pour ce seul motif, l’hypothèse du ministre voulant que [traduction] « les fonds ont payé le montant complet des frais de gestion convenus au départ et n’ont pas reçu de remise ni de réduction à l’égard de ces frais » est démolie. L’avantage serait le montant du rendement à l’égard de cette réduction des frais durant la période pendant laquelle les Fonds avaient accès aux montants négociés de réduction des frais.

[56]        Une jurisprudence abondante appuie la démarche de l’appelante à l’égard de l’interprétation contractuelle, qui est au cœur de la question dans les présents appels, y compris le plus récent arrêt de la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Sattva. Lorsque les contrats sont par écrit, comme c’est le cas dans les présents appels, il y a une présomption selon laquelle les parties ont choisi les mots qui refléteraient leur intention et le marché conclu qui en découlerait. L’objectif de la Cour consiste à examiner le cadre factuel ou les circonstances afin de déterminer l’intention des parties en fonction des mots qu’elles ont choisi d’employer dans le contrat. Ainsi, le libellé même du contrat ainsi que le contexte des circonstances dans lesquelles les parties ont négocié feront partie intégrante de la démarche applicable à l’interprétation contractuelle. Les circonstances incluront un examen de l’objet du contrat, des connaissances que possédaient les parties à ce moment-là ou auxquelles elles auraient dû avoir accès au moment des négociations et à la date de la formation du contrat, ainsi qu’un examen des normes de l’industrie, du marché et de la réalité commerciale à l’intérieur desquels les parties exerçaient leurs activités.

[57]        On me demande de déterminer la valeur de la contrepartie à l’égard de la fourniture de services de gestion par l’appelante aux Fonds. Les parties ne s’entendent pas sur les paiements qui constituent une contrepartie selon ce que prévoient plusieurs ententes, y compris plusieurs modifications apportées à certaines de ces ententes. Dans ces circonstances, il est impérieux que je prenne en compte toutes ces circonstances pour déterminer les droits légaux qui existent entre la gestionnaire, les Fonds et les porteurs de parts pour arriver à la détermination de la valeur de la contrepartie et à une qualification appropriée des distributions sur les frais de gestion. En effet, selon l’arrêt Sattva, c’est exactement ce que je dois faire.

[58]        L’interprétation que propose l’intimée à l’égard de clauses dans différents documents clés est diamétralement opposée à la démarche adoptée dans l’arrêt Sattva et dans la jurisprudence antérieure.

[59]        Les trois documents suivants sont essentiels pour trancher la question :

a)       la lettre de confirmation datée du 2 octobre 1995 transmise par l’appelante‑gestionnaire aux grands investisseurs;

b)      la modification de la déclaration de fiducie;

c)       la modification du contrat de gestion.

Même s’il y avait plusieurs modifications et contrats différents concernant les divers fonds et périodes, les parties se sont concentrées sur un ensemble de documents qui étaient représentatifs de l’ensemble.

La lettre transmise aux grands investisseurs (la lettre de confirmation)

[60]        Une grande partie de ce document porte sur la commercialisation et les droits de propriété intellectuelle, et ces éléments ne sont pas pertinents pour les questions que je dois trancher. La partie qui se rapporte aux distributions sur les frais de gestion prévoit ce qui suit :

[traduction]

[…]      Pour plus de précision, nous reconnaissons qu’à titre de porteur de parts des Fonds communs de placement, sous réserve de l’approbation réglementaire, à compter du 1er octobre 1995, vous aurez droit à des distributions sur les frais de gestion (telles que décrites dans le prospectus et selon les modalités qui y sont prévues), à l’égard des parts de chaque Fonds commun de placement que vous détenez et à l’égard desquelles ces distributions peuvent être effectuées, nécessaires pour obtenir le taux réel des frais de gestion annuels, par fonds, ainsi :


Valeur nette des actifs (par fonds)

Frais

Jusqu’à 1 million de dollars

0,95 %

Plus de 1 million de dollars à 3 millions de dollars

0,85 %

Plus de 3 millions de dollars à 5 millions de dollars

0,75 %

Plus de 5 millions de dollars à 10 millions de dollars

0,70 %

Plus de 10 millions de dollars

0,65 %

 

à la condition de convenir de ne pas vendre de contrats d’assurance dont le rendement est fonction des Fonds communs de placement à des particuliers ou à des groupes comptant moins de dix membres.

