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Dossier : 2014-1195(GST)G

ENTRE :

HÔPITAL SANTA CABRINI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu les 22, 23 et 25 juin 2015, à Montréal (Québec).

Devant : L’honorable juge Pierre Archambault


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Claude Nadeau

Avocat de l’intimée :

Me Huseyin Akyol

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise pour la période du 14 février 2011 au 24 avril 2012, dont l’avis est daté du 22 mai 2013 et ne porte aucun numéro distinctif, est rejeté, sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’octobre 2015.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault


Référence : 2015 CCI 264

Date : 20151028

Dossier : 2014-1195(GST)G

ENTRE :

HÔPITAL SANTA CABRINI,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Archambault

[1]             Fondé par des sœurs italiennes il y a une cinquantaine d’années, l’Hôpital Santa Cabrini (Hôpital) comprend deux installations : un centre hospitalier de soins généraux et spécialisés de 369 lits (Centre hospitalier) et un centre d’hébergement de longue durée de 103 lits, le Centre d’accueil Dante (Centre Dante).

[2]             L’Hôpital a une mission communautaire pour l’ensemble de la population de l’Est de Montréal. Il offre une large gamme de soins et services de santé et de services sociaux et compte sur environ 1 600 professionnels et employés pour la prestation de ces services. Par exemple, l’établissement reçoit environ 400 000 visites à son service des urgences et 70 000 aux cliniques externes, fait 10 000 admissions et effectue presque autant d’interventions chirurgicales. Le Centre Dante offre de l’hébergement permanent et temporaire au centre de jour aux personnes âgées en perte d’autonomie de la communauté d’origine italienne[1].

[3]             Durant la période pertinente visée par cet appel, soit celle du 14 février 2011 au 24 avril 2012 (période pertinente), l’Hôpital, comme bien d’autres hôpitaux du Québec, faisait face à une pénurie d’infirmières/infirmiers (infirmières) et devait pourvoir des postes vacants et combler des absences. L’Hôpital avait recours aux services de trois agences de placement (Agences) pour combler cette pénurie et obtenir le personnel requis pour livrer les soins infirmiers. Les Agences, qui comptaient parmi leurs employés des centaines d’infirmières, fournissaient des membres de leur personnel pour qu’ils rendent des services de soins sous la direction et le contrôle de l’Hôpital. Les Agences facturaient à l’Hôpital la somme convenue pour le droit d’avoir recours aux services de ce personnel, à laquelle elles ajoutaient la taxe sur les produits et services (TPS) prévue par la Loi sur la taxe d’accise (Loi), ainsi que la taxe de vente du Québec.

[4]             Le 14 février 2013, l’Hôpital, par l’entremise de son représentant, Consultaxe Ltée, a présenté à l’Agence du revenu du Québec (ARQ), agissant comme mandataire de l’Agence du revenu du Canada (ARC), une demande générale de remboursement de TPS d’un montant de 34 958,27 $, laquelle demande a été faite au moyen du formulaire prescrit, soit le formulaire FP-189, daté du 6 février 2013. Cette demande visait de la TPS que l’Hôpital aurait payée par erreur, ou en trop, à ses fournisseurs pendant la période pertinente. L’Hôpital invoquait comme motif de la demande l’exonération prévue à l’article 6 de la partie II de l’annexe V de la Loi, qui est ainsi rédigé :

6. La fourniture de services de soins rendus à un particulier par un infirmier ou une infirmière autorisé, un infirmier ou une infirmière auxiliaire autorisé, un infirmier ou une infirmière titulaire de permis ou autorisé exerçant à titre privé ou un infirmier ou une infirmière psychiatrique autorisé, si les services sont rendus dans le cadre de la relation infirmier-patient.

6. A supply of a nursing service rendered to an individual by a registered nurse, a registered nursing assistant, a licensed or registered practical nurse or a registered psychiatric nurse, if the service is rendered within a nurse-patient relationship.

[Je souligne.]

[5]             L’ARQ a refusé la demande de remboursement pour la période pertinente au motif que la fourniture effectuée par les Agences ne constituait pas une fourniture exonérée. L’Hôpital interjette appel de cette décision.

