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Dossier : 2011-4075(IT)G

ENTRE :

SOLUTIONS MINDREADY R&D INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu les 6, 7, 8 et 9 mai 2014, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Avocate de l'appelante :

Me Julie Gaudreault-Martel

Avocats de l'intimée :

Me Anne Poirier

Me Dany Leduc

 

JUGEMENT

          L'appel à l’encontre des nouvelles cotisations établies en date du 1er avril 2008 par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition se terminant le 29 novembre 2005 et le 31 décembre 2005 est rejeté avec dépens conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de janvier 2015.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2015 CCI 17

Date : 20150121

Dossier : 2011-4075(IT)G

ENTRE :

SOLUTIONS MINDREADY R&D INC.,

 

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]             L'appelante appelle de nouvelles cotisations établies en date du 1er avril 2008 par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) ch. 1 (5e suppl), telle que modifiée (la « Loi »), concernant les années d'imposition se terminant le 29 novembre 2005 et le 31 décembre 2005.

[2]             En vertu des nouvelles cotisations datées du 1er avril 2008, le ministre a apporté les changements suivants relativement aux crédits d'impôt à l'investissement (« CII ») réclamés par l'appelante concernant les années d'imposition se terminant le 29 novembre 2005 et le 31 décembre 2005.

29/11/2005

Réclamé (35%)

Révisé (20%)

Écart

CII début année

0

0

0

CII gagné RS&DE

286 811 $

187 359 $

99 452 $ 

Remboursement du CII

253 957 $

0

253 957 $ 

CII non remboursable

0

154 505 $

(154 505 $)

Solde de fermeture du CII

32 854 $

187 359 $

(154 505 $)

 

31/12/2005

Réclamé (35%)

Révisé (20%)

Écart

CII début année

32 854 $

187 359 $

(154 505 $)

CII gagné RS&DE

61 629 $

35 327 $

26 302 $ 

Remboursement du CII

61 473 $

0

61 473 $ 

CII non remboursable

0

35 327 $

(35 327 $)

Solde de fermeture du CII

33 010 $

222 686 $

(189 676 $)

[3]             Le ministre a déterminé que l'appelante n'avait pas droit aux CII remboursables au taux de 35% pour les années d'imposition se terminant le 29 novembre 2005 et le 31 décembre 2005 pour les raisons suivantes :

a)  l'appelante ne se qualifiait pas à titre de société privée sous contrôle canadien (« SPCC ») puisqu'elle était une société contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit par une société publique au sens du paragraphe 125(7) de la Loi; et

b)  la réorganisation visant le transfert des activités de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS&DE ») notamment la constitution des sociétés, le retrait de tous les pouvoirs des administrateurs de l'appelante, les opérations de transfert des activités ainsi que les opérations permettant la circulation des fonds parmi le groupe corporatif constituent un abus du régime fiscal justifiant l'application de la Règle générale anti-évitement (la « RGAE ») prévue à l'article 245 de la Loi.

[4]             Le ou vers le 28 avril 2008, l'appelante s'est opposée aux nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition se terminant le 29 novembre 2005 et le 31 décembre 2005 et, le 23 décembre 2011, l'appelante a déposé son avis d'appel à la Cour canadienne de l'impôt avant que le ministre n'ait rendu sa décision sur l'opposition.

Entente partielle sur les faits

[5]             À l'audience, les parties ont déposé une entente partielle sur les faits portant la date du 25 avril 2014. Les faits, à l'égard desquels il y a eu entente, sont les suivants :

                     Solutions Mindready inc.

1.      Solutions MindReady inc. (PUBLIQUE INC.) a été incorporée le 16 septembre 1999 en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

2.      Au cours des années en litige, PUBLIQUE INC. était une société publique dont une catégorie d'actions du capital-actions était cotée à une bourse de valeurs désignée située au Canada.

3.      PUBLIQUE INC. oeuvrait dans le domaine technologique et fournissait des solutions innovatrices pour les systèmes de test et les systèmes embarqués.

4.      Avant 2005, PUBLIQUE INC. avait des activités de recherches scientifiques et de développement expérimental (RS&DE) et à ce titre, elle réclamait un crédit d'impôt à l'investissement (CII) non remboursable au taux de 20% du compte de dépenses admissibles de RS&DE.

5.      Avant 2005, PUBLIQUE INC. cumulait des pertes depuis plusieurs années ce qui faisait en sorte qu'elle ne profitait nullement du crédit d'impôt de 20% puisqu'elle n'avait aucun impôt à payer.

6.      Au cours de l'année 2005, PUBLIQUE INC. a réorganisé ses affaires en isolant les activités de RS&DE dans une société nouvellement créée, à savoir l'appelante.

7.      Toutes les actions du capital-actions de l'appelante étaient détenues par la Fiducie financière Solutions MindReady (FIDUCIE).

8.      Suite à la constitution de l'appelante en 2005, c'est cette dernière qui effectuait les activités de RS&DE, autrefois effectuées par PUBLIQUE INC.

9.      Suite à sa constitution en 2005, l'appelante a réclamé un crédit d'impôt à l'investissement remboursable au taux de 35% du compte de dépenses admissibles de RS&DE.

         La réorganisation

10.    Le 19 juillet 2005, la société 6420605 Canada inc. (AUTEURCO) a été constituée.

11.    Le 20 juillet 2005, la société 6420958 Canada inc. (BÉNÉFICIAIRE 1), la société 6420931 Canada inc. (BÉNÉFICIAIRE 2) et l'appelante ont été constituées.

12.    Au cours des années en litige, toutes les entités (PUBLIQUE INC., l'appelante, AUTEURCO, BÉNÉFICIAIRE 1 et BÉNÉFICIAIRE 2) ont eu les mêmes administrateurs, soit Marc Lamy et Claude Delage.

         La Fiducie

13.        Le 22 juillet 2005, la FIDUCIE a été créée. L'auteur de cette fiducie était AUTEURCO.

14.        Les bénéficiaires du revenu de FIDUCIE étaient BÉNÉFICIAIRE 1, BÉNÉFICIAIRE 2 et l'appelante[1].

15.        Les bénéficiaires du capital de FIDUCIE étaient AUTEURCO, BÉNÉFICIAIRE 1 et BÉNÉFICIAIRE 2[2].

16.        Aux termes de l'acte de fiducie, seuls les administrateurs de PUBLIQUE INC. étaient éligibles pour être fiduciaires de FIDUCIE[3].