            Comme l’indique le prospectus, même s’il n’y a actuellement pas de projet visant à mettre fin aux distributions sur les frais de gestion, nous nous réservons le droit de mettre fin aux distributions sur les frais de gestion ou de les modifier.

[…]

(Mémoire conjoint, volume 1, onglet 7, pages 1 et 2)

[61]        L’intimée soutient qu’il existe une entente entre l’appelante‑gestionnaire et les grands investisseurs, aux termes de laquelle l’appelante avait l’obligation légale de faire payer par les Fonds les distributions sur les frais de gestion aux grands investisseurs. L’avocate de l’intimée, à la page 383 de la transcription (les observations orales) a fait valoir que, lorsque les Fonds effectuaient des distributions, il y avait une entente distincte, une entente « parallèle » ou un arrangement entre l’appelante et les grands investisseurs qui confirmait le montant des distributions que les grands investisseurs recevraient et la façon dont il serait calculé. L’avocate de l’intimée a soutenu que l’appelante‑gestionnaire avait la discrétion exclusive de fixer le moment où un investisseur recevrait une distribution et le montant de celle-ci. L’appelante s’était également réservé le droit de mettre fin aux distributions ou de les modifier.

[62]        Ces prétendues « ententes parallèles » mentionnées par l’intimée ne créent pas pour l’appelante d’obligation légale de payer quelque montant aux grands investisseurs. La discrétion de l’appelante résidait dans la capacité de négocier une réduction des frais de gestion directement avec les grands investisseurs en guise de moyen pour attirer leurs investissements dans les Fonds. L’obligation légale de verser des distributions aux grands investisseurs est créée par les documents de déclaration de fiducie qui sont destinés à régir la relation juridique entre les Fonds et les investisseurs. Le contenu de cette lettre ne crée pas, à l’égard de l’appelante, une obligation légale de payer quelque montant que ce soit aux grands investisseurs, qu’il s’agisse de distributions sur les frais de gestion ou de tout autre type de paiement. La lettre indique deux choses : premièrement, les grands investisseurs auront droit à des distributions sur les frais de gestion en raison de leur qualité de porteurs de parts des Fonds; deuxièmement, le droit à ces distributions tire son origine des modalités contenues dans les documents d’offre et en découle.

La modification de la déclaration de fiducie

[63]        La déclaration de fiducie a modifié l’article 4.03 pour inclure la disposition suivante :

 

[traduction]

 

2.3       […]

L’article 4.03 est modifié par l’ajout du paragraphe f) :

(f)        Dans le cas où le gestionnaire a décidé de réduire les frais de gestion qu’il facture à la fiducie ou à l’égard d’un porteur de parts qui détient des avoirs importants dans la fiducie et qui répond à tout autre critère que peut établir le gestionnaire, le montant de réduction lui est crédité quotidiennement et il est distribué à ce porteur de parts et est automatiquement réinvesti sous forme de parts le même jour ou les mêmes jours dans une année d’imposition que peut fixer le fiduciaire (une « distribution sur les frais de gestion »), sauf dans les cas ci-après. […]

(Mémoire conjoint, volume 1, onglet 5, pages 2 et 3)

[64]        Il ressort de ce libellé que la déclaration de fiducie crée l’obligation selon laquelle les Fonds doivent effectuer des distributions sur les frais de gestion aux grands investisseurs. L’obligation légale d’effectuer ces distributions spéciales découle du libellé de la déclaration de fiducie, et non du contrat de gestion. Les grands investisseurs avaient le droit de recevoir des distributions en qualité de porteurs de parts des Fonds. Selon les déclarations de fiducie, ces distributions spéciales sur les frais de gestion constituent un sous-ensemble des distributions ordinaires que les Fonds sont tenus d’effectuer. C’est le fiduciaire qui détient les actifs d’une fiducie aux termes des modalités contenues dans la déclaration de fiducie. Les distributions spéciales ne sont pas une contrepartie pour la fourniture de services de gestion de l’appelante aux Fonds, parce qu’elles sont effectuées à même les Fonds, qui sont des entités juridiques distinctes, aux bénéficiaires des fiducies à titre de distributions effectuées par une fiducie.

