Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2013-1038(IT)G

Entre :

MARIO STALTARI,

appelant,

et

Sa Majesté la reine,

intimée.

[Traduction française officielle]

Appel entendu le 19 novembre 2014, à Ottawa, Canada,

Devant : L’honorable juge John R. Owen

 


Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

 

Me Gregory Sanders

Avocat de l’intimée :

Me Pascal Tétrault

 

Jugement modifié

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2009, dont l’avis est daté du 21 novembre 2011, est accueilli avec dépens en faveur de l’appelant, et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu du fait que le don effectué par l’appelant à la Ville d’Ottawa d’un terrain de 19,59 hectares situé au 6851, chemin Flewellyn, a donné lieu à un gain en capital pour l’appelant et que la moitié imposable de ce gain en capital est réputée être égale à zéro aux termes de l’alinéa 38a.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada).

       Le présent jugement modifié remplace le jugement daté du 13 mai 2015.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2015.

« J. R. Owen »

Juge Owen

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d’octobre 2015.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2015 CCI 123

Date : 20150605

Dossier : 2013-1038(IT)G

Entre :

MARIO STALTARI,

appelant,

et

Sa Majesté la reine,

intimée.

[Traduction française officielle]


motifs du jugement modifiés

(La dernière page a été modifiée pour changer le nom de l’avocat de l’intimée.)

Le juge Owen

[1]             Il s’agit d’un appel interjeté par M. Mario Staltari à l’encontre d’une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2009 au moyen d’un avis daté du 21 novembre 2011. La nouvelle cotisation a traité un don de terrain fait par M. Staltari à la Ville d’Ottawa comme une disposition d’un élément d’inventaire et a inclus la valeur du terrain moins son coût initial dans le revenu de M. Staltari tiré d’une entreprise pour l’année d’imposition 2009. M. Staltari avait produit sa déclaration de revenus T1 pour 2009 sur le fondement que le gain provenant du don était un gain en capital et que la moitié imposable du gain en capital était réputée être égale à zéro selon l’alinéa 38a.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (la « LIR »).

I. La preuve concernant l’appelant

[2]             M. Staltari a témoigné pour son propre compte. J’ai conclu que M. Staltari était un témoin crédible qui ne se rappelait pas avec une parfaite exactitude de tous les détails des 14 dernières années, ce qui est tout à fait compréhensible. Son témoignage était compatible avec les circonstances objectives.

[3]             M. Staltari a obtenu son diplôme universitaire en 1980 et a travaillé pour un cabinet de comptables jusqu’à ce qu’il obtienne son titre de comptable agréé en 1983. De 1983 à 1987, il a été le vice-président des finances chez Regional Realty. Il a déclaré dans son témoignage que, dans ce rôle, il n’achetait pas ni ne vendait de biens immobiliers.

[4]             En 1987, M. Staltari a constitué sa propre société de courtage immobilier commercial, Staltari Realty Corporation, qu’il a continué à exploiter jusqu’en 1996, alors qu’il s’est joint à J.J. Barnicke, à titre de vice-président des ventes de placements. Selon M. Staltari, J.J. Barnicke était une société de courtage immobilier commercial offrant un service complet. Dans son témoignage, il a déclaré que la majorité des activités de vente auxquelles il participait visait principalement l’acquisition ou la vente d’édifices commerciaux pour le compte d’autres personnes contre rémunération[1]. D’autres groupes de la société s’occupaient d’activités comme les ventes et l’aménagement de terrains, la location d’espaces à bureaux et les commerces de détail (comme les centres commerciaux).

[5]             M. Staltari a déclaré dans son témoignage qu’après environ dix ans (ce serait en 2006[2]), il avait quitté J.J. Barnicke et avait de nouveau constitué sa propre société de courtage immobilier commercial, cette fois sous la raison sociale Staltari Commercial Real Estate Corporation (« SCRC »). En contre‑interrogatoire, il a fourni une date de départ plus précise, soit 2009, lorsqu’on lui a souligné que SCRC ne figurait pas à l’annexe 9 (l’« annexe ») d’une déclaration de revenus de société T2 de 2008[3] produite par Flewellyn Land Holdings Inc. (« Flewellyn »), une société qui appartenait à M. Staltari et qui détenait le titre légal simple sur le terrain qu’il avait donné à la Ville d’Ottawa. L’année 2009 est compatible avec une mention de l’emploi de M. Staltari à la page 4 de la pièce R‑8.

[6]             Par l’entremise de M. Staltari, SCRC fournissait des services immobiliers commerciaux qui étaient les mêmes que ceux qu’il fournissait lorsqu’il travaillait chez J.J. Barnicke, mais à une plus petite échelle. Il faisait également du travail pour des [traduction] « utilisateurs », qui étaient des personnes qui avaient besoin d’un terrain à une fin commerciale précise, comme un commerce de voitures. L’utilisateur précisait ce dont il avait besoin (la dimension du lot et le lieu), et M. Staltari recherchait une parcelle de terre appropriée que l’utilisateur achetait.

[7]             Pour ses activités, SCRC se fiait au bouche-à-oreille et avait également un site Web. Le site Web présentait six domaines d’expertise : agence/courtage, services industriels, bureaux, services de détail, représentation de locataires et gestion immobilière. M. Staltari a affirmé qu’il pouvait offrir toute cette gamme de services. La page Web « About Us » [à propos de nous] décrivait ainsi la société :

[traduction]

Staltari Commercial Real Estate Corp. est un cabinet de courtage immobilier spécialisé qui aide les clients avec l’achat, la vente, le financement, la location, la gestion, le choix de sites et le repérage de lieux. La capacité d’exécution du cabinet s’appuie sur son expertise dans les domaines suivants : l’évaluation; le positionnement sur les marchés; les stratégies de monétisation; l’accès aux marchés cibles; les ventes contrôlées par les créanciers hypothécaires.

[8]             La page Web « About Us » mentionnait également d’autres sociétés et l’appartenance à diverses organisations. M. Staltari a expliqué que les autres sociétés étaient deux sociétés spécialisées indépendantes, l’une située à Toronto et l’autre à Calgary, qui avaient choisi de commercialiser leurs services de concert avec SCRC. Les propriétaires des sociétés recommandaient des clients aux autres propriétaires à l’occasion, mais la collaboration n’allait pas plus loin. La mention de l’appartenance à des organisations visait l’appartenance collective des sociétés. M. Staltari a déclaré que SCRC n’était pas membre de Builders Industry and Land Development, pas plus qu’elle n’était membre d’une des autres organisations mentionnées.

[9]             M. Staltari a déclaré dans son témoignage qu’il était bel et bien propriétaire d’autres sociétés et que l’une de celles-ci (identifiée comme étant 1172210) avait acquis un terrain vacant vers 1996[4]. La parcelle de terrain était à l’origine un lot unique d’une largeur de 265 pieds et d’une profondeur de 110 pieds. Toutefois, avant que la société l’achète, le propriétaire de la parcelle de terrain l’a divisée en trois lots à la demande de M. Staltari. Parmi les trois lots achetés par 1172210, un a été vendu au beau-père de M. Staltari qui y a construit une maison pour lui-même, et M. Staltari a utilisé un autre lot pour y construire une résidence personnelle. M. Staltari a déclaré que son beau-père et lui vivaient toujours dans leur maison[5]. La société 1172210 a utilisé le troisième lot pour construire quatre maisons en rangée qui ont ensuite été louées à des tiers. M. Staltari a déclaré qu’il avait lui‑même construit sa résidence personnelle et les quatre maisons en rangée sur les deux lots. Il a également déclaré qu’il n’avait fait aucune autre construction sur un terrain vacant à des fins commerciales[6].

[10]        Au début de son contre‑interrogatoire, en réponse à la question de savoir s’il estimait qu’il était lui-même un constructeur, M. Staltari a dit qu’il avait construit la maison et les quatre maisons en rangée décrites dans le paragraphe qui précède de même que [traduction] « quelques maisons pour [lui‑même] ». Il a également reconnu qu’il pouvait à juste titre être décrit comme l’entrepreneur général de la construction de la maison et des quatre maisons en rangée construites sur le terrain acheté en 1996[7]. M. Staltari a nié être un promoteur[8] et, lorsque la question de savoir s’il se présentait lui-même comme un constructeur lui a été posée plus tard dans son contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il s’était présenté comme constructeur dans un appel interjeté devant la Commission des affaires municipales de l’Ontario (la « CAMO »)[9]. À l’occasion de son réinterrogatoire, il a expliqué qu’il s’était décrit lui-même comme un constructeur pour montrer qu’il avait une certaine expérience concernant la question relative à la demande faisant l’objet de l’appel (l’agrandissement de la salle à manger au 174, avenue Glebe, décrit ci‑après et l’augmentation de la capacité d’occupation à cet endroit) et qu’il serait en mesure de faire un bon travail[10]. En réponse à une question posée lors de son réinterrogatoire sur la raison pour laquelle il s’est également décrit lui-même comme étant un comptable agréé dans l’appel devant la CAMO, il a expliqué qu’il était fier de son titre de comptable, mais qu’il payait une cotisation de membre inactif et qu’ainsi, il n’exerçait pas la profession de comptable agréé.

[11]        En contre‑interrogatoire, M. Staltari s’est fait poser des questions à propos de huit sociétés énumérées dans l’annexe : 1) 1657‑1673 Carling Inc. (« Carling »); 2) Moda Development Corporation (« Moda »); 3) Staltari Realty Corporation (« SRC »); 4) 1172210 Ontario Inc. (« 1172210 »); 5) Bayview Property and Asset Management (« Bayview »); 6) 174 Glebe Avenue Ltd. (« Glebe »); 7) 841133 Ontario Inc. (« 841133 »); 8) 1128-1150 Cadboro Limited (« Cadboro »).

[12]        Carling détenait le titre légal simple sur un bien situé au 1657-1673, avenue Carling (le « bien sur l’avenue Carling »), un immeuble de 24 000 pieds carrés où se trouvaient des magasins au détail au rez-de-chaussée et des bureaux au premier étage. M. Staltari ne pouvait se rappeler du nom du propriétaire bénéficiaire du bien sur l’avenue Carling, mais a déclaré que c’était 1172210 ou Moda.

[13]        Moda était une société de portefeuille qui possédait les actions de 1172210. Moda détenait également un portefeuille d’actions acquis au moyen des fonds provenant du refinancement du bien sur l’avenue Carling en 2000. Le bien sur l’avenue Carling a été vendu en 2013 et plusieurs sociétés appartenant à M. Staltari ont fusionné la même année pour [traduction] « faire le ménage dans [ses] affaires[11] ».

[14]        SRC était la société qui exploitait l’entreprise de courtage que M. Staltari avait lancée en 1987 et 1172210 était la société qui avait acquis les trois lots vacants achetés en 1996. Bayview était une compagnie de gestion immobilière mise sur pied en 1993 qui ne détenait elle‑même aucun bien.

[15]        Les sociétés 841133 et Cadboro étaient inactives. M. Staltari a déclaré qu’il ne pouvait trouver quelque dossier que ce soit concernant 841133 pour montrer ce qu’elle faisait avant de devenir inactive. À un certain moment, Cadboro a détenu pendant six mois le titre légal simple sur un centre commercial linéaire de 6 000 pieds carrés situé sur l’avenue Cadboro (le « bien sur l’avenue Cadboro »).

[16]        Glebe détenait le titre légal simple sur une maison de retraite située au 174, avenue Glebe (le « bien sur l’avenue Glebe ») achetée en 2004. On a posé des questions à M. Staltari concernant des demandes présentées à la Ville d’Ottawa visant ce bien. Il a déclaré qu’une première demande avait été présentée pour que soit approuvée une augmentation de la capacité d’occupation de 47 résidents à 59 résidents et l’agrandissement de la salle à manger. L’agrandissement de la salle à manger a été approuvé, mais pas l’augmentation de la capacité d’occupation. En 2011, une autre demande a été présentée pour modifier à R4 le zonage du terrain, qui permet la construction de condominiums.