17.        Aux termes de l'acte de fiducie, le nombre de fiduciaires ne pouvait être supérieur au nombre d'administrateurs de PUBLIQUE INC.[4]

18.        Aux termes de l'acte de fiducie, les administrateurs de PUBLIQUE INC. Claude Delage et Marc Lamy ont été nommés fiduciaires originaux de FIDUCIE[5].

19.        Aux termes de l'acte de fiducie qu'ils ont signés, Claude Delage et Marc Lamy ont accepté le mandat de fiduciaires originaux.

20.        Claude Delage et Marc Lamy ont été fiduciaires de FIDUCIE durant la période en litige.

21.        Aux termes de l'acte de fiducie, tous les administrateurs de PUBLIQUE INC. qui étaient nommés fiduciaires devaient accepter cette charge pour qu'elle prenne effet[6].

22.        Aux termes de l'acte de fiducie, les fiduciaires cessaient de l'être lorsqu'ils n'étaient plus administrateurs de PUBLIQUE INC[7].

23.        Aux termes de l'acte de fiducie, FIDUCIE devait distribuer annuellement à ses bénéficiaires la totalité de son revenu fiscal. La répartition du revenu entre les bénéficiaires était à l'entière discrétion des fiduciaires[8].

24.        Aux termes de l'acte de fiducie, les fiduciaires avaient le pouvoir discrétionnaire de retirer le capital de la fiducie et de le remettre à l'un ou l'autre ou plusieurs des bénéficiaires du capital, dans une proportion que déterminent les fiduciaires[9].

25.        Le capital de FIDUCIE était notamment composé de toutes les actions du capital-actions de l'appelante et les fiduciaires avaient le pouvoir discrétionnaire de donner toutes ces actions à l'un des bénéficiaires du capital de FIDUCIE.

26.        Les bénéficiaires du capital de FIDUCIE avaient un droit, immédiat ou futur, conditionnel ou non, à des actions du capital-actions de l'appelante.

27.        FIDUCIE, à titre d'actionnaire unique de l'appelante, a retiré tous les pouvoirs que détiennent les administrateurs de celle-ci pour les exercer elle-même, conformément au paragraphe 146(2) Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Les transactions du 1er août 2005

28.        PUBLIQUE INC. a souscrit à 500 actions de catégorie « A » du capital-actions d'AUTEURCO, pour un montant de 500 $.

29.        AUTEURCO a souscrit à 100 actions de catégorie « A » du capital-actions de BÉNÉFICIAIRE 1, pour un montant de 100 $ et à 100 actions de catégorie « A » du capital-actions de BÉNÉFICIAIRE 2, pour un montant de 100 $.

30.        AUTEURCO a donné à FIDUCIE un montant de 100 $.

31.        FIDUCIE a souscrit à 100 actions de catégorie « A » (votantes) du capital-actions de l'appelant [sic] , pour un montant de 100 $.

32.        Les administrateurs de PUBLIQUE INC., Claude Delage et Marc Lamy, ont été nommés administrateurs de l'appelante.

33.        FIDUCIE a souscrit à 100 actions de catégorie « E » du capital-actions de BÉNÉFICIAIRE 1 pour un montant de 100 $.

34.        PUBLIQUE INC a souscrit à 1 000 000 actions de catégorie « A » du capital-actions de AUTEURCO, pour la somme de 1 000 000 $, payée par chèque.

35.        AUTEURCO a fait une contribution par chèque d'une somme de 1 000 000 $ au surplus d'apports de BÉNÉFICIAIRE 1.

36.        BÉNÉFICIAIRE 1 a déclaré un dividende de 1 000 000 $ sur les actions de catégorie « E » de son capital-actions, payable par l'émission d'un chèque en faveur de FIDUCIE, l'unique détenteur de ces actions.

37.        FIDUCIE a souscrit à 999 900 actions de catégorie « B » (non-votantes) de l'appelante pour 999 900 $.

38.        PUBLIQUE INC. a transféré par roulement à l'appelante ses employés spécialisés en RS&DE et a reçu en contrepartie 110 617 actions catégorie « C » du capital-actions de l'appelante ayant une juste valeur marchande et un capital versé de 110 617 $. Le même jour, l'appelante a racheté ses actions pour 110 617 $.

39.        AUTEURCO a octroyé à l'appelante une option d'acquérir à leur juste valeur marchande la totalité des actions de l'une ou l'autre des sociétés BÉNÉFICIAIRE 1 ou BÉNÉFICIAIRE 2.

40.        PUBLIQUE INC a octroyé un contrat de recherche à l'appelante par lequel cette dernière s'est engagée à effectuer tous les travaux de RS&DE liés aux projets stipulés dans le contrat.

41.        Les projets stipulés à l'annexe 1 du contrat de recherche sont tous des projets sur lesquels a travaillé PUBLIQUE INC. avant la création de l'appelante.

42.        En contrepartie des travaux de l'appelante, PUBLIQUE INC. devait lui payer des royautés sur les ventes futures des produits et licences.

43.        Pour la période en litige, PUBLIQUE INC. devait payer à l'appelante des royautés de 2% de ses ventes de produits reliés aux projets de RS&DE. PUBLIQUE INC. devait aussi remettre à l'appelante 25% de ses recettes découlant de la vente de licences reliées aux projets de RS&DE ou de la disposition de droits de propriété intellectuelle reliés à ces projets.

44.        Pour la période vérifiée, des produits ont été vendus, mais aucune licence ne l'a été.

45.        L'appelante a déclaré des revenus de royautés de 42 773 $ pour l'année d'imposition se terminant le 30 novembre 2005 et de 7 971 $ pour l'année d'imposition se terminant le 31 décembre 2005.

46.        Toutefois, l'appelante a déclaré des pertes nettes de 605 167$ et 80 219 $ respectivement pour les années d'imposition se terminant les 30 novembre et 31 décembre 2005.

Les transactions du 31 décembre 2005

47.        Le 31 décembre 2005, un billet à ordre a été émis (sur demande et sans intérêts) selon lequel l'appelante promettait de payer à PUBLIQUE INC. la somme de 252 081 $.

48.        PUBLIQUE INC. a souscrit à 252 081 actions de catégorie « A » d'AUTEURCO pour 252 081 $ en contrepartie du transfert à AUTEURCO dudit billet à ordre.