[65]        La thèse de l’intimée apparaît clairement dans les hypothèses de fait énoncées aux alinéas t), u), v) et w) de la réponse à l’avis d’appel :

[traduction]

 

t)          les sociétés de placement à capital variable et les fiducies de fonds communs de placement n’ont pas reçu les montants négociés ni l’avantage des montants négociés;

 

u)         les montants négociés ne visaient pas la fourniture initiale de services de gestion de placement aux fiducies de fonds communs de placement ou aux sociétés de placement à capital variable par la gestionnaire;

v)         la gestionnaire facturait le montant complet des frais de gestion initialement convenus aux sociétés de placement à capital variable et aux fiducies de fonds communs de placement;

w)        les fonds payaient le montant complet des frais de gestion initialement convenus et n’ont pas reçu de remise ni de réduction à l’égard de ces frais[.]

[66]        L’intimée a présumé que les distributions spéciales étaient versées aux grands investisseurs à même les frais de l’appelante, que l’appelante facturait les frais complets aux Fonds et que l’appelante effectuait alors des paiements de montants réduits aux grands investisseurs. Cependant, selon le témoignage de M. Warren, qui n’a pas été contesté à l’occasion du contre‑interrogatoire, l’appelante‑gestionnaire ne verse pas de paiements aux investisseurs. Il n’existe aucun élément de preuve, oral ou documentaire, qui pourrait étayer l’hypothèse de l’intimée voulant que l’appelante ait reçu les frais complets et en ait remis une partie à l’investisseur. Les documents appuient la conclusion selon laquelle l’argent n’a jamais quitté le véhicule fiduciaire, sauf conformément aux modalités des ententes applicables.

[67]        L’alinéa 4.03f) de la deuxième modification de la déclaration de fiducie clarifie de façon plus précise que le fiduciaire des Fonds était celui qui déterminait, au cours d’une année d’imposition, le jour ou les jours où les montants de réduction, qui étaient en règle générale réinvestis dans des parts des Fonds, devaient être distribués aux porteurs de parts. Cette disposition précise également d’autres éléments importants concernant la distribution, notamment :

a)       la façon d’établir le montant des distributions sur les frais de gestion;

b)      le moment où les distributions devaient être effectuées;

c)       le fait qu’elles devaient être prises tout d’abord à même le revenu net et ensuite à même les gains en capital réalisés.

[68]        L’article VI, intitulé Determination and Distribution of Net Income and Net Capital Gains [Détermination et distribution du revenu net et des gains en capital nets], de la déclaration de fiducie générale confirme que le pouvoir discrétionnaire d’effectuer des distributions comportait des limitations et que le fiduciaire, et non l’appelante, possédait ce pouvoir discrétionnaire. Plus particulièrement, l’alinéa a) de l’article 6.3 prévoit ce qui suit :

[traduction]

 

ARTICLE 6.3             Droit des porteurs de parts sur le plan fiscal

 

a)         Sous réserve des dispositions ci‑après et sous réserve de l’article XI, le fiduciaire a seul le pouvoir discrétionnaire de décider si une distribution ou des distributions des biens ou des actifs d’un Fonds doivent être effectuées, le moment ou les moments de ces distributions et la date ou les dates de clôture des registres pour déterminer les porteurs de parts ayant le droit de recevoir les distributions. […]

(Mémoire conjoint, volume 7, onglet 164, page 19)


La modification du contrat de gestion

[69]        À la suite de la décision obtenue en 1995, le contrat de gestion a été modifié pour inclure la disposition suivante :

[traduction]

11.       Le gestionnaire peut réduire les frais de gestion qui lui sont autrement payables aux termes du présent contrat d’un montant égal à l’ensemble des montants convenus avec certains porteurs de parts, à la condition que le Fonds distribue à chaque porteur de parts particulier la portion du montant de cette réduction convenue avec ce porteur de parts. [Non souligné dans l’original.]

(Exemple fourni concernant le fonds de REER Americas RRSP Fund, mémoire conjoint, volume 1, onglet 19, page 000675.)