[17]        M. Staltari a expliqué que la Ville d’Ottawa subventionnait le bien situé sur l’avenue Glebe. Après que la Ville eut soulevé une question visant l’administrateur de la résidence, question qui n’a pas été résolue à sa satisfaction, elle a annulé le contrat concernant la subvention de la résidence. Ceci a entraîné le départ de tous les locataires. À ce moment-là, M. Staltari a tenté de trouver des solutions de rechange pour utiliser le bien. Des demandes pour des maisons en rangée ont été refusées, tout comme une demande de construction de deux maisons jumelées. Une demande de zonage R4 a donc été présentée. Cette demande a été approuvée, et il est prévu que Moda construise des condominiums pour un coût d’environ 9,5 millions de dollars. En contre‑interrogatoire, M. Staltari a déclaré qu’un tiers, gestionnaire de projets possédant l’expertise nécessaire, surveillerait la construction et que la commercialisation des condominiums était faite par un agent immobilier ainsi que sur le site Web de SCRC.

II. La preuve concernant le terrain

[18]        Le terrain vacant (le « terrain ») que M. Staltari a donné à la Ville d’Ottawa en 2009 comptait 19,59 hectares et est situé au 6851, chemin Flewellyn, à Ottawa, en Ontario. Le père de M. Staltari avait acheté le terrain en 1983, et le père et la mère de M. Staltari en étaient conjointement propriétaires. Dans son témoignage, M. Staltari a déclaré que personne ne connaissait réellement la raison pour laquelle son père avait acheté le terrain, sauf qu’il voulait être propriétaire d’une parcelle de terrain. À l’occasion, son père et les amis de celui-ci chassaient sur le terrain, mais, outre cette activité, son père n’a rien fait d’autre avec le terrain.

[19]        Dans son témoignage, M. Staltari a déclaré que, vers 2000, son père, qui était âgé de 72 ans et à la retraite[12], l’a approché pour qu’il achète le terrain. M. Staltari a déclaré que son père souhaitait avoir un montant supplémentaire en espèces, mais qu’il n’était pas disposé à simplement accepter un don de la part de M. Staltari. La vente du terrain à M. Staltari permettait à son père d’offrir quelque chose en échange de l’argent comptant.

[20]        D’après ce que M. Staltari se souvient, le prix de 70 000 $ a été fixé après qu’il eut examiné des biens comparables dans le quartier sur le réseau du service interagences. En contre‑interrogatoire, il a déclaré que, vu l’importance de l’achat, celui‑ci ne nécessitait pas une recherche plus approfondie concernant le prix. À l’insistance de sa mère, le prix d’achat devait être payé de manière étalée dans le temps. Ainsi, un premier paiement de 6 000 $ avait été versé et, par la suite, des paiements annuels de 8 000 $ avaient été effectués. En 2002, M. Staltari a effectué deux versements de 8 000 $ parce que son père avait besoin d’argent supplémentaire cette année-là.

[21]        M. Staltari a déclaré dans son témoignage qu’il n’avait pas eu lui‑même l’intention d’acquérir le terrain et que la seule raison pour laquelle il l’avait acheté était que son père le lui avait demandé. Il a également déclaré que, lorsqu’il avait acheté le terrain de son père et de sa mère, il savait qu’il s’agissait d’un terrain rural qui pouvait être utilisé comme terre agricole, mais il ne connaissait pas le zonage réel auquel était assujetti le terrain. Il a laissé entendre que la seule pensée qu’il avait au moment de l’achat était de peut‑être faire de l’exploitation forestière sur le terrain lorsqu’il prendrait sa retraite 10 ou 12 ans plus tard. Il a également déclaré que tout aménagement dans la région se situait au nord de Stittsville ou, plus récemment, à l’est. En contre‑interrogatoire, M. Staltari a nié avoir été au courant d’autres aménagements résidentiels dans le secteur où se trouvait le terrain au moment où il l’avait acheté, mais il a admis être au courant d’un tel aménagement à l’heure actuelle. Il a également admis qu’il savait qu’il y avait des rues à l’est du bien allant vers le nord depuis le chemin Flewellyn, mais il ne connaissait pas le nom de ces rues, et il ne les connaît toujours pas. Un témoin pour l’intimée a déclaré que les rues se trouvaient à 1,5 km et à 2 km à l’est du terrain.

[22]        Dans son témoignage, M. Staltari a déclaré qu’il n’avait rien fait avec le terrain avant le début de 2003. Il a déclaré qu’à l’occasion d’un cocktail à la fin de 2002 ou au début de 2003, une amie avocate l’avait informé que la Ville d’Ottawa était sur le point d’imposer un gel sur les lotissements. Elle l’avait avisé que, pour se protéger, il devait présenter deux demandes à la Ville : une demande de nouveau zonage du terrain et une autre demande pour subdiviser le terrain. M. Staltari a déclaré qu’on l’avait avisé que ces demandes devaient être présentées avant une réunion du conseil qui devait avoir lieu en avril 2003.

[23]        M. Staltari a présenté en preuve une lettre de l’avocate susmentionnée, datée du 6 mars 2003 (pièce A‑2), qui contenait un renvoi à la copie jointe de ce qui était désigné dans la lettre comme étant la recommandation 71 du Comité de l’urbanisme et de l’aménagement d’Ottawa. La copie jointe, intitulée comité de l’urbanisme et de l’aménagement, suite à donner 46, 17 — 21 FÉVRIER 2003, indique ce qui suit au paragraphe 71 :

[traduction]

lotissements DE DOMAINES RURAUX

attendu QUE le Comité de l’urbanisme et de l’aménagement a entendu de la part de nombreux résidents ruraux et représentants de la communauté de l’aménagement rural qu’une interdiction complète de lotissements de domaines ruraux pouvait être préjudiciable à l’économie rurale;

par conséquent, il est résolu de demander aux membres du personnel de mettre au point des options et des solutions de rechange à une interdiction complète et de présenter des recommandations au Comité avant les assemblées publiques prévues pour la fin du mois de mars concernant le Plan officiel.

Adopté

[24]        M. Staltari a retenu les services d’un consultant qui a déposé les demandes pour son compte le 16 avril 2003. Il a également retenu les services d’autres personnes pour analyser le sol, confirmer la disponibilité de l’eau de puits, en forant des puits d’essai, et effectuer une étude du bassin hydrographique, des éléments qui étaient tous nécessaires pour appuyer les demandes.

[25]        Une copie des deux demandes déposées en preuve par l’intimée en contre‑interrogatoire[13] indique que les demandes ont été présentées avec un plan préliminaire de plantation d’arbres et de conservation ainsi qu’une étude d’impact et qu’une étude hydrogéologique et une analyse du terrain [traduction] « seront fournies »[14].

[26]        M. Staltari a également engagé un entrepreneur pour construire une route de gravier sur le terrain, au coût de 104 719 $, taxes en sus[15]. M. Staltari a expliqué que la route était nécessaire parce que la camionnette de la personne qui avait été engagée pour forer les puits d’essai s’était embourbée dans la mousse de tourbe sur le site. Selon M. Staltari, la route était nécessaire pour libérer la camionnette et achever les puits d’essai. En contre-interrogatoire, il a déclaré que la route a été construite depuis le chemin Flewellyn jusqu’à l’endroit où se trouvait la camionnette, traversant environ les trois quarts du bien en direction nord. Il a également déclaré que la route ne convenait pas à une subdivision parce qu’elle ne se rendait pas complètement au nord du bien et qu’elle ne se terminait pas par un rond-point.

[27]        Dans son témoignage, M. Staltari a déclaré que la Ville d’Ottawa avait soulevé une préoccupation selon laquelle le terrain se trouvait près de terres écosensibles et avait demandé une étude sur les terres humides. La situation avait mis en suspens les demandes de changement de zonage et de subdivision. Pour faire avancer les choses, M. Staltari avait demandé des renseignements sur la position de la Ville concernant les demandes, et la Ville avait répondu que les demandes ne seraient pas approuvées. M. Staltari avait alors interjeté appel à la Commission des affaires municipales de l’Ontario afin d’empêcher que le terrain ne soit désigné en tant que terres humides écosensibles.

[28]        L’intimée a présenté en preuve les copies des deux appels interjetés par Flewellyn devant la CAMO, datés du 13 janvier 2005[16]. En contre‑interrogatoire, M. Staltari a déclaré que les appels avaient été interjetés parce que la Ville d’Ottawa n’avait pas pris de décision à l’égard des demandes à l’intérieur du délai prescrit applicable[17]. Il a également convenu que les appels étaient en instance jusqu’à ce qu’ils soient retirés le 3 février 2009[18]. En réponse à une question sur le statut du terrain en tant que terres humides, M. Staltari a déclaré qu’au moment de la présentation des demandes à la Ville d’Ottawa, la question de savoir si le terrain était constitué de terres humides ne le préoccupait pas. Cette préoccupation avait été soulevée après le dépôt des demandes[19].

[29]        À un moment donné, entre 2005 et le moment du don[20], pendant que se déroulait l’appel devant la CAMO, le ministère des Richesses naturelles (le « MRN ») a demandé la permission de se rendre sur le terrain pour évaluer son statut environnemental. M. Staltari a permis la visite parce qu’il ne croyait pas que le terrain était écologiquement sensible. Le représentant du MRN qui avait effectué la visite l’a informé concernant les avantages possibles rattachés au don du terrain. Il a par la suite fait des recherches en ligne sur la possibilité de faire un don et a conclu que la Ville d’Ottawa serait un donataire reconnu.

[30]        M. Staltari a entrepris des démarches auprès de la Ville, et celle‑ci a convenu d’accepter le don. Le terrain a été évalué à 1 935 000 $ et a été donné à la Ville en 2009. La Ville a délivré un reçu officiel de don de bienfaisance à M. Staltari pour la valeur estimative de 1 935 000 $. Le ministre de l’Environnement a attesté que le terrain était un terrain écosensible et il a également attesté que la juste valeur marchande du terrain s’élevait à 1 935 000 $.

[31]        M. Staltari a utilisé 875 000 $ du montant du reçu du don écologique pour demander un crédit d’impôt sur le revenu non remboursable pour son année d’imposition 2009 en vertu du paragraphe 118.1(3) de la LIR. L’intimée ne conteste pas l’admissibilité du don de 1 935 000 $ pour son inclusion dans le « total des dons de biens écosensibles » et le « total des dons » de M. Staltari, au sens du paragraphe 118.1(1) de la LIR, pour 2009.

[32]        Dans son témoignage, M. Staltari a ainsi décrit les raisons pour lesquelles il avait choisi de faire don du terrain à la Ville d’Ottawa[21] :

[traduction]

Voici ce à quoi je pensais au moment où j’ai exploré la possibilité de faire un don : j’avais le risque de posséder des terres humides. Il y avait l’appel devant la CAMO que je pouvais poursuivre et j’avais l’option de faire ce don.

Ne pas faire le don et ne pas poursuivre l’appel, d’accord, signifiaient pour moi à ce moment-là et maintenant, d’ailleurs, mais même à ce moment-là, je finirais avec un terrain écosensible avec lequel je ne pourrais rien faire. Alors, ce n’était pas une option que j’allais choisir.

Donc, l’option consistait à me demander si je poursuivais l’appel, je protégeais mes droits futurs, ou bien j’avais ce reçu de don qui était très ‑‑ financièrement très attrayant parce que j’avais un gain important provenant de l’immeuble que j’avais vendu, et je pouvais utiliser une bonne partie de ce gain pour cette année‑là.

Je me suis dit que, financièrement, c’était la chose la plus logique, d’accord? J’ai donc choisi de faire un don et je me suis ensuite désisté de l’appel.

[33]        Lors de son réinterrogatoire, M. Staltari a déclaré que la demande concernant un plan de subdivision avait pour but d’obtenir l’approbation d’un tel plan de subdivision et rien de plus. Il a aussi déclaré qu’aucune discussion n’avait eu lieu concernant la construction de maisons sur le terrain et aucune mesure n’avait été prise pour réaliser la construction de maisons sur celui-ci.

