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Dossier : 2008‑2496(GST)I

ENTRE :

RALPH DONCASTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 23 août 2012 et les 4, 5 et 7 juin 2013 à Halifax (Nouvelle‑Écosse), et observations écrites déposées par l’intimée le 11 août 2014.

Devant : L’honorable juge Johanne D’Auray


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Tokunbo C. Omisade

 

JUGEMENT

L’appel à l’encontre de la cotisation établie le 12 septembre 2006 pour la période allant du 1er janvier 1999 au 6 juin 2005 en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise est rejeté avec frais à l’intimée conformément au tarif applicable selon les règles de la procédure informelle (TPS).

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mai 2015.

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de septembre 2015.

S. Tasset


Référence : 2015 CCI 127

Date  : 20150521

Dossier  : 2008‑2496(GST)I

ENTRE  :

RALPH DONCASTER,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge D’Auray

Aperçu

[1]             Le présent appel porte sur la question de savoir si, en tant qu’administrateur de Doncaster Consulting Inc. (« DCI »), l’appelant, M. Doncaster, devrait être solidairement tenu avec DCI de payer la somme de 93 550,67 $, soit le montant de la taxe nette que DCI a omis de verser au cours des périodes comprises entre le 1er janvier 1999 et le 6 juin 2005. Dans un avis de cotisation daté du 12 septembre 2006, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation à l’égard de l’appelant en vertu de l’article 323 de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »).

[2]             Le 10 décembre 2009, l’appel a été entendu par mon collègue, le juge Margeson.

[3]             Le 8 avril 2010, le juge Margeson a rejeté l’appel.

[4]             L’appelant a déposé un appel devant la Cour d’appel fédérale le 7 mai 2010.

[5]             La Cour d’appel fédérale a rendu jugement le 3 février 2012.

[6]             Je crois comprendre à la lecture des motifs du jugement de la Cour d’appel fédérale qu’après que le juge Margeson l’eut informé au procès qu’il aurait pu signifier une assignation au syndic de faillite, M. Wener, de KPMG (le « syndic »), sans payer autre chose que ses frais de déplacement, l’appelant a demandé un ajournement afin de signifier une assignation au syndic, laquelle demande a été refusée par le juge Margeson.

[7]             Devant la Cour d’appel fédérale, l’appelant a expliqué qu’il n’avait pas appelé le syndic à comparaître au procès parce que ce dernier lui avait fait parvenir une lettre permettant de penser qu’il ne donnerait suite à l’assignation que si ses honoraires professionnels aux fins de la préparation et de la présence au procès étaient payés par l’appelant, en plus de ses frais de déplacement.

[8]             L’appelant s’est dit d’avis que, si une assignation à produire était signifiée au syndic, les factures de Bell Canada seraient produites et prouveraient que les crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») annulent la TPS à verser au receveur général. La taxe nette de DCI serait minimale, voire même nulle, pour chaque période visée par l’appel. En tant qu’administrateur de DCI, l’appelant ne pouvait donc être tenu responsable au titre de l’article 323 de la LTA.

[9]             L’appelant a déclaré qu’il n’a plus aucun document se rapportant à DCI, car lui et l’ARC ont remis les documents au syndic. Ni l’appelant ni l’ARC n’ont fait de photocopie des documents remis au syndic.

[10]        Le 3 février 2012, la Cour d’appel fédérale a ordonné la tenue d’un nouveau procès, permettant à l’appelant d’appeler le syndic à témoigner.

[11]        Le 23 août 2012, le nouveau procès s’est ouvert. M. Chris Brown a assisté à l’audience pour le compte de KPMG, puisque le fiduciaire, M. Wener, avait pris sa retraite. Lors de son témoignage, M. Brown a déclaré qu’il n’avait jamais travaillé dans le dossier de la faillite de DCI. En outre, a‑t‑il affirmé, l’assignation n’indiquait pas clairement les documents que KPMG devait chercher. Cela étant dit, il a déclaré qu’après une recherche dans les bureaux d’Ottawa et de Hamilton de KPMG, aucun document, tels des relevés de dépôts bancaires ou des factures, n’a été retrouvé.

[12]        À l’issue du témoignage de M. Brown, j’ai ordonné l’ajournement de l’audience et j’ai demandé à M. Brown et à KPMG de procéder à une recherche fouillée afin de retrouver les documents se rapportant à DCI. Avant d’ajourner l’audience, et puisque Bell Canada était le principal fournisseur de DCI, j’ai indiqué à l’appelant qu’il pouvait établir les CTI de DCI en obtenant des copies des factures auprès de Bell Canada. Je lui ai aussi dit qu’il pouvait signifier à un représentant de Bell Canada une assignation à produire.

[13]        Le 5 octobre 2012, M. Brad Newton, vice‑président chez KPMG, a envoyé à la Cour une lettre indiquant qu’au terme d’une recherche fouillée, aucun dossier d’entreprise se rapportant à DCI n’avait été retrouvé dans les dossiers archivés ou actuels de KPMG ou du syndic, exception faite de quelques copies de déclarations de TPS, d’une copie du certificat de non‑comparution de l’appelant à son interrogatoire, et d’un renvoi à une rencontre.

[14]        Ainsi qu’il avait été prévu dans une ordonnance datée du 7 décembre 2012, l’audience s’est poursuivie les 4, 5 et 7 juin 2013. L’appelant n’a appelé aucun représentant de Bell Canada à témoigner. Il a déclaré qu’il ne disposait pas des fonds nécessaires pour assumer les frais de déplacement d’un tel témoin. Je l’ai informé que j’étais disposée à tenir une conférence téléphonique pour éviter les coûts.  