49.        AUTEURCO a contribué 252 081 $ au surplus d'apports de BÉNÉFICIAIRE 1 par le transfert du billet à ordre.

50.        BÉNÉFICIAIRE 1 a déclaré un dividende sur les actions de catégorie « E » de 252 081 $ payable par le transfert en faveur de FIDUCIE du billet à ordre dû par l'appelante.

51.        FIDUCIE a souscrit à 252 081 actions de catégorie « B » de l'appelante pour la somme de 252 081 $.

52.        Le ou vers le 22 juin 2006, Claude Delage a démissioné de son poste d'administrateur de l'appelante et des sociétés PUBLIQUE INC., AUTEURCO, BÉNÉFICIAIRE 1 et BÉNÉFICIAIRE 2.

Les transactions du 31 juillet 2006

53.        Le 31 juillet 2006, un billet à ordre a été émis (sur demande et sans intérêts) selon lequel l'appelante promettait de payer à PUBLIQUE INC. la somme de 969 855 $.

54.        PUBLIQUE INC. a souscrit à 969 855 actions de catégorie « A » de AUTEURCO pour 969 855 $ en contrepartie du transfert à AUTEURCO dudit billet à ordre.

55.        AUTEURCO a contribué 969 855 $ au surplus d'apport de BÉNÉFICIAIRE 1 par le transfert du billet à ordre.

56.        BÉNÉFICIAIRE 1 a déclaré un dividende sur les actions de catégorie « E » de 969 855 $ payable par le transfert en faveur de FIDUCIE, du billet à ordre dû par l'appelante.

57.        FIDUCIE a souscrit à 969 855 actions de catégorie « B » de l'appelante pour la somme de 969 855 $.

58.        Le 31 juillet 2006, Claude Delage a signé un avis de démission de son poste de fiduciaire de FIDUCIE[10].

Les transactions du 31 décembre 2006

59.        Le 31 décembre 2006, un billet à ordre a été émis (sur demande et sans intérêts) selon lequel l'appelante promettait de payer à PUBLIQUE INC. la somme de 1 105 159 $.

60.        PUBLIQUE INC. a souscrit à 1 105 159 actions de catégorie « A » de AUTEURCO pour 1 105 159 $ en contrepartie du transfert à AUTEURCO dudit billet à ordre.

61.        AUTEURCO a contribué 1 105 159 $ au surplus d'apports de BÉNÉFICIAIRE 1 par le transfert du billet à ordre.

62.        BÉNÉFICIAIRE 1 a déclaré un dividende sur les actions de catégorie « E » de 1 105 159 $ payable par le transfert en faveur de FIDUCIE du billet à ordre dû par l'appelante.

63.        FIDUCIE a souscrit à 1 105 159 actions de catégorie « B » de l'appelante, pour la somme de 1 105 159 $.

64.        L'organigramme joint en annexe de la présente entente partielle sur les faits représente la structure organisationnelle de PUBLIQUE INC. et de l'appelante durant la période en litige.

Analyse des activités et relations entre PUBLIQUE INC. et l'appelante

65.        Pour les années en litige, PUBLIQUE INC. louait un espace d'environ 50 000 pieds carrés situé au 2800 avenue Marie-Curie à Ville St-Laurent.

66.        Une entente de services entre PUBLIQUE INC. et l'appelante a été signée le 1er août 2005 pour la location ou la sous-location par l'appelante d'une partie de cet espace et de certains biens meubles.

67.        Selon cette entente de services, l'appelante louait une partie (environ 25 %) du local occupé par PUBLIQUE INC.

68.        Pour les années en litige, la personne qui autorisait les transferts de fonds entre les comptes bancaires des différentes entités, notamment pour les paiements de factures inter-compagnies et les souscriptions, était Marc Lamy.

69.        Plusieurs ententes importantes intervenues entre PUBLIQUE INC. et l'appelante ont été signées uniquement par Marc Lamy à titre de vice-président de l'appelante et directeur financier de PUBLIQUE INC.

70.        PUBLIQUE INC. émettait des chèques ou effectuait des transferts de fonds régulièrement à l'appelante (au moins une fois par mois) selon les besoins opérationnels de celle-ci, notamment lorsque le compte bancaire de l'appelante était déficitaire ou lorsque celle-ci devait payer les salaires.

71.        Pour les années en litige, PUBLIQUE INC. était la seule cliente de l'appelante.

72.        Pour répondre à ses obligations en vertu du contrat de recherche, l'appelante a eu recours à du financement par l'entremise de PUBLIQUE INC., AUTEURCO, FIDUCIE, BÉNÉFICIAIRE 1, BÉNÉFICIAIRE 2.

73.        L'appelante avait ses propres employés, lesquels ont été acquis de PUBLIQUE INC., le 1er août 2005.

74.        Les salaires des employés de l'appelante étaient la seule dépense courante payée directement à même le compte bancaire de l'appelante.

75.        Toutefois, pour les raisons mentionnées ci-haut, l'argent avec lequel l'appelante rémunérait ses employés provenait indirectement de PUBLIQUE INC.

76.        Les dépenses de loyer, les frais de gestion, les frais corporatifs et les redevances étaient payés, soit par règlements inter sociétés, soit par écritures comptables.

77.        Aucun intérêt n'a jamais été exigé sur les diverses avances de fonds faites entre PUBLIQUE INC. et l'appelante.

78.        Selon le contrat de recherche, PUBLIQUE INC. était propriétaire de la propriété intellectuelle et des résultats de chaque projet de recherche[11] effectué par l'appelante puisqu'il s’agissait de projets initialement démarrés par PUBLIQUE INC. et transférés à l'appelante.

79.        Selon le contrat de recherche, PUBLIQUE INC. était responsable d'indemniser l'appelante, et de l'exempter, pour toutes actions, dépenses ou réclamations, incluant des dépenses judiciaires ou extrajudiciaires, pouvant découler de l'exécution du contrat de recherche, à moins de négligence de l'appelante ou d'un tiers non sous son contrôle.

80.        Une firme de comptables externes a consolidé les états financiers de PUBLIQUE INC. et de l'appelante en se basant sur la note d'orientation concernant la comptabilité (NOC-15) de l'ICCA tel que mentionné à la note 3 des états financiers consolidés au 31 décembre 2005.

