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Dossier : 2015-398(IT)I

ENTRE :

MARIE-JOSÉE BERTRAND,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 15 juin 2015, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Issiakou Moustapha

Avocat de l'intimée :

Me Mounes Ayadi

 

JUGEMENT

        L’appel interjeté à l’encontre des avis de détermination à l’égard de la prestation fiscale canadienne pour enfants et du crédit pour la taxe sur les produits et services pour les années de base 2010, 2011 et 2012 établis en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu est rejeté, sans frais, selon les motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juillet 2015.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur

 


Référence : 2015 CCI 174

Date : 20150708

Dossier : 2015-398(IT)I

ENTRE :

MARIE-JOSÉE BERTRAND,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

[1]             Le 20 janvier 2014, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi des avis de détermination à l’égard de la prestation fiscale canadienne pour enfants (« PFCE ») pour les années de base 2010, 2011 et 2012 et a déterminé que l’appelante n’était pas le « particulier admissible » ayant la garde de l’enfant X, né en 2003, selon la définition de cette expression à l’article 122.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

[2]             Le 5 février 2014, le ministre a envoyé à l’appelante des avis de détermination à l’égard du crédit pour la taxe sur les produits et services (« CTPS ») pour les années de base 2010, 2011 et 2012 indiquant qu’il avait déterminé que l’appelante n’était pas le « particulier admissible » ayant la garde de l’enfant X, né en 2003, selon la définition de cette expression au paragraphe 122.5(1) de la Loi.

[3]             L’appelante s’est opposée à ces avis. Le 4 novembre 2014, le ministre a ratifié ces avis de détermination.

[4]             L’appelante a donc fait appel à la Cour afin de régler cette question.

[5]             À l’audience, il y a eu ordonnance d’exclusion des témoins.

[6]             L’appelante a témoigné, ainsi que le père de l’enfant X, monsieur Marc Lachance (« monsieur Lachance »).

I. Les faits

[7]             L’appelante et monsieur Lachance sont les parents de deux enfants, soit l’enfant X né en 2003 et un autre enfant né en 2009. Lors de l’audience tenue le 15 juin 2015, l’enfant X habitait chez monsieur Lachance alors que l’autre enfant habitait chez l’appelante.

[8]             La relation entre l’appelante et monsieur Lachance s’est terminée le 21 août 2009.

[9]             Jusqu’au mois de septembre 2010, l’appelante s’occupait de ses deux enfants à temps plein.

[10]        Peu après la rentrée scolaire de septembre 2010, l’enfant X a éprouvé des difficultés à l’école, qui est située dans le quartier où habite l’appelante. En octobre 2010, les parents ont convenu d’envoyer l’enfant X à une école située près de la résidence de monsieur Lachance. Il faut noter que la résidence de monsieur Lachance se situe à 75 kilomètres environ de la résidence de l’appelante.

[11]        Pendant certaines des années en cause, de juillet 2011 à mai 2013, monsieur Lachance travaillait du jeudi soir au dimanche; son horaire de travail était de 19h à 3h. À compter de mai 2013, monsieur Lachance travaillait du vendredi soir au dimanche seulement.

[12]        Selon l’appelante, l’enfant X n’a jamais habité chez monsieur Lachance avant août 2013 (date du jugement de la Cour supérieure dont je parlerai ci‑dessous). Selon l’appelante, monsieur Lachance venait chercher l’enfant X chez elle chaque matin vers 3h30 pour l’amener à l’école et le ramenait chez elle vers 16h; l’enfant X passait la nuit chez l’appelante. L’appelante a confirmé que l’enfant X a passé toutes les soirées et toutes les nuits chez elle jusqu’en février 2014. Toutefois, en contre‑interrogatoire, l’appelante a admis que l’enfant X n’allait presque plus chez elle à compter de mai 2013; l’enfant X habitait chez son père et se faisait garder par d’autres personnes en cas d’empêchement de monsieur Lachance. L’enfant X passait parfois des fins de semaine chez l’appelante.

[13]        En février 2014, selon l’appelante, la Cour a rendu une ordonnance disposant que l’appelante ne pouvait voir l’enfant X tant que ce dernier n’aurait pas été évalué. Je comprends du témoignage de l’appelante que l’enfant X éprouve certains problèmes de concentration, qu’il est très nerveux et qu’il manque de respect à l’égard de l’appelante. Aucune copie de cette ordonnance n’a été produite à l’audience. Monsieur Lachance ne se souvient pas d’une telle ordonnance.

