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Dossier : 2014-931(GST)I

ENTRE :

CARL GRONDIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 26 février 2015, à Ottawa (Ontario).

Devant : L'honorable juge B. Paris


Comparutions :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Gabrielle White

 

JUGEMENT

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise dont l’avis de cotisation est daté du 14 janvier 2014 est rejeté, sans dépens, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Toronto, Canada, ce 3e  jour de juillet 2015.

« B.Paris »

Juge Paris

 


Référence : 2015 CCI 169

Date : 20150703

Dossier : 2014-931(GST)I

ENTRE :

CARL GRONDIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Paris

[1]             Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre»), en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi »), refusant un remboursement de la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (« TPS/TVH ») au montant de 12 090 $ payé par l’appelant sur l’achat d’un terrain vacant.

[2]             Seul l’appelant a témoigné.

Faits

[3]             L’appelant, un non-inscrit aux fins de la Loi, a acquis un terrain vacant à Rockland, Ontario, le 30 novembre 2010, en contrepartie d’une somme de 93 000 $, plus 12 090 $ à titre de TPS/TVH.

[4]             Le terrain faisait préalablement partie d’un lot de terrains utilisés dans le cadre d’activités agricoles. Plus tard, ce lot a été segmenté aux fins de revente.

[5]             L’appelant a acquis le terrain pour s’y bâtir une résidence personnelle. L’appelant a admis n’y avoir jamais exploité d’entreprise ou apporté quelque amélioration que ce soit, et ce, à tous moment pertinent.

[6]             Par la suite, les plans de l’appelant ont changé et il a décidé de vendre le terrain. A cette fin, il a communiqué avec une compagnie de construction intéressée à acquérir le terrain aux fins commerciales. Cette dernière lui a indiqué que l’appelant ne pouvait lui réclamer la TPS/TVH car l’Agence du revenu du Canada (l’ « ARC ») lui rembourserait le montant de TPS/TVH que l’appelant a payé lors de l’achat du terrain le 30 novembre 2010.

[7]             L’appelant a indiqué, dans son témoignage, qu’il avait alors contacté le bureau de l’ARC, pour s’assurer qu’il recevrait un remboursement de TPS/TVH suite à la vente du terrain. Suivant le conseil de l’employé de l’ARC, l’appelant a produit le formulaire TPS22 « Immeubles – Choix visant à rendre taxables certaines ventes », en vertu du paragraphe 9(2)b) de la partie I de l’annexe V de la Loi. L’appelant a produit ce formulaire le 28 mai 2012.

[8]             Le 27 septembre 2012, l’appelant a vendu le terrain à l’acheteur, en contrepartie d’une somme de 93 000 $, sans TPS/TVH.

[9]             Par lettre datée du 11 octobre 2012, l’ARC a refusé de donner effet au formulaire TPS22 et de rendre taxable la vente du terrain au motif que l’appelant n’a pas effectué la vente du terrain dans le cadre d’une entreprise ou d’un projet à risque.

[10]        Au mois de novembre 2012, l’appelant a produit le formulaire TPS189 « Demande générale de remboursement de la TPS/TVH – Option 7 » pour demander un remboursement de la TPS/TVH payée par celui-ci lors de son acquisition du terrain. Ce formulaire s’applique aux remboursements en vertu du paragraphe 257(1) de la Loi.

[11]        Le 18 décembre 2012, par avis de cotisation, l’ARC a également refusé de donner effet au formulaire TPS189 et d’accorder la demande de remboursement puisque la vente n’était pas une fourniture taxable par l’appelant.

[12]        L’appelant a témoigné qu’il n’aurait pas vendu le terrain a un prix inférieur à ce qu’il a payé y compris la TPS/TVH s’il avait su qu’il n’avait pas droit à un remboursement de la TPS/TVH qu’il avait déjà payé.

Analyse

[13]        Le paragraphe 257(1) de la Loi prévoit qu’un non-inscrit qui effectue la fourniture taxable d’un immeuble par vente a droit à un remboursement de taxe. Il se lit comme suit :

257. (1) Vente d'immeuble par un non-inscrit -- Sous réserve des paragraphes (1.1) et (2), le ministre rembourse au non-inscrit qui effectue la fourniture taxable d'un immeuble par vente un montant égal au moins élevé des montants suivants :

a) la teneur en taxe de l'immeuble au moment de la fourniture;

b) la taxe qui est payable relativement à la fourniture, ou qui le serait en l'absence des articles 167 ou 167.11.

[14]        Il ressort clairement du libellé de cette disposition que le non-inscrit doit avoir effectué la fourniture taxable d’un immeuble pour avoir droit au remboursement prévu par l’article 257. Une fourniture taxable est une fourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale, selon la définition de cette expression au paragraphe 123(1) de la Loi.