Faits additionnels découlant des témoignages

[6]             La structure mise en place pour qualifier l’appelante de société privée sous contrôle canadien a été recommandée par le cabinet de comptables KPMG et est identique à la structure utilisée par la société Lyrtech inc. pour qualifier sa filiale de recherche, Lyrtech RD inc. La principale différence qui existe entre les faits de cet appel et ceux de l’appel de Lyrtech RD inc. est que les conventions régissant les relations entre les parties impliquées dans cet appel ont été mieux respectées alors que les conventions régissant les relations entre les parties impliquées dans l’appel de Lyrtech RD inc. n’ont pas toutes été respectées. Par exemple, des écritures de régularisation ont dû être faites dans le cadre de la préparation des états financiers de Lyrtech RD inc. Il y a lieu de rappeler ici que l’appel de Lyrtech RD inc. a fait l’objet d’une décision de notre Cour (Lyrtech RD inc. c. R., 2013 CCI 12) laquelle décision a été confirmée par la Cour d’appel fédérale dans une décision rendue le 17 novembre 2014 (Lyrtech RD inc. c. La Reine, 2014 CAF 267).

[7]             Solutions MindReady inc. a fait faillite en 2007 et la société Averna Technologies inc. a, le 28 février 2008, racheté du syndic certains actifs de cette dernière, dont les actions de Mindready Solutions (NI) Limited ("Mindready Ireland"), de 6420605 Canada inc. et de leurs filiales respectives, soient 6420958 Canada inc., 6420931 Canada inc., la Fiducie financière Solutions MindReady et Solutions MindReady R&D inc.

[8]             Monsieur Paul Martineau, vice-président et chef de la direction financière de Averna Technologies inc., a expliqué les raisons d’affaire qui ont motivé sa société à faire l’acquisition d’actifs de Solutions MindReady inc. Ces raisons comprennent l’embauche d’employés qualifiés, l’acquisition de produits commercialisables et de droits sur deux produits en développement de même que l’accès à un réseau de clients.

[9]             Suite à ladite acquisition d’actifs, les ententes conclues entre Solutions MindReady inc. et Solutions MindReady R&D inc. ont été terminées; l’acte de fiducie a été modifié et de nouveaux fiduciaires ont été nommés mais la structure mise en place par Solutions MindReady inc. a été maintenue et les entités qui la composent existent toujours même si elles n’ont plus d’activités.

[10]        Au moment de l’acquisition d’actifs, Solutions MindReady R&D inc. comptait environ une trentaine d’employés qui sont devenus des employés de Averna Technologies inc. avec un nouveau contrat  de travail reconnaissant leurs années d’ancienneté.

[11]        Messieurs Claude Delage et Marc Lamy, respectivement Président et Chef de la direction et Vice-président et Chef de la direction financière de Solutions MindReady inc. ont témoigné à l’audience. Ces derniers ont expliqué qu’ils sont devenus actionnaires de Solutions MindReady inc. en compagnie de monsieur Michel Gaucher suite à une offre publique d’achat conclue le 28 mai 2004 par laquelle la société 4173422 Canada inc., une société appartenant à messieurs Gaucher, Delage et Lamy, s’est portée acquéreuse d’un bloc de 8 519 580 actions représentant 71% des actions émises et en cours.

[12]        Le 30 novembre 2005, Solutions MindReady inc. a acquis la totalité des actions émises et en cours de la société UTTC United Tri-Tech Corporation, un manufacturier de services électroniques « EMS ». Immédiatement avant cette acquisition, l’actionnariat de Solutions MindReady inc. était comme suit :

Actionnaires

     Actions

Pourcentage

Capital de Risque Dynamis inc.

3 339 398

22,4 %

4310845 Canada inc.

2 105 875

14,1 %

4160452 Canada inc.

1 403 915

9,4 %

4173422 Canada inc.

1 000 000

6,7 %

Public

Total

  7 046 087

14 895 275

  47,4 %

100,0 %

Capital de Risque Dynamis inc. est une société contrôlée par monsieur Michel Gaucher, le président du conseil d’administration de Solutions MindReady inc. La société 4310845 Canada inc. est une société contrôlée par monsieur Claude Delage. La société 4160452 Canada inc. est une société contrôlée par monsieur Marc Lamy tandis que la société 4173422 Canada inc. est une société contrôlée par les sociétés contrôlées par messieurs Michel Gaucher, Claude Delage et Marc Lamy.

[13]        Suite à l’acquisition de la société UTTC United Tri-Tech Corporation, l’actionnariat de Solutions MindReady inc. est devenu comme suit :

Actionnaires

Actions

Pourcentage

CEM International inc.

5 472 600

21,2 %

Capital de Risque Dynamis inc.

3 339 398

13,0 %

UTT Pharma inc.

3 092 527

12,0 %

4130944 Canada inc.

2 171 349

8,4 %

4310845 Canada inc.

2 105 875

8,2 %

4160452 Canada inc.

1 403 915

5,4 %

4173422 Canada inc.

1 000 000

3,9 %

Public

  7 190 244

  27,9 %

Total

25 786 364

100,0 %

CEM International inc. est contrôlée par Morgenthaler Ventures Partners, une société d’investissement en capital de risque basée à Silicon Valley et UTT Pharma est contrôlée par des membres de l’exécutif de UTTC United Tri-Tech Corporation.

[14]        Messieurs Marc Lamy et Claude Delage étaient administrateurs et dirigeants de toutes les entités créées lors de la réorganisation des activités de recherche et développement de Solutions MindReady inc. et étaient également les deux fiduciaires de la Fiducie financière Solutions MindReady. En cette capacité, ils ont signés tous les documents se rapportant à ces entités.

[15]        Selon la notice annuelle de Solutions MindReady inc. datée du 31 mars 2006, le conseil d’administration était alors composé de quatre membres suite à la démission de M. Marcel Lu. Les membres du conseil d’administration étaient alors messieurs Michel Gaucher, Claude Delage, Marc Lamy et Jean-François Rabouille, un vice-président du Groupe Dynamis inc. Ces derniers sont tous devenus administrateurs de Solutions MindReady inc. le 31 mai 2004 suite à l’offre publique d’achat.

[16]        Monsieur Claude Delage est demeuré administrateur de Solutions MindReady inc. et de toutes ses filiales jusqu’au 22 juin 2006, date à laquelle il a démissionné pour cause de maladie. Sa date de démission en tant que fiduciaire de la Fiducie financière Solutions MindReady remonte au 31 juillet 2006.

[17]        Monsieur Marc Lamy est demeuré administrateur de Solutions MindReady inc. et de toutes ses filiales jusqu’au 5 août 2007, date à laquelle il a démissionné suite à un différend avec le conseil d’administration. La date de sa démission en tant que fiduciaire de la Fiducie financière Solutions MindReady remonte également au 5 août 2007.