[34]        Dans son témoignage, M. Staltari a déclaré qu’il avait engagé des dépenses de 293 820,98 $ à l’égard du terrain, ce qui incluait le prix d’achat de 70 000 $. Il a également déclaré que sa société avait payé les dépenses et que celles‑ci avaient été inscrites comme étant un solde qu’il devait à la société dans le compte de prêt de l’actionnaire de la société. En contre-interrogatoire, M. Staltari a précisé que, dans les faits, la société lui devait de l’argent, de sorte que les paiements réduisaient le montant que lui devait la société[22]. Il ne se souvenait pas du solde du prêt de l’actionnaire qui était ainsi réduit et a reconnu qu’il n’avait pas avec lui les dossiers comptables pertinents[23].

III. La preuve de l’intimée

[35]        Deux personnes ont témoigné pour l’intimée : Michael Berghout et James Atkinson. Michael Berghout est un vérificateur de l’impôt sur le revenu à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») et, en 2011, il a vérifié le don de terrain que M. Staltari avait fait à la Ville d’Ottawa en 2009. James Atkinson est un gestionnaire de la Division de la vérification des grandes entreprises à l’ARC, mais il était anciennement à la Direction des décisions de l’impôt. En qualité d’agent de décisions, en novembre 2008, il avait traité une demande que M. Staltari avait présentée sollicitant une décision anticipée en matière d’impôt sur le revenu concernant la qualification du don du terrain à la Ville d’Ottawa au titre de l’impôt sur le revenu.

[36]        Dans son témoignage, M. Berghout a déclaré que, dans la cadre de sa vérification, il avait effectué des recherches sur les aménagements immobiliers dans le voisinage du terrain. Il avait établi qu’il y avait un aménagement semblable à environ 2 km plus loin, sur le Croissant Ridingview, et que les inscriptions sur le réseau du service interagences indiquaient que les maisons construites dans l’ensemble résidentiel avaient été construites de 2000 à 2004. En contre-interrogatoire, M. Berghout a reconnu que, dans la réponse, l’intimée avait formulé l’hypothèse selon laquelle les maisons sur le Croissant Ridingview avaient été construites en 2003 et en 2004[24]. M. Berghout a également déclaré dans son témoignage que la construction était en cours dans l’ensemble résidentiel Ironstone lorsqu’il était passé en voiture en juillet ou en août 2011. Cet ensemble résidentiel se trouvait à environ 1,5 km du terrain.

[37]        M. Berghout a déclaré dans son témoignage qu’il avait effectué une recherche sur le prix d’achat du terrain payé par M. Staltari sur GeoWarehouse, qui fournit un résumé des renseignements des registres fonciers. Les renseignements sur GeoWarehouse indiquaient que le prix d’achat était de 70 000 $, comme l’a déclaré M. Staltari. M. Berghout a déclaré que M. Staltari n’avait fourni aucun autre renseignement pour confirmer les autres dépenses incluses dans le montant de 293 820,98 $ mentionné par M. Staltari au titre des dépenses engagées à l’égard du terrain[25].

[38]        En contre‑interrogatoire, M. Berghout a confirmé que les seules hypothèses concernant l’année 2000 (soit l’année au cours de laquelle M. Staltari avait acheté le terrain de son père) se trouvaient aux alinéas 8a) à e) de la réponse. Il a également déclaré qu’il ne connaissait pas l’existence d’autres faits au moment de cet achat. Lors de son réinterrogatoire, il a confirmé que l’alinéa 8f) de la réponse était un énoncé exact d’une hypothèse formulée concernant un fait qui existait au moment de l’achat.

[39]        Dans son témoignage, M. Atkins a déclaré qu’en novembre 2008, en réponse à une demande de décision présentée par M. Staltari au téléphone, il avait informé ce dernier que l’ARC ne rendait pas de décisions anticipées en matière d’impôt sur le revenu sur des questions de fait comme celle de savoir si la disposition d’un bien produit un revenu ou un gain en capital. Il a également déclaré dans son témoignage qu’il avait dit que, selon les faits dont il disposait, [traduction] « il est probable que nous dirions qu’il s’agissait d’un élément d’inventaire, mais ce n’est pas une réponse définitive[26] ».

IV. La thèse de l’appelant

[40]        L’avocat de l’appelant a soutenu que l’alinéa 38a.2) de la LIR, qui exclut des gains en capital imposables le gain en capital provenant du don à un donataire reconnu d’un bien décrit dans la définition de « total des dons de biens écosensibles » prévue au paragraphe 118.1(1), sous‑entend que, dans les cas où un terrain est admissible à un tel traitement, il devrait être considéré comme étant une immobilisation du donateur. L’alinéa 38a.2) est une disposition précise dont l’application ne se limite pas à la disposition d’une « immobilisation » ( « property » dans la version anglaise) et il aurait été facile pour le législateur d’insérer dans la version anglaise le mot « capital » devant le mot « property » dans le sous‑alinéa 38a.2)(i). En qualité de disposition particulière visant la disposition d’un terrain écosensible, l’alinéa 38a.2) doit prévaloir sur le régime plus général qui distingue les gains en capital du revenu d’entreprise.

[41]        L’avocat de l’appelant a fait valoir que traiter un bien écosensible admissible comme une immobilisation est compatible avec la politique sous‑jacente axée sur les incitatifs des dispositions applicables au don d’un tel bien et offre aux contribuables une certitude concernant le résultat fiscal de tels dons. L’avocat a souligné que le site Web d’Environnement Canada décrit ces dons comme offrant certains avantages fiscaux : pour les particuliers, un crédit d’impôt au titre d’un don de bienfaisance sans gain en capital imposable découlant du don. Il n’est indiqué nulle part que ces conséquences fiscales peuvent être refusées et, à l’égard de ces questions, les contribuables ont droit à la certitude.

[42]        En ce qui concerne la question plus générale de savoir si le terrain était une immobilisation ou un élément d’inventaire de M. Staltari, l’avocat a soutenu qu’aucun élément de preuve n’établissait que M. Staltari avait une intention primaire ou secondaire de vendre le terrain pour un profit au moment de son acquisition en 2000. La carrière de M. Staltari dans le domaine de l’immobilier et ses tentatives d’obtenir l’approbation d’un plan de subdivision lorsqu’il a été mis au courant du changement de politique de la Ville d’Ottawa n’appuient pas une telle intention première ou secondaire. Plus particulièrement, à l’exception de la construction des quatre maisons en rangée, rien dans la preuve n’indique que M. Staltari possédait de l’expérience dans l’aménagement de terrains vacants et il ne l’avait certainement pas dans la mesure nécessaire pour une parcelle de terre de la taille du terrain en question. La preuve a montré que M. Staltari était un agent immobilier actif qui participait à l’acquisition et à la location de biens commerciaux et de détail. De même, aucun élément de preuve n’a montré que M. Staltari était au courant du changement de politique de la Ville avant 2003 ou qu’il avait pris des mesures en lien avec l’aménagement du terrain entre l’achat de celui-ci en 2000 et le début de 2003.

[43]        L’avocat a renvoyé la Cour à la décision de la Cour fédérale, Section de première instance (comme on l’appelait alors), intitulée Happy Valley Farms Ltd. c. M.R.N., [1986] A.C.F. no 465 (QL), et à l’arrêt de la Cour de l’Échiquier intitulé Racine, Demers et Nolin c. Ministre du Revenu national, [1965] 2 Ex. C.R. 338, à l’appui de la thèse suivante : pour qu’une transaction qui implique l’acquisition d’une immobilisation soit qualifiée de projet à risque ou d’affaire de caractère commercial, l’acheteur doit, lors de l’achat, avoir l’intention de revendre et ce doit être le motif de l’achat. L’avocat a fait valoir que la Cour d’appel fédérale avait confirmé cette exigence dans l’arrêt Canada Safeway Limited c. La Reine, 2008 CAF 24.

[44]        L’avocat a également renvoyé la Cour à la décision de la Cour fédérale, Section de première instance (comme on l’appelait alors), intitulée Demeter Equity Limited v. The Queen, 79 DTC 5230, (qui, à la page 5233, renvoyait à une autre décision de cette cour) et a fait valoir que le témoignage de M. Staltari était suffisant en l’espèce pour établir l’intention, étant donné que l’achat du terrain s’expliquait par son désir d’aider ses parents et qu’il n’avait rien fait avec le terrain avant le début de 2003, lorsque les circonstances ont changé.

[45]        L’avocat a soutenu que la preuve permettait de tirer les conclusions suivantes[27] :

1.                   Le zonage du terrain en vigueur au moment de l’acquisition ne permettait pas l’aménagement de lots résidentiels. Ainsi, au moment de l’acquisition, M. Staltari n’aurait pas été en mesure d’aménager le terrain sans prendre des mesures supplémentaires.

2.                   Les activités de M. Staltari n’incluaient pas l’aménagement de lots vacants en subdivisions.

3.                   M. Staltari aurait eu besoin d’obtenir un financement important pour aménager le terrain; il n’a toutefois fait aucun effort pour l’obtenir, pas plus qu’il n’a commercialisé le plan de subdivision auprès d’acheteurs éventuels.

4.                   M. Staltari n’a amélioré le terrain d’aucune manière. De 2003 à 2004, son activité sur le terrain s’est limitée à prendre les mesures requises pour obtenir les rapports nécessaires à l’appui du plan de subdivision, y compris la construction de la route pour dégager la camionnette prise dans la mousse de tourbe.

5.                   M. Staltari ne faisait l’objet d’aucune pression financière personnelle qui l’aurait forcé à vendre le terrain afin de recouvrer ses coûts.

6.                 M. Staltari n’a jamais terminé le processus de subdivision.

[46]        Selon l’avocat, compte tenu de la preuve, la raison principale pour laquelle M. Staltari a acheté le terrain était d’aider ses parents. La raison secondaire de M. Staltari concernant l’achat du terrain, s’il en avait une, était d’utiliser le bien à sa retraite pour y faire de l’exploitation forestière. L’avocat a également soutenu que le don avait cristallisé la nature du terrain en tant qu’immobilisation de M. Staltari parce qu’il n’avait aucune occasion de retirer un profit de ce mode de disposition et l’avocat a cité à l’appui de cette affirmation la page 1602 de la décision de la Cour intitulée Whent v. The Queen, publiée s.n. Pustina et al. v. The Queen, 96 DTC 1594, confirmée par 251 N.R. 252 s.n. Canada v. Zelinski et al., autorisation de pourvoi en appel à la Cour suprême du Canada refusée par 266 N.R. 393.

V. La thèse de l’intimée

[47]        L’avocat de l’intimée a soutenu que le terrain était un élément d’inventaire parce que M. Staltari était un spécialiste du domaine de l’immobilier qui vendait souvent des biens pour d’autres et, à l’occasion, pour lui-même. M. Staltari a acquis le terrain dans le cadre d’un projet commercial, comme le démontre le fait que M. Staltari possédait des biens immobiliers par l’entremise de plusieurs sociétés et que le terrain était détenu à peu près de la même manière. M. Staltari avait construit des biens immeubles dans le passé (la rangée de quatre maisons et sa propre maison) et avait un projet en cours comportant la construction et la vente de condominiums au 174, avenue Glebe, à Ottawa.

[48]        Subsidiairement, l’avocat fait valoir que l’achat et le don du terrain étaient un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial et que le don avait pour effet de donner lieu à un revenu tiré d’une entreprise. Le don était assimilé à une offre d’achat non sollicitée que M. Staltari a acceptée. Le seul élément différent est que, plutôt que d’être en présence d’un prix de vente, la LIR a présumé que le produit de la disposition était égal à la juste valeur marchande du terrain.

