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Dossier : 2014-4744(IT)I

ENTRE :

CHRISTIAN DESCHESNES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 17 juin 2015, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Dominique Lafleur


Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Dany Leduc

 

JUGEMENT

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2012 quant aux pénalités est accueilli sans frais, et renvoyé au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation. À tout autre égard, la cotisation demeure inchangée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2015.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur

 


Référence : 2015 CCI 177

Date : 20150709

Dossier : 2014-4744(IT)I

ENTRE :

CHRISTIAN DESCHESNES,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lafleur

[1]             Il s’agit d’un appel interjeté par l’appelant relativement à l’ajout à son revenu pour l’année d’imposition 2012, en vertu des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi »), d’un montant de 19 094,40 $ versé par la Régie des rentes du Québec (« RRQ ») à titre de prestations d’invalidité, de même qu’un montant de 23 581,62 $ versé par la Great West, Compagnie d’assurance‑vie (la « Great West »), à titre de prestations d’invalidité en vertu de son régime collectif d’assurance‑invalidité. L’appelant conteste également des pénalités pour production tardive de 73,35 $ en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi.

I. Les faits

[2]             Les faits dans cette affaire ne sont pas contestés.

[3]             Au cours des années 2011 et 2012, l’appelant était en état d’invalidité. Il recevait des prestations d’invalidité en vertu de son régime collectif d’assurance‑invalidité administré par la Great West. L’appelant a affirmé qu’il y avait trois niveaux d’assurance différents et qu’il avait pris le meilleur régime.

[4]             Par une lettre du 13 février 2012, la Great West a communiqué avec l’appelant pour l’informer qu’il pourrait être admissible à des prestations d’invalidité de la RRQ, cette lettre fait partie du document produit par l’intimée sous la cote I‑1 intitulé Déclaration de revenus de l’année 2012 de l’appelant, à la page 17. Dans cette lettre (page 18 du document I‑1), la Great West a informé l’appelant que si la RRQ convenait de lui verser des prestations d’invalidité de manière rétroactive, il serait dans l’obligation de rembourser les montants payés en trop par la Great West en vertu des modalités de son régime d’assurance collectif. Ainsi, la Great West a demandé à l’appelant de choisir l’option qui lui convenait le mieux à cet égard dans l’attente de la décision de la RRQ, soit l’option 1, selon laquelle les prestations d’invalidité de la Great West seraient réduites pendant cette période d’attente pour prendre en compte de façon approximative les versements des prestations d’invalidité de la RRQ, ou l’option 2, selon laquelle les prestations de la Great West ne seraient pas réduites pendant cette période d’attente et l’appelant autorisait la RRQ à rembourser la Great West directement dans le cas où un versement excédentaire (que l’on appelle également un trop‑perçu) aurait été fait à l’appelant au titre du régime collectif d’assurance‑invalidité.

[5]             Le 22 mars 2012, l’appelant a choisi l’option 2 et a envoyé le formulaire attestant de son choix à la Great West (page 21 du document I‑1). De plus, au cours de ce même mois, l’appelant a présenté une demande à la RRQ afin de recevoir des prestations d’invalidité.

[6]             Le 23 mars 2012, l’appelant a signé un formulaire de la RRQ l’autorisant à rembourser directement la Great West en cas de trop‑perçu (page 40 du document I‑1).

[7]             Le 24 juillet 2012, la RRQ a confirmé à l’appelant qu’il avait droit à des prestations d’invalidité de la RRQ qui auraient dû lui être versées à compter du mois de juillet 2011 (page 47 du document I‑1). Les versements mensuels de la RRQ auxquels l’appelant avait droit étaient de 1 041,36 $ pour l’année 2011 et de 1 070,52 $ pour l’année 2012.

[8]             Puisque la RRQ a versé des prestations d’invalidité pour une période antérieure, la Great West a calculé avoir versé à l’appelant un montant excédentaire (ou trop‑perçu) de 12 947,58 $. Par une lettre du 17 juillet 2012, la Great West a avisé l’appelant de ce fait (page 25 du document I‑1). À la page 26 du document I‑1, la Great West détaille le calcul du montant du trop‑perçu.

[9]             En juillet 2012, la RRQ a remis à l’appelant un chèque de 794,22 $ pour la période de juillet 2011 à juillet 2012 (page 49 du document I‑1); ce montant équivaut à la différence entre les prestations d’invalidité de la RRQ qui auraient dû lui être versées, soit 13 741,80 $ (six mois à 1 041,36 $ par mois et sept mois à 1 070,52 $ par mois), et la somme remboursée par la RRQ directement à la Great West en raison du trop‑perçu, soit 12 947,58 $.