[18]        Monsieur Claude Delage a expliqué lors de son témoignage que les activités de recherche et de développement étaient essentielles pour la survie de l’entreprise de Solutions MindReady inc. et que la restructuration des activités de recherche et développement a été présentée au conseil d’administration comme une bonification des crédits d’impôts à la R&D. Le choix des travaux de recherche était déterminé par Solutions MindReady inc. mais l’exécution des travaux était confiée à l’appelante. Il a de plus reconnu que les revenus générés par les activités de recherche de l’appelante étaient insuffisants pour payer les salaires des employés affectés à cette activité et que la Fiducie financière Solutions MindReady et l’appelante étaient présentées dans la documentation corporative de Solutions MindReady inc. comme des filiales. Les résultats financiers de l’appelante étaient consolidés avec ceux de Solutions MindReady inc. La mise en œuvre de la restructuration des activités de recherche de Solutions MindReady inc. a été confiée à monsieur Marc Lamy.

[19]        Selon monsieur Lamy, l’objectif était de rendre l’appelante autonome sur le plan opérationnel sans en faire un centre de profits. Pour ce faire, Solutions MindReady inc. a transféré à l’appelante par un roulement fiscal certains actifs et les contrats de travail des employés affectés à la R & D dont la valeur a été estimée à 110 617 $. De plus, Solutions MindReady inc. a loué ou sous-loué, selon le cas, à l’appelante certains actifs et lui a sous-loué les locaux affectés aux activités de recherche. Pour l’utilisation des équipements, l’appelante s’est engagée et payer un loyer de base annuel de 77 122,44 $ payable par des versements trimestriels égaux et consécutifs de 19 280,61 $, comprenant des frais de gestion de 10 %. Pour le sous-bail immobilier, le loyer était de 249 382,08 $ payable mensuellement par des versements égaux et consécutifs de 20 781,84 $ chacun, comprenant des frais de gestion de 10 %. Suite au transfert d’employés à l’appelante, ces derniers ont continué d’exercer leurs fonctions dans les mêmes locaux et de la même façon à l’égard des mêmes projets de recherche.

[20]        Un seul contrat de recherche a été conclu entre Solutions MindReady inc et l’appelante et l’appelante exécutait en exclusivité les projets de recherche de Solutions MindReady inc. Tous les fonds nécessaires pour la réalisation des activités de recherche provenaient de Solutions MindReady inc. L’appelante facturait mensuellement à Solutions MindReady inc. le coût sans majoration des services qu’elle lui rendait mais elle ne lui facturait pas le coût de la main-d'œuvre reliée aux activités de recherche. Par contre, Solutions MindReady inc. facturait à l’appelante le coût des services administratifs fournis à l’appelante. Le coût de la main-d'œuvre reliée aux activités de recherche était directement financé par Solutions MindReady inc. par des transferts bancaires au compte bancaire de l'appelante utilisée pour verser les salaires de recherche.

[21]        Les factures inter-compagnies étaient normalement acquittées par des transferts bancaires. Les signataires autorisés pour les comptes bancaires de Solutions MindReady inc., 6420605 Canada inc., 6420958 Canada inc., 6420931 Canada inc., Fiducie financière Solutions MindReady et de l’appelante étaient deux des cinq personnes suivantes :

- M. Marc Lamy;

- M. Jean Mayer, conseiller juridique et secrétaire corporatif;

- M. Christian Moreau, vice-président, opérations;

- Mme Mélanie Dupuis, contrôleur corporatif;

- Mme Marie-France Huard, contrôleur.

[22]        La propriété intellectuelle des travaux de R & D réalisés par l’appelante appartenait à Solutions MindReady inc. mais l’appelante avait droit à des redevances basées sur le prix de vente des produits qui ont été améliorés par les travaux de R & D ou qui ont résulté des projets de recherche. Du 1er août 2005 au 31 décembre 2006, le taux de redevances était de 2 %. Pour l’année 2007, le taux de redevances était de 5 % tandis que pour les années débutant après le 1er  janvier 2008, le taux passait à 10 %. En plus de ces redevances, l’appelante avait droit de recevoir 25 % des sommes perçues par Solutions MindReady inc. pour l’octroi de licences d’exploitation de produits résultant des travaux de R & D ou provenant de la vente de droits de propriété intellectuelle découlant des travaux de R & D. Pour l’année d’imposition se terminant le 30 novembre 2005, l’appelante a reçu des redevances totalisant 42 773 $ suite à la vente de produits et aucune somme pour l’octroi de licences ou pour la vente de droits de propriété intellectuelle. Pour l’année d’imposition se terminant le 31 décembre 2005, l’appelante a reçu seulement 7 971 $ sous forme de redevances.

Position des parties

A. Position de l’appelante

[23]        L’appelante soutient qu’elle a toujours été depuis sa constitution une SPCC, puisqu’aucune société publique ne pouvait contrôler directement ou indirectement de quelque manière que ce soit la composition du conseil d’administration de l’appelante.

[24]        Solutions MindReady inc. n’a jamais exercé un contrôle direct ou indirect de quelque manière que ce soit sur l’appelante aux fins de Loi. Solutions MindReady inc. et l’appelante ont créé entre elles une relation d’affaires semblables à toute autre relation de recherche contractuelle où la recherche est exécutée par une entreprise de recherche nouvellement constituée. Il n’y a aucun élément de la relation contractuelle qui existait entre ces deux entités qui pouvait conférer à Solutions MindReady inc. une influence sur les opérations de l’appelante plus grand que l’influence normalement exercée par tout client majeur sur un de ses principaux fournisseurs. Cette influence n’est pas suffisante et n’est pas du type qui confère à Solutions MindReady inc. le contrôle de facto sur l’appelante, tel qu’envisagé par le paragraphe 256(5.1) de la Loi.

[25]        Aucune des opérations décrites par l’intimée ne constitue une opération d’évitement abusive soumise à la RGAE.

B. Position de l’intimée

[26]        Malgré la réorganisation effectuée par Solutions MindReady inc., l’appelante n’était pas une SPCC puisqu’elle était assujettie au contrôle de fait de Solutions MindReady inc.; celle-ci avait un pouvoir prédominant sur la nomination des fiduciaires administrateurs de l’appelante et l’appelante était dépendante de Solutions MindReady inc. au niveau opérationnel et économique.