[49]        L’avocat de l’intimée a fait référence à l’arrêt Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, de la Cour suprême du Canada et à l’arrêt Canada Safeway, précité, de la Cour d’appel fédérale. L’avocat a mentionné plus particulièrement les facteurs précisés aux alinéas (i) à (iv) à la page 116 de l’arrêt Friesen et le résumé des principes directeurs au paragraphe 61 de l’arrêt Canada Safeway. L’avocat a énoncé le cinquième principe de l’arrêt Canada Safeway, à savoir que « [...] le témoignage du contribuable au sujet de son intention n’est pas déterminant et doit être examiné à la lumière de l’ensemble des circonstances ». Il a ensuite mentionné le principe énoncé dans l’arrêt Ludco Enterprises Ltd. c. Canada, 2001 CSC 62, [2001] 2 R.C.S. 1082, au paragraphe 54, selon lequel « [d]ans l’interprétation de la Loi, tout comme dans d’autres domaines du droit, les tribunaux appelés à dégager l’objet d’une mesure ou l’intention de son auteur doivent déterminer objectivement la nature de la fin poursuivie en tenant compte à la fois des éléments subjectifs et objectifs pertinents : [...] »

[50]        En ce qui concerne les circonstances objectives, l’avocat a soutenu que le fait que M. Staltari avait dépensé, selon sa propre estimation, environ 226 000 $ pour protéger son droit sur le terrain contredisait la proposition selon laquelle il n’avait pas d’intention à l’égard du terrain au moment de l’achat, puisqu’aucun homme raisonnable ne dépenserait une telle somme pour protéger un bien d’une valeur de 70 000 $ à l’égard duquel il n’a aucune intention. De même, l’intention selon laquelle M. Staltari entreprendrait une exploitation forestière à sa retraite était problématique, car il a attribué cette idée à un ami avec qui il jouait au hockey, mais il a également indiqué dans sa demande de décision anticipée que son père avait envisagé de faire de l’exploitation forestière. L’avocat se demandait pourquoi cette idée n’aurait pas été celle de son père, si en effet cette activité était envisagée au moment de l’achat.

[51]        L’avocat a également souligné que M. Staltari avait exercé ses activités dans le domaine de l’immobilier pendant toute sa vie professionnelle et il a soutenu qu’il y avait un mode de comportement qui appuyait une inférence de transaction commerciale à l’égard du terrain, comme le recours à un prête‑nom pour détenir le titre légal sur le terrain, l’existence d’une forme de financement du prix d’achat du terrain (c’est-à-dire des paiements annuels différés), l’absence de revenu tiré du terrain et la présentation de deux demandes, une pour un changement de zonage et l’autre pour une approbation de subdivision, à peu près deux ans après l’acquisition afin d’accroître la valeur du terrain. L’avocat a fait remarquer que cette dernière mesure ressemblait beaucoup à la première demande visant à rendre le bien situé au 174, avenue Glebe plus rentable en augmentant le nombre d’occupants de 47 à 59.

[52]        Enfin, l’avocat a soutenu que je devrais tirer une inférence défavorable du fait que M. Staltari n’avait pas présenté d’autres témoins, comme ses parents ou ceux qui s’occupaient des demandes de changement de zonage et de subdivision, qui auraient pu corroborer son récit.

VI. Les dispositions législatives

[53]        Aux termes de l’alinéa 38a) de la LIR, le gain en capital imposable d’un contribuable tiré de la disposition d’un bien est égal à la moitié du gain en capital qu’il a réalisé à la disposition du bien. L’alinéa 38a) est rédigé ainsi :

38. Sens de gain en capital imposable et de perte en capital déductiblePour l’application de la présente loi :

a) [gain en capital imposable — règle générale] — Sous réserve des alinéas a.1) à a.3), le gain en capital imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, tiré de la disposition d’un bien, est égal à la moitié du gain en capital qu’il a réalisé pour l’année à la disposition du bien; […]

[54]        L’alinéa 38a.2) de la LIR prévoit une exception à la règle générale prévue à l’alinéa 38a) en présumant que le gain en capital d’un contribuable tiré de la disposition d’un fonds de terre écosensible est égal à zéro. La partie de l’alinéa qui est pertinente dans le présent appel est rédigée ainsi :

38. Sens de gain en capital imposable et de perte en capital déductiblePour l’application de la présente loi :

a.2) [gain en capital imposable — don écosensible] — le gain en capital imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, tiré de la disposition d’un bien, est égal à zéro si, selon le cas :

(i) la disposition consiste à faire don à un donataire reconnu (à l’exception d’une fondation privée) d’un bien visé, en ce qui concerne le contribuable, à l’alinéa 110.1(1)d) ou à la définition de « total des dons de biens écosensibles » au paragraphe 118.1(1); [...]

[55]        L’alinéa 39(1)a) de la LIR décrit ce qui constitue le gain en capital d’un contribuable pour une année d’imposition tiré de la disposition d’un bien quelconque à l’exception de certains biens énumérés. L’alinéa est rédigé ainsi :

39. (1) Sens de gain en capital et de perte en capital [et de perte au titre d’un placement d’entreprise] — Pour l’application de la présente loi :

a) un gain en capital d’un contribuable, tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien quelconque, est le gain, déterminé conformément à la présente sous-section (jusqu’à concurrence du montant de ce gain qui ne serait pas, compte non tenu du passage « autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien », à l’alinéa 3a), et de l’alinéa 3b), inclus dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition), que ce contribuable a tiré, pour l’année, de la disposition d’un bien lui appartenant, à l’exception :

(i) d’une immobilisation admissible,

(i.1) d’un objet dont la conformité aux critères d’intérêt et d’importance énoncés au paragraphe 29(3) de la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels a été établie par la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels et qui a été aliéné dans le délai suivant au profit d’un établissement, ou d’une administration, au Canada alors désigné, en application du paragraphe 32(2) de cette loi, à des fins générales ou à une fin particulière liée à cet objet :

(A) dans le cas d’un don auquel le paragraphe 118.1(5) s’applique, au cours de la période se terminant 36 mois après le décès du contribuable ou, si le représentant légal du contribuable en fait la demande écrite au ministre au cours de cette période, dans tout délai supplémentaire que le ministre estime raisonnable dans les circonstances,

(B) dans les autres cas, à n’importe quel moment,

(ii) d’un avoir minier canadien,

(ii.1) d’un avoir minier étranger,

(ii.2) d’un bien ayant fait l’objet d’une disposition à laquelle les paragraphes 142.4(4) ou (5) ou 142.5(1) s’appliquent,

(iii) d’une police d’assurance, y compris une police d’assurance‑vie, sauf la partie d’une police d’assurance‑vie à l’égard de laquelle un détenteur de police est réputé, en vertu de l’alinéa 138.1(1)e), posséder une participation dans une fiducie créée à l’égard du fonds réservé,

(iv) d’un avoir forestier;

(v) de la participation d’un bénéficiaire dans une fiducie pour l’environnement admissible; […]

[56]        L’alinéa 39(1)a) doit être lu de concert avec les parties pertinentes de l’article 3 de la LIR, qui sont rédigées ainsi :

3. Revenu pour l’année d’imposition — Pour déterminer le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, pour l’application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

a) le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien) dont la source se situe au Canada ou à l’étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

b) le calcul de l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii) :

(i) le total des montants suivants :

(A) ses gains en capital imposables pour l’année tirés de la disposition de biens, autres que des biens meubles déterminés,

(B) son gain net imposable pour l’année tiré de la disposition de biens meubles déterminés,

(ii) l’excédent éventuel de ses pertes en capital déductibles pour l’année, résultant de la disposition de biens autres que des biens meubles déterminés sur les pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise pour l’année, subies par le contribuable;

[…]

[57]        Le revenu pour l’année qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien est décrit au paragraphe 9(1) de la LIR :

9. (1) Revenu — Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

[58]        Les règles générales pour calculer un gain en capital se trouvent au paragraphe 40(1) de la LIR. Le paragraphe 40(1) est rédigé en partie ainsi :

40. (1) Règles générales [calcul des gains et des pertes] — Sauf indication contraire expresse de la présente partie :

a) le gain d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien est l’excédent éventuel :

(i) en cas de disposition du bien au cours de l’année, de l’excédent éventuel du produit de disposition sur le total du prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, calculé immédiatement avant la disposition, et des dépenses dans la mesure où celles-ci ont été engagées ou effectuées par lui en vue de réaliser la disposition, [...]

[59]        Le mot « immobilisations » est défini ainsi à l’article 54 :

« immobilisations » S’agissant des immobilisations d’un contribuable :

a) « disposition de biens » tous biens amortissables du contribuable;

b) tous biens (autres que des biens amortissables) dont la disposition se traduirait pour le contribuable par un gain ou une perte en capital.

[60]        Le mot « entreprise » est défini ainsi au paragraphe 248(1) de la LIR :

248. (1) Définitions — Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi :

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi.

[61]        Le don d’un fonds de terre écologiquement sensible effectué par un particulier à un donataire reconnu peut donner au particulier le droit à un crédit d’impôt non remboursable calculé conformément aux règles prévues à l’article 118.1 de la LIR. Les parties de l’article 118.1 applicables dans le présent appel sont rédigées ainsi :

118.1 (1) Définitions — Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

« total des dons de biens écosensibles » En ce qui concerne un particulier pour une année d’imposition, le total des montants représentant chacun le montant admissible d’un don (sauf un don visé à la définition de « total des dons de biens culturels ») d’un fonds de terre (y compris un covenant ou une servitude, visant un fonds de terre, la servitude devant être une servitude réelle si le fonds de terre est situé au Québec) dans la mesure où ils n’ont pas été inclus dans le calcul d’un montant déduit en application du présent article dans le calcul de l’impôt payable par le particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition antérieure, si, à la fois :

a) la juste valeur marchande du don est attestée par le ministre de l’Environnement;

b) selon l’attestation de ce ministre ou d’une personne qu’il désigne, le fonds de terre est sensible sur le plan écologique, et sa préservation et sa conservation sont, de l’avis de ce ministre ou de cette personne, importantes pour la protection du patrimoine environnemental du Canada;

c) le don a été fait par le particulier au cours de l’année ou d’une des cinq années d’imposition précédentes à l’une des personnes suivantes :

(i) Sa Majesté du chef du Canada ou d’une province,

(ii) une municipalité du Canada,

(iii) un organisme municipal ou public remplissant une fonction gouvernementale au Canada,

(iv) un organisme de bienfaisance enregistré qui est approuvé par le ministre de l’Environnement ou par la personne désignée pour ce qui est du don et dont l’une des principales missions, de l’avis de ce ministre, est de conserver et de protéger le patrimoine environnemental du Canada.

« total des dons » S’agissant du total des dons d’un particulier pour une année d’imposition, le total des montants suivants :

a) [...]

b) le total des dons à l’État du particulier pour l’année;

c) le total des dons de biens culturels du particulier pour l’année;

d) le total des dons de biens écosensibles du particulier pour l’année.

118.1 (3) Crédits d’impôt pour dons — Un particulier peut déduire dans le calcul de son impôt payable en vertu de la présente partie pour une année d’imposition un montant qui ne dépasse pas le montant calculé selon la formule suivante :

(A × B) + [C × (D – B)]

A         représente le taux de base pour l’année;

B         le moins élevé de 200 $ et du total des dons du particulier pour l’année;

C         le taux le plus élevé, mentionné au paragraphe 117(2), applicable au calcul de l’impôt qui pourrait être payable en vertu de la présente partie pour l’année;

D         le total des dons du particulier pour l’année.

[62]        Enfin, aux termes de l’alinéa 69(1)b) de la LIR, un contribuable qui a disposé d’un bien au moyen d’une donation entre vifs est réputé avoir reçu par suite de la disposition une contrepartie égale à la juste valeur marchande du bien au moment de la donation. L’alinéa 69(1)b) est rédigé ainsi :

69. (1) Contreparties insuffisantes — Sauf disposition contraire expresse de la présente loi :

[…]

b) le contribuable qui a disposé d’un bien en faveur :

(i) soit d’une personne avec laquelle il avait un lien de dépendance sans contrepartie ou moyennant une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande de ce bien au moment de la disposition,

(ii) soit d’une personne au moyen d’une donation entre vifs,

(iii) soit d’une fiducie par suite de la disposition d’un bien qui n’a pas pour effet de changer la propriété effective du bien;

est réputé avoir reçu par suite de la disposition une contrepartie égale à cette juste valeur marchande; […]

VII. Analyse

[63]        L’intimée soutient que M. Staltari a acheté et détenu le terrain et en a disposé dans le cadre d’une entreprise qu’il exploitait à titre de propriétaire unique. Subsidiairement, l’intimée fait valoir que l’achat, la possession et la disposition du terrain par M. Staltari constituaient un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, ce qui est une « entreprise » selon la définition de ce mot au paragraphe 248(1) de la LIR.