Contexte factuel

[6]             Dans la réponse à l’avis d’appel, qui énonce les faits que le ministre du Revenu national (ministre) a tenu pour acquis dans l’établissement de la cotisation en litige et qui ont été admis par l’Hôpital, il y a les faits suivants :

24.       […]

c)         pendant la période visée, l’appelant a payé de la TPS, au montant de 205 636,90 $, à des agences de placement de personnel sur la contrepartie de la fourniture, qu’il a acquise, de prêt de personnel qualifié dans le secteur de la santé, nommément des infirmières et des infirmiers, TPS qui lui a été facturée par lesdites agences;

d)         l’appelant a demandé, et obtenu antérieurement, le remboursement partiel de la TPS à l’intention des organismes de services publics (ci-après « remboursement partiel de TPS ») relativement auxdites fournitures en cause, soit un montant de 170 678,63 $ ou 83 % du montant de 205 636,90 $ mentionné au sous-paragraphe précédent, en vertu de l’article 259 de la L.T.A. et du Règlement sur les remboursements aux organismes de services publics (TPS/TVH) (ci-après le (« Règlement »);

e)         le montant de remboursement de 34 958,27 $ demandé par l’appelant, qui lui a été refusé, correspond à la différence entre le montant de TPS que l’appelant a payé, pendant la période visée, à ses fournisseurs pour les fournitures en cause acquises (205 636,90 $) et la partie dudit montant de TPS qui lui a été remboursée par Revenu Québec, après qu’il l’ait demandée, à titre de remboursement partiel de TPS relativement auxdites fournitures (170 678,63 $).

[7]             Les agences avec lesquelles l’Hôpital a fait affaire durant la période pertinente étaient : Agence M.D. Santé (Agence M.D) et Agence soins intermédiaire inc. (Agence S.I.) pour le Centre hospitalier et Placements Formadic inc. (Agence P.F.) pour le Centre Dante. L’Hôpital était lié par des ententes écrites avec les deux premières et fonctionnait par entente verbale avec la dernière. Comme les ententes écrites sont semblables, je ne reproduirai que des extraits de celle avec l’Agence S.I., produite sous la cote A-9 :

OFFRE DE SERVICE

1. Mandat

L’Agence Soins Intermédiaires Inc. s’engage à combler les besoins en personnel infirmier à court et à long terme, en offrant des ressources qualifiées, selon les exigences de l’Hôpital Santa Cabrini.

2. Description du personnel

L’Agence Soins Intermédiaires Inc. sera en mesure de fournir à l’Hôpital Santa Cabrini des professionnels de la santé dans la catégorie d’emploi suivante :

         Infirmier(ère)

         Assistant(e) chef

         Coordonnateur(rice)

         Infirmier(ère) auxiliaire

3. Engagement de Soins Intermédiaires Inc.

         Répondre promptement aux demandes de l’Hôpital Santa Cabrini par un personnel compétent, ponctuel et professionnel.

         Sélectionner de façon rigoureuse du personnel qualifié afin de répondre efficacement aux besoins de l’Hôpital Santa Cabrini en s’assurant que les ressources fournies respectent les règles et consignes qui régissent l’établissement. De plus, les ressources s’engagent à respecter les politiques et procédures de l’Hôpital Santa Cabrini.

         Garantir la validité de la licence du personnel infirmier auprès de l’OIIQ.

         Facturer uniquement les heures travaillées.

         Demeurer en tout temps conforme avec la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles.

         Assurer un suivi constant en regard à la qualité des services offerts par l’Agence Soins Intermédiaires Inc.

         Pendant toute la durée du présent contrat, l’Agence Soins Intermédiaires Inc. s’engage à ne pas embaucher, à quelque poste ou fonction que ce soit, une personne qu’elle sait, après recherches et vérifications diligentes de sa part, être à l’emploi de l’Hôpital Santa Cabrini, ou qui a été à l’emploi de l’Hôpital Santa Cabrini, au cours des douze (12) derniers mois, à l’exception des ressources déjà à l’emploi de l’Agence Soins Intermédiaires Inc. Une pénalité de quinze milles [sic] dollars (15,000$) sera imposée à la partie fautive.

         L’agence Soins Intermédiaires Inc. s’engage à ne plus affecter une ressource qui ne serait pas appréciée par l’Hôpital Santa Cabrini.

