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Dossier : 2012-4385(GST)G

ENTRE :

AMNON BENAROCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 16 octobre 2014, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me Pierre Martel

Avocat de l'intimée :

Me Nicolas C. Ammerlaan

 

JUGEMENT

L’appel à l’encontre de la cotisation, dont l’avis est daté du 13 juillet 2012 et porte le numéro F-038521, établie à l’égard de l’appelant en vertu de la Loi sur la taxe d’accise est accueilli avec dépens et la cotisation est annulée conformément aux motifs du jugement ci-joint.

Signé à Montréal, Québec, ce 16e jour d'avril 2015.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2015 CCI 93

Date : 20150416

Dossier : 2012-4385(GST)G

ENTRE :

AMNON BENAROCH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]             Il s’agit ici d’un appel à l’encontre d’une cotisation, dont l’avis est daté du 13 juillet 2012 et porte le numéro F-038521, établie en vertu de l’article 325 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985) ch. E-15, telle que modifiée (la « LTA ») à l’égard d’un transfert de biens effectué par madame Ahuva Malnik Kroch Benaroch en faveur de l’appelant, son conjoint, alors que cette dernière était redevable d’une somme de 67 424,15 $ en vertu de la LTA.

[2]             Lors de l’audience, le procureur de l’appelant a informé la Cour que la cotisation établie en vertu de la LTA à l’égard de la société 4158831 Canada Inc., datée du 30 mars 2005, pour la période du 1er juin 2003 au 31 août 2004 n’était pas contestée.

[3]             De plus, le procureur de l’appelant a admis que la chronologie des événements n’était plus contestée. Par conséquent, les faits sur lesquels le ministre du Revenu du Québec (le « ministre ») s’est fondé pour établir la cotisation à l’égard de l’appelant sont admis. Ces faits sont les suivants :

a)             L’appelant et madame Benaroch sont mariés depuis le 13 février 1979;

b)             En 2005, madame Benaroch était redevable d’une somme de 67 424,15 $ en vertu de la L.T.A.;

c)             Le 26 mai 1988, l’appelant et madame Benaroch ont acquis un condo situé au 307 Samson à Laval (ci-après le « condo »);

d)            L’appelant et madame Benaroch étaient copropriétaires en parts égales du condo;

e)             Le 25 mai 2005, l’appelant a acquis une résidence (ci-après la « résidence ») située au 964 Place D’Alençon à Laval pour un montant de 277 500 $;

f)              L’appelant est l’unique acquéreur de la résidence;

g)             Pour l’acquisition de la résidence, l’appelant a contracté un premier prêt de type passerelle au montant de 60 000 $ et un deuxième prêt hypothécaire au montant de 160 000 $ auprès de la Banque TD;

h)             Le solde du prix d’achat au montant de 57 500 $ fut payé avec l’argent que les parents de madame Benaroch ont fourni à l’appelant;

i)               Le 27 juin 2005, l’appelant et madame Benaroch ont vendu le condo à des tiers;

j)               Le condo fut vendu pour un montant de 137 000 $;

k)             Le notaire instrumentant la vente était Maître Nicholas Polyzos;

l)               L’appelant et madame Benaroch ont reçu le paiement du condo en deux versements;

m)           Le 28 juin 2005, l’appelant et madame Benaroch ont reçu le premier paiement au montant de 70 920,92 $;

n)             Le 30 juin 2005, l’appelant a déposé le chèque dans son compte bancaire personnel;

o)             Toujours le 28 juin 2005, l’appelant et madame Benaroch ont reçu le deuxième paiement au montant de 60 000 $;

p)             Les deux chèques furent déposés dans le compte bancaire numéro 6280605 de l’appelant;

q)             L’appelant a utilisé l’argent afin de payer les prêts ayant permis l’acquisition de la résidence, dont il est le seul propriétaire;

r)              Les deux chèques de 70 920,92 $ et 60 000 $ (total : 130 920,92 $) représentent le prix de vente net du condo;

s)              Madame Benaroch a donc transféré un montant de 65 460,46 $ (130 920,92 $ x 50%) à l’appelant alors qu’elle était redevable d’une dette fiscale au montant de 67 424,15 $;

t)              L’appelant n’a pas fourni de contrepartie pour le montant de 65 460,46 $ qu’il a reçu de madame Benaroch;

[4]             Enfin le procureur de l’appelant a admis que le solde de la taxe nette de la société 4158831 Canada Inc. a toujours été positif et que, par conséquent, ladite société a toujours eu un montant de taxe nette à payer plutôt qu’avoir eu droit à un remboursement de taxe nette.

[5]             Suite aux admissions ci-dessus décrites, les points en litige sont (1) la validité de la cotisation établie à l’égard de madame Benaroch en tant qu’administratrice de la société 4158831 Canada Inc. et (2) la validité de la cotisation sous-jacente établie à l’égard de l’appelant suite au transfert de biens provenant de sa conjointe.

[6]             La cotisation établie à l’encontre de madame Benaroch est datée du 28 mars 2007 et porte le numéro PL2006-451. Madame Benaroch était administratrice en fonction aux dates auxquelles la société 4158831 Canada Inc. a fait défaut de verser les montants qu’elle était tenue de verser en vertu de la LTA pour la période vérifiée et que, par conséquent, elle est devenue solidairement responsable avec la société 4158831 Canada Inc. de payer les montants dus au ministre ainsi que les intérêts et les pénalités s’y rapportant. Le montant réclamé en vertu de la cotisation s’élève à 67 424,15 $.