[15]        L’expression « activité commerciale » est également définie au paragraphe 123(1) de la Loi, qui énonce :

«activité commerciale» Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

a) l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l'exception de quelque projet ou affaire qu'entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l'affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

c) la réalisation de fournitures (sauf des fournitures exonérées) d'immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu'elle accomplit dans le cadre ou à l'occasion des fournitures.

[16]        Par cette définition, la réalisation des fournitures exonérées est exclue de l’activité commerciale.

[17]        Le paragraphe 9(2) de la partie I de l’annexe V prévoit que la vente d’un immeuble par un particulier est une fourniture exonérée, sauf dans les circonstances énumérées aux alinéas 9(2) a) à f).

[18]        Une des exceptions, au sous-alinéa 9(2)b)ii) de la partie I de l’annexe V de la Loi, prévoit que la fourniture d’un immeuble effectuée dans le cadre d'un projet à risque ou d'une affaire de caractère commercial n’est pas une fourniture exonérée si le particulier a présenté au Ministre un choix contenant les renseignements requis par lui. Le choix se fait sur le formulaire TPS22. Ce choix rend la fourniture d’un immeuble taxable et permet à un non-inscrit de réclamer un remboursement en vertu du paragraphe 257(1) de la Loi. Le sous-alinéa 9(2)b)ii) se lit comme suit :

9 (2) La fourniture par vente d'un immeuble, effectuée par un particulier ou une fiducie personnelle, à l'exclusion des fournitures suivantes :

[. . .]

 b) la fourniture d'un immeuble effectuée :

 [. . .]

(ii) si le particulier ou la fiducie a présenté au ministre, en la forme et selon les modalités déterminées par celui-ci, un choix contenant les renseignements requis par lui, dans le cadre d'un projet à risques ou d'une affaire de caractère commercial du particulier ou de la fiducie;

[19]        En l’espèce, il ne fait aucun doute que le sous-alinéa 9(2)b)ii)  n’est pas applicable dans les circonstances puisque l’appelant n’exerçait pas de projet à risque ou d’affaire à caractère commercial par rapport au terrain. Donc, l’appelant ne pouvait pas choisir de traiter la fourniture comme une fourniture taxable et n’avait pas droit au remboursement. Évidemment, les conseils que l’appelant a reçus de l’agent de l’ARC de produire ce formulaire étaient erronés. 

[20]        L’argument principal de l’appelant est fondé sur des considérations d’équité. L’appelant a fait valoir qu’il s’est renseigné auprès de l’ARC de la possibilité d’obtenir un remboursement des taxes qu’il avait payées lorsqu’il avait acquis le terrain. Il a procédé à la vente de son terrain en se fiant aux conseils fournis par l’ARC. À l’audience, l’intimée n’a pas contesté que l’appelant a été induit en erreur par les représentants de l’ARC.

[21]        Toutefois, la Cour ne peut être liée par les interprétations erronées du ministère.  Le juge en chef adjoint Bowman (tel était alors son titre), dans l’affaire Moulton c. La Reine, [2002] 2 CTC 2395 a indiqué ce qui suit au paragraphe 11 :

L'appelant fait valoir avec beaucoup de conviction qu'il devrait avoir le droit de se fier aux conseils fournis par l'ACDR, lesquels conseils il a suivis de bonne foi. Je reconnais que le résultat peut sembler légèrement difficile à avaler pour les contribuables qui demandent des conseils aux fonctionnaires et s'attendent à ce que ces derniers soient en mesure de les conseiller correctement. Malheureusement, ces fonctionnaires ne sont pas infaillibles, et un juge ne peut être lié par les interprétations erronées du ministère. Toute autre conclusion aboutirait à un manque de cohérence et à de la confusion…

[22]        Par conséquent, l’appel est rejeté.

[23]        Compte tenu des mauvais conseils reçus de l’ARC par l’appelant, il s’agit d’un cas où celui-ci pourrait envisager de présenter une demande de décret de remise en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques. Il faut aussi souligner qu’en l’instance il est fort probable que le gouvernement percevra deux fois la TPS/TVH sur l’immeuble en l’espèce: une fois lors de sa vente à l’appelant et une deuxième fois lors de sa vente par l’acheteur, la compagnie de construction, qui s’est servi du terrain dans son entreprise de construction résidentielle. Ce résultat semblerait aller à l’encontre de la politique de la Loi de taxer seulement une fois la disposition des immeubles.

Signé à Toronto, Canada, ce 3e jour de juillet 2015.

« B.Paris »

Juge Paris


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 169

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-931(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

CARL GRONDIN ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 26 février 2015

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge B. Paris

DATE DU JUGEMENT :

le 3 juillet 2015

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Gabrielle White

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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