[64]        Selon l’une ou l’autre thèse, la disposition du terrain en faveur de la Ville d’Ottawa donnerait lieu à un revenu d’entreprise pour M. Staltari égal à la différence entre le coût du terrain pour M. Staltari et le produit de la disposition du terrain qui, aux termes de l’alinéa 69(1)b) de la LIR, est réputé être égal à la juste valeur marchande du terrain au moment du don. Les parties ont convenu que la juste valeur marchande du terrain au moment du don s’élevait à 1 935 000 $, comme l’a attesté le ministre de l’Environnement.

[65]        Avant d’entreprendre l’analyse de ces thèses, il est utile de rappeler quelque peu le contexte.

[66]        Pour les années d’imposition antérieures à 1972, le revenu était assujetti à l’impôt sur le revenu pourvu qu’il se soit agi d’un « revenu tiré d’une source » et le capital n’était pas assujetti à l’impôt sur le revenu[28]. Lorsque la Loi de l’impôt sur le revenu de 1952 a été modifiée par le chapitre 63 des Lois du Canada 1970‑71‑72, l’article 3 qui décrivait le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition a été remplacé par une version qui visait les gains en capital imposables, de sorte que ces gains (nets des pertes en capital déductibles) étaient inclus dans le revenu, quoique le montant reçu ait été, dans les faits, de la nature d’une immobilisation. Le gain en capital imposable ou la perte en capital déductible d’un contribuable provenant de la disposition d’une immobilisation est déterminé conformément aux règles prévues à la sous-section c de la section B de la partie I de la LIR.

[67]        Dans le contexte de la disposition d’un bien qui ne figure pas aux sous‑alinéas 39(1)a)(i) à (v)[29], comme le terrain, l’alinéa 39(1)a) indique l’existence d’un gain en capital en posant la question de savoir si le produit de la disposition du bien serait inclus dans le revenu si l’article 3 était lu sans se reporter à l’inclusion d’un gain en capital imposable ou d’une perte en capital déductible. Bien que le libellé de la parenthèse de l’alinéa 39(1)a) puisse sembler à première vue créer une circularité dans la définition de gain en capital, le libellé s’inspire en fait simplement de la jurisprudence mise au point sous le régime des lois de l’impôt sur le revenu antérieures à 1972 et qui prévoyaient le fondement pour la distinction entre le « revenu tiré d’une source » et le « capital ».

[68]        Si le produit pertinent de la disposition est inclus dans le revenu du contribuable pour l’année en vertu de l’article 3, lu sans se reporter aux parties de cet article qui visent les gains en capital imposables, alors les règles relatives aux gains en capital prévues dans la sous‑section c ne s’appliquent pas aux termes du libellé contenu dans la parenthèse à l’alinéa 39(1)a). En revanche, si le produit de la disposition du bien est du capital selon l’analyse traditionnelle, les règles relatives aux gains en capital s’appliquent alors et la moitié du gain en capital (appelée le gain en capital imposable) est incluse dans le revenu du contribuable par l’application de l’alinéa 3b) de la LIR.

[69]        Le point en litige en l’espèce est de savoir si le produit de la disposition que M. Staltari a été réputé recevoir à l’occasion du don du terrain à la Ville d’Ottawa en 2009 est un revenu inclus au titre de l’article 3, sans égard au libellé de cette partie qui inclut les gains en capital imposables nets des pertes en capital déductibles. Interprété de cette manière, l’alinéa 3a) inclut dans le revenu le revenu du contribuable pour l’année dont la source se situe au Canada ou à l’étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien. La seule source pertinente pour la question en l’espèce est une entreprise[30].

[70]        Le mot « entreprise » est défini au paragraphe 248(1) et il inclut « les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et […] les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi. » Cette définition inclusive signifie que le sens traditionnel du mot « entreprise » s’applique également. La signification la plus couramment citée est la suivante : [traduction] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit est une entreprise » (voir Stewart c. Canada, 2002 CSC 46, [2002] R.C.S. 645, au paragraphe 38). En présence d’une entreprise d’un contribuable, le paragraphe 9(1) prévoit que le revenu qu’un contribuable tire de l’entreprise pour une année d’imposition est le « bénéfice » qu’il en tire pour cette année[31].

[71]        La définition législative du mot « entreprise » a été incluse pour la première fois dans la Loi de l’impôt sur le revenu (1948) pour les années d’imposition commençant après 1948. La nouvelle définition ajoutait la notion sur « les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial » à la signification du mot entreprise. Dans l’arrêt Minister of National Revenue v. Taylor, [1956‑1960] Ex. C.R. 3, le président Thorson a décrit ainsi la modification aux pages 13 et 14 :

[traduction]

Comme je l’ai déjà déclaré, le principal point en litige dans le présent appel est de savoir si l’achat et la vente de 1 500 tonnes de plomb par le défendeur étaient un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial. S’ils l’étaient, le bénéfice qui en découlait était un revenu imposable tiré d’une entreprise au sens de l’article 3 de la Loi de l’impôt sur le revenu de 1948, comme le définit l’alinéa 127(1)e). L’expression [traduction] « les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial » est apparue pour la première fois dans une loi canadienne de l’impôt sur le revenu à l’alinéa 127(1)e) de la loi de 1948. L’expression a sans aucun doute été tirée de l’Income Tax Act, 1918 du Royaume‑Uni. Dans cette loi, au titre du cas I de l’annexe D, l’impôt était imposé à l’égard de n’importe quel commerce [...] et selon la définition de l’article 237, le commerce incluait [traduction] « les commerces, les industries, les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial ». Avant cette inclusion dans la définition du commerce par l’article 237 de l’Income Tax Act, 1918, l’expression est apparue dans l’Income Tax Act de 1842. Cette loi prévoyait dans le premier cas, dans l’annexe d), l’imposition de droits à l’égard des [traduction] « commerces, industries, projets comportant un risque ou affaires de caractère commercial […] ». En effet, l’expression remonte à la loi de 1803.

À mon avis, il ressort clairement du libellé de la loi canadienne, indépendamment de toute décision judiciaire, que les termes [traduction] « commerce » et [traduction] « les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial » ne sont pas synonymes et il s’ensuit que le bénéfice découlant d’une transaction peut être un revenu tiré d’une entreprise au sens de l’article 3, en raison de la définition du mot entreprise à l’alinéa 127(1)e), même si l’opération ne constituait pas un commerce, pourvu qu’elle ait été un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial.

[72]        Après avoir longuement examiné la jurisprudence du Royaume‑Uni portant sur la même expression utilisée dans les lois de l’impôt sur le revenu du Royaume‑Uni, le président Thorson a déclaré ce qui suit aux pages 24 à 26 :

[traduction]

            Selon la jurisprudence, l’inclusion de l’expression [traduction] « les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial » dans la définition du mot [traduction] « commerce » dans la loi du Royaume-Uni a élargi substantiellement le champ du genre de transactions dont les bénéfices étaient assujettis à l’impôt sur le revenu. À mon avis, l’inclusion de l’expression dans la définition du mot [traduction] « entreprise » dans la loi canadienne, indépendamment de toute décision judiciaire, a eu un effet semblable au Canada. Je suis également d’avis qu’il n’est pas possible de préciser les limites de la portée de l’expression ou de formuler un seul critère pour décider si une transaction particulière était un projet comportant un risque de caractère commercial. En effet, dans chaque cas, la réponse est fonction des faits et des circonstances de l’affaire. Bien qu’il en soit ainsi, il est néanmoins possible d’énoncer avec certitude certaines propositions de nature défavorable.

[...]

À mon avis, il est possible de tenir pour acquis que le fait qu’une personne a conclu une transaction du type en cause n’a aucune incidence sur la question de savoir s’il s’agissait d’un projet comportant un risque de caractère commercial. C’est la nature de la transaction, et non son caractère unique ou isolé, qu’il faut établir.

Pour qu’une transaction soit un projet comportant un risque de caractère commercial, il n’est pas non plus essentiel qu’une organisation soit créée afin de mener la transaction à bonne fin. La prétention selon laquelle cela est nécessaire découlait de la conclusion de la Commission dans la décision Martin & Lowry [[1927] A.C. 312] que la Chambre des lords n’a pas infirmée, mais il ressort clairement de décisions telles que Rutledge v. The Commissioner of Inland Revenue (précitée) et Lindsay et al. v. The Commissioners of Inland Revenue (précitée) qu’une transaction peut constituer un projet comportant un risque de caractère commercial même si une organisation n’a pas été créée afin de la mener à bonne fin.

De même, les deux dernières décisions mentionnées constituent un fondement pour dire qu’une transaction peut être un projet comportant un risque de caractère commercial, même si rien n’a été fait quant à l’objet de la transaction pour la rendre vendable, comme c’était le cas dans l’affaire The Commissioners of Inland Revenue v. Livingston et al. (précitée).

De même, le fait qu’une transaction est tout à fait différente, quant à sa nature, des autres activités du contribuable et que le contribuable n’a jamais auparavant, ni depuis lors, conclu une transaction de ce genre n’empêche pas en soi la transaction d’être un projet comportant un risque de caractère commercial. La véritable nature de la transaction est ce qui doit être établi, et, si la transaction est de caractère commercial, les bénéfices qui en découlent sont assujettis à l’impôt même si elle n’a aucun lien avec les activités ordinaires de la personne qui l’a conclu et qu’elle n’a jamais conclu une telle transaction avant ou depuis.

[73]        Dans l’arrêt Hiwako Investments Ltd. v. M.N.R. (1978), 21 N.R. 220 (C.A.F.), le juge en chef Jackett a expliqué ainsi l’approche générale pour déterminer si le revenu provenant de la disposition d’un bien était tiré d’une entreprise :

20        [...] Les trois principales, sinon les seules, sources de revenus sont les entreprises, les biens et les charges et emplois (article 3). Sauf de très rares exceptions, un bénéfice réalisé sur l’achat et la revente d’un bien doit avoir sa source dans une « entreprise » au sens de l’article 139 [soit le paragraphe 248(1) actuel]. Lorsqu’un bien est acheté et revendu avec bénéfice ou perte, la question de savoir si le bénéfice ou la perte doivent être pris en considération aux fins de l’impôt dépend donc, en général, de celle de savoir :

a) s’il s’agit d’un bénéfice ou d’une perte tiré d’une « entreprise » dans l’acception courante du terme

ou

b) s’il s’agit d’un bénéfice ou d’une perte provenant d’une initiative ou affaire d’un caractère commercial.

Il peut s’agir d’un bénéfice ou d’une perte provenant d’une « entreprise » dans l’acception courante du terme si l’opération s’inscrit dans le cadre de l’entreprise exploitée. Si un bien est acquis en l’absence de toute entreprise, quand bien même l’acheteur aurait envisagé la possibilité de l’utiliser comme actif immobilisé d’une entreprise projetée - ou si l’acheteur n’en a pas encore envisagé l’utilisation - la revente de ce bien peut constituer la réalisation d’une initiative ayant un caractère commercial. Lorsque la vente et la revente ont pour objet un bien productif de revenu, il est peut-être plus difficile de concevoir que ce bien ait été acquis tant à titre d’investissement, c’est-à-dire de bien à conserver en vue du revenu qu’il produit qu’à titre d’opération spéculative au sens d’initiative ou affaire d’un caractère commercial. […]

[74]        Dans l’arrêt Friesen c. Canada, précité[32], les juges majoritaires de la Cour suprême du Canada ont fourni des précisions supplémentaires concernant la signification de « projet comportant un risque de caractère commercial » :

15  La notion de projet comportant un risque de caractère commercial est une création jurisprudentielle visant à départager les opérations d’achat et de vente qui sont de nature commerciale de celles qui tiennent d’une immobilisation. Cette question revêtait une importance particulière avant 1972, puisque les opérations portant sur des immobilisations étaient alors totalement exonérées d’impôt. La question a été énoncée succinctement par le lord juge Clerk dans l’arrêt Californian Copper Syndicate c. Harris (1904), 5 T.C. 159 (Ex., Scot.), à la p. 166 :

[traduction] Le gain est‑il une simple plus‑value due à la réalisation d’un titre, ou est‑ce un gain fait dans le cadre d’une entreprise conformément à un plan visant la réalisation d’un bénéfice?

