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Dossier : 2012-481(GST)G

ENTRE :

SUN LIFE DU CANADA, COMPAGNIE D'ASSURANCE‑VIE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 22 septembre 2014, à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge John R. Owen


Comparutions :

Avocats de l'appelante :

Me Justin Kutyan

Me Vern Vipul

Avocat de l'intimée :

Me Khashayar Haghgouyan

 

JUGEMENT

L'appel interjeté à l'égard de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise, dont l'avis est daté du 1er mai 2009 et porte le numéro 071310187229G0002, pour la période de déclaration allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006, est accueilli, avec dépens en faveur de l'appelante, et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que Sun Life a droit à des crédits de taxe sur les intrants supplémentaires de 1 279 180,49 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de février 2015.

« J. R. Owen »

Le juge Owen

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de septembre 2015.

Yves Bellefeuille, réviseur


Référence : 2015 CCI 37

Date : 20150216

Dossier : 2012-481(GST)G

ENTRE :

SUN LIFE DU CANADA, COMPAGNIE D'ASSURANCE‑VIE,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Owen

I. Introduction

[1]             Le présent appel est interjeté par Sun Life du Canada, compagnie d'assurance‑vie (« Sun Life ») à l'égard d'une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la « LTA »), dont l'avis est daté du 1er mai 2009 et porte le numéro 071310187229G0002, pour la période de déclaration allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006. Dans la nouvelle cotisation, on a refusé certains des crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») que demandait Sun Life, soit des CTI de 1 279 180,49 $, de 53 700,33 $ et de 2 954,43 $. Sun Life s'est opposée et a interjeté appel à l'égard du premier montant de 1 279 180,49 $, mais ne s'est pas opposée et n'a pas interjeté appel à l'égard des deux autres montants. Par conséquent, seuls les CTI s'élevant au total à 1 279 180,49 $ sont en litige dans le présent appel. Selon la réponse modifiée à l'avis d'appel modifié (la « réponse »), le total de 1 279 180,49 $ comprend les montants suivants : (i) des CTI de 398 411,58 $ demandés pour la période de déclaration terminée le 31 décembre 2006; (ii) des CTI de 484 020,97 $ demandés à titre de rajustement rétroactif pour la période de déclaration terminée le 31 décembre 2005; (iii) des CTI de 396 747,96 $ demandés à titre de rajustement rétroactif pour la période de déclaration terminée le 31 décembre 2004[1].

II. Les faits

[2]             Sun Life a appelé à témoigner M. Stéphane Coutu. M. Coutu est CA et CPA et occupe le poste de vice‑président adjoint du service des impôts indirects et des prix de transfert chez Sun Life. L'intimée a appelé à témoigner M. Gilles Lazure. M. Lazure travaille à l'Agence du revenu du Québec (ou « Revenu Québec ») et s'occupe de la vérification de compagnies d'assurances depuis 1985. L'Agence du revenu du Québec est chargée d'administrer la taxe fédérale sur les produits et services (la « TPS ») dans la province de Québec. Les parties ont également produit en preuve un recueil conjoint de documents comprenant neuf onglets et désigné comme pièce A‑1 (le « recueil conjoint »).

[3]             Sun Life est une société constituée sous le régime des lois du Canada qui exploite une compagnie d'assurance. Sun Life vend une gamme de produits et de services financiers surtout axés sur les assurances, mais qui comprennent aussi des produits de gestion de patrimoine, comme des produits d'investissement et de retraite (collectivement, les « produits financiers »). Les produits financiers sont vendus en utilisant de nombreuses méthodes, notamment par l'intermédiaire d'entrepreneurs indépendants appelés conseillers commerciaux (les « conseillers »). La vente des produits financiers de Sun Life est considérée comme étant la fourniture d'un service financier qui est une fourniture exonérée selon la partie VII de l'annexe V de la LTA.

[4]             Sun Life exploite des centres financiers partout au Canada, qui se concentrent sur la vente de produits financiers. Les centres financiers comprennent des employés de Sun Life et des conseillers. L'espace occupé par les centres financiers est loué de tiers propriétaires, et Sun Life paye la TPS sur le loyer versé pour chaque centre financier ainsi que sur toutes les dépenses locatives associées à ceux‑ci.

[5]             Le loyer versé par Sun Life aux tiers propriétaires varie d'un endroit à l'autre, mais il comprend généralement un loyer de base, un loyer additionnel et, dans certains cas, d'autres frais. Le loyer de base est un montant annuel par pied carré. Le loyer additionnel comprend la part de Sun Life des dépenses supportées par le propriétaire, notamment les coûts de fonctionnement de l'immeuble, l'impôt foncier, les services de nettoyage et d'entretien, les frais d'électricité, de chauffage et de climatisation ainsi que tous les autres frais convenus. Le montant du loyer additionnel peut être exprimé comme un montant annuel par pied carré.

[6]             Un exemple de bail à l'onglet 7 du recueil conjoint décrit la location d'un espace à Brossard, au Québec, comprenant une surface utilisable de 8 855 pieds carrés et dont la portion des aires communes utilisées par Sun Life correspond à 1 328 pieds carrés, pour une superficie totale louée de 10 183 pieds carrés. Le loyer exigé comprend le loyer de base de 11,75 $ le pied carré par année et le loyer additionnel estimé d'environ 10 $ le pied carré par année. Le loyer de base et le loyer additionnel estimé sont appliqués à la superficie totale de 10 183 pieds carrés pour déterminer le montant que Sun Life doit payer. Le bail comporte un addenda augmentant la superficie totale louée à 12 454 pieds carrés, augmentant la durée du bail de trois ans et augmentant le loyer de base à 12,15 $ le pied carré par année. Aucune estimation n'est fournie relativement au loyer additionnel, mais la part de Sun Life des dépenses supportées par le propriétaire qui est ajoutée au loyer additionnel est établie à 17,79 % de ces frais.

[7]             Un tableau à l'alinéa 32h) de la réponse, que M. Coutu a accepté, résume ainsi les renseignements concernant l'espace total loué par Sun Life pour ses centres financiers (collectivement, l'« espace loué ») ainsi que la TPS payée sur le loyer pour l'espace loué :

 

Espace loué par l'appelante (en pieds carrés)

TPS payée par l'appelante

2004

742 298

1 298 125 $

2005

714 674

1 485 882 $

2006

712 789

1 303 551 $

[8]             Les conseillers ont le droit de louer un espace dans les centres financiers de Sun Life, mais ne sont pas obligés de le faire. Sun Life estime qu'environ 50 % des conseillers louent un espace et que l'espace ainsi loué occupe généralement une superficie de 100 à 140 pieds carrés.

[9]             L'entente de location est mise en œuvre au moyen d'un sous‑bail entre le conseiller et Sun Life ou un prédécesseur de Sun Life. Les conditions financières du sous‑bail sont fixées dans un courriel au conseiller, auquel il est fait référence dans le corps du sous‑bail. Généralement, le loyer est calculé selon la superficie du bureau du conseiller en pieds carrés, multiplié par un taux mensuel par pied carré, plus la TPS. Le conseiller est aussi tenu de payer des frais mensuels pour le téléphone et la connexion Ethernet dans le bureau loué. En contre‑interrogatoire, M. Coutu a reconnu que, même si un conseiller loue un bureau précis dans un centre financier, aux termes du sous‑bail, le conseiller dispose d'un accès complet au centre financier ainsi qu'aux aires communes de l'immeuble et entre dans le centre financier par la même entrée que les employés de Sun Life.

