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Référence : 2015CCI49

Date : 20150227

Dossier : 2014-731(IT)I


ENTRE :

DAVID BUTLER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

(Prononcés oralement à l’audience le 9 janvier 2015, à Sydney (Nouvelle‑Écosse).)

La juge V.A. Miller

[1]             Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre »), qui a décidé que l’appelant était tenu de rembourser la prestation de pension de la Sécurité de la vieillesse (la « PSV ») s’élevant à 3 269,00 $ qu’il avait reçue au cours de l’année d’imposition 2012.

[2]             En 2012, l’appelant a reçu un paiement de 53 816,00 $ de la Workers’ Compensation Board (la « WCB ») de la Nouvelle‑Écosse. Le ministre a établi que l’appelant devait rembourser la PSV en raison du fait que son revenu pour l’année 2012 comprenait le paiement versé par la WCB et que son revenu total s’élevait donc à 109 634,00 $.

[3]             L’appelant a été blessé en 1969 tandis qu’il travaillait pour la Sydney Steel Corporation. Il a été brûlé à la cuisse gauche par de l’acier en fusion, ce qui a laissé une importante trace de brûlure. Au fil des années, l’appelant a continué à ressentir de la douleur dans la zone touchée, douleur qui s’est accentuée avec le temps, de sorte que, en 2011, il a reçu un diagnostic de syndrome de douleur régionale complexe de type 1. L’appelant a présenté une demande de prestations à la WCB en 2011. À la suite de cette demande, l’appelant s’est vu accorder une prestation de 39 123,95 $, qui s’appliquait rétroactivement à 1969. Il était également admissible à toucher une prestation à vie de 114,19 $ par mois, mais il a plutôt choisi de recevoir une somme forfaitaire; ainsi, au total, il a reçu 53 816,00 $.

[4]             En 2012, la WCB a émis à l’appelant un feuillet T5007 sur lequel figurait la somme de 53 816,00 $, mais l’appelant n’a pas inclus ce montant dans le revenu qu’il a inscrit dans sa déclaration de revenus. À son avis, il n’aurait pas dû recevoir un feuillet T5007. Selon son interprétation du guide sur la déclaration de revenus, le feuillet T5007 se rapporte aux prestations d’assurance‑salaire et à celles versées au titre de pertes futures de gains. Selon l’appelant, la somme forfaitaire qu’il a reçue constituait un paiement pour perte non pécuniaire, soit la douleur qu’il ressent, et ne devait pas être incluse dans son revenu. Il a affirmé qu’il s’agissait d’une attribution de dommages-intérêts pour la douleur qu’il éprouve.

[5]             La question, dans le présent appel, consiste à déterminer si l’appelant devait inclure la somme de 53 816 $ dans son revenu de 2012, au titre de l’alinéa 56(1)v) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

[6]             La somme forfaitaire que l’appelant a reçue de la WCB doit être incluse dans le revenu aux fins de la partie I.2 de la Loi. L’alinéa 56(1)v) et le paragraphe 180.2(1) de la Loi se lisent ainsi :

            56. (1) Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

            Indemnité d’accident du travail

v) une indemnité reçue en vertu d’une loi sur les accidents du travail du Canada ou d’une province à l’égard d’une blessure, d’une invalidité ou d’un décès;

            180.2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

            « revenu modifié » En ce qui concerne un particulier pour une année d’imposition, la somme qui représenterait son revenu en vertu de la partie I pour l’année si, dans le calcul de ce revenu, aucune somme :

a) n’était incluse :

(i) en application de l’alinéa 56(1)q.1) ou du paragraphe 56(6),

(ii) au titre d’un gain provenant d’une disposition de bien à laquelle s’applique l’article 79,

(iii) au titre d’un gain visé au paragraphe 40(3.21);

 b) n’était déductible en application des alinéas 60w), y) ou z).

[7]             Aux termes de l’alinéa 56(1)v), le revenu comprend toutes les sommes reçues de la WCB « à l’égard » (en anglais, « in respect of ») d’une blessure. L’expression « in respect of » a le sens le plus large possible et englobe la douleur ressentie à cause d’une blessure. Voir l’arrêt Nowegijick v. The Queen, (1983), 144 D.L.R. (3d) 193 (CSC), où le juge Dickson a fait l’observation suivante :

30 À mon avis, les mots « quant à » [« in respect of »] ont la portée la plus large possible. Ils signifient, entre autres, « concernant », « relativement à » ou « par rapport à ». Parmi toutes les expressions qui servent à exprimer un lien quelconque entre deux sujets connexes, c’est probablement l'expression « quant à » qui est la plus large.