[14]        L’appelante a confirmé qu’elle s’occupe des rendez-vous de l’enfant X chez le dentiste, le médecin et le travailleur social. Monsieur Lachance ne s’est jamais occupé de ces rendez-vous.

[15]        Il a été établi qu’en 2012, monsieur Lachance a intenté un recours afin d’obtenir la garde de ses deux enfants, dont l’enfant X. Selon l’appelante, monsieur Lachance et elle-même se sont présentés treize fois devant la Cour supérieure (Chambre de la famille).

[16]        L’intimée a produit à la Cour, sous la cote I‑1, une copie de l’affidavit circonstancié signé par l’appelante en octobre 2012. Ce document a été déposé au dossier de la Cour supérieure lors de la procédure intentée par monsieur Lachance afin d’obtenir la garde des enfants.

[17]        Au paragraphe 5 de cet affidavit, l’appelante précise qu’à la suite de la requête de monsieur Lachance, l’honorable juge Marie‑Christine Laberge de la Cour supérieure a rendu un jugement intérimaire qui accordait à monsieur Lachance un droit d’accès à l’enfant X du lundi au jeudi. Au paragraphe 15 de cet affidavit, l’appelante convient que l’enfant X est chez son père du lundi au jeudi.

[18]        Aux paragraphes 4 et 5 des motifs du jugement du 14 août 2013 à l’égard du jugement prononcé le 23 mai 2013, séance tenante, par l’honorable Pierre‑C. Gagnon de la Cour supérieure (Chambre de la famille) (pièce I‑2) (le « jugement la Cour supérieure »), on indique ce qui suit :

4- […] Et le deuxième changement important est que [l’enfant X] est parti vivre chez Monsieur en septembre 2010.

5- Monsieur a depuis la garde de facto de [l’enfant X], en dépit du jugement d’octobre 2009.

[19]        L’appelante convient que ces informations sont vraies.

[20]        En vertu du jugement de la Cour supérieure, la garde de l’enfant X a été confiée à monsieur Lachance et l’appelante se faisait accorder certains droits d’accès à l’enfant X (une fin de semaine sur deux et certains jours de vacances).

[21]        Monsieur Lachance a confirmé à la Cour que l’enfant X demeure chez lui depuis septembre 2010 et qu’il a la garde de l’enfant X au moins cinq jours par semaine.

[22]        Monsieur Lachance a affirmé également qu’il prend soin de l’enfant X et qu’il l’a inscrit à des cours d’arts martiaux.

[23]        Lorsque monsieur Lachance est au travail, il fait garder l’enfant X par des membres de sa famille ou par des amis. L’appelante gardait également l’enfant X pendant ses fins de semaine de garde. Dans le cas où l’enfant X était malade et ne pouvait aller à l’école, monsieur Lachance le gardait si cela survenait pendant ses jours de congé.

[24]        Selon monsieur Lachance, le jugement de la Cour supérieure a été respecté. Monsieur Lachance confirme qu’aucun autre jugement ne vient modifier le jugement de la Cour supérieure.

[25]        L’intimée a produit sous la cote I‑5 une copie de la demande de prestations canadiennes pour enfants signée par monsieur Lachance le 20 septembre 2013. Dans cette demande, monsieur Lachance affirme être le principal responsable des soins et de l’éducation de l’enfant X depuis octobre 2009. Sont joints à la demande des reçus délivrés par l’école située dans le quartier où habite monsieur Lachance pour le coût des services de garde au dîner. Ces reçus couvrent la période du 1er septembre 2011 au 31 décembre 2012 et indiquent que monsieur Lachance a effectué les paiements requis.

II. Question en litige

[26]        Il s’agit de déterminer si l’appelante était le particulier admissible à l’égard de l’enfant X pour l’année de base 2010 (la période de juillet 2011 à juin 2012), l’année de base 2011 (la période de juillet 2012 à juin 2013) et l’année de base 2012 (la période de juillet 2013 à juin 2014) aux fins du CTPS et de la PFCE.

III. Thèses des parties

[27]        L’appelante affirme qu’elle était le particulier admissible en ce qui concerne l’enfant X pour les périodes en cause, puisqu’elle résidait avec l’enfant X de juillet 2011 à juin 2014.