[10]        L'onglet 8 du recueil conjoint comprend une copie d'un sous‑bail relatif au bureau d'un conseiller dans le centre financier de Brossard ayant une superficie de 123 pieds carrés et loué au taux de 2,66 $ le pied carré par mois, ou de 31,92 $ le pied carré par année, plus les taxes applicables. M. Coutu a déclaré que la différence entre le taux exigé du conseiller, qui est d'environ 32 $ le pied carré par année, et le taux payé par Sun Life, qui est d'environ 23 $ le pied carré par année, constituait une tentative pour Sun Life de récupérer du conseiller le coût réel du bureau. M. Coutu a aussi affirmé que, si une quelconque réduction était consentie sur le loyer demandé au conseiller comparativement au coût réel du bureau pour Sun Life, celle‑ci était minime. Pendant le contre‑interrogatoire, M. Coutu a expliqué que la situation décrite au paragraphe 20 de l'avis d'appel modifié, où il est précisé que la contrepartie payable par les conseillers à Sun Life est moins grande que la contrepartie payable par Sun Life à ses propriétaires, découle du fait que Sun Life ne réussit pas toujours à récupérer la totalité des coûts réels liés à l'espace loué aux conseillers, mais que la [TRADUCTION] « quasi‑totalité » de ces coûts sont récupérés[2].

[11]        Un tableau à l'alinéa 32p) de la réponse, que M. Coutu a accepté, résume ainsi les renseignements concernant l'espace loué par les conseillers chaque année :

 

Espace sous‑loué par l'appelante aux conseillers (en pieds carrés)

TPS exigée par l'appelante

2004

210 008

338 994 $

2005

207 804

351 605 $

2006

194 381

316 218 $

[12]        Chaque centre financier comporte un ou plusieurs employés de Sun Life qui sont chargés de superviser le centre financier et d'offrir du soutien aux conseillers. Il revient à ces employés de recruter les conseillers, et, comme il y a un roulement élevé de conseillers, une partie importante du rôle de ces employés consiste à recruter et à soutenir les nouveaux conseillers. Selon M. Coutu, l'accent est toujours mis sur le recrutement de conseillers, non sur la location d'un espace aux conseillers.

[13]        Monsieur Coutu a affirmé que le modèle de Sun Life vise un rapport, dans chaque centre financier, d'un employé de Sun Life pour huit conseillers. Ce rapport dicte l'espace dans chaque centre financier que Sun Life estime pouvoir offrir aux conseillers. En moyenne, une partie de l'espace alloué aux conseillers est vacant. Un tableau à l'alinéa 32r) de la réponse, que M. Coutu a accepté, résume ainsi les renseignements concernant l'espace laissé vacant chaque année :

 

Espace vacant (en pieds carrés)

2004

83 566

2005

82 924

2006

81 932

[14]        Monsieur Coutu a témoigné que la superficie de l'espace vacant varie d'un centre financier à l'autre et qu'elle constitue l'espace réservé aux nouveaux conseillers qui choisissent de louer un espace à Sun Life, de façon à ce que les centres financiers puissent croître. La variabilité du taux d'inoccupation d'un centre financier à l'autre en 2004, en 2005 et en 2006 est présentée dans trois tableaux aux onglets 1, 2 et 3 du recueil conjoint dans une colonne intitulée [TRADUCTION] « Espace vacant exprimé en pourcentage de la superficie totale louée ».

[15]        Lors du contre‑interrogatoire, M. Coutu a reconnu que le taux d'inoccupation pourrait atteindre 50 % s'il était mesuré en tant que pourcentage de la superficie pouvant être louée aux conseillers plutôt qu'en tant que pourcentage de la superficie totale louée. M. Coutu a aussi affirmé que l'espace vacant ne pouvait pas être loué à une personne qui n'est pas un conseiller, mais qu'un bureau vacant pouvait être utilisé par un employé de Sun Life et que, le cas échéant, il n'était plus considéré comme un espace réservé aux conseillers. Si la superficie d'un centre financier était jugée trop vaste pour les besoins de Sun Life, l'espace excédentaire pouvait être rendu au propriétaire ou il pouvait être séparé physiquement et sous‑loué. M. Coutu ne savait pas si une telle chose s'était produite pendant les périodes visées.

[16]        En établissant sa déclaration de TPS pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2004 et du 1er janvier au 31 décembre 2005, Sun Life a demandé des CTI relativement à l'espace sous‑loué aux conseillers d'un montant égal à la TPS payée par les conseillers sur le loyer imposé pour l'espace dans les centres financiers. M. Coutu a expliqué que Sun Life n'avait pas les renseignements requis pour demander des CTI plus élevés et que l'utilisation de la TPS perçue était un [TRADUCTION] « bon fondement » pour demander certains CTI[3]. Sun Life a par la suite révisé sa demande de CTI pour 2004 et 2005 et a utilisé la méthode révisée en 2006, ce qui a entraîné la demande de CTI supplémentaires de 1 279 180,49 $, qui est l'objet du présent appel.

[17]        En ce qui concerne la nouvelle méthode de calcul des CTI, en 2006, Sun Life a commencé à mesurer la dimension physique de certains de ses centres financiers pour dresser un portrait plus clair de l'utilisation réelle de l'espace. Au départ, Sun Life a préparé un plan pour 11 centres financiers, qui divisait l'espace en quatre catégories et présentait la superficie pour chaque catégorie (les 11 diagrammes sont reproduits à l'onglet 6 du recueil conjoint) : (1) l'espace utilisé par les conseillers, ou réservé à leur usage (en jaune); (2) l'espace utilisé par Sun Life (en bleu); (3) l'espace utilisé autant par Sun Life que par les conseillers (en rose); (4) le couloir intérieur et les corridors (montrés de différentes façons en vert). En plus des quatre catégories d'espace aux couleurs variées, les aires communes de l'immeuble, comme les ascenseurs, les escaliers, les toilettes et les couloirs publics, sont indiquées sans couleur.

[18]        La superficie pour chaque catégorie a été déterminée et, pour les troisième et quatrième catégories ainsi que les aires communes publiques, elle a été répartie entre les conseillers et Sun Life. Les 11 exemples ont été utilisés afin d'estimer l'espace utilisé dans chaque centre financier pour 2004, 2005 et 2006. M. Coutu a affirmé que, pour les années suivantes, Sun Life avait mesuré chaque centre financier afin de ne pas avoir à se fier à des estimations[4].

[19]        La méthode de calcul révisée des CTI de Sun Life pour les années 2004, 2005 et 2006 est présentée dans les feuilles de calcul reproduites aux onglets 1, 2 et 3 du recueil conjoint et dans les documents à l'appui se trouvant aux onglets 4 et 5 du recueil conjoint. M. Coutu a expliqué cette méthode en se fondant sur le calcul des CTI pour le centre financier de Toronto Est pour l'année 2004, qui se trouve à l'onglet 1, page 2, du recueil conjoint :

          La colonne A, intitulée [TRADUCTION] « Total loyer/entretien », fait état du loyer total payé pour le centre financier en 2004, qui est de 520 188 $ pour le centre financier de Toronto Est.