[70]        L’intimée a soutenu que l’expression [traduction] « à la condition que » était la source de l’obligation légale des Fonds d’effectuer les distributions sur les frais de gestion aux grands investisseurs. Selon l’intimée, aux termes de ce contrat, les Fonds présument que l’obligation légale de l’appelante de verser les montants réduits aux grands investisseurs est la contrepartie des services de gestion. La valeur de cette contrepartie, selon les avocates de l’intimée, est égale à l’obligation de l’appelante envers les grands investisseurs. À l’appui de cette thèse, l’intimée a invoqué les motifs dans la décision Roberge Transport Inc c. La Reine, 2010 CCI 155; [2010] ACI no 100. Dans cette décision, la Cour a conclu que le consentement à faire une dépense est la contrepartie ou une partie de la contrepartie pour l’application de la LIR.

[71]        L’appelante a soutenu que la décision Roberge ne s’appliquait aucunement aux questions soulevées dans les présents appels, parce qu’elle n’avait aucune obligation contractuelle de payer quelque montant que ce soit aux grands investisseurs. Les Fonds ne remboursaient pas une dépense ni n’engageaient une dépense pour le compte de l’appelante, ce que fait ressortir clairement les documents. Les avocats de l’appelante ont également fait valoir que la gestionnaire était autorisée à réduire les frais de gestion qu’elle facturait aux Fonds par suite des modifications de 1995 qui ont été mises en œuvre. En raison de cette réduction des frais de gestion au point de vente, les Fonds disposaient de la portion restante des frais et gagnaient un revenu à son égard entre le paiement des frais en argent et les distributions trimestrielles sur les frais de gestion. Cela permettait aux Fonds d’effectuer des distributions à tous les bénéficiaires de la fiducie des Fonds. Enfin, l’appelante a souligné que la garantie ne pouvait être assimilée à une directive ou à un détournement des frais de gestion payables par l’appelante aux grands investisseurs, parce que sa présence dans les documents visait à assurer le respect des modalités de la décision anticipée en matière d’impôt et à veiller à ce que les bénéficiaires investisseurs particuliers, en qualité de porteurs de parts des Fonds, ne puissent pas contester ces distributions spéciales sur les frais de gestion.

[72]        En ce qui concerne le contrat de gestion, je conclus qu’il y a suffisamment d’éléments de preuve pour inférer que l’intention objective des parties visait à éviter l’application du paragraphe 12(2.1) en éliminant tout versement d’un paiement incitatif, directement ou indirectement, de l’appelante aux grands investisseurs, tout en évitant en même temps l’application du paragraphe 104(7.1) qui pouvait entraîner une double imposition. Les nombreux documents dont je dispose doivent être interprétés du point de vue de cet objectif que les parties tentaient de réaliser, dans un contexte où la CVMO leur avait communiqué des réserves. Pour empêcher l’application de ces règles, l’intention objective des parties visait à s’assurer que les distributions sur les frais de gestion étaient distinctes des frais que l’appelante facturait aux Fonds en échange de ses services de gestion. En conséquence, pour atteindre ces objectifs, il ne pouvait y avoir aucun paiement de la part de l’appelante aux grands investisseurs. Ce faisant, les opérations respectaient les modalités de la décision anticipée en matière d’impôt sur le revenu. Ainsi, on ne saurait conclure que le traitement fiscal des paiements aura une incidence directe sur mes conclusions touchant les conséquences quant à la TPS à l’égard de ces paiements. Toutefois, la décision et la DAMI‑65 (qui décrivait les décisions en matière d’impôt sur le revenu que l’ARC avait fournies à d’autres dans l’industrie) font partie du cadre factuel qui doit être examiné à l’occasion de l’interprétation contractuelle des documents qui m’ont été présentés. Ces documents donnent des renseignements sur le contexte commercial dans lequel les parties exerçaient leurs activités à ce moment-là et sur leur intention objective, comme le révèlent leurs efforts pour réaliser un résultat donné en matière d’impôt sur le revenu. La décision et la DAMI‑65 décrivaient les opérations à l’égard desquelles les conséquences en matière d’impôt sur le revenu seraient compatibles avec le fait qu’un gestionnaire facture aux Fonds des frais réduits à la condition que les Fonds utilisent les économies pour effectuer des distributions spéciales à certains investisseurs.

