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Dossier : 2012-3636(IT)G

ENTRE :

DAWN MCKAY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


Requête entendue le 5 novembre 2014, à Thunder Bay (Ontario).

Devant : L’honorable juge K. Lyons

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Brian MacIvor
Me Shannon Nelson

Avocat de l’intimée :

Me Andrew Miller

 

ORDONNANCE

          La requête présentée par l’intimée en autorisation de modifier sa réponse à l’avis d’appel par l’ajout des paragraphes 8c), 9 et 18 à la réponse modifiée proposée est rejetée.

          Les dépens de la présente requête suivront l’issue de la cause.


Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de février 2015.

« K. Lyons »

Juge Lyons

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de juillet 2015.

François Brunet, réviseur.


Référence : 2015 CCI 33

Date : 20150206

Dossier : 2012-3636(IT)G

ENTRE :

DAWN MCKAY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

La juge Lyons

[1]             L’intimée demande l’autorisation de modifier sa réponse à l’avis d’appel (la « réponse ») au motif que Dawn McKay, l’appelante, a refusé en partie de consentir au dépôt d’une réponse modifiée proposée, par laquelle l’intimée avait ajouté un nouveau moyen tiré du paragraphe 56(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). L’intimée a présenté sa requête en vertu de l’article 54 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale).

[2]             L’appel vise la cotisation que le ministre du Revenu national a établie, en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi, pour une dette fiscale de 68 543,72 $ imputée à l’appelante en 2008, par suite du transfert de la Cadillac Escalade (la « Cadillac ») de Henry Wetelainen (« M. Wetelainen »), qui la rendait solidairement responsable de la dette fiscale préexistante de celui‑ci.

[3]             L’intimée soutient qu’elle ne fait qu’ajouter un moyen de droit tiré du paragraphe 156(2) de la Loi et que les actes de procédure peuvent être modifiés en tout temps pour cerner les véritables questions en litige entre les parties, pourvu que cela serve les intérêts de la justice et ne cause à l’appelante aucun préjudice que des dépens ne pourraient compensés.

[4]             À l’audience, l’appelante s’est opposée seulement aux modifications des paragraphes 8c), 9 et 18 de la réponse modifiée proposée, qui sont rédigés en ces termes :

[traduction]

8. c)     Également à titre subsidiaire, il y a la question de savoir si le montant de 68 543,72 $ a bien été ajouté au revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2008, comme le prévoit le paragraphe 56(2) de la Loi.

9.         Il s’appuie sur les paragraphes 56(2) et 152(9) et sur les articles 3, 160, 248 et 251 de la Loi.

18.       Encore à titre subsidiaire, le ministre a inclus comme il se doit le montant de 68 543,72 $ dans le calcul du revenu de l’appelante pour l’année d’imposition 2008. Le transfert par chèque du montant de 75 000 $ de BLIG à M. Wetelainen a été fait suivant les instructions de l’appelante ou avec son accord. De plus, le transfert par BLIG du montant de 75 000 $ à M. Wetelainen a été fait au profit de l’appelante ou parce que cette dernière voulait procurer un avantage à M. Wetelainen. Par conséquent, l’appelante doit payer le montant de 68 543,72 $, en vertu des paragraphes 56(2) et 152(9) de la Loi.

[5]             Comme premier motif d’opposition à la requête, l’appelante soutient que la réponse modifiée proposée comprend une transaction différente de celles qui ont servi à établir la cotisation, qui intéresse uniquement la Cadillac (transfert, enregistrement et juste valeur marchande).

[6]             Les transactions prises en compte pour établir la cotisation dont il est question dans les hypothèses de fait énoncées dans la réponse sont les suivantes :

[traduction]

7.         En confirmant ainsi la dette fiscale de l’appelante, en application du paragraphe 160(1) de la Loi, le ministre s’est appuyé sur les faits suivants :

a)         l’appelante est actionnaire, administratrice, dirigeante et employée de Bending Lake Iron Group (« BLIG »).

b)         Henry Wetelainen, également connu sous le nom de Henry Wetelainen Jr. (« M. Wetelainen »), est actionnaire, administrateur, dirigeant et employé de BLIG.

c)         Le 13 août 2008, M. Wetelainen a acheté une Cadillac Escalade 2008, portant le numéro d’identification 1GYFK63858R133816 (la « Cadillac Escalade ») de Courtesy Chevrolet, pour la somme de 68 543,72 $.

d)         À la date du transfert, M. Wetelainen a transféré la Cadillac Escalade à l’appelante et l’a fait enregistrer à son nom.

e)         Avant la date du transfert, M. Wetelainen n’avait aucune dette envers l’appelante.

f)         L’appelante n’a fourni aucune contrepartie pour le transfert de la Cadillac Escalade.