          La colonne B, intitulée [TRADUCTION] « TPS payée sur le loyer selon le GLG », fait état de la TPS totale payée sur le loyer précisé dans la colonne A, qui est de 33 279,15 $ pour le centre financier de Toronto Est.

          La colonne C, intitulée [TRADUCTION] « Dépenses locatives », fait état de toutes les autres dépenses supportées par Sun Life relativement au centre financier, comme les frais d'entretien (M. Coutu n'était pas certain des détails). Le montant mentionné est de 741 $.

          La colonne D, intitulée [TRADUCTION] « Coût en capital locatif », n'est pas expliquée, mais elle semble comprendre toutes les dépenses en capital de Sun Life liées aux baux.

          La colonne E, intitulée [TRADUCTION] « Total des frais locatifs », n'est pas expliquée, mais elle est décrite sous le titre comme étant la somme des colonnes C et D et s'élève à 741 $ pour le centre financier de Toronto Est.

          La colonne F, intitulée [TRADUCTION] « TPS calculée sur les frais locatifs », n'est pas expliquée, mais elle est décrite sous le titre comme étant le montant de la colonne E, multiplié par 7/115, et s'élève à 45,10 $ pour le centre financier de Toronto Est.

          La colonne G, intitulée [TRADUCTION] « Total de la TPS sur le loyer et les frais locatifs », fait état du montant total de TPS payable par Sun Life pour la location du centre financier. Elle est décrite sous le titre comme étant la somme des colonnes B et F et s'élève à 33 324,25 $ pour le centre financier de Toronto Est.

          La colonne H, intitulée [TRADUCTION] « Superficie louée en pieds carrés », fait état de la superficie en pieds carrés louée par Sun Life au propriétaire, comme le précise le bail visé; elle est de 16 550 pieds carrés pour le centre financier de Toronto Est. Sun Life n'a pas expliqué pourquoi ce nombre diffère des 11 500 pieds carrés mentionnés sur le plan pour ce centre financier à l'onglet 6, page 22, du recueil conjoint. Seuls les plans pour les centres de Hamilton et de Barrie comprenaient aussi un nombre pour la superficie louée et, dans les deux cas, il différait du nombre figurant dans la colonne H — l'un étant plus petit et l'autre plus grand.

          La colonne I, intitulée [TRADUCTION] « Superficie en pieds carrés disponible aux fins de location aux conseillers », fait état de la superficie totale du centre financier que peuvent louer les conseillers, y compris l'espace vacant, soit 5 838 pieds carrés pour le centre financier de Toronto Est. Il s'agit de l'espace en jaune dans le plan du centre financier de Toronto Est à l'onglet 6 du recueil conjoint. Le pourcentage de l'espace vacant figure dans une colonne adjacente non désignée intitulée [TRADUCTION] « Espace vacant exprimé en pourcentage de la superficie totale louée » et il s'élève à 13,06 %. M. Coutu a admis qu'il y avait un petit écart entre la superficie de 5 838 pieds carrés figurant dans la colonne I et la superficie de 5 948 pieds carrés figurant dans le plan du centre financier de Toronto Est, à l'onglet 6 du recueil conjoint. Il a laissé entendre que le nombre figurant dans la colonne I représentait la superficie de l'espace en jaune sur le plan réellement disponible à la location pour les conseillers.

          La colonne non désignée intitulée [TRADUCTION] « Espace vacant exprimé en pourcentage de la superficie totale louée » fait état du taux d'inoccupation du centre financier par rapport à la superficie totale louée; il est de 13,06 % pour le centre financier de Toronto Est.

          La colonne J, intitulée [TRADUCTION] « Superficie en pieds carrés des éléments communs particuliers attribuée aux conseillers », fait état de la partie de l'espace utilisé conjointement par Sun Life et les conseillers (l'espace en rose dans le plan à l'onglet 6 du recueil conjoint) allouée aux conseillers, exprimée en pieds carrés. L'attribution a été effectuée pièce par pièce, mais, dans l'ensemble, 65 % des aires communes sont alloués aux conseillers, soit 534 pieds carrés pour le centre financier de Toronto Est. Pour les centres financiers qui n'ont pas été mesurés, on suppose que les aires communes totales représentent une superficie de 664 pieds carrés, ce qui correspond à la moyenne dans les 11 centres financiers qui ont été mesurés. La superficie allouée aux conseillers représente 65 % de 664 pieds carrés, ou 431 pieds carrés. La justification de l'attribution des aires communes est énoncée à l'onglet 4 du recueil conjoint, et est ainsi exprimée :

[TRADUCTION]

Salle des télécommunications – Cette pièce comprend l'équipement et les services connexes afin de répondre aux besoins en télécommunications des bureaux. Cet espace est alloué en utilisant l'espace moyen occupé par les conseillers exprimé en pourcentage de l'espace total occupé.

Salle de conclusion – Il s'agit d'une salle de réunion où les conseillers indépendants rencontrent leurs clients pour finaliser ou conclure une vente. Elle est allouée aux conseillers à 100 %.

Salle de réception – Cet espace est alloué aux conseillers en utilisant l'espace moyen occupé par les conseillers exprimé en pourcentage de l'espace total occupé.

Salle des fournitures – Salle réservée à l'entreposage de la papeterie et des fournitures de bureau. Elle est allouée aux conseillers à un taux de 50 % plutôt qu'à un taux moyen.

Cuisine – Cette salle est allouée aux conseillers en utilisant l'espace moyen occupé par les conseillers exprimé en pourcentage de l'espace total occupé.

Zone de travail – Aire pour les agents qui n'occupent pas de bureau dans l'immeuble. Aucune contrepartie n'est reçue des conseillers pour cette aire. Par conséquent, elle est entièrement allouée à la direction.

          La colonne K, intitulée [TRADUCTION] « Superficie totale mesurée en pieds carrés attribuée aux conseillers », est la somme des colonnes I et J, qui est de 6 372 pieds carrés pour le centre financier de Toronto Est.

          Une colonne non désignée, intitulée [TRADUCTION] « Aire commune majorée d'après le plan d'étage », établit la superficie du couloir intérieur exprimée en pourcentage de la superficie totale mesurée du centre financier. Dans le cas du centre financier de Toronto Est, cette superficie est de 2 176 pieds carrés divisés par 10 461 pieds carrés, ce qui donne 20,80 %. Cette colonne n'est pertinente que pour les 11 centres financiers qui ont été mesurés. Pour les autres, on utilise 12 %, ce qui, comme l'a souligné M. Coutu, est moins élevé que la moyenne de 26,02 % pour les centres financiers mesurés.

          La colonne L, intitulée [TRADUCTION] « Facteur de majoration des aires communes intérieures », est le résultat de la colonne K multipliée par un pourcentage permettant d'attribuer une partie du couloir intérieur aux conseillers. La description du calcul pour la colonne est incorrecte, mais j'ai supposé, d'après les nombres présentés, qu'il faudrait lire la colonne K multipliée par un plus 12 %, ou par un plus le pourcentage fondé sur les mesures réelles figurant dans la colonne précédente. Le calcul du pourcentage de majoration pour les centres financiers mesurés est décrit plus en détail à l'onglet 5 du recueil conjoint. Le résultat mentionné pour Toronto Est est de 7 697 pieds carrés, soit 6 372 multiplié par 1,208.