[15]        Après avoir entendu tous les témoins, j’ai ajourné le procès pour donner à l’appelant une autre occasion de signifier une assignation à produire à un représentant de Bell Canada.

[16]        Comme je n’ai eu aucune nouvelle de l’appelant, le 23 septembre 2013, j’ai tenu une conférence téléphonique avec les parties. Afin d’aider l’appelant à organiser une conférence téléphonique à laquelle un représentant de Bell assisterait en qualité de témoin, j’ai rendu le 21 octobre 2013 une ordonnance ajournant l’appel et donnant à l’appelant jusqu’au 4 novembre 2013 pour signifier une assignation à produire à un représentant de Bell Canada.

[17]        Au 4 novembre 2013, l’appelant n’avait signifié d’assignation à produire à aucun représentant de Bell Canada. Le 6 décembre 2013, il a écrit à la Cour, indiquant qu’il avait égaré l’assignation. Toutefois, dans sa lettre, l’appelant a déclaré qu’il demanderait à la Cour de délivrer une autre assignation au cours de la semaine suivante. L’appelant n’a jamais signifié une telle assignation.

[18]        Après avoir tenté à quelques reprises d’entrer en contact avec l’appelant, le 14 mai 2014, par voie d’ordonnance, j’ai déclaré la preuve dans l’appel close. J’ai aussi ordonné aux parties de déposer des observations écrites. Plus de 11 mois s’étaient alors écoulés depuis l’ajournement de l’instruction de l’appel pour permettre à l’appelant de signifier une assignation à un représentant de Bell Canada afin d’obtenir des copies des factures ou un imprimé d’ordinateur établissant la TPS payée par DCI.

[19]        Conformément à l’ordonnance que j’ai rendue le 14 mai 2014, l’avocat de l’intimée a déposé ses observations écrites le 11 août 2014. L’appelant n’a déposé aucune observation écrite, ni n’a répondu aux observations écrites déposées par l’intimée.

Preuve

[20]        Le 30 septembre 1992, DCI a été constituée en société sous le régime des lois de l’Ontario.

[21]        Au moment de la constitution en société, l’appelant était l’unique administrateur, actionnaire et président de DCI.

[22]        Initialement, DCI exploitait une entreprise de prestation de services de consultation en informatique et de vente de logiciels et de matériel informatique. En 1998, DCI a commencé à acheter des services en gros (lignes) auprès de BCE Nexxia, une société affiliée de Bell Canada. En 2000‑2001, les services Internet au détail sont devenus un volet important de l’entreprise de DCI, car cette dernière vendait des services Internet à des clients au Québec et en Ontario.

[23]        En 1998, l’appelant s’est marié avec Mme Jennifer Field et lui a donné 50 % des actions de DCI. Il a expliqué lui avoir donné ces actions en partie parce qu’elle était son épouse et qu’elle prenait part aux activités de DCI, mais aussi à des fins fiscales. S’il donnait à Mme Field la moitié de ses actions, tous deux pouvaient tirer parti de l’exemption d’impôt sur les gains en capital s’ils décidaient de disposer de leurs actions de DCI. À la date du procès, l’appelant et Mme Field étaient séparés.  

[24]        L’appelant a déclaré que Mme Field s’occupait du travail de bureau, comme le service à la clientèle, la comptabilité et les ressources humaines, pour DCI.

[25]        Au procès, Mme Field a témoigné qu’elle avait eu quatre enfants de 1998 à 2005 et qu’elle n’avait pas eu beaucoup de temps à consacrer aux affaires de DCI. Elle a admis qu’une personne avait été embauchée à temps partiel pour s’occuper des enfants pendant qu’elle travaillait pour DCI, et qu’elle avait suivi une formation en comptabilité pour perfectionner ses compétences en cette matière. Il est ressorti clairement de son témoignage qu’elle ne voulait pas être considérée comme étant un membre actif de DCI. Elle a répondu à la plupart des questions qu’elle ne se rappelait pas.

[26]        À la fin de 2002, l’appelant a consulté un avocat fiscaliste pour restructurer l’entreprise. Il a été décidé que l’appelant et Mme Field vendraient la moitié de leurs actions en 2002 et l’autre moitié en 2003 à une nouvelle entité constituée en société. À cette fin, l’appelant a constitué en société la 6042147 Canada Inc., qui était exploitée sous le nom d’I‑stop. D’après l’appelant, cette opération a été faite dans le but d’éviter ou de réduire l’impôt minimum de remplacement. Après le 1er janvier 2003, I‑stop était l’unique actionnaire de DCI. La totalité des actions d’I‑stop étaient détenues par une société de portefeuille, dont les actions étaient détenues en fiducie pour les enfants de l’appelant.

[27]        En conséquence, DCI est devenue une société de portefeuille et I‑stop est devenue la société en exploitation. Cependant, les contrats avec Bell Canada ont continué d’être conclus avec DCI, qui a continué à acheter des services Internet en gros auprès de Bell Canada. L’appelant a déclaré qu’à compter de 2003, la TPS payable par DCI aurait été compensée par les crédits de taxe sur les intrants parce que ceux‑ci auraient été transférés à I‑stop.

[28]        L’appelant a déclaré qu’en 2002, il a lu la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario (« LSAO ») et il a conclu que, sous le régime de celle‑ci, une société pouvait mener ses activités sans administrateur si elle était régie par une résolution unanime des actionnaires. Il voulait probablement dire une convention unanime des actionnaires.