16  La première condition de l’existence d’un projet comportant un risque de caractère commercial est qu’il comporte un « plan visant la réalisation d’un bénéfice ». Le contribuable doit avoir l’intention légitime de tirer un bénéfice de l’opération. Les autres conditions sont énoncées utilement dans le bulletin d’interprétation IT‑459, intitulé « Projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial » (8 septembre 1980), qui fait mention du bulletin d’interprétation IT‑218, intitulé « Profits sur la vente de biens immeubles » (26 mai 1975), comme document où sont résumés les facteurs pertinents dans le cas de biens immeubles.

17  Le bulletin IT‑218R, qui a remplacé le bulletin IT‑218 en 1986, énumère un certain nombre de facteurs dont les tribunaux se sont servis pour déterminer si une opération immobilière constitue un projet comportant un risque de caractère commercial qui génère un revenu d’entreprise ou une opération portant sur une immobilisation, impliquant la vente d’un placement. Une attention particulière est accordée à :

(i) L’intention du contribuable relativement au bien immeuble au moment de l’achat, ses possibilités de réalisation et la mesure dans laquelle cette intention est réalisée. L’intention de revendre la propriété avec bénéfice la rendra plus susceptible d’être qualifiée de projet comportant un risque de caractère commercial.

(ii) La nature de l’entreprise, de la profession, du métier ou de l’occupation du contribuable et des associés. Plus l’entreprise ou la profession d’un contribuable est liée aux transactions immobilières, plus il est probable que le revenu réalisé sera considéré comme un revenu tiré d’une entreprise plutôt que comme un gain en capital.

(iii) La nature du bien et l’usage qu’en fait le contribuable.

(iv) La mesure dans laquelle l’argent emprunté a servi à financer l’acquisition du bien immeuble et la période pendant laquelle le bien immeuble a été détenu par le contribuable. Les opérations impliquant emprunt et revente rapide sont plus susceptibles d’être des projets comportant un risque de caractère commercial.

[75]        Dans l’arrêt Canada Safeway, précité, la Cour d’appel fédérale a examiné les arrêts Hiwako Investments, Friesen et d’autres décisions portant sur la disposition de biens immobiliers et a ensuite résumé ainsi les principes à dégager de ces précédents :

61  On peut dégager de ces décisions quelques principes qui peuvent, à mon avis, être résumés comme suit. Premièrement, il n’est pas facile de tracer une ligne de démarcation entre les revenus et les gains en capital et il est donc nécessaire, pour bien les distinguer, de tenir compte d’une foule de facteurs, et notamment de l’intention du contribuable au moment de l’acquisition du bien en litige. Deuxièmement, pour que l’opération soit considérée comme un projet comportant un risque de caractère commercial, il faut qu’au moment de l’acquisition, le contribuable ait eu à l’esprit la possibilité de revendre comme motif qui le poussait à faire cette acquisition. La conclusion qu’une telle motivation existe devrait être basée sur des inférences découlant des circonstances qui entourent la transaction. Autrement dit, c’est toute la conduite du contribuable qu’il faut apprécier. Troisièmement, en ce qui concerne l’« intention secondaire », celle‑ci doit aussi avoir existé au moment de l’acquisition du bien et le contribuable doit avoir été motivé par l’intention secondaire de le revendre avec bénéfice au cas où une occasion intéressante se présenterait. Quatrièmement, le fait que le contribuable envisageait la possibilité de revendre son bien ne suffit pas, en soi, pour conclure à l’existence d’un projet comportant un risque de caractère commercial. Dans leur ouvrage Principles of Canadian Income Tax Law, précité, les éminents auteurs expriment l’avis, dans leur analyse du critère applicable en ce qui a trait à l’existence d’une « intention secondaire », que [traduction] « les critères de la doctrine de l’intention secondaire ne seront respectés que si la perspective de revente à profit a joué un rôle important dans la décision d’acquérir le bien » (à la page 337). Je souscris entièrement à cette proposition. Cinquièmement, le témoignage du contribuable au sujet de son intention n’est pas déterminant et doit être examiné à la lumière de l’ensemble des circonstances.

[76]        Pour déterminer si la disposition d’un bien donne lieu à un revenu tiré d’une entreprise ou à un gain en capital, il faut prendre en compte toutes les circonstances de l’espèce afin de vérifier objectivement les allégations d’intention du contribuable à l’égard du bien. Cela ne signifie cependant pas qu’il faille faire abstraction du témoignage de vive voix du contribuable ou autrement l’écarter simplement parce qu’il s’agit d’un témoignage de vive voix. Dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, la juge L’Heureux-Dubé a fait les observations suivantes aux paragraphes 87 et 88, et la Cour d’appel fédérale les a adoptées dans l’arrêt House c. La Reine, 2011 CAF 234 au paragraphe 56 :

[...] De plus, lorsque la LIR [la Loi de l’impôt sur le revenu] n’exige aucun document d’appui, le témoignage crédible d’un contribuable suffit, malgré l’absence de documents : [...].

[...] la LIR n’exige pas que le revenu soit montré dans les états financiers et, par conséquent, aucun doute quant à la crédibilité ayant été soulevé, la preuve produite par l’appelante est nettement suffisante.

[77]        L’appréciation de l’intention exige donc de tenir dûment compte du témoignage du contribuable qui doit être examiné dans le contexte de l’ensemble des circonstances de l’affaire. Si les circonstances objectives jettent un doute sur la version des faits présentée par le contribuable, alors il est possible d’accorder moins de poids, ou aucun poids, à ce témoignage. Si les circonstances objectives ne jettent pas un doute sur le témoignage du contribuable, alors ce témoignage est suffisant pour établir l’intention ou l’absence d’intention, à moins qu’il n’existe une autre raison de douter de la crédibilité du contribuable.

[78]        En ce qui concerne la première thèse de l’intimée, à savoir que M. Staltari a acquis et possédé le terrain et en a disposé dans le cadre d’une entreprise qu’il exploitait à titre de propriétaire unique, il n’existe tout simplement pas de preuve à l’appui de cette proposition. Afin de conclure que M. Staltari exploitait une entreprise et qu’il a acquis et possédé le terrain et qu’il en a disposé dans le cadre de cette entreprise, des éléments de preuve seraient nécessaires pour établir un lien entre M. Staltari et au moins quelques caractéristiques d’une entreprise, comme un plan ou une stratégie d’affaires, un plan de commercialisation, des dossiers financiers, un bureau, des meubles, des fournitures de bureau, une inscription téléphonique, une adresse de courriel, un ordinateur, du papier à lettres, des cartes professionnelles, un ou plusieurs employés, une clientèle réelle ou éventuelle, la publicité, la commercialisation, un site Web, des arrangements bancaires, des demandes faites auprès de clients, des documents liés à l’entreprise et ainsi de suite.

[79]        En l’espèce, aucun élément de preuve n’indique qu’en 2000, lorsqu’il a acquis le terrain, M. Staltari exploitait personnellement une entreprise à laquelle l’achat du terrain pouvait être lié de quelque façon. Contrairement à l’affirmation de l’intimée, le simple fait que le titre légal simple sur le terrain avait été mis au nom d’une société n’établit pas l’existence d’une entreprise exploitée par M. Staltari. Les mesures prises à compter de 2003 et par la suite pour la subdivision et le changement de zonage du terrain n’établissent pas en elles‑mêmes l’existence d’une entreprise dans le sens ordinaire de ce mot (c’est-à-dire sans tenir compte de l’inclusion d’un projet comportant un risque ou d’une affaire de caractère commercial).

[80]        De 1996 à 2009, M. Staltari a été un employé de J.J. Barnicke et n’a pas exploité sa propre entreprise de courtage immobilier. Bien qu’il admette qu’en 1996, une société qu’il détenait indirectement a acquis le terrain sur lequel son beau‑père et lui ont tous deux construit une maison pour leur usage personnel et sur lequel la société a construit quatre maisons en rangée qui ont été louées à des tiers, il s’agissait d’une entreprise isolée qui comportait la construction d’un bien à usage personnel (les maisons) ou d’un bien de placement (les maisons en rangée). Également, quoique des sociétés détenues directement ou indirectement par M. Staltari aient bel et bien possédé des immeubles pendant la période de 2000 à 2009, les activités de ces sociétés visaient la propriété de biens de placement qui produisaient des revenus. De toute façon, les activités commerciales de sociétés ne peuvent être attribuées à M. Staltari personnellement sans la preuve qu’il exerçait lui‑même ces activités, et non les sociétés, et qu’il le faisait pour son propre compte. Une telle preuve n’existe pas. Enfin, M. Staltari a déclaré qu’un gain important réalisé en 2009 était l’une des raisons pour lesquelles il avait fait don du terrain. L’intimée n’a pas laissé entendre dans la réponse, en contre‑interrogatoire ou dans sa plaidoirie que ce gain appuyait l’existence d’une entreprise, et aucune preuve ne m’a été présentée pour indiquer l’origine ou la nature du gain mentionné par M. Staltari.

[81]        Outre les faits qui précèdent, la deuxième société de courtage de M. Staltari, SCRC, n’a pas commencé ses activités avant 2009, et la demande pour construire des condominiums sur le bien sur l’avenue Glebe n’a pas été présentée avant 2011 et elle découlait d’un changement de situation imprévu (la perte de la subvention à l’égard du bien sur l’avenue Glebe). Encore une fois, dans les deux cas qui précèdent, les activités commerciales en cause étaient exercées par des sociétés, et non par M. Staltari pour son propre compte. Ces faits n’appuient pas l’existence d’une entreprise individuelle de M. Staltari de 2000 à 2009.

[82]        Par conséquent, il n’existe absolument aucune circonstance donnant à penser que M. Staltari a exploité personnellement une entreprise en 2000 et qu’il a acquis le terrain en lien avec cette entreprise. Il n’existe pas non plus de circonstances qui donnent à penser qu’il a disposé du terrain en faveur de la Ville d’Ottawa dans le cadre d’une entreprise qu’il exploitait à ce moment-là en qualité de propriétaire unique. De fait, le don a été fait pour des raisons personnelles, soit économiser de l’impôt sur le revenu personnel, et non en lien avec une entreprise que M. Staltari exploitait en qualité de propriétaire unique. Je rejette donc la première thèse de l’intimée.

[83]        Selon la thèse subsidiaire de l’intimée, l’acquisition, la propriété et la disposition du terrain par M. Staltari constituaient un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial, et, par conséquent, le gain découlant du don du terrain à la Ville d’Ottawa était un revenu de M. Staltari tiré d’une entreprise. Cela soulève la question de savoir si un projet comportant un risque ou une affaire qui met en cause une acquisition de terrain qui fait finalement l’objet d’un véritable don de bienfaisance sans contrepartie peut être qualifié de projet comportant un risque ou d’affaire « de caractère commercial ».

[84]        M. Staltari a déclaré dans son témoignage qu’il avait acheté le terrain pour aider son père et qu’au moment de l’achat, il n’avait pour le terrain aucun autre but particulier que la possibilité d’une exploitation forestière. Aucune circonstance objective ne contredit ni ne met en doute l’affirmation de M. Staltari concernant son intention au moment de l’achat. Je rejette la prétention de l’intimée selon laquelle je devrais tirer une inférence défavorable simplement parce que le père de M. Staltari qui est âgé de 86 ans n’a pas témoigné à l’appui de ce fait. Il n’y a aucune circonstance objective mettant en doute la version des faits présentée par M. Staltari.