          La colonne M, intitulée [TRADUCTION] « Facteur de majoration moyen de l'ensemble de l'immeuble », fait état du rapport, exprimé en pourcentage, entre les aires communes de l'immeuble attribuées à Sun Life suivant le bail concerné et la superficie utilisable mentionnée dans le bail. Par exemple, le bail pour le centre financier de Brossard reproduit à l'onglet 7, page 27, du recueil conjoint énonce à l'article 1.01 que l'espace loué comprend une superficie utilisable de 8 855 pieds carrés et 1 328 pieds carrés additionnels de l'aire commune de l'immeuble, tel qu'il est précisé à l'alinéa 8.01g), ce qui donne une superficie totale louée de 10 183 pieds carrés. Il en découle un rapport de 1 328 divisé par 8 855, ou environ 15 %. Selon M. Coutu, si le bail n'appuyait pas ce calcul, on utilisait 5 %. Le facteur de majoration utilisé pour Toronto Est est de 12 %. Voici ce qu'indique une note accompagnant la colonne :

[TRADUCTION]

Le facteur de majoration de l'immeuble est un facteur précis fourni par le propriétaire pour tenir compte des aires communes de l'immeuble. Dans le cas où les bureaux de Sun Life ont pignon sur rue, il n'y a pas d'aires communes de l'immeuble. Toutefois, en pareil cas, il y a généralement un espace intérieur commun additionnel. Par conséquent, Sun Life a conclu que la majoration des aires communes est insuffisante et ajoute un facteur supplémentaire de 5 %. Les aires communes intérieures et la majoration de l'immeuble sont toutes deux comprises dans la superficie totale louée.

          La colonne N, intitulée [TRADUCTION] « Superficie de l'immeuble majorée », fait état du résultat de la multiplication de la colonne L par la colonne M, en pieds carrés, qui est de 924 pieds carrés pour le centre financier de Toronto Est.

          La colonne O, intitulée [TRADUCTION] « Superficie totale avec majoration de l'immeuble », fait état de la somme des colonnes L et N et représente la superficie totale attribuable aux conseillers. Le résultat mentionné pour le centre financier de Toronto Est est de 8 621 pieds carrés, soit 7 697 plus 924.

          La colonne P, intitulée [TRADUCTION] « Pourcentage des intrants allouables aux conseillers », fait état du résultat, exprimé en pourcentage, de la division de la colonne O par la colonne H. Pour le centre financier de Toronto Est, le calcul est 8 621 divisé par 16 550, ce qui donne 52,09 %.

          La colonne Q, intitulée [TRADUCTION] « TPS allouée aux conseillers », fait état du résultat, en dollars, de la multiplication de la colonne P par la colonne G. Pour le centre financier de Toronto Est, le calcul est 52,09 % multiplié par 33 324,25 $, ce qui donne 17 358,94 $[5].

[20]        En résumé, Sun Life a déterminé ce qu'elle considère être la superficie acquise à l'usage des conseillers dans chaque centre financier (y compris la superficie de l'espace vacant réservé à cette fin) et a ensuite majoré cette superficie selon trois facteurs visant à attribuer aux conseillers leur part (1) des aires communes au sein du centre financier, (2) des couloirs intérieurs et des corridors du centre financier, (3) des aires communes de l'immeuble attribuées à Sun Life dans le bail lié au centre financier (par souci de clarté, je ferai référence à ces aires collectivement en les appelant les aires communes). La superficie totale ainsi allouée aux conseillers est ensuite divisée par la superficie totale louée afin d'obtenir le pourcentage de la TPS payée par Sun Life sur le loyer et les dépenses locatives attribuable aux conseillers.

[21]        Monsieur Coutu a affirmé que la méthode susmentionnée utilisée pour l'année 2004 a aussi été utilisée pour les années 2005 et 2006. Les calculs pour ces périodes se trouvent aux onglets 2 et 3 du recueil conjoint, respectivement. M. Coutu a témoigné que, pour l'année 2007 et les années suivantes, Sun Life a utilisé les mesures réelles pour chaque centre financier et que, par conséquent, les CTI totaux demandés par Sun Life ont augmenté. Selon M. Coutu, cette situation découlait des pourcentages prudents utilisés pour calculer les aires communes. Comme les pourcentages réels étaient en moyenne plus élevés, le pourcentage de la superficie en pieds carrés louée attribué aux conseillers était généralement plus élevé lorsque les mesures réelles étaient utilisées pour chaque centre financier.

[22]        Le témoin de l'intimée, M. Lazure, a affirmé que sa vérification sur place du centre financier de Brossard a confirmé que les conseillers louaient un bureau précis auquel ils accédaient par l'entrée principale du centre financier et que les conseillers avaient accès aux aires communes.

[23]        Monsieur Lazure a déclaré dans son témoignage que Revenu Québec ne remettait pas en question les mesures prises par Sun Life. Pour Revenu Québec, le problème qui se posait concernait la tentative, par Sun Life, de demander des CTI relativement à un espace loué d'un tiers pour que Sun Life puisse exploiter une entreprise de services financiers. Plus précisément, Revenu Québec est d'avis que la seule preuve de l'utilisation de cet espace par Sun Life en vue d'effectuer une fourniture taxable se trouve dans la sous‑location d'un bureau particulier aux conseillers. Tout espace n'étant pas sous‑loué aux conseillers était utilisé par Sun Life pour l'exploitation de son entreprise de services financiers et non en vue d'effectuer des fournitures taxables. Par conséquent, il n'était pas raisonnable pour Sun Life de demander des CTI pour quelque partie de cet espace que ce soit.

A. La thèse de l'appelante

[24]        Sun Life prétend que les CTI qu'elle peut demander relativement à la réception de fournitures taxables des tiers propriétaires ne se limitent pas à la TPS perçue auprès des conseillers en raison de la fourniture taxable d'un espace aux conseillers. La détermination des CTI est plutôt fonction d'un critère indépendant étroit fondé sur l'objet et axé sur chaque fourniture précise, afin d'établir si la fourniture a été effectuée dans le cadre d'une activité commerciale et si elle peut être rattachée à un intrant en particulier. Le but de l'intrant visé permet de savoir si celui‑ci est lié à la réalisation de fournitures taxables ou exonérées. Lorsqu'un inscrit comme Sun Life acquiert ou utilise des intrants (comme l'espace loué) pour effectuer des fournitures à la fois taxables (sous‑location d'une partie de l'espace loué aux conseillers) et exonérées (vente de produits financiers), la LTA limite la demande des CTI de façon qu'il ne soit tenu compte que de la TPS payée sur les intrants acquis afin d'effectuer des fournitures taxables. Il revient toutefois à Sun Life de choisir une méthode de répartition juste et raisonnable et de l'utiliser tout au long de l'exercice. Il n'existe pas de règle qui exige l'utilisation d'une méthode particulière et, une fois que Sun Life a choisi une méthode juste et raisonnable et l'applique de façon constante, le ministre n'a pas le droit de remplacer cette méthode par une méthode de son choix simplement parce qu'il croit que cette méthode est préférable, ou même que c'est la meilleure.

