Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Dossier : 2011-3056(GST)G

ENTRE :

KOSMA-KARE CANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

Devant : L'honorable juge en chef adjointe Lucie Lamarre

Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Louis-Frédérick Côté

Avocate de l'intimée :

Me Martine Bergeron

 

JUGEMENT

          Vu le jugement que j'ai rendu en date du 14 janvier 2014 confirmant la cotisation établie par le ministre du Revenu du Québec en date du 3 mars 2011 en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d'accise (LTA) pour les périodes d'imposition comprises entre le 1er avril 2006 et le 30 juin 2010;

 

          Vu que ce jugement a été porté en appel et que, par jugement rendu le 8 octobre 2014, la Cour d'appel fédérale (CAF) a rejeté l'appel, « sauf quant à la pénalité et la cotisation pour la période d'imposition entre avril 2006 et février 2007 », et a retourné le dossier à notre Cour pour qu'elle traite à nouveau de ces deux questions;

 

          Et vu les observations écrites de chacune des parties relativement à ces deux questions;

 

          Je réitère la décision que j'ai rendue dans mon jugement du 14 janvier 2014 et, plus particulièrement, quant aux deux questions qui m'ont été soumises sur décision de la CAF, la pénalité imposée aux termes de l'article 285 de la LTA est maintenue et l'appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la LTA, dont l'avis est daté du 3 mars 2011, relativement aux périodes d'imposition comprises entre avril 2006 et février 2007 est à nouveau rejeté en application du paragraphe 298(4) de la LTA, selon les motifs ci‑joints.

 

          L'intimée a droit à ses dépens.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de juillet 2015.

« Lucie Lamarre »

Juge en chef adjointe Lamarre

 


 

Référence : 2015 CCI 182

Date : 20150715

Dossier : 2011-3056(GST)G

ENTRE :

KOSMA-KARE CANADA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge en chef adjointe Lamarre

Introduction

[1]             L'appelante a porté en appel devant la Cour d'appel fédérale une décision que j'ai rendue le 14 janvier 2014. La Cour d'appel fédérale, dans un jugement rendu le 8 octobre 2014 (2014 CAF 225), a renvoyé l'affaire devant notre Cour afin qu'il soit de nouveau traité de l'imposition de la pénalité en vertu de l'article 285 de la Loi sur la taxe d'accise (LTA) et de l'application du paragraphe 298(4) permettant d'établir une cotisation après le délai de prescription prévu par la LTA.

[2]             La juge Gauthier, qui a écrit les motifs au nom de la Cour d’appel fédérale, a statué que l’appel de l’appelante devait être rejeté, sauf quant à la pénalité et à la cotisation pour la période d’imposition entre avril 2006 et février 2007 (période prescrite). S’exprimant pour l’ensemble de la Cour, la juge Gauthier a déclaré :

[10]      Kosma-Kare attaque de plus les conclusions de la juge confirmant l'imposition d'une pénalité en vertu de l'article 285 de la Loi. Elle soumet aussi que l’intimée n’a pas rencontré son fardeau de prouver qu’il pouvait la cotiser en dehors de la période normale, et ce, en vertu du paragraphe 298(4) de la Loi pour la période allant d’avril 2006 à février 2007.

[11]      La juge décrit les bons critères applicables pour trancher ces deux questions au paragraphe 74 de ses motifs. Toutefois, selon Kosma-Kare, c'est dans l'application de ceux-ci que la juge a erré.

[12]      Son raisonnement quant à la pénalité et l'application du paragraphe 298(4) de la Loi est bref (paragraphe 76). La juge indique que Kosma-Kare, malgré l'alerte reçue de l'ARQ en 2005, a accepté de travailler avec des gens sans s'inquiéter de savoir si ces personnes avaient un permis de travail ou un numéro d'assurance sociale, mais en pensant que le blâme serait porté par les agences avec lesquelles elle faisait affaires. Selon la juge, ceci démontre une indifférence totale au respect de la Loi et équivaut à une faute lourde. Elle s'appuie à cet égard sur la décision du juge Strayer dans Venne c. Canada (ministre du Revenu national), [1984] A.C.F. No. 314 (QL), 1984 CarswellNat 210, 84 D.T.C. 6247 (Venne).