[27]        L’expression « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » utilisée à l’alinéa 125(7)a) de la Loi donne préséance au contrôle de fait sur le contrôle de droit. La présence d’un contrôle de fait d’une société privée par une société publique suffit à l’exclure de la définition de SPCC.

[28]        La réorganisation entreprise par Solutions MindReady inc. est identique à celle réalisée par la compagnie-mère de Lyrtech RD inc., à l'égard de laquelle notre Cour et la Cour d'appel fédérale ont conclu que la compagnie-mère, Lyrtech inc. exerçait un contrôle de fait sur Lyrtech RD inc. et que, par conséquent, cette dernière n’était pas une SPCC.

[29]        Comme argument subsidiaire, l’intimée soutient que la RGAE est applicable en l’espèce parce que les trois conditions pour que la RGAE s’applique sont rencontrées dans cette réorganisation. Premièrement, il doit y avoir un avantage fiscal qui découle d’une « opération » au sens des paragraphes 245(1) et 245(2) de la Loi. Deuxièmement, l’opération ayant généré l’avantage fiscal doit être une opération d’évitement au sens du paragraphe 245(3) de la Loi, c’est-à-dire que l’opération ne doit pas avoir été effectuée pour des objets véritables, l’obtention de l’avantage n’étant pas un objet véritable pour les fins de la RGAE. Troisièmement, l’opération d’évitement doit être abusive au sens du paragraphe 245(4) de la Loi. L’appelante a le fardeau de démontrer qu’il n’y avait pas d’avantage fiscal ou d’opérations d’évitement alors que l'intimée doit établir que l’opération d’évitement était abusive. Selon l’intimée, les trois conditions sont remplies et l’avantage fiscal doit être supprimé en vertu du paragraphe 245(5) de la Loi.

Le droit

[30]        Les dispositions de la Loi qui sont pertinentes aux fins du présent litige sont les suivantes : l’alinéa a) de la définition de « société publique » au sens du paragraphe 89(1), la définition de « société privée sous contrôle canadien » au sens du paragraphe 125(7), la définition de « société non admissible » au sens du paragraphe 127(9), le paragraphe 127(10.1), la définition de « société admissible » au sens du paragraphe 127.1(2), le paragraphe 251(5) et les paragraphes 256(5.1), 256(6.1) et 256(6.2). Ces dispositions se lisent comme suit :

Définitions

89. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente sous-section.

[…]

« société publique » Est une société publique à un moment donné :

a) la société qui réside au Canada au moment donné et dont une catégorie d’actions du capital-actions est cotée, à ce moment, à une bourse de valeurs désignée située au Canada;

125(7) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

[…]

« société privée sous contrôle canadien » Société privée qui est une société canadienne, à l’exception des sociétés suivantes :

a) la société contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non-résidentes, par une ou plusieurs sociétés publiques (sauf une société à capital de risque visée par règlement), par une ou plusieurs sociétés visées à l’alinéa c) ou par une combinaison de ces personnes ou sociétés;

b) si chaque action du capital-actions d’une société appartenant à une personne non-résidente, à une société publique (sauf une société à capital de risque visée par règlement,) ou à une société visée à l’alinéa c) appartenait à une personne donnée, la société qui serait contrôlée par cette dernière;

c) la société dont une catégorie d’actions du capital-actions est cotée à une bourse de valeurs désignée;

d) pour l’application du paragraphe (1), des alinéas 87(2)vv) et ww) (compte tenu des modifications apportées à ces alinéas par l’effet de l’alinéa 88(1)e.2)), des définitions de « compte de revenu à taux général », « compte de revenu à taux réduit » et » désignation excessive de dividende déterminé » au paragraphe 89(1) et des paragraphes 89(4) à (6) et (8) à (10) et 249(3.1), la société qui a fait le choix prévu au paragraphe 89(11) et qui ne l’a pas révoqué selon le paragraphe 89(12).

127(9) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

[…]

« société non admissible » L’une des sociétés suivantes à un moment donné :

a) une société qui, à ce moment, n’est pas une société privée sous le contrôle canadien;

b) une société qui serait redevable de l’impôt prévu à la partie I.3 pour son année d’imposition qui comprend ce moment s’il n’était pas tenu compte du paragraphe 181.1(4) et si le montant déterminé relativement à la société pour l’année selon le paragraphe 181.2(3) était déterminé compte non tenu des montants visés à l’un des alinéas 181.2(3)a), b), d) et f), dans la mesure où les montants visés ont servi à acquérir un bien qui serait un bien admissible de petite entreprise si la société n’était pas une société non admissible;

c) une société qui, à ce moment, est liée, pour l’application de l’article 181.5, à une société visée à l’alinéa b).

127(10.1) Pour l’application de l’alinéa e) de la définition de « crédit d’impôt à l’investissement » au paragraphe (9), le montant correspondant à 15% du moins élevé des montants suivants est à ajouter dans le calcul du crédit d’impôt à l’investissement d’une société à la fin de l’année d’imposition tout au long de laquelle elle a été une société privée sous contrôle canadien :

a) le montant qu’elle demande;

b) l’excédent de son compte de dépenses admissibles de recherche et de développement à la fin de l’année sur le total des montants représentant chacun l’avantage relatif à la superdéduction pour l’année relativement à la société et à une province.

c) sa limite de dépenses pour l’année.

127.1(2) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

[…]

« société admissible » Pour une année d’imposition donnée se terminant dans une année civile :

a) société qui est une société privée sous contrôle canadien tout au long de l’année donnée, sans être associée à une autre société au cours de cette année, et dont le revenu imposable pour son année d’imposition précédente, calculé avant la prise en compte des conséquences fiscales futures déterminées, ne dépasse pas son plafond des affaires pour cette année précédente;

b) société qui est une société privée sous contrôle canadien tout au long de l’année donnée et associée à une autre société au cours de cette année, dans le cas où le total des montants représentant chacun le revenu imposable de la société ou d’une telle société associée pour sa dernière année d’imposition terminée dans l’année civile précédente, calculé avant la prise en compte des conséquences fiscales futures déterminées pour cette dernière année, ne dépasse pas le total des montants représentant chacun le plafond des affaires de la société ou d’une telle société associée pour cette dernière année.