[25]        Sun Life affirme que la méthode qu'elle a choisie est juste et raisonnable, puisque, pour déterminer le montant des CTI, elle se fondait sur la superficie de l'espace acquis pour effectuer des fournitures aux conseillers. L'inclusion de l'espace vacant dans l'espace acquis pour la réalisation de fournitures taxables était juste et raisonnable pour trois raisons. Premièrement, Sun Life avait l'intention de sous‑louer l'espace vacant aux conseillers. Deuxièmement, l'inclusion de cet espace en raison de l'utilisation prévue respecte le texte et le contexte des paragraphes 169(1) et 141.01(2) de la LTA. Finalement, l'espace vacant ne représentait que 11 % de l'espace total loué par Sun Life. L'inclusion des trois majorations à la superficie acquise afin d'effectuer des fournitures taxables était juste et raisonnable, car, sans ces rajustements, le résultat présenterait une vision irréaliste de la façon dont l'espace était utilisé par les conseillers. De plus, Sun Life fait valoir que les majorations étaient compatibles avec la démarche suivie par la Cour canadienne de l'impôt dans la décision Bay Ferries Limited c. La Reine, 2004 CCI 663, et par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Ville de Magog c. La Reine, 2001 CAF 210.

B. La thèse de l'intimée

[26]        L'intimée affirme que les faits et les nombres présentés dans le présent appel ne sont pas contestés. L'intimée est simplement d'avis que la méthode choisie par Sun Life n'est pas une méthode « juste et raisonnable » pour déterminer dans quelle mesure l'espace loué a été acquis dans le but d'effectuer, pour une contrepartie, des fournitures taxables. L'intimée soutient que l'activité principale de Sun Life est la fourniture de services financiers, ce qui est une fourniture exonérée selon la LTA et ne donne pas droit à des CTI. Sun Life exerce aussi une activité complémentaire, soit la sous-location de bureaux aux conseillers.

[27]        L'intimée affirme que, bien qu'il ne fasse aucun doute que la sous‑location de bureaux aux conseillers est une fourniture taxable pour laquelle Sun Life a droit à des CTI, la méthode choisie pour déterminer ces CTI ne tient pas compte du fait que les efforts de Sun Life ne sont pas axés sur la sous‑location de l'espace, mais bien sur le recrutement des conseillers, qui peuvent décider de sous‑louer ou non un espace à Sun Life. L'intention de sous‑louer l'espace vacant est donc secondaire par rapport à l'intention de recruter des conseillers afin qu'ils vendent des produits financiers pour Sun Life. L'intimée allègue que les conseillers jouent deux rôles. D'une part, ils sont des locataires de Sun Life. D'autre part, ils sont des travailleurs qui aident Sun Life à mener à bien ses activités liées à la vente de produits financiers. Selon l'intimée, l'attribution des aires communes à la fourniture taxable d'un espace aux conseillers ne prend pas en considération le fait que les conseillers utilisent les aires communes non pas parce qu'ils sont des locataires, mais parce qu'ils vendent des produits financiers pour le compte de Sun Life. L'intimée dit que cela ressort très clairement de l'attribution de la salle de conclusion à la fourniture taxable d'un espace aux conseillers. Lorsqu'ils utilisent cet espace, les conseillers n'agissent pas à titre de locataires, mais plutôt de vendeurs de produits financiers pour Sun Life.

[28]        À l'appui de cette thèse, l'intimée souligne le fait que le pourcentage de l'espace vacant est considérable comparativement à l'espace réellement sous‑loué aux conseillers et que rien ne prouve que Sun Life ait tenté de réduire l'espace qu'elle loue des tiers propriétaires. En outre, Sun Life a admis qu'elle ne voulait pas louer l'espace vacant à d'autres personnes que des conseillers. L'intimée soutient que cette situation est donc différente de celle d'un propriétaire dont les activités consistent à sous‑louer des locaux, mais dont certains sont inoccupés en raison de la situation économique. Elle affirme aussi que l'assertion de Sun Life selon laquelle l'ensemble de l'espace vacant est réservé aux conseillers écarte la possibilité que cet espace soit utilisé à une autre fin, comme son occupation par un employé de Sun Life.

III. Le droit applicable

[29]        Les dispositions légales de la LTA pertinentes en l'espèce sont ainsi formulées :

123(1)

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

a) l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées [...]

« fourniture exonérée » Fourniture figurant à l'annexe V.

Annexe V, partie VII – Services financiers

1. La fourniture de services financiers qui ne figurent pas à la partie IX de l'annexe VI.

« fourniture taxable » Fourniture effectuée dans le cadre d'une activité commerciale.

165(1) Taux de la taxe sur les produits et services — Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l'acquéreur d'une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 5 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

169(1) Règle générale — Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d'une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu'elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable :

A × B

où :

A         représente la taxe relative à la fourniture, à l'importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu'elle soit devenue payable;

B         [...]

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l'a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

141.01(1) Définition de « initiative » — Au présent article, constituent les initiatives d'une personne :

a) ses entreprises;

b) ses projets à risque et ses affaires de caractère commercial;

c) la réalisation de fournitures d'immeubles lui appartenant, y compris les actes qu'elle accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures.

[...]

(2) Acquisition afin d'effectuer une fourniture — La personne qui acquiert ou importe un bien ou un service, ou le transfère dans une province participante, pour consommation ou utilisation dans le cadre de son initiative est réputée, pour l'application de la présente partie, l'acquérir, l'importer ou le transférer dans la province, selon le cas, pour consommation ou utilisation :

a) dans le cadre de ses activités commerciales, dans la mesure où elle l'acquiert, l'importe ou le transfère dans la province afin d'effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable dans le cadre de l'initiative;

b) hors du cadre de ses activités commerciales, dans la mesure où elle l'acquiert, l'importe ou le transfère dans la province :

(i) afin d'effectuer, dans le cadre de l'initiative, une fourniture autre qu'une fourniture taxable effectuée pour une contrepartie,

(ii) à une fin autre que celle d'effectuer une fourniture dans le cadre de l'initiative.

(3) Utilisation afin d'effectuer une fourniture — La consommation ou l'utilisation d'un bien ou d'un service par une personne dans le cadre de son initiative est réputée, pour l'application de la présente partie, se faire :

a) dans le cadre des activités commerciales de la personne, dans la mesure où elle a pour objet la réalisation, pour une contrepartie, d'une fourniture taxable dans le cadre de l'initiative;

b) hors du cadre des activités commerciales de la personne, dans la mesure où elle a pour objet :

(i) la réalisation, dans le cadre de l'initiative, d'une fourniture autre qu'une fourniture taxable effectuée pour une contrepartie,

(ii) une autre fin que la réalisation d'une fourniture dans le cadre de l'initiative.

[...]

(5) Méthodes de mesure de l'utilisation — Sous réserve de l'article 141.02, seules des méthodes justes et raisonnables et suivies tout au long d'un exercice peuvent être employées par une personne au cours de l'exercice pour déterminer la mesure dans laquelle :

a) la personne acquiert, importe ou transfère dans une province participante des biens ou des services afin d'effectuer une fourniture taxable pour une contrepartie ou à d'autres fins;

b) des biens ou des services sont consommés ou utilisés en vue de la réalisation d'une fourniture taxable pour une contrepartie ou à d'autres fins.

[30]        La version actuelle du paragraphe 141.01(5), figurant dans le recueil de jurisprudence et de doctrine de l'appelante, fait référence à l'article 141.02, a été adoptée en 2010 et s'applique aux exercices commencés après mars 2007. L'article 141.02 énonce les règles particulières liées à l'attribution des CTI pour les institutions financières comme Sun Life. Ces règles ne s'appliquaient pas pendant la période visée dans le présent appel.