[13]      D'abord, l'intimée a admis que la Loi ne traite pas de l'obligation de payer les employés au salaire minimum non plus qu'elle n'exige d'obtenir des permis de travail. Ensuite, contrairement à l'approche du juge Strayer dans Venne, la juge n'explique pas le lien qu'elle établit entre le faux énoncé ou l'omission de Kosma‑Kare (la seule question discutée à l'audience devant nous était le nom et le numéro d'enregistrement du fournisseur ou de l'intermédiaire que Kosma‑Kare doit déclarer aux termes du Règlement) et le non-respect d'autres lois qui traitent des permis de travail et du salaire minimum.

[14]      Il s'agit là d'une erreur manifeste et dominante puisque rien d'autre dans la décision ne justifie la conclusion que Kosma-Kare a commis une faute lourde directement liée à un faux énoncé ou omission au sens de l'article 285 de la Loi.

[15]      De la même façon, lorsqu'elle traite de l'application du paragraphe 298(4) de la Loi, la juge ne précise pas le lien qu'elle établit entre l'aveuglement volontaire de Kosma‑Kare quant à l'illégalité des travailleurs et la présentation erronée qu'elle aurait faite. En aucun temps, la juge n'indique sur quelle base Kosma‑Kare savait ou aurait dû savoir n'eut [sic] été de sa négligence, inattention ou omission volontaire que 9167 et 9199 n'étaient pas des fournisseurs de service et n'agissaient pas à titre d'intermédiaire au sens du Règlement.

[16]      Dans les circonstances, ces deux conclusions de la juge doivent être infirmées. L'appel sera donc rejeté sauf quant à la pénalité et la cotisation pour la période d'imposition entre avril 2006 et février 2007. Le dossier sera retourné à la CCI pour qu'elle traite à nouveau de ces deux questions. Compte tenu des résultats partagés, chaque partie devra assumer ses dépens.

[3]             Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que l’appelante n’avait pas fait la preuve prima facie que les présomptions retenues par le ministre étaient erronées (par. 8 de la décision).

[4]             Il s’agit donc uniquement de déterminer à nouveau si les faits, tels qu'ils sont ressortis en preuve, permettaient de conclure que la pénalité imposée en vertu de l’article 285 de la LTA était bien fondée et que le ministre avait le droit d’établir une nouvelle cotisation pour la période du 1er avril 2006 au 28 février 2007 en vertu du paragraphe 298(4) de la LTA. Plus précisément, la Cour est appelée à expliquer le lien qu’elle établit entre le faux énoncé ou l’omission de l’appelante quant aux fournisseurs aux fins de la TPS et le non-respect de lois autres que fiscales, qui traitent des permis de travail et du salaire minimum.

Thèse de l'appelante

[5]             L’appelante prétend que l’intimée ne s'est pas déchargée du fardeau qui lui incombait d'établir les éléments justifiant la pénalité imposée en vertu de l'article 285 de même que l'établissement d'une nouvelle cotisation en vertu du paragraphe 298(4) de la LTA.

[6]             Dans ses arguments écrits, l’appelante a fait valoir qu'elle n’a pas d’obligation d’enquête en vertu de la LTA et qu'elle n'est pas une « police fiscale ». Par conséquent, elle n’avait pas à faire d’enquêtes sur 9167-4523 Québec Inc. (9167) et 9199-9201 Québec Inc. (9199).

[7]             L’appelante se réfère à la décision Airport Auto Ltd. c. Sa Majesté la Reine, 2003 CCI 683 et à la décision de la Cour du Québec dans l’affaire Systèmes intérieurs GPBR Inc. c. l’Agence du revenu du Québec, 2013 QCCQ 12689 (en appel à la Cour d’appel du Québec). L’avocat de l’appelante se réfère aussi à l’affaire Pépinière A. Massé Inc. c. Sa Majesté la Reine, 2011‑3900(GST)G (en appel à la Cour d’appel fédérale).

[8]             L’appelante soutient ensuite que l’interprétation et l’application des lois fiscales ne peuvent dépendre du caractère moral de la conduite d’un contribuable (voir à cet égard Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Sa Majesté la Reine, 2013 CAF 122). Ainsi, elle fait valoir qu’il n’est pas pertinent d’apprécier la moralité ou la conduite d’un contribuable pour se prononcer sur le droit de récupérer la TPS à titre de crédit de taxe sur les intrants (CTI) et qu’il n’est pas pertinent d’aborder la question de la moralité dans le contexte de l’application de l’article 285 et du paragraphe 298(4) de la LTA.