[10]        Par une lettre du 22 août 2012, la Great West a confirmé à l’appelant avoir reçu 12 947,58 $ de la RRQ en remboursement du trop‑perçu (page 28 du document I‑1).

[11]        L’appelant a expliqué à la Cour n’avoir encaissé qu’un seul chèque de 794,22 $ de la RRQ au cours de l’année d’imposition 2012; tous les autres chèques de la RRQ pour l’année d’imposition 2012, soit cinq chèques pour les mois d’août à décembre 2012, ont effectivement été reçus par l’appelant en 2012, mais n’ont pas été encaissés cette année-là. À cet égard, aux pages 50 à 55 du document I‑1, la RRQ a confirmé par diverses lettres à l’appelant (cinq lettres d’avril 2013 à août 2013) que puisque ces cinq chèques n’ont pas été encaissés et ont été émis il y a plus de six mois, ils ne sont plus valides; la RRQ a demandé à l’appelant de communiquer avec elle afin de régler ce problème.

[12]        Je crois comprendre que l’appelant a communiqué avec la RRQ à quelques reprises en 2013. Lors du dernier échange, l’appelant a convenu que ses prestations d’invalidité soient déposées dans son compte bancaire par dépôt direct. Par une lettre du 16 novembre 2013 (page 56 du document I‑1), la RRQ a confirmé à l’appelant lui devoir une somme au titre des cinq derniers paiements mensuels de l’année 2012 (d’août à décembre 2012) et de huit mois de l’année 2013, ainsi que des intérêts.

[13]        La RRQ a remis à l’appelant un feuillet d’impôt (T4A(P)) pour l’année d’imposition 2012 indiquant des prestations d’invalidité de 19 094,40 $; il n’y avait aucune retenue à la source (page 4 du document I‑1).

[14]        La Great West a également remis à l’appelant un feuillet d’impôt T4A indiquant des paiements de 23 581,62 $ à titre d’assurance‑salaire; des retenues à la source ont été effectuées à cet égard (page 5 du document I-1).

[15]        L’appelant a convenu que le document I‑1 est la déclaration de revenus qu’il a produite auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») pour l’année d’imposition 2012. Il a convenu qu’il a lui-même raturé sa signature puisque selon lui, les informations qui s’y trouvaient étaient erronées quant aux montants reçus de la RRQ. Il convient également qu’il a fait préparer cette déclaration de revenus par un spécialiste en déclarations et qu’il l’a signée en février 2014. Selon le document I‑1 produit à l’audience, l’ARC aurait reçu la déclaration le 17 février 2014. L’appelant convient que cela est probable.

[16]        À la page 3 du document I‑1, on peut voir que la somme reçue de la Great West, soit 23 581,62 $, a été déclarée à titre d’autres revenus d’emploi et que la somme reçue de la RRQ, soit 19 094,40 $ (13 741,80 $ plus cinq versements mensuels de 1 070,52 $ d’août à décembre 2012) a été déclarée à titre de prestations d’invalidité.

II. Questions en litige

[17]        Il s’agit de déterminer si l’appelant devait inclure le montant de 19 094,40 $ dans son revenu pour l’année d’imposition 2012 à titre de prestations d’invalidité versées par la RRQ au cours de cette année, ainsi que le montant de 23 581,62 $ à titre de prestations d’assurance‑salaire versées par la Great West. De plus, il faut déterminer si les pénalités pour production tardive de 73,35 $ doivent être maintenues pour l’année d’imposition 2012.

III. Thèses des parties

[18]        L’appelant prétend qu’il ne devrait pas inclure dans son revenu pour 2012 des chèques qu’il n’a pas encaissés au cours de cette année; ainsi, il devrait inclure le montant de 794,40 $ pour l’année d’imposition 2012, soit la somme versée par la RRQ qu’il a encaissée au cours de cette année. La somme de 12 947,58 $ que la RRQ a remboursée et versée directement à la Great West, ainsi que la somme de 5 352,60 $ pour les cinq chèques mensuels émis par la RRQ qu’il n’a pas encaissés en 2012 ne devraient pas être incluses dans son revenu. L’appelant convient que les montants versés par la Great West devraient être inclus dans son revenu.

[19]        L’intimée prétend que l’appelant doit inclure dans son revenu le montant de 19 094,40 $ que la RRQ lui a versé au cours de l’année 2012. En effet, selon l’intimée, c’est le moment où le chèque est reçu et non le moment où le chèque est encaissé qui est déterminant; recevoir un chèque est comme recevoir de l’argent. De plus, le montant que la RRQ a versé à la Great West est aussi un montant que la RRQ a versé à l’appelant, l’appelant ayant choisi l’option autorisant la RRQ à rembourser Great West directement en cas de trop‑perçu résultant du versement de prestations d’invalidité par la RRQ.