[29]        En conséquence, dans un courriel daté du 3 décembre 2002 adressé à lui‑même et à Mme Field, l’appelant a démissionné en tant qu’administrateur de DCI. Il a déclaré ce qui suit dans son courriel :

[TRADUCTION]

Je démissionne en tant qu’unique administrateur de Doncaster Consulting Inc., cette démission prenant effet immédiatement.

[30]        Dans son témoignage, Mme Field a déclaré qu’elle ne se rappelait pas avoir reçu le courriel du 3 décembre 2002. Elle a cependant admis que, vers la même date, elle devait utiliser l’adresse électronique à laquelle le courriel du 3 décembre 2002 paraît avoir été envoyé et elle devait vérifier ce compte de courriel.

[31]        Le 6 mai 2003, M. Greg Bright, examinateur des fiducies de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), a appelé l’appelant pour discuter des déclarations de TPS que DCI n’avait pas produites. M. Bright souhaitait procéder à un examen de fiducie à l’égard de DCI. L’appelant a refusé de coopérer avec M. Bright.

[32]        À cette date, DCI avait produit trois déclarations de TPS et avait omis de produire neuf déclarations de TPS pour les périodes comprises entre le 1er décembre 1999 et le 31 décembre 2002.

[33]        M. Bright a témoigné que l’examen des fiducies vise à permettre que soit établie à l’égard d’un inscrit une cotisation théorique dans les cas où des déclarations de TPS n’ont pas été produites auprès de l’ARC. Cette manière de procéder permet à l’ARC d’établir une cotisation à l’égard de l’entreprise en défaut et de prendre une mesure de recouvrement. C’est une manière également de forcer la conformité à la loi et d’amener l’inscrit à produire ses déclarations.

[34]        L’appelant a déclaré qu’en 2004, lui et sa famille ont déménagé à Elmsdale, en Nouvelle‑Écosse. Toutefois, la preuve a démontré qu’il avait encore une maison à Stittsville, en Ontario au mois d’octobre 2005. L’appelant n’a jamais informé l’ARC du changement de son adresse postale.

[35]        BCE Nexxia est passée sous la bannière de Bell Canada. L’appelant estimait que les frais de Bell Canada auraient dû être inférieurs à ceux de BCE Nexxia pour les services Internet en gros. Un conflit est né entre Bell Canada et DCI au cours des années 2004 et 2005.

[36]        À la fin de 2004, l’appelant a commencé à avoir des discussions avec d’autres fournisseurs de services de technologie de l’information (« TI ») pour voir s’il y avait des possibilités pour lui de vendre la liste des clients d’I‑stop. À cette fin, il a embauché M. Jeff Hurlle, d’Accrual Accounting, en tant que courtier chargé de vendre I‑stop et pour obtenir des conseils d’affaires sur la manière de traiter avec Bell Canada au chapitre de la facturation. M. Hurlle avait précédemment exploité une entreprise de services Internet au détail et il avait aussi eu des problèmes avec la facturation de Bell Canada.

[37]        M. Hurlle a informé l’appelant qu’il devait mettre les registres des sociétés en ordre. L’appelant a donc embauché Mme Joanne Plunkett, elle aussi d’Accrual Accounting. Mme Plunkett était comptable agréée. L’appelant a témoigné qu’il avait dit à cette dernière non seulement de régler la question de la facturation avec Bell Canada, mais aussi de rattraper les retards dans la production des déclarations de TPS.

[38]        L’appelant a présenté une série de courriels échangés entre M. Hurlle, Mme Plunkett, Mme Field et lui‑même. Ces courriels indiquent cependant que la priorité de l’appelant consistait à mettre la dernière main aux états financiers et à régler les problèmes de facturation avec Bell Canada afin de pouvoir vendre son entreprise. M. Hurlle et Mme Plunkett n’ont pas été appelés à témoigner, parce que l’appelant a été incapable de les retrouver.

[39]        Le 13 mai 2005, l’appelant a signé un bilan de réalisation éventuelle relativement à une proposition faite sous le régime de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité à l’intention des créanciers de DCI. Il n’avait pas inscrit l’ARC dans la liste des créanciers.

[40]        Le 31 mai 2005, dans le cadre d’une instance judiciaire opposant DCI et Bell Canada, l’appelant a déposé à la Cour supérieure de justice de l’Ontario un affidavit fait sous serment dans lequel il s’est désigné comme étant l’« âme dirigeante » de DCI.

[41]        DCI a fait cession de ses biens le 6 juin 2005, date à laquelle les créanciers ont rejeté la proposition de DCI.

[42]        Du 1er janvier 1999 au 6 juin 2005, DCI avait produit les sept déclarations de TPS trimestrielles pour les périodes se terminant aux dates suivantes :

le 30 juin 1999

le 30 septembre 1999

le 31 décembre 1999

le 30 juin 2000

le 30 septembre 2000

le 31 décembre 2000

le 30 juin 2001

 

 

[43]        Pour la même période, DCI n’avait pas produit les dix‑neuf déclarations de TPS trimestrielles pour les périodes se terminant aux dates suivantes :

le 31 mars 1999

le 31 mars 2000

le 31 mars 2001

le 30 septembre 2001

le 31 décembre 2001

le 31 mars 2002

le 30 juin 2002

le 30 septembre 2002

le 31 décembre 2002

le 31 mars 2003

le 30 juin 2003

le 30 septembre 2003

le 31 décembre 2003

le 31 mars 2004

le 30 juin 2004

le 30 septembre 2004

le 31 décembre 2004

le 31 mars 2005

le 30 juin 2005

 

 

[44]        Le 25 août 2005, le ministre a déposé auprès du syndic une preuve de réclamation de la somme de 34 321,95 $.