Thèse de l'intimée

[9]             L’intimée soutient que la pénalité imposée en vertu de l’article 285 de la LTA est bien fondée. Pour l’intimée, les conclusions factuelles de notre Cour établissent clairement que l’appelante a fait preuve d’aveuglement volontaire à l'égard de plusieurs indices selon lesquels les noms figurant sur les factures étaient faux.

[10]        L’intimée soutient qu’il existe clairement un lien entre l’aveuglement volontaire de l’appelante établi en preuve et les faux énoncés de l’appelante, soit le fait de produire des factures sur lesquelles figurent de faux noms (et numéros d'enregistrement) de fournisseurs.

[11]        L’intimée soutient que les conditions d’application du paragraphe 298(4) de la LTA sont remplies et que la cotisation établie pour la période du 1er avril 2006 au 28 février 2007 n’est donc pas prescrite. L'intimée indique que le degré de négligence requis au paragraphe 298(4) de la LTA est moindre que le degré de négligence nécessaire pour justifier l'imposition de la pénalité prévue à l'article 285 de la LTA.

Analyse

[12]        L’article 285 de la LTA impose une pénalité à la personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration ou un autre document établi pour une période de déclaration ou une opération, ou qui y participe, y consent ou y acquiesce.

[13]        Depuis l’arrêt Canada (Procureur général) c. Villeneuve, 2004 CAF 20, il est bien établi que l’expression « faute lourde » peut englober l’aveuglement volontaire. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale s’est exprimée ainsi : 

[6]        Avec égards, je crois que la juge a omis de considérer la notion de faute lourde qui peut découler d'un aveuglement volontaire de son auteur. Même l'intention coupable qui, souvent, prend la forme de la connaissance de l'un ou de plusieurs des éléments constitutifs du geste reproché peut s'établir par une preuve d'aveuglement volontaire. En pareil cas, l'auteur du geste, bien qu'il n'ait pas de connaissance actuelle de l'élément reproché, se voit imputer la connaissance de cet élément.

[14]        L’aveuglement volontaire se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle préfère ne pas connaître la vérité. Le droit imputera une connaissance au contribuable qui, dans des circonstances qui lui commanderaient ou lui imposeraient de s’enquérir de sa situation fiscale, refuse ou néglige de le faire sans raison valable (Panini c. La Reine, 2006 CAF 224, 2006 DTC 6450, paragraphes 42‑43).

[15]        Dans l’affaire Torres c. La Reine, 2013 CCI 380, notre Cour a conclu, au paragraphe 65, que la « connaissance d’un faux énoncé peut être déduite d’un aveuglement volontaire ».

[16]        Dans l’arrêt Lacroix c. La Reine, 2008 CAF 241, la Cour d’appel fédérale a formulé les commentaires suivants au paragraphe 32 :

[…] Il se peut que dans certaines circonstances, le ministre soit en mesure de faire une preuve directe de l'état d'esprit du contribuable lorsque ce dernier a produit sa déclaration de revenu. Mais dans la grande majorité des cas, le ministre ne pourra que miner la crédibilité du contribuable, soit par des éléments de preuve qu'il apporte, soit en contre-interrogatoire du contribuable. Dans la mesure où la Cour canadienne de l'impôt est persuadée que le contribuable touche un revenu qu'il n'a pas déclaré et que l'explication offerte par le contribuable pour l'écart constaté entre son revenu déclaré et l'accroissement de son actif est non crédible, le ministre s'est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombe aux termes du sous-alinéa 152(4)(a)(i) et du paragraphe 162(3)[sic][1].

[17]        La Cour est appelée à justifier la conclusion selon laquelle l’appelante a commis une faute lourde directement liée à un faux énoncé ou à une omission. Elle doit expliquer le lien entre le faux énoncé ou l’omission de l’appelante quant au nom et au numéro d'enregistrement des fournisseurs qu'elle a donnés aux fins de réclamer des CTI et le non‑respect de lois autres que fiscales.