IV. La Loi et l’analyse

A. Prestations de la Great West

[20]        L’alinéa 3a) de la Loi prévoit qu’un contribuable doit notamment inclure dans son revenu le revenu tiré d’un emploi.

[21]        Selon l’alinéa 6(1)f) de la Loi, les sommes reçues par un contribuable à titre d’indemnité payable périodiquement pour la perte totale ou partielle du revenu afférent à un emploi en vertu d’un régime d’assurance invalidité dans le cadre duquel l’employeur a contribué doivent être incluses dans le revenu d’emploi du contribuable. Cet alinéa prévoit ce qui suit :

6. (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

[…]

f) le total des sommes qu’il a reçues au cours de l’année, à titre d’indemnité payable périodiquement pour la perte totale ou partielle du revenu afférent à une charge ou à un emploi, en vertu de l’un des régimes suivants dans le cadre duquel son employeur a contribué :

(i) un régime d’assurance contre la maladie ou les accidents,

(ii) un régime d’assurance invalidité,

[…].

[22]        Je suis d’avis que les prestations d’invalidité de 23 581,62 $ versées à l’appelant par la Great West au cours de l’année d’imposition 2012 en vertu du régime collectif d’assurance-invalidité qu’elle administre doivent être incluses dans le revenu de l’appelant pour cette année selon les alinéas 3a) et 6(1)f) de la Loi.

[23]        Comme l’indique le feuillet T4A que la Great West a remis à l’appelant, elle lui a versé des prestations d’assurance‑salaire de 23 581,62 $ au cours de l’année d’imposition 2012. À cet égard, je veux noter que cette somme n’inclut pas le montant qu’elle a versé à l’appelant avant que la RRQ ne lui verse des prestations d’invalidité, montant que la RRQ a remboursé directement à la Great West, soit 12 947,58 $. Bien qu’on n’en ait pas discuté à l’audience, selon le document I‑1, page 25, au cours de l’année d’imposition 2012, la Great West a effectué sept paiements mensuels de 3 478 $ (avant que la RRQ ne verse des prestations d’invalidité) et cinq versements mensuels de 2 436,64 $ (après que la RRQ a convenu de verser des prestations d’invalidité), soit un total de 36 529,20 $; ce montant inclut les montants au titre desquels la Great West a fait des retenues à la source. Le feuillet T4A que la Great West a remis à l’appelant indique 23 581,62 $ et non 36 529,20 $, la différence entre ces deux montants étant justement 12 947,58 $, soit le montant du trop-perçu de l’appelant. Ainsi, la Great West n’a pas indiqué comme prestations d’invalidité pour l’année d’imposition 2012 la somme de 12 947,58 $ que la RRQ a remboursée au nom de l’appelant. À mon avis, cette façon de procéder est conforme à la Loi et à la définition du terme « recevoir ».

[24]        Comme le mentionnait la juge D’Auray de notre Cour dans l’affaire Martin c. La Reine, 2015 CCI 118 :

[32]      La jurisprudence est claire : le terme « recevoir » doit être interprété largement. Recevoir veut évidemment dire en bénéficier ou en profiter (Morin c. Canada, [1974] A.C.F. no 907 (QL) (C.F. 1re inst.), au paragraphe 23).

[25]        En l’espèce, on ne peut conclure que l’appelant a reçu 12 947,58 $ de la Great West puisque la RRQ a remboursé ce montant en son nom; l’appelant a toutefois reçu 23 581,62 $ de la Great West au cours de l’année d’imposition 2012 comme l’indique le feuillet T4A.

B. Prestations de la RRQ

[26]        Selon la division 56(1)a)(i)(B) de la Loi, les montants reçus à titre de prestations d’invalidité et versés par un régime provincial de pensions doivent être inclus dans le revenu du contribuable :

56. (1) Sans préjudice de la portée générale de l’article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

a) toute somme reçue par le contribuable au cours de l’année au titre, ou en paiement intégral ou partiel :

(i) d’une prestation de retraite ou de pension, y compris, sans préjudice de la portée générale de ce qui précède :

(A) une pension, un supplément et une allocation à l’époux ou conjoint de fait, servis en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, et un paiement semblable fait en vertu d’une loi provinciale,

(B) une prestation prévue par le Régime de pensions du Canada ou par un régime provincial de pensions au sens de l’article 3 de cette loi,

[…].