         En raison d’une grande pénurie de main d’œuvre et en solidarité des pratiques déjà en place à l’Hôpital Santa Cabrini, l’Agence Soins Intermédiaires Inc. exigera de son personnel de se rendre disponible pour un quart de travail supplémentaire si nécessaire. Lorsque l’Hôpital Santa Cabrini exigera d’un de ses employés un quart de travail supplémentaire, l’Hôpital Santa Cabrini pourra aussi exiger de Soins Intermédiaires Inc. un quart de travail supplémentaire aux employés déjà en place.

Engagement de l’Hôpital Santa Cabrini

Pendant toute la durée du présent contrat, l’Hôpital Santa Cabrini s’engage à ne pas embaucher, à quelque poste ou fonction que ce soit, une personne qu’elle sait, après recherches et vérifications diligentes de sa part, être à l’emploi de l’Agence Soins Intermédiaires Inc., ou qui a été à l’emploi de l’Agence Soins Intermédiaires Inc., au cours des douze (12) derniers mois. Une pénalité de quinze milles [sic] dollars (15,000$) sera imposée à la partie fautive.

5. Annulation d’un quart de travail

Advenant une annulation d’un quart de travail, il est entendu que le représentant de l’Hôpital Santa Cabrini devra aviser l’agence de placement de l’Agence Soins Intermédiaires Inc. quatre (4) heures avant le début du quart de travail afin d’éviter à notre employé un déplacement inutile. Dans le cas où la ressource de l’Agence Soins Intermédiaires Inc. se présente à votre centre et que son quart est annulé, une facturation équivalente à quatre (4) heures de travail sera applicable.

6. Orientations

Il est convenu que les frais d’orientation (2 jours) seront assumés par l’Agence Soins Intermédiaires Inc.

7. Frais

Aucun [sic] frais de repas, de stationnement ou de déplacement ne sera facturé.

8. Acheminement des besoins

Afin de maximiser le rendement au niveau du placement, l’Hôpital Santa Cabrini s’engage à acheminer ses besoins par télécopieur […] ou par courriel […] lorsque ces derniers sont supérieurs à cinq (5) ressources. L’Agence Soins Intermédiaires Inc. s’engage à son tour à confirmer par le biais du télécopieur et/ou courriel.

9. Jours fériés et congés spéciaux

Les jours fériés et les congés spéciaux seront facturés à taux double.

Jours fériés […]

[…]

12. Conditions

Cette offre de service a pour seul but d’informer l’Hôpital Santa Cabrini des conditions auxquelles il s’engage s’il requière [sic] [les] services de l’Agence Soins Intermédiaires Inc., et vice-versa. Si l’une ou l’autre des parties venait à enfreindre une ou des clauses inscrites dans cette offre de service, la partie lésée peut cesser tout lien d’affaires avec l’autre partie, pour une période déterminée ou indéterminée, avec avis ou non, au moment qu’il le décide, une fois réglées toutes les sommes dues, s’il y a lieu.

Les conditions de cette entente sont acceptées par les parties.

[8]             L’entente contient évidemment la liste des prix pour la fourniture du personnel par l’Agence. En principe, il s’agit d’un taux journalier, mais en réalité représente un tarif horaire.

[9]             La preuve présentée lors de l’audience ainsi que celle contenue dans les transcriptions d’interrogatoires préalables qui ont été produites sous la cote I-2, aux onglets 7, 8 et 9, décrivent la façon de procéder quand l’Hôpital a besoin d’avoir recours aux Agences.

[10]        Le bureau des affectations préparait un horaire de travail pour une période de 28 jours pour chacune de ses unités et l’affichait une semaine avant le début de cette période. Pour le confectionner, il affectait tout d’abord ses propres employés aux différents services ou unités de l’Hôpital. Si des postes ne pouvaient être pourvus, il faisait appel à ses employés qui avaient indiqué être prêts à faire des heures supplémentaires. Cette façon de faire respectait ses obligations en vertu des conventions collectives qui lient l’Hôpital et ses salariés. Lorsque des postes ne pouvaient être pourvus grâce à cet exercice, le bureau des affectations communiquait avec les Agences pour combler ses besoins[2].