[28]        L’intimée affirme que l’appelante n’est pas le particulier admissible en ce qui concerne l’enfant X pour les périodes en cause, compte tenu du jugement de la Cour supérieure, qui est un tribunal spécialisé en la matière et devant lequel l’appelante et monsieur Lachance se sont présentés treize fois lors de la procédure visant la garde des enfants, et compte tenu des témoignages diamétralement opposés des parents de l’enfant X devant notre Cour. Selon l’intimée, la preuve a démontré que l’enfant X ne résidait pas chez l’appelante pendant les périodes en cause, mais plutôt chez monsieur Lachance.

IV. Loi et analyse

[29]        Je reproduis les dispositions pertinentes de la Loi :

CTPS : paragraphe 122.5(1) de la Loi

« particulier admissible » Par rapport à un mois déterminé d’une année d’imposition, particulier, à l’exception d’une fiducie, qui, avant ce mois, selon le cas :

            a) a atteint l’âge de 19 ans;

            b) a résidé avec un enfant dont il était le père ou la mère;

            c) était marié ou vivait en union de fait.

PFCE : article 122.6 de la Loi

« particulier admissible » S’agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

a)   elle réside avec la personne à charge;

b)   elle est la personne — père ou mère de la personne à charge — qui :

(i)      assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge et qui n’est pas un parent ayant la garde partagée à l’égard de celle-ci,

(ii)     est un parent ayant la garde partagée à l’égard de la personne à charge;

c)   elle réside au Canada ou, si elle est l’époux ou conjoint de fait visé d’une personne qui est réputée, par le paragraphe 250(1), résider au Canada tout au long de l’année d’imposition qui comprend ce moment, y a résidé au cours d’une année d’imposition antérieure;

d)   elle n’est pas visée aux alinéas 149(1)a) ou b);

e)   elle est, ou son époux ou conjoint de fait visé est, soit citoyen canadien, soit :

(i)      résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,

(ii)     résident temporaire ou titulaire d’un permis de séjour temporaire visés par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ayant résidé au Canada durant la période de 18 mois précédant ce moment,

(iii)    personne protégée au titre de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés,

(iv)    quelqu’un qui fait partie d’une catégorie précisée dans le Règlement sur les catégories d’immigrants précisées pour des motifs d’ordre humanitaire pris en application de la Loi sur l’immigration.

Pour l’application de la présente définition :

f)    si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

g)   la présomption visée à l’alinéa f) ne s’applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

h)   les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne.

[30]        En l’espèce, les parties conviennent qu’il s’agit de déterminer si l’appelante résidait avec l’enfant X pendant les périodes en cause, soit de juillet 2011 à juin 2014. Je ne devrai examiner les autres critères pour qu’une personne soit le « particulier admissible » pour les fins du CTPS et de la PFCE que si je conclus que l’appelante résidait avec l’enfant X pendant les périodes en cause.

[31]        Dans l'affaire Eliacin c. La Reine, [1993] A.C.I. no 144 (QL), le juge Rip s'est penché sur la signification de l’expression « réside avec » aux termes de l'ancienne version de l'article 63 de la Loi :

L'avocate de l'intimée s'est basée sur l'arrêt Thomson c. M.R.N.1, un jugement de la Cour suprême, qui a confirmé le principe selon lequel un contribuable peut avoir plus d'une résidence. À mon avis cet arrêt n'a aucune application aux faits de cet appel. L'alinéa 63(3)d) emploie les mots « ... le conjoint ... a résidé avec le contribuable ... ». (« "resided with" dans la version anglaise de la Loi »). Dans l'affaire Thomson on a discuté si le contribuable a résidé au Canada.

Le Petit Robert 1 définit le mot « avec »

1. (Marque le RAPPORT : présence physique simultanée; accord moral, entre une personne et qqn ou qqch.). En compagnie de (qqn). V. préf. Co-. Aller se promener avec qqn. Mon plus grand plaisir est de sortir avec vous. Il a toujours son chien avec lui. – Être avec qqn : en sa compagnie. Ils sont toujours l'un avec l'autre. V. Auprès (de). « Elle était maintenant avec un homme très riche » (FLAUB.) : elle vivait avec lui...

Le même dictionnaire dit que le mot « à » comprend « ... position dans un lieu ».

En anglais, il y a aussi une différence entre les mots "in" et "with". The Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles définit le mot "in" à comprendre "... the preposition expressing the relation of inclusion, situation, position, existence, or action within limits of space...". Le mot comprend aussi "...within the limits or bounds of, within (any place or thing)..."