[85]        Le terrain était un terrain rural acheté par ses parents en 1983 pour aucune autre raison particulière que celle de posséder une terre, et le terrain était utilisé à l’occasion par son père et ses amis pour chasser. Aucun élément de preuve n’indique que M. Staltari a été l’instigateur de l’achat du terrain ou qu’il a abordé l’achat du terrain d’une manière professionnelle. À titre d’exemple, il n’a effectué aucune autre vérification préalable que de consulter le réseau du service interagences pour établir un prix à payer à son père. Il n’a pas vérifié le zonage du terrain, obtenu une copie du plan officiel ou parlé à qui que ce soit à propos des perspectives d’aménagement du terrain à l’avenir. Il a acheté le terrain à titre personnel et seul le titre légal simple était détenu par une société. Il n’a pas obtenu de financement extérieur, élaboré quelque plan d’action ou pris quelque mesure que ce soit qui donnerait à penser qu’il avait à l’esprit à l’égard du terrain un plan pour faire du profit lorsqu’il l’a acheté en 2000.

[86]        Contrairement à ce qu’affirme l’intimée, le fait que M. Staltari a convenu avec sa mère de payer le prix d’achat sur une période de plusieurs années sans intérêt n’est pas une preuve qu’il a fait un emprunt pour acheter le terrain d’une manière professionnelle. Il ressort clairement du fait qu’il a doublé un paiement au cours d’une année que le calendrier de paiement était souple et adapté aux besoins financiers de ses parents. Le fait qu’il a mis le titre légal simple sur le terrain au nom d’une société n’est pas non plus une preuve d’une intention particulière. Il semble que M. Staltari ait souvent, sinon toujours, eu recours à une société pour détenir le titre légal simple d’un immeuble et aucune intention particulière ne peut être inférée de cette pratique, étant donné que des terrains détenus de cette manière avaient été utilisés à la fois à des fins de placement et à des fins personnelles[33].

[87]        La proposition sur laquelle insiste l’intimée, comme quoi les actes de M. Staltari doivent être jugés en fonction du fait qu’il était un spécialiste de l’immobilier qui devait avoir d’autres plans pour le terrain, doit être modulée par la réalité qui veut qu’il a acheté de son père des terres humides qui, en fait, ne convenaient pas particulièrement à un aménagement d’aucune sorte. De même, le fait que de nouvelles maisons pouvaient se trouver sur une rue en direction nord depuis le chemin Flewellyn à quelque 2 km à l’est du terrain n’est pas en soi suffisant pour donner à penser que les déclarations que M. Staltari a faites à l’égard du terrain sont douteuses. Plus particulièrement, M. Staltari a toujours nié avoir eu connaissance de cet aménagement au moment de l’achat du terrain. Je souligne également qu’il semble que l’aménagement qui se trouve à 1,5 km à l’est du terrain n’ait débuté qu’après que le don a été fait en 2009.

[88]        Le premier élément de preuve objectif d’une intention à l’égard du terrain apparaît en mars 2003 lorsque M. Staltari reçoit une lettre d’une avocate lui indiquant que le terrain pouvait être assujetti à des restrictions en matière de lotissement imposées par la Ville d’Ottawa. À ce moment-là, M. Staltari a en effet retenu les services d’un consultant pour déposer à la fois une demande sollicitant l’approbation d’un plan de subdivision et une demande sollicitant le changement de zonage à l’égard du terrain. Il a aussi engagé d’autres personnes pour obtenir des études et d’autres documents nécessaires à l’appui de ces demandes. Il a également fait construire une route de gravier sur le terrain qui traversait les trois quarts du bien, allant du sud au nord. L’objet déclaré de la route était de libérer une camionnette qui s’était embourbée dans la mousse de tourbe, permettant au propriétaire de la camionnette de terminer son travail. L’intimée a demandé pourquoi une personne construirait une route au coût de 104 719 $ pour libérer un véhicule dont la valeur était une fraction de ce montant, mais M. Staltari a maintenu son explication. Il ne fait pas de doute que M. Staltari a cru à ce moment-là qu’il recouvrerait son coût à un autre moment dans l’avenir.

[89]        Compte tenu des circonstances qui ont donné lieu aux mesures prises par M. Staltari en 2003, les actes posés ne contredisent pas l’affirmation de M. Staltari portant qu’il n’avait aucune intention première particulière à l’égard du terrain lorsqu’il l’a acheté en 2000. Bien au contraire, les circonstances entourant la propriété du terrain ont changé de manière imprévue, et M. Staltari a pris des mesures pour répondre à la nouvelle situation. On peut s’attendre à ce que toute personne prudente prenne des mesures pour conserver la valeur d’un actif si elle est informée de changements à venir qui pourraient avoir une incidence sur cette valeur.

[90]        De même, le moment où ces actions ont été posées correspond à la version des faits présentée par M. Staltari : il a été informé de la modification de la politique de la Ville d’Ottawa concernant les lotissements et il a agi rapidement pour respecter l’échéance imposée par la Ville. Aucun élément de preuve ne démontre qu’il aurait posé ces actes s’il n’avait pas eu connaissance de la modification de la politique. Par ailleurs, le fait qu’il n’était pas au courant de la question des lotissements ne sert qu’à renforcer ma conclusion selon laquelle il n’a pas abordé l’achat du terrain (ou la propriété de celui‑ci à ce moment-là) d’une manière compatible avec l’objectif premier d’obtenir un profit.

[91]        Une fois que M. Staltari eut emprunté cette nouvelle voie concernant le changement de zonage et la subdivision du terrain, il l’a poursuivie jusqu’à ce qu’à son avis une meilleure option se présente à lui et, à ce moment-là, il a complètement abandonné le processus de changement de zonage et de subdivision. Outre les demandes, il n’a pris aucune mesure pour véritablement aménager le terrain. Il n’a pas non plus recherché d’acheteur pour le terrain. Au bout du compte, il a donné le terrain à la Ville d’Ottawa, sans contrepartie, afin de se prévaloir des conséquences fiscales favorables découlant du don d’un terrain écosensible à un donataire reconnu. La LIR a créé une fiction selon laquelle M. Staltari avait reçu comme produit de disposition du terrain la juste valeur marchande, mais de fait il n’a rien reçu pour le don.

[92]        En résumé, ma conclusion de fait est que l’intention première de M. Staltari n’était pas d’obtenir un bénéfice de la disposition du terrain lorsqu’il l’a acquis de ses parents en 2000. Il a plutôt acquis le terrain pour aider ses parents, sans avoir à l’esprit d’intention particulière. Quant à une intention secondaire, ces actes ultérieurs donnent bien à penser qu’il croyait que le terrain possédait un potentiel d’aménagement et qu’il voulait protéger ce potentiel et la valeur qui en découlait. La question de savoir si ce potentiel prévu était un motif déterminant de l’achat du terrain en 2000 n’est pas claire. Quoi qu’il en soit, pour les motifs qui suivent, je conclus que toute intention secondaire qu’il aurait pu avoir à l’égard du terrain ne s’est pas concrétisée et que le projet comportant un risque ou l’affaire n’était pas « de caractère commercial ».

[93]        Dans l’arrêt Taylor, précité, la Cour de l’Échiquier a reconnu, dans sa décision de principe sur la signification de projet comportant un risque ou affaire de caractère commercial, que ce qui était analysé était la nature de la transaction même en vue d’examiner la question de savoir si le « bénéfice » découlant de la transaction devait être considéré comme un revenu tiré d’une entreprise par opposition à du capital. Évidemment, la transaction est la disposition du bien qui donne lieu à l’enquête.

[94]        Le président Thorson a clairement déclaré que, pour qu’un projet comportant un risque ou une affaire soit « de caractère commercial », il devait être imprégné de la qualité commerciale, ce qui peut être le cas même si la transaction est isolée, si le bien demeure inchangé, si aucune organisation n’est mise sur pied pour exécuter l’affaire et que l’affaire n’a aucun lien avec les autres activités du contribuable. Dans l’arrêt Robertson c. Canada, [1998] A.C.F. no 401 (QL), la Cour d’appel fédérale a expliqué cet aspect important ainsi :

25 Ainsi que les auteurs W.E. Crawford et R.E. Beam le font remarquer, un « risque » est, par définition, le plus souvent une opération isolée. Un grand nombre d’opérations isolées ne sont toutefois pas « de caractère commercial ». L’opération en cause doit comporter certains éléments, certains aspects commerciaux qui en font un risque de caractère commercial. Ce qu’il faut rechercher, ce sont les « caractéristiques commerciales » ou facteurs de comportement qui permettent de qualifier la ligne de conduite qu’a suivie le contribuable. Ces éléments permettent de tirer des inférences sur la question de savoir si le contribuable se livrait à une opération commerciale ou s’il ne faisait qu’un placement.

[95]        À mon avis, un véritable don de terrain n’est pas une transaction qui peut être décrite comme étant « de caractère commercial » s’il n’est pas autrement lié à une entreprise[34]. Bien que M. Staltari ait admis qu’il était motivé par les conséquences fiscales favorables qui découleraient du don du terrain en faveur de la Ville d’Ottawa, ce fait n’attribue pas une qualité commerciale à la disposition du terrain.

[96]        L’intimée ne conteste pas le fait que le don du terrain à la Ville d’Ottawa était un don véritable. Elle prétend toutefois que le don était le point culminant d’un projet comportant un risque ou d’une affaire de caractère commercial et que, par conséquent, M. Staltari n’avait pas le droit de se prévaloir de l’alinéa 38a.2) de la LIR. Pour utiliser l’expression adoptée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Friesen, l’intimée dit que le don était le point culminant d’un « plan visant la réalisation d’un bénéfice » mis à exécution par M. Staltari.

[97]        Dans l’arrêt Canada v. Zelinski et al. (1999), 251 N.R. 252 (Whent), la Cour d’appel fédérale a examiné une situation où les contribuables avaient acquis des œuvres d’art pour un faible prix d’achat et les avaient par la suite données à des galeries d’art afin d’obtenir des conséquences fiscales favorables :

[34] En l’espèce, les contribuables n’étaient pas obligés d’abandonner leur intention première : ils ont acheté les tableaux soit sans aucune intention spécifique, soit dans l’intention d’en faire don. Puisqu’ils ont mis à exécution cette intention première, toute intention secondaire qu’ils auraient pu avoir ne présente aucune importance pour ce qui est de savoir s’ils se sont adonnés à un projet comportant un risque de caractère commercial.

[35] Enfin, l’intention secondaire de faire un bénéfice par la revente ne prend de l’importance que si le contribuable la met à exécution. À ce sujet encore, les auteurs de l’ouvrage Principles of Canadian Income Tax Law expliquent qu’« une opération est tenue pour avoir été effectuée au titre du revenu et non du capital […] si l’intention secondaire est mise à exécution ». Le paragraphe 5 du bulletin d’interprétation IT-218R indique aussi que « si cette deuxième intention est mise à exécution, tout profit réalisé à la vente sera imposé à titre de revenu d’entreprise ». Puisqu’en l’espèce, les contribuables n’ont pas mis à exécution une quelconque deuxième intention qu’ils auraient pu avoir, ce qu’ils ont fait ne peut transformer leur décision de facto de ne pas réaliser cette deuxième intention de telle sorte qu’ils ont l’air de l’avoir fait.

[98]        Tout comme dans l’arrêt Whent, M. Staltari n’avait aucune intention première vérifiable d’obtenir un bénéfice lorsqu’il a acheté le terrain et toute intention secondaire d’obtenir un bénéfice qu’il aurait pu entretenir est devenue non pertinente une fois qu’il a choisi de donner le terrain à la Ville d’Ottawa. Sa décision de donner le terrain a annulé tout « caractère commercial » que l’acquisition et la propriété du terrain auraient pu avoir en raison d’une intention secondaire. En bref, lorsque seule une intention secondaire est en cause, la nature du projet comportant un risque ou de l’affaire à titre de transaction de capital, et non de transaction « de caractère commercial », est dictée par l’absence de toute motivation de bénéfice liée à un don véritable[35].

[99]        Les tribunaux ont reconnu qu’il est possible de faire un [traduction] « don "assorti d’un bénéfice"[36] » en raison des conséquences fiscales favorables de certains dons, plus particulièrement dans le cas où le bien donné est acquis à prix d’aubaine[37]. Toutefois, les conséquences fiscales favorables ne vicient pas, en soi, l’existence d’un don, pas plus qu’elles donnent lieu à un bénéfice pour les besoins de la LIR. À mon avis, il est erroné de laisser entendre que le don du terrain s’apparente à une offre non sollicitée d’acheter le terrain ou que le « bénéfice » provenant du don (dans le sens des conséquences fiscales favorables) donne à la transaction une qualité commerciale.