[45]        En octobre 2005, M. Chartrand, qui était examinateur des fiducies pour l’ARC, s’est présenté chez l’appelant à Stittsville, en Ontario et il en est reparti avec une boîte de documents, qu’il a remise au syndic, qui était déjà en possession d’une boîte de dossiers. D’après M. Chartrand, une fois qu’une société a déclaré faillite, tous les documents qui la concernent doivent être remis au syndic.

[46]        M. Chartrand a expliqué qu’en sa qualité d’examinateur des fiducies, il n’a pas pour tâche d’effectuer une vérification. Il a reconnu que l’une des boîtes contenait quelques factures, mais qu’il ne relevait pas de la portée de son examen d’accorder des crédits de taxe sur les intrants, parce qu’il ignorait si DCI avait payé ses fournisseurs.

[47]        M. Chartrand a déclaré qu’il n’avait aucun document portant sur les déclarations en souffrance, sauf pour cinq périodes. Il y avait des relevés bancaires pour ces cinq périodes. Pour aider le syndic, il a calculé les ventes effectuées par DCI en analysant les dépôts bancaires se rapportant à chaque période. Pour calculer la TPS, il a ensuite divisé le total des dépôts bancaires pour chaque période par 115 % puis l’a multiplié par 7 %. Le syndic s’est fondé sur les chiffres auxquels M. Chartrand en est arrivé pour produire les cinq déclarations de TPS auprès de l’ARC. Il n’a demandé aucun CTI pour le compte de DCI. Le syndic a déclaré que les montants de taxe nette due pour les cinq périodes étaient les suivants :

Période

Taxe nette due

31 mars 2001

12 616,66 $

31 mars 2002

10 752,77 $

30 juin 2002

14 985,60 $

30 septembre 2002

13 350,54 $

31 décembre 2002

10 528,21 $

 

62 233,78 $

[48]        M. Chartrand a recommandé à l’agent de recouvrement d’établir des cotisations à zéro pour toutes les autres périodes de DCI, parce qu’aucun document n’était disponible pour ces périodes. Or, M. Chartrand a déclaré que l’agent de recouvrement n’est pas tenu de suivre ses recommandations.

[49]        M. Lynch, l’agent de recouvrement, n’a effectivement pas suivi à la recommandation de M. Chartrand. Le 22 mars 2006, il a déposé auprès du syndic, pour le compte de l’ARC en tant que créancière non garantie, une preuve de réclamation modifiée visant une somme de 93 550,67 $, qui comprend la taxe nette de 72 557,90 $, des intérêts de 6 317,94 $ et des pénalités de 14 674,83 $.

[50]        Le 12 septembre 2006, un avis de cotisation a été établi à l’égard de l’appelant pour la somme de 93 550,67 $ en application de l’article 323 de la LTA.

[51]        M. Lynch a expliqué que, dans les cas où les inscrits ont omis de produire des déclarations de TPS, l’ARC établit des cotisations théoriques à des fins de recouvrement et de conformité. Ces cotisations sont générées par ordinateur selon le type de secteur d’activités en cause. La cotisation de taxe nette théorique prend en considération les crédits de taxe sur les intrants.

[52]        La cotisation fondée sur la responsabilité de tierces parties prévue à l’article 323 de la LTA et établie à l’égard de l’appelant a été envoyée à l’adresse dont l’ARC disposait dans son système pour l’appelant, à savoir le 27, avenue Brightside, à Stittsville, en Ontario.

[53]        M. Lynch a déclaré qu’il ne se rappelait pas avoir été informé du déménagement de l’appelant en Nouvelle‑Écosse. L’appelant a déclaré qu’à la date de la cotisation en 2006, l’ARC savait qu’il avait déménagé en Nouvelle‑Écosse. Il a indiqué qu’il avait été mis au courant de la cotisation établie à son égard en 2007 seulement, lorsqu’il a été avisé par la Banque de Nouvelle‑Écosse à Elmsdale qu’elle avait reçu une demande formelle de paiement de l’ARC.

[54]        Le Dr William Harvey, qui est le médecin de famille de l’appelant, a témoigné au procès qu’il avait établi le 18 août 2011 que l’appelant souffrait d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (« TDAH »). Le Dr Harvey a indiqué que le TDAH n’est pas un trouble qui survient plus tard dans la vie; il s’agit d’un trouble dont l’appelant aurait souffert depuis l’enfance.

[55]        L’appelant a témoigné qu’il souffre aussi du syndrome d’Asperger. Toutefois, dans une lettre écrite au Dr William Birnie en date du 8 mars 2012, le Dr Harvey affirme qu’il ne s’estime pas compétent pour déterminer si l’appelant souffre du syndrome d’Asperger.

[56]        À la fin du procès, l’appelant a informé la Cour et l’intimée qu’il préférerait faire valoir ses arguments au moyen d’observations écrites. C’est pourquoi, dans une ordonnance datée du 14 mai 2004, j’ai ordonné aux parties de déposer leurs arguments au moyen d’observations écrites. L’appelant n’a déposé aucune observation écrite. J’ai lu la transcription attentivement, et j’en ai dégagé ce qu’étaient les questions en litige du point de vue de l’appelant. À l’instar de nombreux plaideurs se représentant eux‑mêmes, l’appelant a souvent fait valoir ses arguments dans le cadre de l’interrogatoire principal des témoins et de leur contre‑interrogatoire; je vais par conséquent exposer les principaux arguments que l’appelant a fait valoir pendant la présentation de la preuve.