[73]        La préoccupation principale de l’appelante, pour demander la décision en matière d’impôt sur le revenu, était de structurer les opérations pour éviter l’application du paragraphe 104(7.1) lorsque les droits émanant des Fonds pouvaient être différents pour les grands investisseurs et les investisseurs particuliers généraux. Les nouveaux accords qui ont été mis en œuvre, à la suite de la décision, étaient destinés à éviter l’application possible du paragraphe 12(2.1) de la LIR et le scénario de double imposition en découlant tant pour les Fonds que pour les investisseurs.

[74]        La preuve présentée par l’appelante établit que celle-ci a en effet réduit son taux à l’égard des services de gestion qu’elle fournissait aux Fonds et que cette réduction a eu lieu au point de vente. Les frais que l’appelante facturait aux Fonds et, en retour, le montant que les Fonds étaient tenus de payer à l’appelante pour les services de gestion étaient égaux aux frais réduits ou nets, et, par conséquent, la TPS s’appliquait à l’égard de ce montant.

[75]        L’interprétation de la preuve documentaire que propose l’appelante est conforme à la démarche de l’arrêt Sattva. Ce n’est tout simplement pas le cas pour les propositions de l’intimée. L’arrêt Sattva nous demande d’interpréter les documents de façon générale, de même que les dispositions litigieuses qui s’y trouvent, d’un point de vue global. Cela inclut le fait de transcender les mots et les expressions mêmes pour examiner les contrats dans leur ensemble. Parallèlement, je dois accorder aux mots employés dans les documents leur sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances applicables aux faits ainsi qu’avec les connaissances que les parties avaient ou auraient dû avoir au cours de la formation des contrats.

[76]        L’intention objective des parties est liée aux événements qui se produisaient sur le marché avant 1995 et à la nécessité de veiller à ce que les grands investisseurs tirent avantage du taux plus faible négocié que l’appelante avait le pouvoir discrétionnaire d’offrir. Ainsi, et conformément aux opérations décrites dans la décision en matière d’impôt sur le revenu de même que dans la DAMI‑65, les documents d’offre, y compris la déclaration de fiducie, le prospectus et la notice annuelle, ont été modifiés précisément pour veiller à ce que les grands investisseurs reçoivent les distributions spéciales sur les frais de gestion à titre de distributions effectuées par une fiducie de la part des Fonds et à ce que ces distributions ne soient pas contestées.

[77]        Selon les motifs énoncés dans l’arrêt Sattva, le cadre factuel inclut la preuve objective des faits que les parties connaissaient ou auraient dû connaître au moment de la formation du contrat. Évidemment, cela ne s’applique pas à l’examen de l’intention subjective des parties, qui est jugée inadmissible. Les parties en l’espèce avaient l’intention de mettre en œuvre des opérations décrites dans la DAMI‑65 et dans la décision pour éviter toute perspective de double imposition, parce que celle-ci se serait appliquée aux accords antérieurs à 1995, aux termes desquels les parties exerçaient initialement leurs activités. Même si, en soi, une croyance subjective, selon laquelle certaines mesures devraient être prises afin d’éviter la possibilité d’une double imposition, n’influencera jamais un tribunal quant au traitement fiscal qui devrait en découler, le contenu réel, exprimé par le libellé des documents pertinents, peut être apprécié afin d’aider à déterminer l’intention objective des parties au moment de la formation du contrat, à la lumière de l’ensemble des circonstances existantes.

[78]        En fin de compte, l’ensemble des circonstances sera pertinent lorsqu’un tribunal les utilisera pour l’aider à interpréter le contrat pris dans son ensemble, tout en donnant aux mots qu’il contient leur sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec les circonstances présentées en preuve. Étant donné que les conclusions du tribunal seront souvent liées aux faits, il est essentiel que le tribunal ait connaissance des circonstances pertinentes, tel qu’elles existaient dans le marché commercial, et, de façon générale, des facteurs externes qui ont eu une incidence sur les parties qui prenaient des mesures particulières, tous des éléments qui aident simplement la Cour à tirer ses propres conclusions concernant l’intention objective des parties, comme elles ont choisi de l’exprimer, dans le corps d’un contrat.