[100]   Dans l’arrêt Marcoux‑Côté c. Canada, [2000] A.C.F. no 1805 (QL), 266 N.R. 36, 2000 DTC 6615, la Cour d’appel fédérale a examiné l’incidence de la motivation d’un contribuable lorsqu’il fait un don et a fait remarquer ce qui suit au paragraphe 8 :

8          […] Appliquant l’arrêt The Queen v. Friedberg, 92 DTC 6031 de notre Cour, il a statué que l’obtention d’un avantage fiscal, même si c’était là la motivation principale des intimés en l’espèce, n’effaçait pas l’intention libérale des donateurs. Il fut aussi d’avis que l’obtention d’un reçu de la part de l’organisme bénéficiaire ne pouvait être considérée comme une contrepartie éliminant le caractère gratuit et libéral de la transaction.

[…]

10        À mon avis, le juge s’est bien instruit quant aux principes juridiques applicables en l’espèce. […]

[101]   Par conséquent, il est clair que la nature du don en tant que transfert de bien sans contrepartie n’est pas modifiée simplement parce qu’il y a pour le donateur des conséquences fiscales favorables. Il en est ainsi même si le donateur est réputé avoir reçu un produit de disposition égal à la juste valeur marchande en raison d’un don entre vifs.

[102]   En ce qui a trait au prétendu bénéfice, la Cour d’appel fédérale a statué, dans les arrêts Moloney c. Canada, [1992] A.C.F. no 905 (QL), et Canada c. Loewen, [1994] 3 C.F. 83, qu’un avantage qui découle exclusivement des dispositions de la LIR n’est pas un bénéfice et qu’une entreprise ne peut pas consister en une transaction dont le seul objet est de réduire l’impôt qui serait autrement payable. Autrement dit, l’impôt sur le revenu est calculé et versé une fois le processus de gain terminé, et, par conséquent, la réduction de l’impôt sur le revenu en raison d’un crédit d’impôt sur le revenu non remboursable n’est pas un « bénéfice » pour les besoins de la LIR (Roenisch v. M.N.R., [1931] Ex. C.R. 1, First Pioneer Petroleums Ltd. c. M.R.N. (1974), 43 D.L.R. (3d) 722, [1974] A.C.F. no 2 (QL), et Teck Corp. v. British Columbia, 2004 BCCA 514[38]). Par conséquent, une intention de faire un bénéfice ne peut être attribuée à M. Staltari simplement parce que le don du terrain a donné lieu à des conséquences fiscales favorables.

[103]   En l’espèce, M. Staltari n’a pas disposé du terrain à des fins commerciales[39]. Le fait que, pour les besoins de la LIR, M. Staltari a été réputé recevoir un produit de disposition égal à la juste valeur marchande du terrain ne change pas le fait que, conformément à un don véritable, il n’a reçu aucune contrepartie pour le terrain. Par conséquent, il n’a pas mis en œuvre un plan pour obtenir un profit, puisqu’il n’a exécuté aucune intention secondaire qu’il aurait pu avoir pour obtenir un bénéfice de la vente du terrain.

[104]   Pour les motifs qui précèdent, l’appel est accueilli avec dépens en faveur de l’appelant, et la nouvelle cotisation établie à l’égard de l’appelant pour son année d’imposition 2009 est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, compte tenu du fait que le don d’un terrain effectué par l’appelant à la Ville d’Ottawa a donné lieu à un gain en capital pour l’appelant et que la moitié imposable de ce gain en capital est réputée être égale à zéro aux termes de l’alinéa 38a.2) de la LIR.

          Les présents motifs du jugement modifiés remplacent les motifs du jugement datés du 13 mai 2015.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de juin 2015.

« J. R. Owen »

Juge Owen

Traduction certifiée conforme

ce 7e jour d’octobre 2015.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 123

No du dossier de la cour :

2013-1038(IT)G

Intitulé :

MARIO STALTARI ET SA MAJESTÉ LA REINE

Lieu de l’audience :

Ottawa, Canada

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 novembre 2014

Motifs du jugement :

L’honorable juge John R. Owen

Date du jugement :

Le 13 mai 2015

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :

Le 5 juin 2015

Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Gregory Sanders

 

 

Avocat de l’intimée :

Me Pascal Tétrault

 

 

Avocats inscrits au dossier :

Pour l’appelant :

Nom :

Gregory Sanders

 

Cabinet :

Perley-Robertson, Hill & McDougall, s.r.l.

Ottawa, Canada

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Lignes 16 à 22 de la page 17 de la transcription.

[2] Ligne 8 de la page 19 de la transcription.

[3] Pièce R‑1.

[4] Lignes 1 à 28 de la page 25 de la transcription.

[5] Ligne 23 de la page 26 de la transcription.

[6] Lignes 24 à 28 de la page 27 et lignes 1 à 3 de la page 28 de la transcription.

[7] Lignes 16 à 28 de la page 73 et lignes 1 à 3 de la page 74 de la transcription.

[8] Lignes 12 à 15 de la page 73 de la transcription.

[9] Lignes 14 à 28 de la page 120 et lignes 1 à 20 de la page 121 de la transcription et pièce R‑7, au bas de la page 2.

[10] Lignes 17 à 24 de la page 123 de la transcription.

[11] Lignes 15 à 17 de la page 78 de la transcription.

[12] Avant de prendre sa retraite, le père de M. Staltari était un fourreur.

[13] Pièce R‑2.

[14] Page 5 de la pièce R‑2.

[15] Selon une facture datée du 9 mai 2003, déposée comme pièce A‑4.1.

[16] Pièce R‑5.

[17] Les délais prescrits mentionnés dans les demandes sont de 120 jours dans le cas de la demande de changement de zonage et de 180 jours dans le cas de la demande du plan de subdivision.

[18] Lignes 22 à 24 de la page 112 et les lignes 2 à 7 de la page 114 de la transcription, et la pièce R‑6.

[19] Lignes 11 à 28 de la page 114 de la transcription.

[20] La période est décrite à la page 54 de la transcription.

[21] Lignes 25 à 28 de la page 62 et lignes 1 à 13 de la page 63 de la transcription.

[22] Lignes 18 à 28 de la page 118 de la transcription.

[23] Lignes 1 à 16 de la page 119 de la transcription.

[24] Alinéa 8i) de la réponse.

[25] Le rapport de vérification T20 rédigé par M. Berghout (pièce A‑6) mentionne ce qui suit à la page 3 : [traduction] « Le contribuable n’était pas d’accord avec la conclusion selon laquelle il s’agissait d’un élément d’inventaire et, par conséquent, n’a pas fourni de documents ou de montants pour appuyer d’autres déductions ou dépenses admissibles ».

[26] Lignes 8 à 10 de la page 151 de la transcription.

[27] Lignes 21 à 28 de la page 161 et lignes 1 à 15 de la page 162 de la transcription.

[28] Dans l’ouvrage de Peter W. Hogg, de Joanne E. Magee et de Jinyan Li, Principles of Canadian Income Tax Law, 5e éd., Toronto, Thomson Carswell, 2005, aux pages 80 et 81, les auteurs décrivent ainsi la notion judiciaire de revenu :

[traduction]

Les tribunaux ont examiné la question du revenu au cas par cas plutôt que de fournir une définition exhaustive. La question de ce qu’est le revenu dans le contexte de l’article 3 est souvent examinée de concert avec la « notion de source ». La théorie applicable à la source utilise la métaphore du fruit et de l’arbre. Les tribunaux ont clairement déclaré qu’un revenu est uniquement le fruit et jamais l’arbre. Selon la jurisprudence : (1) les rentrées de capital ne sont pas un revenu; (2) les gains non réalisés ne sont pas un revenu; (3) le revenu qui n’a pas de source n’est pas un revenu.

De manière générale, le « capital » est une notion qui s’apparente à un fonds de « dollars après impôts ». Les économies d’un contribuable provenant du salaire, les profits d’entreprise après impôts, etc. sont du capital. Il en est de même de ses gains fortuits, héritages ou autres montants reçus libres d’impôt. Le capital peut être sous forme d’argent comptant, d’actifs personnels, de biens immeubles ou de placements. Il existe une jurisprudence abondante sur la distinction entre le capital et le revenu. Lorsqu’ils ont fait la distinction, les tribunaux ont conclu que les paiements pour le rachat d’une source potentielle de bénéfices sont des rentrées de capital. L’arbre est le « capital » tandis que le fruit est le « revenu ».

[29] Ces sous‑alinéas excluent certains biens du régime prévu à la sous‑section c, qui porte sur les gains et les pertes en capital de manière générale, parce que d’autres règles de la LIR en traitent.

[30] Un gain issu de la disposition d’un bien n’est pas un revenu tiré d’un bien, et le gain en cause ne provient pas d’une charge ou d’un emploi.

[31] Le bénéfice n’est pas défini comme tel et la détermination du bénéfice est une question de droit (Canderel Ltée c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 147, au paragraphe 32). Dans l’arrêt Minister of National Revenue v. Irwin, [1964] S.C.R. 662, à la page 664, la Cour suprême décrit le bénéfice comme étant constitué de [traduction] « la différence entre les recettes du commerce ou de l’entreprise encaissées pendant cette même année […] et les dépenses effectuées pour réaliser ces recettes ». Cette description a été adoptée dans l’arrêt Canderel, au paragraphe 30.

[32] Dans l’arrêt Friesen, la question de savoir si le terrain visé était détenu dans le cadre d’un projet comportant un risque de caractère commercial n’était pas en cause. Comme les juges majoritaires l’ont déclaré au paragraphe 3 de l’arrêt : « Il s’agit précisément, en l’espèce, de savoir si un terrain détenu en vue d’être revendu dans le cadre d’un projet comportant un risque de caractère commercial peut être évalué comme un bien figurant dans un inventaire en vertu du par. 10(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu. »

[33] À titre d’exemple, le terrain acquis en 1996 a été utilisé pour construire une résidence personnelle et quatre maisons en rangée destinées à la location.

[34] Un bien qui est détenu comme élément d’inventaire d’une entreprise peut évidemment faire l’objet d’un don, mais ce n’est pas le cas ici. La question est de savoir si l’acquisition, la propriété et la disposition du terrain peuvent être considérées comme un projet comportant un risque ou une affaire de caractère commercial avec le résultat que le projet comportant un risque ou l’affaire même constitue une entreprise au sens de la définition du mot « entreprise » prévue au paragraphe 248(1) de la LIR.

[35] Dans l’arrêt Friesen, il a été reconnu que le contribuable avait une intention première d’obtenir un bénéfice de l’achat et de la vente du terrain en cause, et cela a mené à la conclusion que le projet comportant un risque était une entreprise, bien qu’aucune vente n’ait eu lieu.

[36] Friedberg v. Minister of National Revenue (1991), 135 N.R. 61, au paragraphe 9.

[37] Cette observation a été faite dans le contexte d’œuvres d’art certifiées par la Commission canadienne d’examen des exportations de biens culturels, achetées à prix d’aubaine et données à leur juste valeur marchande.

[38] Il a été jugé que les intérêts sur un paiement d’impôt en trop constituaient un revenu tiré d’une entreprise : La Reine c. 3850625 Canada Inc., 2011 CAF 117, La Munich, compagnie de réassurance. (succursale canadienne) c. La Reine, 2001 CAF 365, et La Reine c. Irving Oil Ltd., 2001 CAF 364. Toutefois, cette conclusion n’enlève rien au principe selon lequel le paiement d’impôt en trop, en soi, ne constitue pas un bénéfice pour les besoins de la LIR.

[39] En ce qui concerne ce qu’est un bénéfice dans le contexte où il n’y a qu’un seul bien, les juges majoritaires ont déclaré ce qui suit dans l’arrêt Friesen :

 

21     Réduit à sa plus simple expression, le revenu ou le bénéfice tiré de la vente d’un seul article d’inventaire par une entreprise commerciale est, selon la formule d’identification ordinaire, calculé en soustrayant le coût de son acquisition du produit de sa vente. […]

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.