Questions à trancher

A. Le ministre a‑t‑il commis une erreur en envoyant l’avis de cotisation à l’adresse de l’appelant à Stittsville, en Ontario plutôt qu’à Elmsdale, en Nouvelle‑Écosse?

B. Le ministre a‑t‑il satisfait aux exigences énoncées à l’alinéa 323(2)c) de la LTA?

C. L’appelant était‑il un administrateur de DCI pour les périodes comprises entre le 1er janvier 1999 et le 6 juin 2005?

D. Si l’appelant était un administrateur, a‑t‑il satisfait au critère que prévoit le paragraphe 323(3) de la LTA (la défense de la diligence raisonnable)?

E. Le ministre a‑t‑il établi correctement la cotisation à l’égard de l’appelant?

A. Le ministre a‑t‑il commis une erreur en envoyant l’avis de cotisation à l’adresse de l’appelant à Stittsville, en Ontario plutôt qu’à Elmsdale, en Nouvelle‑Écosse?

[57]        L’appelant a déclaré que l’ARC savait qu’il avait déménagé à Elmsdale, en Nouvelle‑Écosse à la date de la cotisation au mois de septembre 2006.

[58]        L’intimée a déclaré que l’appelant n’avait pas informé l’ARC du changement de son adresse postale. L’ARC a envoyé l’avis de cotisation à l’adresse dont elle disposait dans son système pour l’appelant, à savoir l’adresse de Stittsville, en Ontario.

[59]        L’intimée affirme à juste titre qu’il incombe à l’appelant d’informer l’ARC de son changement d’adresse. L’appelant a déclaré qu’il avait en main une lettre prouvant que l’ARC était au courant de son changement d’adresse, mais cette lettre n’a pas été déposée en preuve. En conséquence, l’argument de l’appelant n’est pas fondé.

B. Le ministre a‑t‑il satisfait aux exigences énoncées à l’alinéa 323(2)c) de la LTA?

[60]        Aux termes du paragraphe 323(1) de la LTA, l’administrateur d’une société peut être tenu responsable de l’omission de la société de verser la taxe nette due. Le paragraphe 323(1) de la LTA est libellé dans les termes suivants :

Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

[61]        Toutefois, aux termes de l’alinéa 323(2)c) de la LTA, l’administrateur d’une personne morale n’encourt aucune responsabilité si le ministre n’a pas produit une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable dans les six mois suivant la cession ou l’ordonnance de faillite. Le ministre devait prouver qu’une réclamation a été faite en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. L’alinéa 323(2)c) est libellé dans les termes suivants :

c) la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l’ordonnance.

[62]        La preuve produite au procès a démontré que DCI a fait cession de ses biens le 6 juin 2005 et que le ministre a déposé une première réclamation de 34 321,95 $ auprès du syndic de faillite, KPMG, dans le délai de six mois, à savoir le 25 août 2005, et qu’une preuve de réclamation modifiée a été déposée le 22 mars 2006.

[63]        Par conséquent, le ministre a satisfait aux exigences de l’alinéa 323(2)c) de la LTA.

C. L’appelant était‑il un administrateur de DCI pour les périodes comprises entre le 1er janvier 1999 et le 6 juin 2005?

[64]        Aux termes du paragraphe 323(5) de la LTA, quiconque est en mesure de prouver qu’il a cessé d’être administrateur au moins deux ans avant que la cotisation ne soit établie par le ministre ne sera pas tenu de payer la taxe nette. Le paragraphe 323(5) est libellé dans les termes suivants :

(5) L’établissement d’une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu’il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur.

Position de l’appelant

[65]        L’appelant a déclaré avoir quitté son poste d’administrateur de DCI par la voie d’un courriel qu’il s’est fait parvenir à lui‑même et qu’il a adressé également à Mme Field le 3 décembre 2002, soit plus de deux ans avant que la cotisation ne soit établie par le ministre. Mme Field a témoigné qu’elle ne se rappelait pas ce courriel, bien qu’elle ait vérifié ce compte de courriel à l’époque.

[66]        L’appelant a fait valoir que DCI pouvait mener ses activités sans administrateur sous le régime de la LSAO, puisqu’une convention unanime des actionnaires avait été conclue.

Position de l’intimée

[67]        La démission de l’appelant n’était pas conforme aux dispositions de la LSAO. En sa qualité d’unique administrateur de DCI, l’appelant n’aurait pu démissionner comme administrateur que lorsqu’un successeur aurait été élu ou nommé. Or, aucun successeur n’avait été élu ou nommé.

[68]        Si tous les administrateurs ont démissionné sans être remplacés, toute personne qui dirige les activités commerciales et les affaires internes de l’entreprise est réputée un administrateur. L’appelant a continué de diriger les activités de DCI et, après sa supposée démission en 2002, il s’est désigné comme étant en 2005 un « dirigeant » et l’« âme dirigeante » de DCI.

Analyse

[69]        J’accepte le témoignage de l’appelant selon lequel il s’est envoyé à lui‑même et a envoyé à Mme Field un courriel indiquant qu’il avait démissionné en tant qu’administrateur de DCI le 3 décembre 2002. Toutefois, pour les motifs énoncés ci‑après, ce courriel n’est pas suffisant pour donner effet à sa démission.

[70]        Le paragraphe 115(2) de la LSAO prescrit qu’une société doit avoir un conseil d’administration, qui se compose :

a) d’au moins un particulier, dans le cas d’une société qui n’est pas une société faisant appel au public . . .