[18]        Le paragraphe 169(4) de la LTA exige que l’inscrit soit en mesure de présenter des renseignements suffisants pour demander des CTI. Ces renseignements comprennent ceux prescrits à l’article 3 du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH) (Règlement).

[19]        Il convient de rappeler les propos énoncés par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Systematix Technology Consultants inc. c. Canada, 2007 CAF 226, [2007] A.C.F. n° 836 (QL) où le juge Sexton s'exprimait ainsi :

[4]        Nous sommes d’avis que la Loi exige que les personnes ayant versé des sommes au titre de la TPS à des fournisseurs veillent à fournir des numéros d’inscription des fournisseurs valides lorsqu’elles demandent un crédit de taxe sur les intrants.

[20]        En l'espèce, l'appelante a fait de faux énoncés quant au nom et au numéro d’enregistrement du fournisseur ou de l’intermédiaire qu’elle devait déclarer aux termes du Règlement. La Cour doit déterminer si cette déclaration inexacte était due à une faute lourde.

[21]        Tel qu’il a été établi, l’ensemble de la preuve indique que l’appelante n’a pas agi de bonne foi et qu'elle participait indirectement à un stratagème illégal (paragraphe 60 du jugement de la CCI). L’appelante a obtenu des avantages découlant de ce stratagème en ce sens qu’elle tirait profit de ce qu'elle sous‑payait des travailleurs illégaux (paragraphes 58 et 69 du jugement de la CCI).

[22]        À mon avis l’appelante a commis une faute lourde dans l’exécution de ses obligations aux termes de la LTA parce qu’elle a fait preuve d’aveuglement volontaire.

[23]        En effet, j'estime que l'appelante se trouvait dans des circonstances qui devaient lui faire ressentir le besoin de se renseigner sur les fournisseurs avec qui elle faisait affaire afin de fournir les renseignements requis et de répondre aux exigences de la LTA et du Règlement. La preuve produite dans le présent dossier démontre, entre autres, les éléments suivants : 1) l'appelante ne se préoccupait pas du changement de nom des agences (par exemple, elle ne s'est pas enquise de l'existence des statuts de constitution pour les différentes entités lorsque le nom des agences changeait, contrairement à la situation dans l'affaire Pépinière A. Massé, citée par l'appelante); 2) elle ne s'est pas souciée de l'avertissement de l'ARQ; 3) elle n'a pas cru important de signer le contrat avec monsieur Chioda lorsque celui‑ci a recommencé à faire affaire avec elle en 2008, et n'a signé cette entente qu'au moment où s'effectuait la vérification par l'ARQ, deux ans après le fait; 4) ajoutons que l'appelante n'ignorait pas tout à fait que 9167 et 9199 n'avaient pas la capacité ni les attributs légaux pour agir comme agence de placement ou comme intermédiaire (paragraphes 68 et 69 du jugement de la CCI). L'appelante n'a pas agi de façon à pouvoir identifier correctement ses fournisseurs et fournir des numéros d'inscription valides. L'appelante n'a d'ailleurs pas agi en toute innocence. À mon avis, la conduite de l'appelante dépasse le seuil de la simple négligence.

[24]        Compte tenu de ce qui précède, la connaissance qu'avait l’appelante que les fournisseurs avec qui elle faisait affaire ne respectaient pas d’autres lois, qui traitent des permis de travail et du salaire des travailleurs, était un indice supplémentaire sérieux que 9167 et 9199 n'étaient peut-être pas de véritables agences de placement ou des intermédiaires de telles agences. Or, l'appelante a plutôt choisi de se fermer les yeux. L'illégalité des travailleurs et le non-respect du salaire minimum constituaient des éléments parmi d'autres permettant de conclure à la présence d'irrégularités en ce qui concerne les fournisseurs avec qui l'appelante faisait affaire.

[25]        En agissant de la sorte, l'appelante savait ou devait savoir que les renseignements fournis sur les pièces justificatives soumises aux fins de réclamer des CTI, contenaient de faux énoncés. En ce sens, l’appelante a démontré une indifférence au respect de la LTA. À mon avis, un tel comportement est suffisant pour conclure à une faute lourde justifiant l’imposition des pénalités applicables. La jurisprudence est claire : la connaissance d’un faux énoncé peut être déduite d’un aveuglement volontaire.