IV. Analyse

[31]        Le régime général et l'objet des dispositions en matière de TPS de la LTA ont été expliqués ainsi par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt CIBC World Markets Inc. c. La Reine, 2011 CAF 270, [2013] 3 R.C.F. 3 :

A.        Aperçu du régime législatif

5          Je commencerai par un aperçu général des notions du régime dans son ensemble et de l'objet des dispositions de la Loi relatives à la TPS, fournissant ainsi le contexte pour interpréter les dispositions particulières en cause dans le présent appel.

1) L'objet des dispositions de la Loi relatives à la TPS

6          La TPS est une taxe à la consommation. Les dispositions de la Loi relatives à la TPS indiquent que le législateur voulait qu'elle soit payée par les consommateurs finaux des produits et des services. Le ministre a publié il y a plusieurs années un document technique sur la TPS qui le confirme (Canada, Ministère des Finances, Taxe sur les produits et services : document technique, Ottawa : Ministère des Finances, 1989).

2) La disposition clé en matière d'assujettissement : le paragraphe 165(1) de la Loi

7          Le paragraphe 165(1) de la Loi énonce une règle générale : ceux qui reçoivent des services ou des biens, comme des produits, dans le cadre d'une activité commerciale (appelés dans la Loi une « fourniture taxable ») sont tenus de payer la TPS.

3) Qui est assujetti à la TPS

8          La règle générale exposée au paragraphe 165(1) de la Loi s'applique à tous, même à ceux qui ne sont pas les consommateurs finaux.

9          Plus précisément, chaque acquéreur de biens et services taxables est potentiellement tenu de payer la TPS, même si, en tant qu'intermédiaire, il livre au bout du compte ces biens et services à d'autres. À titre d'exemple, un grossiste peut fournir des biens à un détaillant qui les fournit à son tour à un consommateur. Le détaillant est tenu de payer la TPS en vertu de la règle générale prévue au paragraphe 165(1).

10        Si le mécanisme s'arrêtait là, la TPS perdrait sa nature de taxe à la consommation imposée aux consommateurs finaux de biens et de services. Elle s'attacherait, pleinement, à chaque partie dans une série de transactions culminant avec la réception finale par les consommateurs.

4) Crédit de taxe sur les intrants : le concept général

11        La Loi empêche cette conséquence en donnant aux parties des crédits pour les « intrants » qu'elles reçoivent.

12        À titre d'exemple, en vue de vendre des produits à des consommateurs, un détaillant peut recevoir des « intrants », tels que des stocks. Le détaillant a besoin de ces « intrants » pour effectuer une fourniture de biens au consommateur. Selon l'activité commerciale particulière, il peut y avoir toutes sortes d'« intrants » nécessaires.

13        Évidemment, si dans l'exemple ci-dessus le détaillant ne recevait pas un crédit pour la TPS payée sur les intrants nécessaires pour effectuer une fourniture taxable de produits à un consommateur, la TPS serait imposée en entier au détaillant et, du reste, à tous les intermédiaires dans la chaîne de distribution. Si cela se produisait, la TPS perdrait sa nature de taxe à la consommation imposée au consommateur final de biens et de services.

14        Pour réaliser l'objet de taxer les consommateurs finaux de biens et de services, la Loi autorise des crédits de taxe pour les intrants que les parties reçoivent en vue d'effectuer une fourniture taxable. Ces crédits sont appelés crédits de taxe sur les intrants.

15        Comme nous l'avons vu, ces crédits de taxe sur les intrants permettent de préserver le caractère fondamental de la TPS à titre de taxe à la consommation imposée aux consommateurs finaux. Selon les mots du ministre (Agence du revenu du Canada, Série des mémorandums sur la TPS/TVH, 8.1 – Règles générales d'admissibilité, mai 2005, au paragraphe 1) :

Selon un principe fondamental sous-tendant la TPS/TVH, aucune taxe ne devrait être incorporée dans le prix de biens et de services qu'un inscrit acquiert, importe ou transfère dans une province participante en vue d'effectuer des fournitures taxables [...] dans le cadre de ses activités commerciales. Afin de voir à ce qu'un bien ou un service consommé, utilisé ou fourni dans le cadre d'activités commerciales ne soit pas assujetti à la TPS/TVH, les inscrits ont le droit de demander un CTI pour la TPS/TVH payée ou exigible sur un tel bien ou service. Les CTI permettent donc à chaque inscrit de récupérer la taxe engagée à son étape du processus de production et de distribution.

5) Les crédits de taxe sur les intrants : une complication supplémentaire

16        Une autre complication doit être mentionnée. Aux termes de la Loi, certaines fournitures ne sont pas taxables, soit parce qu'elles ne sont pas visées par le paragraphe 165(1) de la Loi, soit parce qu'elles sont autrement exemptées en vertu de la Loi.

17        Il se peut qu'une personne soit le fournisseur de biens et de services à la fois taxables et exemptés, mais il a droit à des crédits de taxe sur les intrants uniquement à l'égard des intrants se rapportant aux fournitures taxables.

18        Dans le cas où une personne est un fournisseur à la fois de fournitures taxables et exemptées, il est nécessaire de trouver une méthode limitant la demande de crédits de taxe sur les intrants pour refléter uniquement les biens et services acquis ou utilisés pour effectuer des fournitures taxables.

19        La Loi résout ce problème en autorisant les parties, au paragraphe 141.01(5), à adopter une méthode d'allocation générale.

20        Toutes les méthodes ne sont pas acceptables. Le paragraphe 141.01(5) prévoit que la méthode doit être « [juste] et [raisonnable] » et qu'elle doit être « [suivie] tout au long d'un exercice ». [...]

[32]        Le point de départ en l'espèce est le paragraphe 169(1). Pour que Sun Life puisse demander les CTI visés, l'espace loué aux tiers propriétaires pour héberger les centres financiers doit être acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre des activités commerciales de Sun Life. Les activités commerciales de Sun Life englobent toutes les activités exercées par l'entreprise, à l'exception des activités liées à la réalisation de fournitures exonérées par Sun Life. La définition d'« activité commerciale » est formulée de façon à ce que seule la partie des activités comportant la réalisation de fournitures exonérées ne fasse pas partie de la définition. La fourniture de services financiers par Sun Life est une fourniture exonérée, sauf si le service est visé par la partie IX de l'annexe VI.

[33]        Lorsque Sun Life acquiert un bien ou un service pour consommation ou utilisation dans le cadre d'une initiative[6], comme c'est le cas en l'espèce[7], selon le paragraphe 141.01(2), elle est réputée avoir acquis le bien ou le service pour consommation ou utilisation dans le cadre de ses activités commerciales, dans la mesure où elle acquiert le bien ou le service afin d'effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable dans le cadre de l'initiative. D'un autre côté, dans la mesure où Sun Life acquiert le bien ou le service (i) afin d'effectuer, dans le cadre de l'initiative, une fourniture autre qu'une fourniture taxable effectuée pour une contrepartie, ou (ii) à une fin autre que celle d'effectuer une fourniture dans le cadre de l'initiative, Sun Life est réputée avoir acquis le bien ou le service pour consommation ou utilisation hors du cadre de ses activités commerciales.

[34]        Le paragraphe 141.01(2) est axé sur la raison pour laquelle Sun Life acquiert un bien ou un service. Il revient à Sun Life d'expliquer l'objectif qu'elle poursuivait en faisant l'acquisition d'un bien ou d'un service, et cette explication ne doit pas être improbable ni déraisonnable (voir, dans l'ensemble, Canada c. Placer Dome Inc., [1997] 1 C.F. 780 (C.A.F.), au paragraphe 19).