[71]        Aux termes du paragraphe 115(1) de la LSAO, sous réserve de toute convention unanime des actionnaires, les administrateurs dirigent les activités commerciales et les affaires internes de la société. Cette disposition prescrit non pas qu’une société pourrait mener ses activités en l’absence d’administrateurs, mais que la direction de cette société pourrait être assurée par une personne autre qu’un administrateur en présence d’une convention unanime des actionnaires. Quoi qu’il en soit, l’appelant n’a produit aucune preuve de l’existence d’une convention unanime des actionnaires.

[72]        Le paragraphe 119(2) de la LSAO prescrit qu’un successeur doit être élu ou nommé avant qu’un administrateur unique ne puisse démissionner. Il est libellé dans les termes suivants :

Jusqu’à la première assemblée des actionnaires, la démission d’un administrateur désigné dans les statuts ne prend effet que si, au moment où sa démission doit prendre effet, un successeur a été élu ou nommé.

[73]        Dans l’affaire Zwierschke v MNR, 92 DTC 1003, le juge Mogan a statué que, puisqu’aucun successeur n’avait été élu ou nommé pour remplacer M. Zwierschke en tant qu’administrateur, la démission de ce dernier comme administrateur de la compagnie ne pouvait prendre effet. Le juge Mogan a déclaré ce qui suit dans ses motifs, à la page 1005 :

[…] Puisque la démission d’un administrateur en application de l’alinéa 121(1)a) de la Loi sur les compagnies de l’Ontario dépend, à l’évidence, de la nomination ou de l’élection d’un successeur en vertu du paragraphe 119(2), je conclus que la prétendue démission de l’appelant comme administrateur de la compagnie le 11 mars 1986 n’avait pas d’effet.

[74]        Le même raisonnement s’applique dans le présent appel. La démission de l’appelant n’est pas valide, puisqu’aucun successeur n’a été élu ou nommé pour le remplacer en tant qu’administrateur.

[75]        En conséquence, contrairement aux observations de l’appelant, il n’y a dans la LSAO rien qui permette à un administrateur de démissionner en l’absence d’un remplaçant. En conséquence, cet argument avancé par l’appelant doit être écarté.

[76]        Quoi qu’il en soit, aux termes du paragraphe 115(4) de la LSAO, quiconque dirige ou supervise les activités commerciales et les affaires internes de la société est réputé un administrateur.

[77]        Dans le présent appel, l’appelant était réputé un administrateur de fait de DCI en application du paragraphe 115(4) de la LSAO. Le 13 mai 2005, l’appelant a signé le bilan de réalisation éventuelle dans le dossier de la proposition faite par DCI. L’intimée a déposé également une copie certifiée conforme d’un affidavit daté du 31 mai 2005 souscrit par l’appelant devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans l’instance en faillite de DCI, et dans lequel l’appelant affirme qu’il est un « dirigeant » et l’« âme dirigeante » de DCI.

[78]        Par conséquent, je suis d’avis que l’appelant n’a jamais cessé d’être l’unique administrateur de DCI pendant les périodes visées par l’appel.

D. Si l’appelant était un administrateur, a‑t‑il satisfait au critère que prévoit le paragraphe 323(3) de la LTA (la défense de la diligence raisonnable)?

[79]        Aux termes du paragraphe 323(3), l’administrateur n’encourt pas de responsabilité s’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir l’omission de la société de payer la taxe nette que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[80]        D’après les commentaires que l’appelant a formulés au procès, il voulait que son état de santé soit pris en considération pour déterminer s’il pouvait invoquer le moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable. Il avait témoigné également qu’il a fait preuve de diligence raisonnable, puisqu’il a retenu les services d’Accrual Accounting à la fin de 2004 ou au début de 2005, non seulement pour les aider lui et Mme Field dans le dossier des factures de Bell Canada et pour l’établissement des états financiers, mais aussi pour rattraper le retard dans la production des déclarations de TPS.

[81]        L’intimée soutient que l’appelant a commis une faute lourde en tant qu’administrateur. Étant donné qu’il était au courant des problèmes de remises, mais qu’il n’a pris aucune mesure pour faire en sorte que DCI s’acquitte de ses obligations, l’intimée soutient que les gestes de l’appelant ne satisfont pas à la norme objective en matière de diligence raisonnable au titre du paragraphe 323(3).

Analyse

[82]        L’appelant est une personne intelligente. Il possède un diplôme en sciences informatiques et il a travaillé dans le secteur des TI pendant de nombreuses années.

[83]        L’appelant me demande de prendre en considération son état de santé, qui à ses dires a contribué à l’omission de DCI de produire ses déclarations de TPS et de payer la taxe nette dont elle était redevable. Il est important de noter qu’il n’y a aucune preuve que l’appelant est atteint du syndrome d’Asperger. Dans sa lettre datée du 8 mars 2012, le Dr Harvey a déclaré qu’il estimait ne pas être qualifié pour déterminer si l’appelant est atteint ou non du syndrome d’Asperger. Il a indiqué cependant que l’appelant souffre effectivement d’un TDAH, mais que ce trouble peut être traité efficacement. Un tel traitement doit par contre être continu.

[84]        Je suis sensible aux problèmes causés par l’état de santé de l’appelant, mais je ne peux faire fi du fait qu’il savait depuis quelque temps que les déclarations de TPS de DCI n’étaient pas produites et que la taxe nette n’était pas remise au receveur général.   