251(5) Pour l’application du paragraphe (2) et de la définition de « société privée sous contrôle canadien » au paragraphe 125(7) :

a) le groupe lié qui est en mesure de contrôler une société est réputé être un groupe lié qui contrôle la société, qu’il fasse ou non partie d’un groupe plus nombreux qui contrôle en fait la société;

b) la personne qui, à un moment donné, en vertu d’un contrat , en equity ou autrement, a un droit, immédiat ou futur, conditionnel ou non :

(i) à des actions du capital-actions d’une société ou de les acquérir ou d’en contrôler les droits de vote, est réputée occuper la même position relativement au contrôle de la société que si elle était propriétaire des actions à ce moment, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l’invalidité permanente d’un particulier,

(ii) d’obliger une société à racheter, acquérir ou annuler des actions de son capital‑actions dont d’autres actionnaires de la société sont propriétaires, est réputée occuper la même position relativement au contrôle de la société que si celle-ci rachetait, acquérait ou annulait les actions à ce moment, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l’invalidité permanente d’un particulier,

(iii) aux droits de vote rattachés à des actions du capital‑actions d’une société, ou de les acquérir ou les contrôler, est réputée occuper la même position relativement au contrôle de la société que si elle pouvait exercer les droits de vote à ce moment, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l’invalidité permanente d’un particulier,

(iv) de faire réduire les droits de vote rattachés à des actions appartenant à d’autres actionnaires du capital-actions d’une société est réputée occuper la même position relativement au contrôle de la société que si les droits de vote étaient ainsi réduits à ce moment, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l’invalidité permanente d’un particulier,

c) lorsqu’une personne est propriétaire d’actions de plusieurs sociétés, elle est réputée, à titre d’actionnaire d’une des sociétés, être liée à elle-même à titre d’actionnaire de chacune des autres sociétés.

256(5.1) Pour l’application de la présente loi, lorsque l’expression « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, » est utilisée, une société est considérée comme ainsi contrôlée par une autre société, une personne ou un groupe de personnes — appelé « entité dominante » au présent paragraphe — à un moment donné si, à ce moment, l’entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait de la société. Toutefois, si cette influence découle d’un contrat de concession, d’une licence, d’un bail, d’un contrat de commercialisation, d’approvisionnement ou de gestion ou d’une convention semblable — la société et l’entité dominante n’ayant entre elles aucun lien de dépendance — dont l’objet principal consiste à déterminer les liens qui unissent la société et l’entité dominante en ce qui concerne la façon de mener une entreprise exploitée par la société, celle-ci n’est pas considérée comme contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par l’entité dominante du seul fait qu’une telle convention existe.

256(6.1) Pour l’application de la présente loi, il est entendu que :

a) dans le cas où une société (appelée « filiale » présent alinéa) serait contrôlée par une autre société (appelée « société mère » au présent alinéa) si cette dernière n’était pas contrôlée par une personne ou un groupe de personnes, la filiale est contrôlée à la fois par la société mère et par toute personne ou tout groupe de personnes qui contrôle cette dernière;

b) dans le cas où une société (appelée « société donnée » au présent alinéa) serait contrôlée par un groupe de personnes (appelé « groupe de premier palier » au présent alinéa) si aucune société membre du groupe de premier palier n’était contrôlée par une personne ou un groupe de personnes, la société donnée est contrôlée à la fois :

(i) par le groupe de premier palier,

(ii) par tout groupe de personnes composé, quant à chaque membre du groupe de premier palier, soit du membre, soit d’une personne ou d’un groupe de personnes qui contrôle ce dernier.

256(6.2) Pour l’application du paragraphe (6.1) dans le cadre du paragraphe (5.1), les mentions de « contrôle » et « contrôlée » au paragraphe (6.1) sont remplacées respectivement par « contrôle, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » et « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit », avec les adaptations nécessaires.

Analyse

[31]        Le ministre a déterminé que l’appelante ne se qualifiait pas à titre de SPCC tout au long des années d’imposition se terminant le 30 novembre 2005 et le 31 décembre 2005 parce qu’elle était une société contrôlée, directement ou indirectement de quelque manière que ce soit, par Solutions MindReady inc., une société publique au sens de la Loi. Le ministre a donc refusé d’accorder à l’appelante (a) la majoration du crédit d’impôt à l’investissement de 15 % réclamée par celle-ci en vertu du paragraphe 127(10.1) de la Loi et (b) le remboursement de ce crédit d’impôt en vertu du paragraphe 127.1(1) de la Loi.

[32]        En 1988, le paragraphe 256(5.1) a été ajouté à la Loi pour définir, pour l’application de la Loi, l’expression « contrôlée, directement ou indirectement, quelque manière que ce soit » afin d’introduire la notion de contrôle de fait. Ainsi une société est considérée être contrôlée par une autre société à un moment donné si, à ce moment, cette autre société a une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait de ladite société.

[33]        Suite à l’adoption du paragraphe 256(5.1) de la Loi, l’exercice d’un contrôle de fait par une société publique sur une autre société a nécessairement eu pour effet d’exclure cette autre société de la définition de SPCC, qu’il existe ou non un contrôle de droit exercé par une autre personne.

[34]        Dans le cas présent, l’intimée ne conteste pas que le contrôle de droit de l’appelante était détenu par la Fiducie financière Solutions MindReady. Selon l’acte de fiducie, seuls les administrateurs de Solutions MindReady inc. étaient éligibles à la fonction de fiduciaires. Pendant les périodes en litige, les fiduciaires étaient messieurs Marc Lamy et Claude Delage. Ces fiduciaires ont, au moyen d’une déclaration de l’actionnaire unique, retiré tous les pouvoirs que détenaient les administrateurs de l’appelante pour les exercer eux-mêmes. Messieurs Marc Lamy et Claude Delage étaient administrateurs de l’appelante de même que de Solutions MindReady inc., 6420605 Canada inc., 6420958 Canada inc. et 6420931 Canada inc.

[35]        Suite aux décisions rendues par cette Cour et par la Cour d’appel fédérale dans Mimetix Pharmaceuticals Inc. c. Canada, [2001] A.C.I. no 749 (juge Lamarre) confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2003 CAF 106; Plomberie J.C. Langlois Inc. c. Canada, 2004 CCI 734 (juge Lamarre-Proulx) confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2006 CAF 113; L.D.G. 2000 Inc. c. Canada, [2002] A.C.I. no 659 (juge Angers) et plus récemment dans Lyrtech RD Inc. c. La Reine, 2013 CCI 12, confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2014 CAF 267, il est maintenant bien établi que la détermination de l’influence requise pour qu’une société soit considérée comme étant contrôlée par une autre société requiert l’examen des décisions opérationnelles et économiques de la société en question. Une forme d’influence économique déterminante permettant à une société d’être en position d’imposer sa volonté sur la gestion des affaires d’une autre société est suffisante pour constituer un contrôle de fait.