[26]        De la même façon, en ce qui concerne l’application du paragraphe 298(4) de la LTA, l'appelante aurait dû savoir, n'eût été sa négligence, inattention ou omission volontaire, que 9167 et 9199 n'étaient pas des fournisseurs de services et n'agissaient pas à titre d'intermédiaires au sens de la LTA et du Règlement. Le non‑respect des lois qui traitent des permis de travail et du salaire minimum constituait un autre signe que les auteurs des factures n'étaient possiblement pas de véritables fournisseurs de services. Le comportement de l'appelante démontre qu'elle n'a pas exercé un degré de diligence raisonnable suffisant pour lui permettre de fournir les renseignements requis par la LTA et le Règlement. En ce sens, l'intimée a fait la démonstration que l'appelante a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire.

[27]        Quant à l'argument de l'appelante qu'elle n'a pas d'obligation d'enquête en vertu de la LTA, j'estime que la situation en l'instance diffère de celle qui existait dans les causes auxquelles elle a fait référence. J'ai conclu dans mes motifs que la bonne foi de l'appelante n'avait pas été établie et j'estime qu'il m'est impossible de conclure que l'appelante a été une victime innocente d'un stratagème de fausses factures (comme c'était le cas apparemment dans l'affaire Pépinière A. Massé Inc., qui est présentement en appel devant la Cour d'appel fédérale).

[28]        Tel que mentionné plus haut, lorsqu’il est question de faute lourde, il importe de considérer le comportement du contribuable, particulièrement lorsqu’il faut déterminer si ce dernier a fait montre d’aveuglement volontaire. Il y a lieu de tenir compte des circonstances particulières propres à chaque cas pour juger du comportement d’un contribuable. Je le répète, l’aveuglement volontaire se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle préfère ne pas connaître la vérité. C’est précisément ce qui s’est produit en l’espèce. L’appelante n’a pris aucun moyen raisonnable pour s’assurer de fournir les renseignements exigés par la LTA et le Règlement, malgré les circonstances. L’appelante a préféré rester dans l’ignorance et « se fermer les yeux ». Aucun devoir d’enquête spécifique n’était imposé à l’appelante. Par contre, j'estime qu'il devenait nécessaire dans le cas présent, qu’elle se renseigne sur l’identité de ses fournisseurs à partir du moment où elle savait que les circonstances lui commandaient de s’enquérir de la situation afin de remplir son obligation de fournir des informations exactes, au moment de réclamer les CTI, aux termes de la LTA et du Règlement.

[29]        En ce qui concerne l'argument de l'appelante sur la pertinence, en matière fiscale, de la moralité de la conduite d'un contribuable, je rappellerai que je n'ai pas fait référence à une conduite immorale de l'appelante dans mes motifs. Je me suis prononcée sur le comportement de l'appelante afin d'établir son indifférence face au respect de la LTA, ce sur quoi je devais me prononcer pour établir le droit de l'ARQ d'établir une cotisation au‑delà de la période normale de cotisation et d'imposer une pénalité.

[30]        En conséquence de ce qui précède, je suis d'avis que le ministre était bien fondé à imposer une pénalité en vertu de l'article 285 et qu'il était justifié d'établir une cotisation après l'expiration de la période normale de cotisation selon le paragraphe 298(4) de la LTA.

[31]        Je réitère donc la décision que j'ai rendue dans mon jugement du 14 janvier 2014 et l'appel est rejeté quant aux deux questions qui m'ont été soumises sur décision de la Cour d'appel fédérale.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de juillet 2015.

« Lucie Lamarre »

Juge en chef adjointe Lamarre

 


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 182

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2011-3056(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

KOSMA-KARE CANADA INC. c.

SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 17 février 2015

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'hon. juge en chef adjointe Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :

Le 15 juillet 2015

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Louis-Frédérick Côté

 

Avocate de l'intimée :

Me Martine Bergeron

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Nom :

Me Louis-Frédérick Côté

Cabinet :

Spiegel Sohmer

Montréal, Québec

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           Le sous‑alinéa 152(4)a)(i) et le paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu sont des dispositions équivalentes au paragraphe 298(4) et à l'article 285 de la LTA.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.