[85]        Je ne peux non plus négliger le fait qu’à des fins fiscales, l’appelant avait consulté et embauché en 2002 un avocat fiscaliste chargé de restructurer DCI afin que lui et Mme Field puissent tous deux profiter de l’exemption pour gains en capital s’ils disposaient de leurs actions de DCI. En 2003, la structure d’entreprise a été modifiée aussi pour réduire l’impôt minimum de remplacement. En 2004, l’appelant a également lancé des discussions avec d’autres fournisseurs de TI pour voir s’il était possible pour lui de vendre I‑stop. À cette fin, il a retenu les services d’Accrual Accounting, qui a agi en qualité de courtier pour aider l’appelant à vendre son entreprise. Les troubles de l’appelant ne l’ont pas empêché de demander de l’aide au besoin. Je ne vois pas pourquoi l’appelant n’aurait pu faire la même chose pour ce qui est de produire les déclarations de TPS de DCI.

[86]        Dans l’affaire Attia c. La Reine, 2014 CCI 46, il était question de savoir si un administrateur souffrant de grave dépression avait le droit de se prévaloir du moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable au titre du paragraphe 323(3). Le juge Bédard a statué que le moyen de défense s’appliquait parce que l’administrateur avait pris des mesures concrètes et positives en nommant un gestionnaire compétent pour le remplacer. En outre, avant la dépression de l’administrateur, la société s’était toujours acquittée de ses obligations fiscales en temps opportun. Le juge Bédard a expliqué :

15 Comme l’a fait remarquer le juge Bowman (plus tard juge en chef), dans la décision Cloutier c. M.R.N., pour déterminer si la défense de diligence raisonnable s’applique, il faut avant tout se demander ce qu’une personne raisonnablement prudente placée dans les mêmes circonstances aurait pu faire de plus pour tenter de prévenir les défauts de versement de TPS de la société. En l’espèce, je crois que l’appelant s’est montré suffisamment diligent en déléguant ses fonctions à un gestionnaire compétent de qui il n’avait aucune raison de douter de la compétence et de l’honnêteté, et je crois qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances n’aurait rien fait de plus.

[87]        À mon avis, les faits de l’affaire Attia se distinguent de ceux du présent appel. Contrairement à M. Attia, l’appelant n’a pris aucune mesure concrète pour prévenir l’omission de la société de verser la taxe nette due.

[88]        L’appelant a déclaré qu’en 2004, il avait retenu les services de Mme Plunkett d’Accrual Accounting. Il ressort clairement des courriels échangés par Mme Plunkett, l’appelant et Mme Field et qui ont été déposés, en preuve que la priorité de Mme Plunkett consistait à dresser les états financiers et à régler le problème de facturation avec Bell Canada.

[89]        L’appelant a déclaré qu’il avait également embauché Mme Plunkett afin de rattraper le retard dans la production des déclarations de TPS, bien qu’il ait affirmé lors de son témoignage avoir dit à Mme Plunkett que la production des déclarations de TPS n’était pas une priorité. Mme Plunkett n’a produit aucune déclaration de TPS pour le compte de DCI. Au 6 juin 2005, les déclarations de TPS de DCI n’avaient toujours pas été produites.

[90]        De 1999 à 2005, sur un total de 26 déclarations de TPS trimestrielles qui auraient dû être produites, DCI a omis d’en produire 19.

[91]        Il est ressorti de la preuve que l’appelant avait choisi de retarder la production des déclarations de TPS parce qu’il était convaincu que DCI ne devait aucune taxe nette ou encore que le montant de taxe dû était minime. En outre, l’appelant était d’avis qu’il ne pouvait pas être tenu responsable de la taxe nette due étant donné qu’il avait dans les faits démissionné de son poste d’administrateur de DCI.

[92]        Je suis donc d’avis que l’appelant n’a pas démontré qu’il a fait preuve de diligence raisonnable, à savoir qu’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir l’omission de DCI de remettre la TPS due que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

E. Le ministre a‑t‑il établi correctement la cotisation à l’égard de l’appelant?

[93]        Une cotisation de 93 550,67 $ a été établie à l’égard de l’appelant en vertu de l’article 323 de la LTA.

[94]        Étant donné que DCI avait omis de produire la plupart de ses déclarations de TPS et que l’ARC ne disposait d’aucun document concernant DCI, l’ARC a préparé des déclarations de TPS pour DCI. Je crois comprendre, à partir des témoignages des fonctionnaires de l’ARC, que les déclarations de TPS préparées par l’ARC reposaient notamment sur le type de secteur d’activités en cause, la taille de l’entreprise, et les déclarations antérieures produites par l’inscrit. Le système informatique de l’ARC calcule un montant de taxe nette pour une période donnée, et les crédits de taxe sur les intrants sont pris en considération dans le montant de la taxe nette généré par l’ordinateur. En conséquence, des cotisations théoriques ont été établies pour les périodes pour lesquelles DCI avait omis de produire des déclarations. Dans l’appel en l’instance, le montant de la taxe nette généré par l’ordinateur s’élevait à 1 740,80 $ pour certaines périodes et à 1 312,50 $ pour d’autres périodes.

[95]        Toutefois, M. Chartrand, un examinateur des fiducies pour l’ARC, a eu accès aux documents de DCI relativement à cinq périodes — une période en 2001 et quatre autres en 2002. Afin d’aider le syndic, M. Chartrand a calculé le montant de TPS que DCI devait remettre à partir des dépôts figurant dans les relevés de banque de DCI. Ni le syndic, ni M. Chartrand n’a pris en considération les CTI de DCI.