[79]        J’estime que la décision et la DAMI‑65 peuvent être prises en compte dans les présents appels. En effet, elles constituent une pièce nécessaire de l’ensemble du casse‑tête concernant la raison pour laquelle les parties ont adopté une ligne de conduite et celle pour laquelle les modifications ont été mises en œuvre en 1995. Bien que l’arrêt Sattva ne fournisse pas de lignes directrices quant à la distinction entre l’intention subjective et l’intention objective et quoique la ligne de démarcation entre ce qu’est une intention subjective et une intention qui ne l’est pas ne soit pas très claire, après avoir appliqué une généreuse dose de bon sens aux faits en l’espèce, je conclus que je dois les prendre en compte lors de l’examen des contrats, puisqu’elles font partie du cadre factuel. Ce faisant, je suis consciente du fait que ni la décision ni la DAMI‑65 ne peuvent être irrégulièrement utilisées pour créer un nouveau contrat entre les parties. La prise en compte de ces deux documents se limite à leur conférer leur rôle respectif dans les circonstances, pour qu’ils m’aident à interpréter correctement les contrats en l’espèce.

[80]        Lorsque je regarde « l’ensemble de la situation », c’est-à-dire le témoignage de David Warren et tous les documents dont je dispose à la lumière des circonstances à ce moment-là, y compris les éléments suivants : les réalités commerciales dans le cadre desquelles les parties ont conclu le contrat, les défis commerciaux concernant l’application des diverses dispositions de la LIR qui aurait pu entraîner un traitement fiscal indésiré et inéquitable, les obligations envers les investisseurs et la nécessité d’éliminer les réserves de la CVMO, les conclusions justes, tant du point de vue juridique que du point de vue commercial, sont les suivantes :

a)       les frais de gestion de l’appelante ont fait l’objet d’un rabais au point de vente;

b)      dans les faits, les frais de gestion nets sont uniquement ce montant réduit;

c)       les grands investisseurs ont reçu des distributions spéciales de la part des Fonds à titre de porteurs de parts des fiducies;

d)      l’appelante‑gestionnaire n’avait aucune obligation, légale ou autre, d’effectuer des distributions aux grands investisseurs.

Les hypothèses de fait contenues dans la réponse à l’avis d’appel

[81]        Même si l’argument de l’intimée selon lequel la garantie ou la condition, portant que les Fonds devaient payer les grands investisseurs était une forme de contrepartie, avait pu avoir un certain fondement s’il avait été formulé différemment dans les actes de procédure, l’intimée n’a présenté aucun élément de preuve concernant la valeur de cette obligation. Il était évident que la valeur de cette obligation pouvait ne pas être nécessairement égale au montant des distributions sur les frais de gestion. L’intimée ne peut donc pas s’appuyer sur le raisonnement dans la décision Roberge, compte tenu de l’absence d’obligation légale incombant à l’appelante de payer quelque montant aux grands investisseurs, afin de soutenir que la valeur de la garantie équivaut au montant exact des distributions sur les frais de gestion.

[82]        La LIR prévoit que la valeur d’une contrepartie qui n’est pas un montant d’argent sera sa juste valeur marchande. En règle générale, l’appelante aurait le fardeau de réfuter une hypothèse quant à la juste valeur marchande de la garantie ou condition concernant les distributions spéciales. Dans les présents appels cependant, la réponse ne contient aucune hypothèse, quelle qu’elle soit, concernant la thèse du ministre à l’égard de ce principe. Aux alinéas v) et w), le ministre a formulé l’hypothèse que l’appelante facturait aux Fonds [traduction] « le montant complet » des frais de gestion, sans réduction, ni avantage ni rabais. (L’hypothèse formulée à l’alinéa v) mentionnait également les sociétés de placement à capital variable, indiquant que le ministre n’avait pas fait les distinctions fondamentales entre les accords juridiques applicables aux sociétés de placement à capital variable et les fiducies de fonds communs de placement.)

[83]        Le ministre a également formulé l’hypothèse que l’appelante effectuait les distributions spéciales aux grands investisseurs (hypothèses formulées aux alinéas r) et s)). L’appelante a démoli ces hypothèses parce qu’aucun élément de preuve soumis ne saurait fournir de fondement pour ajouter foi à ces hypothèses de fait.