[8]             Lorsqu’il a renvoyé la demande de l’appelant à un autre agent d’audiences, le Workmen’s Compensation Tribunal (Tribunal des accidents du travail) a ordonné que la [traduction] « douleur résultant de la blessure » de l’appelant soit évaluée (voir la pièce A-1, page 2, paragraphe 2). Après l’évaluation de sa douleur, le pourcentage a été ajouté au pourcentage qui avait été établi à l’égard des cicatrices qu’il porte. Ce pourcentage total a été utilisé pour calculer le montant de la somme forfaitaire de 53 816,00 $ qu’a reçue l’appelant. À mon avis, l’appelant a reçu la somme forfaitaire à l’égard de la blessure qu’il a subie en 1969; il l’a reçue à l’égard de la douleur et des cicatrices résultant de la blessure qu’il a subie en 1969. N’eût été la blessure, la WCB n’aurait pas accordé une somme à l’appelant.

[9]             Les décisions rendues par l’agent d’audiences et le Tribunal de la WCB sont présentées dans les pièces A-1, A-2 et A-3. Les expressions « perte non pécuniaire » (en anglais, « non-economic loss award ») et « dommages-intérêts » (en anglais, « damages ») ne figurent dans aucune de ces pièces.

[10]        La somme forfaitaire reçue de la WCB n’était pas imposable, car l’appelant pouvait la déduire au titre du sous-alinéa 110(1)f)(ii) de la Loi. Toutefois, le paragraphe 180.2(1) de la Loi prévoit un impôt correspondant à 15 p. 100 de l’excédent éventuel du « revenu modifié » d’une personne pour l’année 2012 sur 69 562,00 $. Le « revenu modifié », en ce qui concerne un particulier, constitue « la somme qui représenterait son revenu en vertu de la partie I pour l’année si, dans le calcul de ce revenu, aucune somme n’était déductible en application des alinéas 60w) [...] ». La somme forfaitaire reçue par l’appelant devait être incluse dans son revenu aux fins du calcul de l’impôt conformément à la partie I.2.

[11]        Toutes les sommes forfaitaires, y compris les prestations rétroactives, de la WCB doivent être incluses dans le revenu aux fins du calcul de l’impôt conformément à la partie I.2. Voir la décision Fenner c. La Reine, 2006 CCI 396, où le juge Paris a fait l’observation suivante :

15 Comme l’a signalé l’avocat de l’intimée, la Cour a rendu plusieurs jugements portant que les paiements forfaitaires rétroactifs d’indemnités d’accident du travail doivent être inclus dans le calcul du revenu du particulier aux fins de calcul de l’impôt de la partie I.2. Au nombre des causes dans lesquelles la Cour est parvenue à cette conclusion figurent les décisions Franklin (précitée), Poulin v. R., [1998] 3 C.T.C. 2820 (CCI), Miner Estate c. R., 2003 CCI 598 (CCI [procédure informelle]), Alibhai c. Canada, [2005] A.C.I. nº 394 (CCI [procédure informelle]) et Bongiovanni v. R., [2001] 1 C.T.C. 2186 (CCI [procédure informelle]).

[12]        L’appelant a présenté une lettre qu’il a reçue de la Direction des décisions, dans laquelle son auteur concluait que [traduction] « le versement d’une somme forfaitaire pour souffrances et douleurs ne constitue pas une “indemnité d’accident du travail” et [qu’]il n’est pas nécessaire de l’inclure dans le revenu » ni de le déclarer dans un feuillet T5007. Cependant, l’appelant n’a pas présenté la lettre qu’il avait envoyée à la Direction des décisions pour obtenir cet avis. Je n’ai pas tenu compte de cet avis, car j’estime qu’il ne s’applique pas aux faits qui m’ont été présentés.

[13]        L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de février 2015.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 16e jour de juin 2015.

C. Laroche


RÉFÉRENCE :

2015CCI49

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-731(IT)I

INTITULÉ :

DAVID BUTLER ET LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Sydney (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 8 janvier 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DES MOTIFS DE JUGEMENT PRONONCÉS ORALEMENT :

Le 9 janvier 2015

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Melanie Petrunia

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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