[11]        Durant la période pertinente, lorsqu’une infirmière d’une Agence se présentait pour la première fois à l’Hôpital, elle recevait une orientation fournie soit par un représentant de l’Agence ou par du personnel de l’Hôpital. Le but était de permettre à cette infirmière de se familiariser avec les installations, l’équipement et les pratiques internes de l’Hôpital. Tel qu’il est indiqué dans les ententes avec les Agences, cette orientation, qui pouvait durer une ou deux journées, était aux frais des Agences, c’est-à-dire que l’Hôpital n’avait pas à verser d’argent pour cette période. Une fois que l’infirmière s’était familiarisée avec l’Hôpital, elle s’y présentait, soit au bureau des affectations ou à l’unité où elle était affectée. De façon générale, elle devait signer un registre qui indiquait le nom de l’Agence, la date, son heure d’arrivée et de départ ainsi que le quart de travail, soit celui de jour, celui de soir ou celui de nuit. L’Hôpital tenait également un registre informatisé des présences journalières qui lui permettait d’être informé en tout temps de la présence non seulement des infirmières des Agences, mais également des infirmières de son propre personnel. Ce registre indiquait pour chaque jour et pour chaque unité de service de l’Hôpital, par exemple l’urgence, des données relativement à chaque type d’emploi, que ce soit infirmière clinicienne, assistante infirmière chef, infirmière, infirmière auxiliaire ou préposé aux bénéficiaires, pour lesquels on indiquait un numéro représentant le titre de l’emploi, le numéro du poste, l’heure d’entrée et de sortie et un code pour le quart de travail. (Voir les pièces A-23 et A-26.)

[12]        Les Agences, de façon générale, présentaient une facture à l’Hôpital chaque semaine et les factures indiquaient dans un tableau les données suivantes : la date du travail fourni, le nom de l’infirmière employée de l’Agence, le service auquel avait été affectée cette infirmière, le quart de travail, le nombre d’heures travaillées, le taux horaire, ainsi que le montant total des sommes dues par l’Hôpital. Le tableau comprenait deux colonnes supplémentaires pour les ajustements et les commentaires.

[13]        Le personnel de l’Hôpital vérifiait l’exactitude des montants facturés par les Agences en consultant soit le registre des signatures ou, si la signature était absente, le registre informatisé des présences journalières. Si la facture correspondait aux données recueillies par l’Hôpital, celui-ci payait le montant indiqué. Si on ne trouvait pas la preuve du travail de l’infirmière de l’Agence, on ne payait pas. Pour un exemple d’une erreur d’une Agence, voir la pièce A-24. Pour un exemple des factures vérifiées par l’Hôpital provenant de l’Agence P.F. voir la pièce A-7.

[14]        Un représentant de l’Agence S.I. a témoigné à l’audience. Sur le site Internet que cette personne a elle-même créé et qui s’adresse principalement aux professionnels que cette Agence veut recruter comme salariés (voir la pièce A‑29), on décrit ainsi la mission de l’entreprise : « agence spécialisée dans le domaine du placement infirmier, […] Constituée de plusieurs membres qualifiés de la santé, elle offre des salaires très compétitifs avec des horaires flexibles. » (Je souligne.) Un peu plus loin, on ajoute cette information :

En plus de fournir une formation de qualité à ses membres, Soins intermédiaire garantie [sic] une meilleure intégration au marché du travail.

Toujours à l’écoute des nouvelles demandes de ses employés et travaille activement à combler leurs besoins de façon personnalisée, […]

[Je souligne.]

[15]        Comme exigences et comme types d’employé recherchés, on y indique:

[N]ous embauchons : Infirmier / infirmière [pour] : •Bloc opératoire •Salle de réveil •Soins intensifs •Urgence •Médecine chirurgie •Psychiatrie •Gériatrie •Pédiatrie •Obstétrique •Et d’autres spécialités. […]Vous devez être membre en règle de votre ordre professionnel. Compétence, fiabilité et professionnalisme.

[16]        Le territoire servi par Soins intermédiaire est l’ensemble du Québec.