[27]        Ainsi, selon la Loi, les sommes versées par la RRQ à l’appelant à titre de prestations d’invalidité doivent être incluses dans son revenu.

[28]        Dans l’affaire Lessard c. La Reine, 2006 CCI 45, la juge Lamarre‑Proulx de notre Cour a mentionné ce qui suit :

[19]      En vertu de la clause 56(1)a)(i)(B) de la Loi, toute somme reçue, au cours de l'année, en paiement d'une prestation prévue par un régime provincial de pensions doit être incluse dans le calcul du revenu dans l'année où elle est reçue.

[20]      Il faut comprendre que selon l'économie de la Loi, c'est année par année qu'un contribuable doit déclarer son revenu. À la fin de chaque année, le contribuable doit faire le calcul de son revenu tel qu'il est lors de cette année et c'est en fonction de ce revenu que l'impôt est cotisé.

[21]      En 2002, l'appelante a reçu de la Régie [des rentes du Québec] une somme en paiement d'une prestation d'invalidité prévue par le régime, une somme dont elle avait le droit de disposer. Le droit à la disposition de la somme reçue est clair. L'appelante a encaissé le chèque et l'argent a été versé dans son compte. C'est en vertu d'un jugement rendu en 2004 que la décision du bureau de révision a été infirmée et c'est à la suite de ce jugement que l'appelante a reçu une demande de remboursement de la somme versée. En 2002, elle avait obtenu la pleine propriété de cette somme.

[29]        Cette décision a été confirmée en appel (Lessard c. Canada, 2007 CAF 9).

[30]        En raison de ce qui précède, il est clair que l’appelant doit inclure dans son revenu pour l’année d’imposition 2012 la somme de 794,40 $ qu’il a reçue au cours de cette année. L’appelant est également de cet avis.

[31]        Toutefois, il faut déterminer si la somme que la RRQ a versée directement à la Great West en raison des versements excédentaires de celle-ci à l’appelant (le trop‑perçu), soit 12 947,58 $, doit être incluse au revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 2012.

[32]        La preuve a démontré que la RRQ a effectivement versé cette somme à la Great West : dans une lettre du 22 août 2012 à l’appelant, la Great West a confirmé l’avoir reçue en remboursement du montant versé en trop à l’appelant (page 28 du document I‑1).

[33]        Pour que la division 56(1)a)(i)(B) de la Loi s’applique, l’appelant doit avoir reçu des montants à titre de prestations d’invalidité.

[34]        En l’espèce, l’appelant a bénéficié du montant de 12 947,58 $ que la RRQ a remboursé à la Great West au cours de l’année d’imposition 2012; si la RRQ n’avait pas versé ce remboursement, l’appelant aurait dû rembourser cette somme à la Great West. L’appelant a donc reçu cette somme au cours de l’année d’imposition 2012.

[35]        En raison de ce qui précède, je suis donc d’avis que le montant de 12 947,58 $ que la RRQ a remboursé à la Great West doit être inclus dans le revenu de l’appelant selon la division 56(1)a)(i)(B) de la Loi.

[36]        Examinons maintenant si les prestations d’invalidité des mois d’août à décembre 2012, soit 5 352,60 $, doivent être incluses dans le revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 2012.

[37]        Selon l’appelant, les chèques ont effectivement été reçus au cours de l’année d’imposition 2012, mais il a décidé de ne pas les encaisser cette année-là.

[38]        Les tribunaux se sont penchés sur cette question à plusieurs reprises. Dans l’affaire Kowalczyk c. La Reine, [1986] 2 C.T.C 2092, le juge Brulé mentionne que la conclusion généralement acceptée est qu’un paiement par chèque équivaut à un paiement en espèces à moins que des circonstances spéciales ne conduisent à une autre conclusion ou, qu’évidemment, que le chèque ne soit refusé lors de sa présentation pour paiement. Il réfère aux commentaires du juge Thurlow de la Cour de l’Échiquier dans l’affaire Moody c. Ministre du Revenu National, [1957] R.C. de l’É. 33, aux pages 40 et 41.

[39]        Le juge Garon a appliqué les mêmes principes dans l’affaire Piché c. La Reine, [1992] A.C.I. no 655 (QL), confirmé par [1993] A.C.F. no 510 (QL) (C.A.F.), et a cité le passage suivant de la décision Moody, précitée :

[TRADUCTION] En l'absence d'une circonstance spéciale, une conclusion contraire telle que, par exemple, un chèque post-daté ou une convention selon laquelle le chèque ne doit pas être utilisé pendant une période spécifiée, un paiement par chèque, bien que conditionnel à certains égards, est censé être fait lorsque le chèque est remis. En l'absence d'une telle circonstance spéciale, il n'y a, à mon avis, aucune raison de traiter un tel paiement autrement que comme un paiement en espèces effectué au moment où le chèque a été reçu par son destinataire.