[35]        Le paragraphe 141.01(5) présuppose qu'une acquisition particulière a plus d'un but et, dans un tel cas, il faut que la personne faisant l'acquisition du bien ou du service détermine la mesure dans laquelle le bien ou le service est acquis afin d'effectuer une fourniture taxable pour une contrepartie ou à d'autres fins. La méthode employée pour effectuer une telle détermination doit être juste et raisonnable et être suivie tout au long d'un exercice. Le paragraphe 141.01(5) exige donc que Sun Life choisisse une méthode juste et raisonnable pour déterminer la mesure dans laquelle elle acquiert un bien ou un service à double usage en vue d'effectuer une fourniture taxable pour une contrepartie ou à d'autres fins.

[36]        Une définition du mot anglais « fair » (juste) dans le dictionnaire Oxford English Dictionary (deuxième édition) laisse entendre que la méthode adoptée par Sun Life doit être équitable, honnête et impartiale (voir « fair », adverbe, (définition) 4.), ce qui, à mon avis, est une interprétation appropriée du mot tel qu'il est employé au paragraphe 141.01(5). L'utilisation du mot « justes » dans la version française de la disposition appuie cette interprétation.

[37]        La définition du mot anglais « reasonable » (raisonnable) dans le dictionnaire Oxford English Dictionary (deuxième édition) qui est, selon moi, la plus appropriée est énoncée à A.2.a : [TRADUCTION] « Faire preuve d'un jugement équilibré; rationnel, sain d'esprit [...] Aussi, ne pas être trop exigeant. » L'utilisation du mot « raisonnables » dans la version française de la disposition appuie cette interprétation.

[38]        L'exigence concernant le caractère raisonnable dans les lois fiscales a été prise en compte dans d'autres contextes. Dans la décision Bailey v. M.N.R., [1989] T.C.J. No. 602 (QL), 89 D.T.C. 416, la Cour a déclaré ce qui suit (à la page 420) :

[TRADUCTION]

Ce n'est pas l'opinion subjective de l'appelant ou de l'intimé sur ce qui est « raisonnable » qui importe, mais plutôt celle d'un observateur impartial qui aurait une connaissance de tous les faits pertinents : Canadian Propane Gas & Oil Limited v. M.N.R., 73 DTC 5019, le juge Cattanach, à la page 5028.

[39]        Dans la décision Maege c. La Reine, 2006 CCI 117, la Cour a adopté l'approche générale visant à déterminer le caractère raisonnable qui avait été énoncée dans la décision Tsiantoulas c. Canada, [1994] A.C.I. no 984 (QL) (C.C.I.), où la Cour a affirmé ce qui suit, au paragraphe 11 :

[...] Le caractère raisonnable est une question de fait et il requiert que l'on fasse preuve de jugement et de bon sens. [...]

[40]        Je ne vois pas pourquoi l'approche générale visant à déterminer le caractère raisonnable dans ces affaires ne s'appliquerait pas aussi pour décider si une méthode en particulier est juste et raisonnable. En d'autres termes, ce qui est juste et raisonnable est une question de fait et requiert que l'on fasse preuve de jugement et de bon sens. La détermination n'est pas fondée sur l'opinion subjective de l'appelante ou de l'intimée, mais sur l'avis d'un observateur impartial qui aurait une connaissance de tous les faits pertinents. Il est aussi important de reconnaître que le fisc ne peut pas simplement substituer sa méthode à celle de Sun Life et qu'il peut y avoir plus d'une méthode juste et raisonnable dans les circonstances (voir Ville de Magog c. La Reine, précité).

V. Conclusion

[41]        Monsieur Coutu affirme qu'un des buts de l'acquisition de l'espace loué par Sun Life était d'en sous‑louer une partie aux conseillers (autrement dit, un des buts de l'acquisition de l'espace loué était d'effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable dans le cadre des activités de Sun Life). Les faits objectifs appuient le but énoncé, puisque des bureaux dans l'espace loué ont été loués par Sun Life à des conseillers qui, quant à eux, utilisaient cet espace pour exercer leurs propres activités, dont la vente de produits financiers. La preuve révèle que Sun Life a aussi acquis l'espace loué afin d'effectuer des fournitures exonérées dans le cadre de ses activités liées aux services financiers (c'est‑à‑dire dans le but d'effectuer, dans le cadre de ses activités, une fourniture autre qu'une fourniture taxable effectuée pour une contrepartie).

[42]        Le double usage lié à l'acquisition de l'espace loué oblige Sun Life à adopter une méthode pour déterminer la mesure dans laquelle l'espace loué a été acquis pour effectuer une fourniture taxable pour une contrepartie ou à d'autres fins. La méthode choisie doit être juste et raisonnable et être suivie tout au long de l'exercice. Cette dernière exigence n'est pas en cause en l'espèce.

[43]        Au départ, Sun Life a demandé des CTI relativement à l'espace loué pour la portion sous‑louée aux conseillers en se fondant sur le loyer payé par les conseillers pour l'espace sous‑loué. Cette méthode a amené Sun Life à demander des CTI d'un montant essentiellement égal au montant de la TPS perçue des conseillers sur le loyer. D'après M. Coutu, le loyer imposé aux conseillers a été majoré afin d'estimer le coût réel de l'espace sous‑loué pour Sun Life. Ainsi, cette méthode prenait bel et bien en compte la TPS payée par Sun Life sur une partie des aires communes, puisque le loyer imposé aux conseillers comprenait une partie du coût de cet espace pour Sun Life. En d'autres termes, en incluant une partie du coût des aires communes dans le calcul, la méthode initiale supposait qu'une partie des aires communes avait été acquise par Sun Life afin d'effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable dans le cadre de ses activités.

[44]        Cependant, la méthode initiale ne prenait pas en compte la TPS payée par Sun Life sur l'espace vacant qui, selon Sun Life, était réservé à l'usage des conseillers, et ne prenait pas non plus en compte la TPS payée par Sun Life sur la portion des aires communes pouvant être attribuée à l'utilisation de cet espace vacant.

[45]        Sun Life a remplacé cette méthode simple de détermination de ses CTI par une méthode plus compliquée fondée sur la superficie totale de l'espace loué utilisée par les conseillers ou réservée à ceux‑ci, et sur une majoration qui, selon Sun Life, attribue un pourcentage approprié des aires communes à cette superficie. La question à trancher est donc de savoir si cette nouvelle méthode est juste et raisonnable.

[46]        Il importe de noter que les deux méthodes attribuent à une partie des aires communes le but d'effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable dans le cadre des activités de Sun Life. La méthode initiale produisait un tel résultat parce qu'elle était fondée sur le loyer exigé des conseillers pour l'espace sous-loué, qui, quant à lui, était fixé à un niveau visant à récupérer la quasi‑totalité du coût réel de cet espace pour Sun Life. Le coût réel englobait une partie des coûts liés aux aires communes. En revanche, la nouvelle méthode utilise des mesures et des suppositions quant à l'usage pour déterminer le but de l'acquisition des aires communes. Il ressort de la preuve que les suppositions étaient prudentes et n'étaient pas exagérées quant au but de l'acquisition des aires communes. L'intimée n'a pas contesté l'exactitude des mesures utilisées dans la nouvelle méthode.