[17]        Le représentant de l’Agence S.I. a décrit le formulaire de « Demande d’emploi » comme le contrat de travail. (Voir la pièce A-30.) Le futur salarié y indique notamment ses études, son expérience professionnelle, ses références, le genre d’emploi désiré et sa disponibilité. À la fin du document, on trouve la mention « Entente Faite Par », ainsi que le salaire convenu et l’attestation signée par le salarié que l’information fournie dans le document est exacte. Un autre indice qui permet de conclure que cette Agence considère ses travailleurs comme des salariés est le fait qu’elle effectue sur la rémunération de ceux-ci la retenue à la source des impôts en vertu des lois fiscales ainsi que des cotisations au Régime de rentes du Québec et au régime d’assurance-emploi. Elle verse également le 4 % prévu par la Loi sur les normes du travail pour les vacances annuelles.

[18]        Le contrat de travail liant les infirmières et l’Agence M.D. est beaucoup plus complet. (Voir la pièce A-36.) Il s’agit d’un contrat intitulé « Contrat de travail à durée indéterminée », dans lequel on trouve les stipulations suivantes:

1. Devoir et responsabilité de l’employé

  L’employé s’engage à respecter en tout temps les politiques, directives et consignes de Agence M.D. Santé inc. (ci-après appelée MD SANTÉ) ainsi que ses obligations déontologiques et professionnelles;

  Il est de la responsabilité de l’employé de maintenir en tout temps ses autorisations, formations obligatoires de son Ordre et les licences de travail en règle envers les autorités compétentes et en fournir une copie à MD SANTÉ

  L’employé de MD SANTÉ s’engage à fournir sur demande toutes les informations et documents pouvant être exigés par cette dernière;

  L’employé de MD SANTÉ s’engage à suivre toutes les formations pouvant être exigées par MD SANTÉ;

  L’employé de MD SANTÉ s’engage à accepter les assignations d’au moins deux (2) établissements privés ou publics si ces derniers sont compatibles avec les disponibilités qu’il aura fournies;

  Il est de la responsabilité de l’employé de déclarer auprès de son Ordre professionnel son emploi avec MD SANTÉ, le cas échéant;

  Il est de la responsabilité de l’employé d’aviser MD SANTÉ de tout changement d’information le concernant en cours d’emploi;

  L’employé ne doit poser aucun geste, ni parole qui pourrait porter préjudice à MD SANTÉ;

  L’employé doit accomplir avec diligence et professionnalisme les assignations qui lui sont attribuées;

  L’employé a l’obligation de porter en tout temps sa carte d’identité, son permis de l’Ordre et porter les vêtements appropriés et exigés, le cas échéant;

  L’employé doit faire preuve de ponctualité et d’assiduité pour l’exécution de ses quarts de travail et être en mesure de débuter son quart de travail à l’heure prévue;

  S’il survenait un accident de travail ou une situation dangereuse, l’employé doit aviser immédiatement MD SANTÉ et collaborer avec celle-ci afin de se conformer aux exigences de la CSST sous réserve de la loi;

2. Rémunération et salaire

Sauf avis contraire de MD SANTÉ :

2.1       L’employé recevra un taux horaire établi à l’embauche lors de l’exécution normale de ses tâches.

2.2       [L’]employé recevra un taux horaire de formation lors du suivi de ses formations incluant notamment les orientations (si applicable);

2.3       [L]’employé ne reçoit aucune rémunération pour les périodes de repas;

3. Remboursement des frais

  À moins d’avis contraire, MD SANTÉ ne remboursera pas à son employé aucun [sic] frais de déplacement et autres frais encourus dans l’exercice de ses fonctions;

4. Échéancier de la paie

  L’employé sera payé au maximum à chaque deux (2) semaines, pour toutes les heures effectuées à condition que l’employé ait dûment rempli ses feuilles de temps conformément aux directives de MD SANTÉ;

  Les jours fériés sont déterminés et rémunérés conformément aux normes du travail;

5. Assurance collective

MD SANTÉ offre des assurances collectives dont les modalités d’adhésion seront celles déterminées par l’assureur. Néanmoins, l’employé rencontrant lesdites modalités d’adhésion doit adhérer au minimum à l’assurance médicament à moins de bénéficier d’une exemption conformément à la loi;

6. REER et fonds de pension

L’employé ayant fait 250 heures au cours de son emploi au sein de MD SANTÉ, pourra s’il le désire, contribuer à un fonds de pension privé. MD SANTÉ contribuera audit fonds de pension selon la même proportion de l’employé jusqu’à concurrence maximale de 2 % du salaire brut dudit employé;