[7]             Le paragraphe 325(1) de la LTA se lit comme suit :

Transfert entre personnes ayant un lien de dépendance

325.(1) La personne qui transfère un bien, directement ou indirectement, par le biais d’une fiducie ou par tout autre moyen, à son époux ou conjoint de fait, ou à un particulier qui l’est devenu depuis, à un particulier de moins de 18 ans ou à une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance, est solidairement tenue, avec le cessionnaire, de payer en application de la présente partie le moins élevé des montants suivants :

a) le résultat du calcul suivant :

A-B

où :

A : représente l’excédent éventuel de la juste valeur marchande du bien au moment du transfert sur la juste valeur marchande, à ce moment, de la contrepartie payée par le cessionnaire pour le transfert du bien,

B : l’excédent éventuel du montant de la cotisation établie à l’égard du cessionnaire en application du paragraphe 160(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement au bien sur la somme payée par le cédant relativement à ce montant ;

b) le total des montants représentant chacun :

(i) le montant dont le cédant est redevable en vertu de la présente partie pour sa période de déclaration qui comprend le moment du transfert ou pour ses périodes de déclaration antérieures,

(ii) les intérêts ou les pénalités dont le cédant est redevable à ce moment.

Toutefois, le présent paragraphe ne limite en rien la responsabilité du cédant découlant d’une autre disposition de la présente partie.

[8]             Les paragraphes 323(1) et (2) de la LTA sont rédigés comme suit :

Responsabilité des administrateurs

323.(1) Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

Restrictions

(2) L’administrateur n’encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 316 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

b) la personne morale a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution, ou elle a fait l’objet d’une dissolution, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant le premier en date du début des procédures et de la dissolution;

c) la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l’ordonnance.

[9]             Au paragraphe 36 de l’avis d’appel, l’appelant a demandé à l’intimée de faire la preuve que les conditions d’application de l’article 323 de la LTA ont été rencontrées. Lors de l’audience, la question de savoir si le procureur de l’intimée pouvait prouver que le ministre du Revenu du Québec avait respecté l’alinéa 323(2)a), c’est-à-dire qu’il y avait eu défaut d’exécution à l’égard du bref de saisie-exécution, a été soulevée.

[10]        Le procureur de l’intimée avait en sa possession le certificat enregistré à la Cour fédérale, le bref de saisie-exécution et le rapport de carence du huissier mais il n’a pas déposé en preuve lesdits documents. Le rapport de carence du huissier ne figurait pas dans la liste des documents de l’intimée et le procureur de l’intimée n’avait convoqué aucun témoin qui avait une connaissance personnelle du fait qu’il y avait eu défaut d’exécution à l’égard du bref.

[11]        L’objet de l’alinéa 323(2)a) est d’exiger que le ministre épuise ses recours contre la société débitrice avant de lui permettre de se prévaloir d’un recours extraordinaire qui est l’établissement d’une cotisation à l’égard d’un tiers, à savoir son administratrice.

[12]        La preuve à l’effet que le ministre a satisfait les conditions énoncées à l’alinéa 323(2)a) est indispensable pour engager la responsabilité d’un administrateur. En l’espèce, le ministre n’a produit aucune preuve établissant qu’il y a eu défaut d’exécution à l’égard du bref de saisie-exécution. Par conséquent, l’administratrice de la société 4158831 Canada Inc. ne peut être tenue conjointement responsable des sommes dues au ministre par cette dernière société et la cotisation sur laquelle la responsabilité est fondée ne peut être considérée valide.

[13]        Par un avis de requête déposé à la Cour le 17 octobre 2014, soit le lendemain, le procureur de l’intimée a voulu remédier au défaut et il a demandé à la Cour d’émettre une ordonnance permettant la production en preuve sur la base d’une déclaration sous serment les documents suivants :

a) le certificat enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 316 de la LTA;

b) le bref d’exécution daté du 27 février 2007;

c) le procès-verbal de carence (nulla bona) daté du 28 février 2007.

[14]        Le procureur de l’appelant s’est opposé à la production des documents et l’audition de la requête a eu lieu le 31 mars 2015. Après avoir entendu les parties, la Cour a rejeté la requête par une ordonnance datée du 16 avril 2015.

[15]        Compte tenu du fait que le ministre n'a pas prouvé qu’il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard du bref de saisie-exécution, comme l’exige l’alinéa 323(2)a) de la LTA, la cotisation établie à l’égard de madame Benaroch doit être annulée. Cette décision est au même effet que celle rendue par la juge Sheridan de notre Cour dans l’affaire de Roy Walsh (appelant) et Sa Majesté la Reine (intimée) 2009 CCI 557 concernant l’alinéa 227.1(2)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui est l’équivalent de l’alinéa 323(2)a) de la LTA.

[16]        Comme madame Benaroch n’est redevable d’aucune dette fiscale en vertu de la LTA, l’appelant ne peut être tenu solidairement responsable de payer quoique ce soit au titre de la dette fiscale de madame Benaroch.

[17]        Pour les motifs susmentionnés, l’appel est accueilli avec dépens et la cotisation est annulée.

Signé à Montréal, Québec, ce 16e jour d'avril 2015.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 93

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-4385(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

AMNON BENAROCH ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal  (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 16 octobre 2014

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 16 avril 2015

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me Pierre Martel

Avocat de l'intimée :

Me Nicolas C. Ammerlaan

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

Me Pierre Martel

Cabinet :

Stikeman Elliot LLP

Montréal (Québec)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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