[96]        Les montants de taxe nette pour les cinq périodes s’élevaient à 16 616,66 $ pour la période prenant fin le 31 mars 2001, à 10 752,77 $ pour la période prenant fin le 31 mars 2002, à 14 985,60 $ pour la période prenant fin le 30 juin 2002, et à 13 350,54 $ pour la période prenant fin le 30 septembre 2002 et à 10 528,21 $ pour la période se terminant le 31 décembre 2002. Il faut cependant se rappeler que M. Chartrand avait recommandé que la cotisation soit fixée à zéro pour toutes les autres périodes, parce qu’il n’avait en sa possession aucune documentation pour ces périodes.

[97]        M. Lynch, l’agent de recouvrement, n’a pas suivi la recommandation de M. Chartrand d’établir une cotisation à zéro pour toutes les autres périodes. Il a plutôt utilisé le montant généré par ordinateur pour établir la taxe nette de DCI pour toutes les autres périodes. À mon avis, M. Lynch a agi ainsi à juste titre; si l’ARC devait établir une cotisation de zéro à l’égard d’un inscrit parce que ce dernier n’avait aucun document, quel serait l’objet du paragraphe 169(4) de la LTA? Les montants de taxe nette inscrits dans les déclarations produites par le syndic sont demeurés les mêmes.

[98]        Au procès, j’ai à maintes reprises informé l’appelant qu’il devait établir les CTI pour DCI afin de réduire le montant de la taxe nette due, plus particulièrement, en ce qui concerne les déclarations de TPS produites par le syndic, parce qu’aucun crédit de taxe sur les intrants n’avait été pris en considération. J’ai donné à l’appelant de nombreuses occasions de le faire.

[99]        Malheureusement, l’appelant n’a signifié aucune assignation en vue de contraindre Bell Canada à fournir des copies des factures ou de tout document susceptibles de l’aider à calculer les CTI de DCI. J’aurais aimé que l’appelant fasse un effort pour voir quels documents il pourrait obtenir auprès de Bell pour prouver le barème tarifaire de cette entreprise, et ainsi me permettre de justifier l’octroi de certains CTI, mais il ne l’a pas fait. Par conséquent, je ne dispose d’aucune preuve permettant d’établir les CTI. Je ne saurais accorder un montant aléatoire au titre des CTI pour ces périodes. L’appelant a omis de produire ses déclarations. Il a refusé de coopérer avec l’ARC lorsque M. Bright a communiqué avec lui au mois de mai 2003, et il n’a déposé aucune observation écrite. Il doit répondre de sa propre inaction.

Frais

[100]   L’intimée m’a demandé d’allouer les frais en application du paragraphe 9(2) des Règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt à l’égard de la Loi sur la taxe d’accise (procédure informelle), doit voici le texte :

La Cour ne peut allouer les frais à l’intimé que si les actions de l’appelant ont retardé indûment le règlement prompt et efficace de l’appel et ce, jusqu’à concurrence des sommes prévues à l’article 10.

[101]   Je n’entends pas répéter tous les faits que j’ai exposés sous la rubrique « Aperçu » dans les présents motifs, mais les faits suivants valent la peine qu’on les répète pour déterminer s’il y a lieu d’allouer les frais à l’intimée.

[102]   Lors de la poursuite de l’audience le 4 juin 2013, je m’attendais à ce que l’appelant appelle à témoigner un représentant de Bell Canada en vue d’établir les montants de TPS que DCI avait versés à Bell Canada. L’appelant a indiqué à la Cour qu’il n’avait appelé à témoigner aucun représentant de Bell Canada parce qu’il n’avait pas les moyens de payer les frais de déplacement qui seraient nécessaires pour l’assignation . Je l’ai alors informé que j’étais disposée à tenir une conférence téléphonique pour éviter les frais de déplacement.

[103]   Étant donné que je n’ai eu aucune nouvelle de l’appelant, le 23 septembre 2013, j’ai tenu une conférence téléphonique, au cours de laquelle l’appelant a affirmé qu’il signifierait une assignation à produire à un représentant de Bell Canada. Afin de l’aider, j’ai signé une ordonnance donnant à l’appelant jusqu’au 4 novembre 2013 pour signifier une assignation à produire à un représentant de Bell Canada.

[104]   L’appelant a fait fi de mon ordonnance et informé la Cour par voie de lettre datée du 12 décembre 2013 qu’il avait égaré l’assignation et qu’il demanderait à la Cour d’en délivrer une autre.

[105]   Bien qu’il ait répété qu’il signifierait une assignation à un représentant de Bell Canada, l’appelant n’en a jamais rien fait.  

[106]   J’ai déclaré la preuve close le 14 mai 2014, 11 mois après avoir informé l’appelant que j’étais disposée à entendre le témoignage d’un représentant de Bell Canada dans le cadre d’une conférence téléphonique.

[107]   En ne respectant ni l’ordonnance, ni les directives de la Cour, l’appelant a retardé indûment le règlement prompt et efficace de l’appel. Par conséquent, les frais sont alloués à l’intimée en conformité avec le tarif applicable à l’égard des appels régis par la procédure informelle (TPS).

Décision

[108]   L’appel est rejeté avec frais en faveur de l’intimée en conformité avec le tarif applicable à l’égard des appels régis par la procédure informelle (TPS).

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de mai 2015.

« Johanne D’Auray »

D’Auray J.

Traduction certifiée conforme

ce 17e jour de septembre 2015.

S. Tasset


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 127

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2008‑2496(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

RALPH DONCASTER c. SA MAJESTÉ LA REINE  

LIEU DE L’AUDIENCE :

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 23 août 2012, 4 et les 5 et 7 juin 2013

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Johanne D’Auray

DATE DU JUGEMENT :

Le 21 mai 2015

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Tokunbo C. Omisade

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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