g)         L’appelante habite au 402, route Grand Point, à Thunder Bay, en Ontario.

h)         À la date du transfert, BLIG a libellé un chèque de 75 000 $ à l’ordre de M.  Wetelainen, à l’adresse suivante : 401, route Grand Point, Thunder Bay, Ontario (le « chèque »).

i)          Le chèque était signé par l’appelante.

j)          Le 15 août 2008, l’appelante a déposé le chèque dans le compte bancaire no 6053-6327838 que M. Wetelainen détenait à la Banque TD Canada Trust (le « compte bancaire TD »).

k)         Le 15 août 2008, M. Wetelainen s’est procuré une note de crédit de 64 232,87 $ (no 45006469), tirée sur son compte bancaire TD et payable à Courtesy Chevrolet.

l)          À la date du transfert de la Cadillac Escalade, l’appelante et M. Wetelainen avaient un lien de dépendance.

m)        À la date du transfert de la Cadillac Escalade, M. Wetelainen devait au ministre pas moins de 977 831 $.

[7]             Le droit du ministre de présenter un nouvel argument à l’appui d’une cotisation est régi par le paragraphe 152(9) de la Loi, qui est rédigé en ces termes :

Nouvel argument à l’appui d’une cotisation

152(9)  Le ministre peut avancer un nouvel argument à l’appui d’une cotisation après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation, sauf si, sur appel interjeté en vertu de la présente loi :

a)         d’une part, il existe des éléments de preuve que le contribuable n’est plus en mesure de produire sans l’autorisation du tribunal;

b)         d’autre part, il ne convient pas que le tribunal ordonne la production des éléments de preuve dans les circonstances.

[8]             L’intimée est dans l’impossibilité de présenter un nouvel argument si d’autres transactions qui n’ont pas servi à établir la nouvelle cotisation sont prises en compte ou s’il y a augmentation de l’impôt à payer par rapport à la cotisation en cause. Cette règle a été consacrée par la Cour d’appel fédérale à l’occasion de l’affaire Canada c Anchor Pointe Energy Ltée, 2003 CAF 294, [2004] 5 CTC 98 (CAF), qui a alors conclu que la transaction sous‑jacente et le montant de la cotisation d’impôt étaient ce qui importait.

[9]             Dans l’arrêt Walsh c Canada, 2007 CAF 222, [2007] 4 CTC 73 (CAF), la Cour d’appel fédérale a énoncé les conditions suivantes qui s’appliquent lorsque le ministre cherche à s’appuyer sur le paragraphe 152(9) :

1)         Le ministre ne peut pas inclure de transactions non comptées dans la nouvelle cotisation du contribuable.

2)         Le droit du ministre de proposer un autre argument à l’appui d’une cotisation est assujetti aux alinéas 152(9)a) et b), qui ont trait au préjudice causé au contribuable.

3)         Le ministre ne peut pas invoquer le paragraphe 152(9) pour établir une nouvelle cotisation au‑delà du délai prévu au paragraphe 152(4) de la Loi ou pour percevoir un impôt dépassant le montant de la cotisation contestée.

[10]        Dans la présente requête, seules les deux premières conditions sont pertinentes.

[11]        En ce qui a trait à la première condition d’application du paragraphe 152(9), on peut dire que, pour établir la cotisation visant l’appelante, le ministre s’est appuyé sur les hypothèses de fait relatées aux points h), i), j) et k) du paragraphe 7 de la réponse, lesquels concernaient l’appelante, M. Wetelainen et BLIG. Il ressort de ces hypothèses ainsi que des autres hypothèses soulevées que le lendemain de l’achat de la Cadillac à Courtesy Chevrolet pour la somme de 68 543,72 $, M. Wetelainen a transféré ce véhicule à l’appelante, soit le même jour que BLIG a émis le chèque libellé à son ordre et signé par l’appelante[1]. De plus, le jour suivant, l’appelante a déposé le chèque dans le compte bancaire de M. Wetelainen, qui s’est alors procuré auprès de sa banque une note de crédit de 64 232,87 $, payable à Courtesy Chevrolet.

[12]        On peut donc constater que les modifications proposées n’incluent pas une transaction différente de celles qui ont servi à établir la cotisation. À mon avis, les transactions qui ont servi à établir la cotisation n’étaient pas limitées – comme le soutient l’appelante – et intéressaient uniquement la Cadillac (transfert, enregistrement et juste valeur marchande), mais il y avait d’autres transactions, notamment le chèque libellé à l’ordre de M. Wetelainen que BLIG a émis le jour du transfert de la Cadillac, la signature du chèque par l’appelante et le dépôt par cette dernière du chèque dans le compte bancaire de M. Wetelainen, ainsi que les mesures subséquentes prises par M. Wetelainen. Toutes ces transactions sont à l’origine du revenu relativement auquel le ministre cherche à percevoir un impôt de l’appelante. Je note qu’il a été fait mention du chèque trois fois dans les hypothèses et je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas être considéré comme faisant partie des transactions servant à établir la cotisation.