The Shorter Oxford English Dictionary définit le mot "with" comme suit :

...II. Denoting personal relation, agreement, association, union, addition. ...13. Following words expression accompaniment or addition, as associate, connect, join, marry, share, unite vbs. ... 19. Expressing association, conjunction, or connection in thought, action or condition. ... 25. Indicating an accompanying or attendant circumstance, or a result following from the action expressed by the verb.

La jurisprudence anglaise avait à définir les mots « résider avec » ("reside with") qui apparaissent au paragraphe I(4) du Summary Jurisdiction (Separation and Maintenance) Act, 1925, (15 & 16 Geo. 5, c. 51). Ce paragraphe stipule qu'une ordonnance de pension alimentaire n'est pas exécutoire si la femme « réside avec » son mari. Les mots « résider avec » ont été définis comme étant « vivre dans la même maison avec » ("residing in the same house as") or ("living in the same house as"). […]

On peut dire à la lumière de cette jurisprudence que les mots « résider avec » ont une définition plus large et ne signifient pas vivre dans une relation conjugale; ils signifient seulement vivre dans la même maison que quelqu'un d'autre. [...]

______________________

1               2 DTC 809

[32]        Dans Laurin c. La Reine, 2006 CCI 124, la Cour devait déterminer le droit de l'appelante à la PFCE. Le juge Tardif a analysé le sens de l’expression « résider avec la personne à charge » et a indiqué ce qui suit :

Dans les décisions Burton c. Canada, [1999] A.C.I. no 833 (QL) et Gibson c. Canada, [1999] A.C.I. no 834 (QL), le juge Sarchuk reprenait en partie ce passage tiré de la décision Eliacin et ajoutait :

Je fais également remarquer que le Black's Law Dictionary définit le mot « residence » [« résidence »] de la façon suivante : [TRADUCTION] « présence personnelle dans un lieu d'habitation quelconque sans intention actuelle de quitter ce lieu de manière définitive et prématurée et aux fins d'y demeurer pour une période indéterminée autrement que de façon sporadique, mais pas nécessairement dans le but avoué d'y demeurer de façon permanente ».

[33]        Dans la décision Lapierre c. La Reine, 2005 CCI 720, le juge Dussault s'exprimait ainsi :

[...] Toutefois, la résidence implique une certaine constance, une certaine régularité ou encore une certaine permanence selon le mode de vie habituel d'une personne en relation avec un lieu donné et se distingue de ce qu'on peut qualifier de visites ou de séjours à des fins particulières ou de façon sporadiques. Lorsque la Loi pose comme condition de résider avec une autre personne, je ne crois pas qu'il convient d'accorder au verbe résider un sens qui s'écarte du concept de résidence tel qu'il a été élaboré par les tribunaux. Résider avec quelqu'un c'est vivre ou demeurer avec quelqu'un dans un endroit donné avec une certaine constance, une certaine régularité ou encore d'une manière habituelle.

[34]        Dans l’affaire Picard c. La Reine, 2005 CCI 509, le juge Garon a précisé ce qui suit :

[14]      Il y a toutefois un élément mentionné à la définition de l'expression « particulier admissible » auquel l'appelante ne satisfaisait pas à l'époque pertinente. C'est l'élément dont il est question à l'alinéa a) de la définition du « particulier admissible » qui exige que le particulier admissible réside avec la personne à charge. La preuve est claire que la mère ne résidait pas avec sa fille Jenny‑Eve durant cette période en cause d'environ 10 mois. On n'est pas dans une situation où pourrait donner une interprétation libérale au mot « réside » figurant à l'alinéa a) de la définition de « particulier admissible » comme il y a lieu de le faire lorsqu'il s'agit, par exemple, du concept de « résidence au Canada ». Dans le contexte de l'article 122.6 il faut une présence physique sur les lieux. Il faut que la personne responsable habite avec la personne à charge. […]

[15]      Les circonstances dans lesquelles s'est trouvée l'appelante ressemblent en partie aux faits de l'affaire Walsh c. Canada, [2001] A.C.I. no 11 (Q.L.), qui fut décidée par cette Cour. Dans cette cause, la mère s'était beaucoup occupée de ses enfants, de leurs études, de leurs loisirs, en dépit de la séparation physique de cette dernière qui résidait à 180 kilomètres de l'endroit où les enfants vivaient avec leur père. Malgré cela, la Cour avait conclu que les enfants avaient passé la majorité du temps avec leur père et que la disposition législative en cause renvoie à la quantité du temps et non à une évaluation qualitative des capacités des deux parents d'assumer les fonctions dont il est question à l'article 6302 précité du Règlement de l'impôt sur le revenu.