[47]        La location et la sous‑location dans l'exemple du centre financier de Brossard donnent à penser que la majoration pour les aires communes implicitement prévue dans le loyer exigé des conseillers à ce centre financier était d'environ 1,391 (c'est‑à‑dire 32 $/23 $). La majoration pour le même espace selon la nouvelle méthode était de 1,394 (c'est‑à‑dire 7 299 pi2/5 236 pi2) en 2004. Bien que le centre de Brossard ne soit qu'un exemple, la différence est légère. Il est donc difficile de voir comment l'inclusion des aires communes suivant la nouvelle méthode n'est pas juste et raisonnable si elle l'était suivant la méthode initiale. Les deux méthodes semblent produire des CTI proportionnels à la TPS sur le coût véritable pour Sun Life de l'espace loué qui était sous-loué aux conseillers.

[48]        L'intimée prétend toutefois que l'attribution explicite des aires communes à la fourniture taxable de l'espace aux conseillers suivant la nouvelle méthode ne tient pas compte du fait que les conseillers utilisent les aires communes parce qu'ils vendent des produits financiers pour le compte de Sun Life, et non parce qu'ils sont des sous‑locataires. À mon avis, cet argument ne tient pas compte du fait que les conseillers sont des entrepreneurs indépendants et que leur usage de l'espace sous‑loué sert donc leurs propres objectifs d'affaires, notamment la vente d'autres produits que les produits financiers.

[49]        Je remarque aussi que les conseillers ne peuvent pas utiliser l'espace sous‑loué sans utiliser aussi les aires communes. D'un point de vue pratique, il semble assez évident que Sun Life doit louer les aires communes pour être en mesure de sous‑louer les bureaux aux conseillers. Il est donc sensé d'attribuer un tel but à une partie des aires communes. Le fait que le loyer demandé aux conseillers prenne en compte le coût d'à peu près la même partie des aires communes vient appuyer cette observation.

[50]        L'intimée affirme aussi que les efforts de Sun Life n'étaient pas axés sur la sous‑location de l'espace, mais plutôt sur le recrutement des conseillers, ce qu'admet M. Coutu. Je n'ai pas le moindre doute que la disponibilité de l'espace à louer favorise le recrutement des conseillers. Toutefois, le recrutement était un avantage découlant du fait qu'il y avait de l'espace à louer aux conseillers et non le but direct de l'espace disponible. À ce sujet, la situation est semblable à celle dans l'affaire London Life Insurance Co. c. La Reine, [2000] A.C.F. no 2121 (QL) (C.A.F.), où la Cour d'appel fédérale a établi une distinction entre le but direct de l'acquisition de l'immeuble (la fourniture d'améliorations locatives au locateur) et le but indirect (ou final) de l'acquisition de l'immeuble (la location de locaux améliorés pour une entreprise de services financiers) et a conclu que le but direct régissait les demandes de CTI par London Life. Dans la présente affaire, le but direct de l'espace disponible était de louer cet espace aux conseillers et le but indirect (ou final) était de faciliter le recrutement et donc la vente des produits financiers.

[51]        La principale différence entre la méthode initiale utilisée par Sun Life et la nouvelle méthode est que cette dernière attribue à l'espace vacant réservé aux conseillers ainsi qu'à la portion des aires communes attribuable à cet espace vacant le but d'effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable. L'attribution des aires communes à l'espace vacant ne donne pas des résultats bien différents de l'attribution des aires communes à l'espace sous‑loué suivant la méthode initiale. Donc, la seule véritable distinction entre la méthode initiale et la nouvelle méthode est l'inclusion de l'espace vacant lui-même.

[52]        J'accepte le témoignage non contesté de M. Coutu selon lequel l'espace vacant était réservé à l'usage des conseillers pour favoriser la croissance des centres financiers. À mon avis, l'attribution à l'espace vacant du but d'effectuer, pour une contrepartie, une fourniture taxable est juste et raisonnable dans les circonstances, puisque cela reflète le but de Sun Life en ce qui a trait à l'usage direct de l'espace vacant. L'attribution des aires communes à cet espace vacant conformément à la nouvelle méthode utilisée est juste et raisonnable pour les raisons déjà mentionnées liées à l'espace sous-loué.

[53]        L'intimée a laissé entendre que l'espace vacant pourrait être utilisé à d'autres fins, comme pour accueillir un employé de Sun Life. Toutefois, rien ne prouve que cela se soit produit en 2004, en 2005 ou en 2006. La preuve révèle que, si une modification de l'utilisation survenait, l'espace vacant visé (et ses aires communes) était retiré de l'ensemble de l'espace réservé aux conseillers de façon à ce que des CTI ne soient plus demandés relativement à cet espace.

[54]        L'intimée a aussi invoqué la superficie de l'espace vacant à l'appui de sa thèse. Toutefois, le fait qu'un vaste espace vacant ait été réservé à l'usage des conseillers ne modifie pas la raison pour laquelle Sun Life a fait l'acquisition de l'espace. La superficie de l'espace vacant nécessaire aux fins de location par les conseillers est une question de jugement commercial qu'il vaut mieux laisser à Sun Life, en l'absence d'un trompe‑l'œil, d'un artifice ou d'autres circonstances viciant l'opération, dont il n'est aucunement question en l'espèce.

[55]        Pour ces raisons, l'appel est accueilli, avec dépens en faveur de l'appelante, et la nouvelle cotisation établie pour la période de déclaration allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2006 est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant pour acquis que Sun Life a droit à des CTI supplémentaires de 1 279 180,49 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de février 2015.

« J. R. Owen »

Le juge Owen

Traduction certifiée conforme

ce 1er jour de septembre 2015.

Yves Bellefeuille, réviseur


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 37

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-481(GST)G

INTITULÉ :

SUN LIFE DU CANADA, COMPAGNIE D'ASSURANCE‑VIE c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 22 septembre 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge John R. Owen

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 février 2015

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelante :

Me Justin Kutyan

Me Vern Vipul

Avocat de l'intimée :

Me Khashayar Haghgouyan

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Justin Kutyan

Vern Vipul

Cabinet :

KPMG cabinet juridique s.r.l./S.E.N.C.R.L.

Toronto (Ontario)

Pour l'intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           Je remarque que le total de ces trois montants est de 1 279 180,51 $. Il y a donc une très légère erreur d'arrondissement.

[2]           Transcription, aux pages 50 et 51.

[3] Transcription, aux pages 25 et 26.

[4] Transcription, à la page 42.

[5] Certains nombres apparaissant sur les feuilles de calcul des onglets 1, 2 et 3 du recueil conjoint semblent avoir fait l'objet d'un arrondissement sans conséquence par le logiciel.

[6]           Le paragraphe 141.01(1) définit les initiatives d'une personne comme étant « a) ses entreprises; b) ses projets à risque et ses affaires de caractère commercial; c) la réalisation de fournitures d'immeubles lui appartenant, y compris les actes qu'elle accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures ».

[7]           En l'espèce, l'initiative est les activités de Sun Life. Même si la définition du terme « initiatives » comprend aussi, à l'alinéa c), la réalisation de fournitures d'immeubles, dans la présente affaire, la fourniture de l'espace loué fait partie des activités plus larges de Sun Life, de sorte qu'il ne soit pas nécessaire de prendre en compte l'alinéa c).

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