[13]        Sur ce point, l’intimée satisfait à la première condition d’application du paragraphe 152(9) de la Loi.

[14]        J’examinerai maintenant la deuxième condition d’application et le deuxième motif d’opposition à la requête. L’avocat de l’appelante soutient que l’appelante subirait un préjudice si la requête de l’intimée était accueillie, parce que, le 11 septembre 2014, BLIG a été mise sous séquestre par suite du prononcé par la Cour supérieure de justice d’une ordonnance d’avis de mise sous séquestre. Par conséquent, il sera difficile d’obtenir des renseignements du séquestre, ce qui n’aurait pas été le cas avec BLIG[2]. Un affidavit confirmant la mise sous séquestre de BLIG a été produit à l’audience.

[15]        Les critères à prendre en considération par la Cour pour décider si elle doit autoriser une partie à modifier un acte de procédure sont énoncés dans l’arrêt Canderel Ltée c Canada, [1993] 3 CTC 213 (CAF), au paragraphe 10. La règle générale prévoit qu’une modification doit être autorisée à tout stade de l’instance pour définir les véritables questions en litige entre les parties, pourvu qu’il n’en résulte pas d’injustice pour la partie adverse et que la modification puisse être indemnisée par des dépens.

[16]        L’avis d’appel a été déposé auprès de la Cour le 29 août 2012 et signifié à l’intimée le 12 octobre 2012. La réponse a été déposée auprès de la Cour le 10 décembre 2012. Au moment où l’intimée a demandé par voie de requête l’autorisation de modifier sa réponse, l’affaire était prête à être instruite puisque toutes les étapes de l’instance avaient été franchies.

[17]        Il ressort du dossier de la requête présentée par l’intimée qu’une demande de consentement à la modification de la réponse, faite en bonne et due forme, a été envoyée à l’appelante par lettre datée du 26 septembre 2014 et jointe sous la cote B à l’affidavit déposé à l’appui de la requête de l’intimée. Je relève que la mise sous séquestre est antérieure à la demande de consentement.

[18]        Je conviens que la mise sous séquestre de BLIG posera des problèmes à l’appelante pour accéder à la preuve documentaire et à l’information pertinentes quant au chèque émis et qu’il ne convient pas d’ordonner la production des éléments de preuve dans les circonstances. De plus, négocier avec le séquestre pourrait rendre difficile la réunion des éléments de preuve concernant BLIG. Je suis d’avis que, dans ces circonstances, l’appelante subirait un préjudice.

[19]        M’appuyant sur le critère consacré par la jurisprudence Walsh, je conclus que, même si l’intimée remplit la première condition, les circonstances liées à la mise sous séquestre causeraient vraisemblablement préjudice à l’appelante sur le plan de la preuve. Par conséquent, la deuxième condition d’application du paragraphe 152(9) de la Loi n’a pas été respectée, et l’intimée ne peut ainsi soulever le nouvel argument détaillé dans la réponse modifiée proposée.

[20]        Comme il n’y a pas eu opposition à la modification énoncée au paragraphe 13 de la réponse modifiée proposée, cette modification sera acceptée dans le cadre d’une réponse modifiée que l’intimée devra déposer dans un délai de 15 jours suivant la date de la présente ordonnance.

[21]        Par les motifs exposés précédemment, la requête présentée par l’intimée en vue d’obtenir l’autorisation de modifier sa réponse à l’avis d’appel par l’ajout des paragraphes 8c), 9 et 18 à la réponse modifiée proposée est rejetée. Les dépens de la présente requête suivront l’issue de la cause.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de février 2015.

« K. Lyons »

Juge Lyons

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de juillet 2015.

François Brunet, réviseur.


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 33

NO DE DOSSIER DE LA COUR :

2012-3636(IT)G

INTITULÉ :

DAWN MCKAY ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Thunder Bay (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 novembre 2014

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

L’honorable juge K. Lyons

DATE DE L’ORDONNANCE :

Le 6 février 2015

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelant :

Me Brian MacIvor

Me Shannon Nelson

Avocat de l’intimée :

Me Andrew Miller

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Brian MacIvor

 

Cabinet :

MacIvor Harris Roddy LLP

Thunder Bay (Ontario)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]              Lorsque je parle du « chèque », je fais référence au montant de 75 000 $ précisé dans les hypothèses.

 

[2]              Dans ses observations, l’avocat de l’appelante a mentionné qu’il était déjà très difficile de négocier avec le séquestre.

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