[36]        L'intimée soutient que l'appelante était dépendante de Solutions MindReady inc. au niveau opérationnel et économique de sorte que cette dernière était en position d'exercer le genre de pression qui lui permettait d'imposer sa volonté sur la gestion des affaires de l'appelante.

[37]        Il ressort de l'entente partielle sur les faits, de la preuve documentaire soumise par les parties et de la preuve testimoniale fournie par les témoins lors de l'audience que :

a)       les facteurs d'influence au niveau opérationnel exercés par Solutions MindReady inc. sur l'appelante comprennent les éléments suivants :

          i)       la gestion de l'ensemble des sociétés du groupe de sociétés contrôlées par Solutions MindReady inc. était exercé par les mêmes personnes;

          ii)      Solutions MindReady inc. et l'appelante occupaient les mêmes locaux et partageaient les mêmes employés;

          iii)     les employés transférés à l'appelante n'ont vu aucun changement dans leurs tâches, leur lieu de travail, ni dans les projets de recherche sur lesquels ils travaillaient;

iv)              selon les organigrammes soumis par Solutions MindReady inc. pour illustrer sa structure corporative, la Fiducie financière Solutions MindReady et l'appelante font partie intégrante de Solutions MindReady inc. et apparaissent comme des filiales de celle-ci;

v)                selon la notice annuelle de Solutions MindReady inc. en date du 31 mars 2006, l'appelante est décrite comme une filiale détenue à 100 % par Solutions MindReady inc. au 31 décembre 2005;

vi)              la tenue de livres pour toutes les entités du groupe MindReady était faite par les comptables de Solutions MindReady inc.;

vii)           Monsieur Marc Lamy autorisait les transferts de fonds entre les différentes entités du groupe MindReady;

viii)         aucune entente n'a été mise en preuve pour justifier la recharge du coût des services rendus par les employés de l'appelante à Solutions MindReady inc.  De plus, il n'y a pas d'appariement entre les factures émises par l'appelante et les opérations effectuées dans ses comptes bancaires;

ix)              le salaire des employés affectés aux activités de recherche et développement était versé par l'appelante à toutes les deux semaines à même son compte bancaire en dollars canadiens dont la source des fonds provenait de virements effectués directement par Solutions MindReady inc. Le premier million de dollars ayant servi à la souscription de 999 900 actions de catégorie « B » de l'appelante n'a jamais été utilisé pour payer le salaire des employés affectés aux activités de recherche et développement;

et que

b)      les facteurs d'influence au niveau économique exercés par Solutions MindReady inc. sur l'appelante comprennent les éléments suivants :

i)       l'appelante n'avait qu'un seul et unique client, soit Solutions MindReady inc.;

ii)      Solutions MindReady inc. a cautionné un prêt de 650 000 $ contracté par l'appelante;

iii)              les vérificateurs externes ont consolidé les états financiers de l'appelante avec ceux de Solutions MindReady inc.;

iv)              selon le contrat de recherche conclu entre Solutions MindReady inc. et l'appelante, les travaux de recherche à être exécutés par l'appelante étaient déterminés par Solutions MindReady inc. et cette dernière conservait la propriété intellectuelle découlant de ceux-ci;

v)                les redevances et les revenus tirés de l'octroi de licences étaient nettement insuffisants pour supporter le coût des dépenses de recherche. Pendant les cinq premiers mois d'opération de l'appelante, les dépôts nets dans les deux comptes de banque de l'appelante ont totalisé 2 800 000 $ (y compris la souscription initiale d'actions de 1 000 000 $) alors que les redevances générés par les activités de recherche de l'appelante n'ont totalisé que 50 000 $;

vi)              l'appelante n'aurait pu exercer ses activités de recherche et développement sans les avances de fonds de Solutions MindReady inc.;

vii)           la faillite de Solutions MindReady inc. a entraîné la vente de certains actifs de l'appelante en l'occurrence ses crédits d'impôt à la recherche scientifique et au développement expérimental.

[38]        Sur la base des facteurs d'influence au niveau opérationnel et économique ci-dessus énumérés aux alinéas a) et b) du paragraphe 37, je ne peux que conclure qu'il existait un contrôle de fait exercé par Solutions MindReady inc. sur l'appelante. Au cours des années d'imposition en litige, l'appelante était totalement dépendante économiquement de Solutions MindReady inc.

[39]        Considérant la conclusion sur la première question qui dispose du présent appel et les circonstances de la présente affaire, il n'est pas nécessaire de considérer l'argument subsidiaire soulevé par l'intimée.

[40]        Pour ces motifs, l'appel est rejeté avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de janvier 2015.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 



RÉFÉRENCE :

2015 CCI 17

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2011-4075(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Solutions Mindready R&D Inc.

c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 6 mai 2014

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 21 janvier 2015

COMPARUTIONS :

 

Avocate de l'appelante :

Me Julie Gaudreault-Martel

Avocats de l'intimée :

Me Anne Poirier

Me Dany Leduc

 

AVOCATE INSCRITE AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Me Julie Gaudreault-Martel

Cabinet :

BCF S.E.N.C.R.L.

Montréal (Québec)

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] En vertu de la clause 1.1(f) de l'acte de fiducie.

[2] En vertu de la clause 1.1(b) de l'acte de fiducie.

[3] En vertu de la clause 5.3 de l'acte de fiducie.

[4] En vertu de la clause 5.2 de l'acte de fiducie.

[5] En vertu de la clause 5.1 de l'acte de fiducie.

[6] En vertu des clauses 5.3 et 5.4 de l'acte de fiducie.

[7] En vertu de la clause 5.6(iv) de l'acte de fiducie.

[8] En vertu de la clause 8.2 de l'acte de fiducie.

[9] En vertu de la clause 9.1 de l'acte de fiducie.

[10] Cependant, en vertu de la clause 5.6(iv) de l'acte de fiducie, les fiduciaires étaient incapables d'agir comme fiduciaires de FIDUCIE lorsqu'ils cessaient d'être administrateur de PUBLIQUE INC.

[11] Il s'agit des projets de recherche visés par le contrat du 1er août 2005 et le mot projet utilisé dans ce contrat est défini à la clause 2.3 de la manière suivante : « Means the research and development project defined in Schedule 1 and every other research and development projects which R&D wishes to execute from time to time ».

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