[84]        Bien qu’il ne s’agisse pas d’une hypothèse de fait, le paragraphe 9 de la réponse à l’avis d’appel indique que la thèse du ministre est la suivante pour établir une cotisation :

[traduction]

9.         Le ministre a déterminé que l’appelante était tenue de percevoir la TPS auprès des fiducies de fonds communs de placement (les « fiducies »), calculée sur le total des frais de gestion payables par les fiducies à l’appelante. La distribution de parts des fonds ou d’autres montants à certains investisseurs (que l’appelante a appelée [traduction] « remises sur les frais de gestion » ou [traduction] « distributions sur les frais de gestion ») n’a pas réduit les frais de gestion payables par les fiducies à l’appelante. Pour calculer la taxe nette pour les périodes de déclaration visées par les appels, l’appelante était tenue d’inclure le montant total de TPS à percevoir auprès des fiducies.

Ce paragraphe est compatible avec les autres hypothèses mentionnées voulant que la garantie ou l’obligation des Fonds d’effectuer des distributions sur les frais de gestion aux grands investisseurs n’eût pas de valeur. Il n’est alors pas étonnant qu’aucune hypothèse présentée dans les actes de procédure ne porte sur la valeur de l’obligation assumée par les Fonds. Les hypothèses doivent être libellées de façon claire et être précises pour qu’un appelant puisse connaître la preuve à laquelle il devra répondre. Alors qu’aucune parmi plus de deux douzaines d’hypothèses ne vise cette question même indirectement, il incombe à l’intimée de présenter des éléments de preuve concernant la valeur de la garantie ou de l’obligation. Selon la thèse de l’intimée, qui se fonde sur la décision Roberge, la valeur de la garantie est le plein montant des distributions sur les frais de gestion versées aux grands investisseurs, compte tenu de la prétendue existence d’une obligation légale incombant à l’appelante d’effectuer des distributions spéciales aux grands investisseurs. Cette prétendue obligation légale n’a jamais existé entre ces parties. En conséquence, l’intimée n’a pas réussi à établir la valeur de la garantie.

Conclusion

[85]        Les distributions sur les frais de gestion effectuées par les Fonds aux grands investisseurs ne constituaient pas la contrepartie de la fourniture des services de gestion par l’appelante aux Fonds. Elles étaient un paiement distinct versé conformément aux déclarations de fiducie qui régissaient la relation entre les Fonds et les grands investisseurs. L’appelante, en qualité de gestionnaire des Fonds, a négocié des frais réduits avec les grands investisseurs et les Fonds ont versé l’argent à l’appelante toutes les semaines et à la fin de chaque mois. Ces frais réduits étaient le montant que la gestionnaire facturait aux Fonds et il s’agit de la seule opération qui est assujettie à la TPS. Les [traduction] « frais en argent » étaient la seule contrepartie pour la fourniture des services de gestion que l’appelante offrait aux Fonds. Aucune autre contrepartie n’était payée ni payable. Selon l’interprétation qu’il convient de donner aux documents juridiques concernant les opérations pertinentes, lorsque l’on prend en compte les circonstances qui existaient au moment de la conclusion des contrats ainsi que la conduite des parties, l’appelante avait à juste titre imposé, perçu et versé la TPS applicable sur la valeur exacte de la contrepartie, qui était le montant réduit des frais de gestion facturés aux Fonds. Ceci est compatible avec mon interprétation du contrat de gestion entre les Fonds et l’appelante et des documents d’offre.

[86]        Les appels sont accueillis, avec dépens en faveur de l’appelante.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de décembre 2014.

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 30e jour d’avril 2015.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 375

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-385(GST)G

Intitulé :

Invesco Canada Ltée et La Reine

Lieu de l’audience :

Toronto (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 28, 29 et 30 avril 2014

Motifs du jugement :

L’honorable juge Diane Campbell

DATE DES MOTIFS :

Le 23 décembre 2014

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me John Tobin/Me Stuart Svonkin

Avocates de l’intimée :

Me Marilyn Vardy/Me Andrea Jackett

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

John Tobin/Stuart Svonkin

 

Cabinet :

Torys LLP/Chernos Flaherty Svonkin LLP

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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