[35]        Les témoignages de l’appelante et de monsieur Lachance offrent des versions diamétralement opposées des faits sur la question de savoir avec qui résidait l’enfant X de juillet 2011 à avril 2013. Toutefois, pour la période de mai 2013 à juin 2014, le témoignage de l’appelante est le même que celui de monsieur Lachance, soit que l’enfant X habitait chez son père pendant cette période, l’appelante n’ayant que des droits d’accès limités à l’égard de l’enfant X pendant cette période.

[36]        Dans son témoignage, l’appelante a prétendu que l’enfant X a passé toutes les soirées et toutes les nuits chez elle jusqu’en février 2014. Toutefois, en contre‑interrogatoire, l’appelante a admis que l’enfant X n’allait presque plus chez elle à compter de mai 2013 et que l’enfant X habitait chez son père et se faisait garder par d’autres personnes en cas d’empêchement de monsieur Lachance. L’appelante a convenu que l’enfant X allait parfois passer des fins de semaine chez elle. Toutefois, monsieur Lachance a prétendu que l’enfant X demeure chez lui depuis septembre 2010.

[37]        Les parties ont convenu s’être présentées treize fois devant la Cour supérieure (Chambre de la famille) après que monsieur Lachance a intenté un recours pour avoir la garde de ses enfants. Aux paragraphes 4 et 5 du jugement de la Cour supérieure, on peut lire ce qui suit :

4- […] Et le deuxième changement important est que [l’enfant X] est parti vivre chez Monsieur en septembre 2010.

5- Monsieur a depuis la garde de facto de [l’enfant X], en dépit du jugement d’octobre 2009.

[38]        Et l’appelante convient que ces affirmations sont vraies.

[39]        Il m’est difficile de ne pas tenir compte du jugement de la Cour supérieure, qui est un tribunal spécialisé en matière familiale dans la province de Québec et qui confirme que l’enfant X était sous la garde de son père dans les faits depuis septembre 2010.

[40]        De plus, la preuve démontre que l’enfant X a fréquenté l’école située dans le quartier où habite monsieur Lachance pendant les périodes en cause.

[41]        Ainsi, est-ce que l’appelante résidait avec l’enfant X pendant les périodes en cause? La jurisprudence à laquelle j’ai référé ci-dessus nous enseigne que cette question est une question de faits; il faut déterminer si l’appelante vivait ou demeurait avec l’enfant X « dans un endroit donné avec une certaine constance, une certaine régularité ou encore d'une manière habituelle » (affaire Lapierre, précitée).

[42]        Pour la période de mai 2013 à juin 2014, je conclus que l’appelante ne résidait pas avec l’enfant X au sens des dispositions pertinentes de la Loi aux fins du CTPS et de la PFCE. En effet, l’appelante a convenu que l’enfant X ne venait presque plus chez elle à compter de mai 2013, soit à compter de la date à laquelle le jugement de la Cour supérieure a été rendu. Je ne peux donc pas conclure que l’appelante résidait avec l’enfant X durant cette période puisque la jurisprudence indique clairement que la résidence implique une constance, une régularité et une certaine habitude. L’enfant X n’allait à la résidence de l’appelante que certaines fins de semaine conformément aux dispositions du jugement de la Cour supérieure.

[43]        Je conclus également que, pour la période de juillet 2011 à avril 2013, l’appelante ne résidait pas avec l’enfant X au sens des dispositions pertinentes de la Loi aux fins du CTPS et de la PFCE. Le témoignage de l’appelante ne m’a pas convaincu qu’elle résidait avec l’enfant X pendant cette période. Je crois devoir également prendre en compte le jugement de la Cour supérieure selon lequel monsieur Lachance avait la garde de facto de l’enfant X depuis septembre 2010. Comme je l’ai mentionné ci‑dessus, la Cour supérieure est le tribunal spécialisé en matière familiale dans la province de Québec.

[44]        Compte tenu de mes conclusions quant à la résidence, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres conditions prévues à la Loi dans les définitions  du terme « particulier admissible » aux fins du CTPS et de la PFCE.

[45]        Pour toutes ses raisons, l’appel est rejeté, le tout sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de juillet 2015.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur

 


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 174

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-398(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

MARIE-JOSÉE BERTRAND c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 juin 2015

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

Le 8 juillet 2015

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Issiakou Moustapha

Avocat de l'intimée :

Me Mounes Ayadi

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Me Issiakou Moustapha

Cabinet :

Montréal (Québec)

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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