[40]        En l’espèce, aucune condition ou circonstance spéciale n’entourait les cinq chèques de la RRQ pour les mois d’août à décembre 2012. De plus, l’appelant a convenu qu’il avait reçu ces cinq chèques au cours de l’année d’imposition 2012. Ainsi, l’appelant aurait pu encaisser ces chèques à tout moment au cours de cette année d’imposition. Je suis donc d’avis que l’appelant a reçu la somme de 5 352,60 $ au cours de l’année d’imposition 2012 à titre de prestations d’invalidité versées par la RRQ d’août à décembre 2012. Il doit donc inclure cette somme dans son revenu pour l’année d’imposition 2012, bien qu’il n’ait effectivement encaissé les chèques qu’en 2013.

[41]        En raison ce qui précède, le montant de 19 094,40 $ que la RRQ a versé à l’appelant au cours de l’année d’imposition 2012, comme l’indique le feuillet T4A(P) remis à l’appelant par la RRQ, doit être inclus dans le revenu de l’appelant pour l’année d’imposition 2012.

C. Pénalités pour production tardive

[42]        Selon l’alinéa 150(1)d) de la Loi, un contribuable (tel l’appelant) doit présenter sa déclaration de revenus au ministre du Revenu national pour chaque année d’imposition au plus tard le 30 avril de l’année suivante.

[43]        Ainsi, l’appelant devait produire sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2012 au plus tard le 30 avril 2013. L’appelant convient qu’il a toutefois produit sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2012 en février 2014. Lors de son témoignage, l’appelant a convenu avoir raturé sa signature sur la déclaration de revenus puisqu’il croyait qu’elle contenait des renseignements erronés, bien que ses spécialistes en déclarations lui eurent confirmé que la déclaration produite était conforme; en effet, il croyait à tort que puisqu’il n’avait pas encaissé les chèques de la RRQ en 2012, il ne devait pas les inclure dans son revenu de 2012. De plus, il croyait également ne pas devoir payer de l’impôt sur les sommes que la RRQ a remboursées à la Great West, puisque, selon lui, il y aurait eu double imposition. L’appelant a témoigné qu’il a tenté à plusieurs reprises de parler à des représentants de la RRQ, mais sans succès. Il a également témoigné qu’il avait tenté d’obtenir des informations des représentants de la Great West.

[44]        Les pénalités de 73,35 $ ont été imposées conformément au paragraphe 162(1) de la Loi, lequel ne prévoit pas un moyen de défense fondé sur la diligence raisonnable. Cette disposition est libellée ainsi :

162 (1) Toute personne qui ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d’imposition selon les modalités et dans le délai prévus au paragraphe 150(1) est passible d’une pénalité égale au total des montants suivants :

a) 5 % de l’impôt payable pour l’année en vertu de la présente partie qui était impayé à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite;

b) le produit de 1 % de cet impôt impayé par le nombre de mois entiers, jusqu’à concurrence de 12, compris dans la période commençant à la date où, au plus tard, la déclaration devait être produite et se terminant le jour où la déclaration est effectivement produite.

[45]        Dans l’affaire Jay c. La Reine, 2010 CCI 122, la juge Woods de notre Cour a conclu ainsi après avoir analysé ce paragraphe :

[12]      Malgré le caractère strict de la législation, il a généralement été reconnu qu’une pénalité de cette nature ne doit pas être imposée si le contribuable a pris toutes les mesures raisonnables afin de se conformer à la législation : Banque Royale du Canada c. La Reine, 2007 CAF 72, [2007] GSTC 18.

[46]        Compte tenu des circonstances particulières de l’appel, et en tenant compte des efforts déployés par l’appelant pour connaître la manière correcte de préparer sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2012, je suis d’avis que les pénalités pour production tardive doivent être annulées.

[47]        L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi pour l’année d’imposition 2012 quant aux pénalités est accueilli sans frais, et renvoyé au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation. À tout autre égard, la cotisation demeure inchangée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juillet 2015.

« Dominique Lafleur »

Juge Lafleur


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 177

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-4744(IT)I

INTITULÉ :

CHRISTIAN DESCHESNES c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 juin 2015

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Dominique Lafleur

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 juillet 2015

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Dany Leduc

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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