7. Lieu de travail

  MD Santé est la seule à décider des lieux d’assignation de son employé;

  L’employé ne peut accepter aucune assignation directement du client de MD SANTÉ;

8. Horaire et calendrier de travail

  MD Santé n’exige aucune disponibilité minimale à [sic] ses employés. À cet effet, l’employé a la responsabilité de soumettre ses disponibilités au plus tard le 15 de chaque mois pour le mois suivant par l’accès intranet qui lui est attribué;

  L’employé a intérêt de consulter régulièrement son profil sur l’intranet en raison des besoins fluctuants de MD SANTÉ;

  Dans l’éventualité, où un employé ne soumet aucune disponibilité sur l’intranet pendant une période de trois (3) mois consécutifs, MD Santé émettra une cessation d’emploi sauf, circonstances particulières;

  Les politiques de MD Santé sur les heures normales, le temps supplémentaire et les congés compensatoires et autres sujets connexes s’appliquent au présent contrat;

[…]

11. Confidentialité

  L’employé s’engage à conserver confidentiel toutes les informations et renseignements qui ne sont pas du domaine public et qui concerne [sic] directement et/ou indirectement MD Santé et/ou ses clients et/ou les usagers du système de santé public ou privé;

[…]

13. Divers

  Dans l’éventualité où l’employé est assigné pour un quart de travail auprès d’un client de MD Santé et qu’il ne peut se présenter à l’assignation, l’employé doit aviser au moins huit (8) heures à l’avance MD Santé à moins de raison valable;

  Dans l’éventualité, où l’employé doit exceptionnellement quitter en cours d’exécution de son travail pour un motif sérieux, il doit aviser immédiatement MD SANTÉ afin de lui permettre que des mesures de remplacement soient prises le cas échéant. La rémunération dans ce cas-ci cessera dès la réception de l’appel sauf entente avec MD SANTÉ.

  Dans le cas de conflit avec un autre employé de MD Santé et/ou une tierce personne, l’employé devra aviser par écrit MD Santé de cette situation afin qu’elle puisse entreprendre les mesures nécessaires et procéder aux vérifications et actions appropriées dans de telles circonstances;

  MD SANTÉ se réserve le droit d’émettre de temps à autre des directives et consigne [sic] sur le site intranet dont [sic] l’employé sera tenu de respecter;

  À défaut, par l’employé de respecter les présentes, les directives et consignes de MD SANTÉ, celle-ci pourra entreprendre toutes les mesures disciplinaires qu’elle jugera appropriées dans les circonstances;

  Sous réserve de la loi, MD SANTÉ peut mettre fin en tout temps au présent contrat sur simple avis écrit.

[19]        Le copropriétaire et fondateur de l’Agence M.D. a également confirmé que son Agence versait des cotisations non seulement au Régime de rentes du Québec et au régime d’assurance-emploi, mais aussi à un régime de pension dans les cas des salariés qui désiraient y participer et que la cotisation patronale s’élevait à 50 % de la cotisation totale jusqu’à concurrence de 2 % de la rémunération versée par cette Agence à ces salariés. Tel qu’il appert de l’information apparaissant sur son site Internet (voir la pièce A-34), Agence M.D. bénéficie d’une couverture complète d’assurance responsabilité et de la CSST.

[20]        Il est probable que les Agences se conformaient ainsi à une directive émise en date du 29 novembre 2011 par l’ARQ relativement aux obligations des agences de placement. Voici ce qu’on y prévoit :

Les agences de placement doivent, à titre d’employeurs, retenir sur la rémunération versée à leurs employés l’impôt du Québec ainsi que les cotisations au Régime de rentes du Québec (RRQ) et au Régime québécois d’assurance parentale (RQAP).

[Voir onglet 45 du volume 2 du cahier des autorités de l’appelant; je souligne.]

[21]        Ajoutons également que, tout comme les salariés de l’Hôpital, les salariés des Agences portent une carte d’identité, indiquant, dans leur cas, le nom de leur Agence. (Voir les pièces A-35 et A-25.) Sur la carte d’identité portée par les employés de l’Agence S.I., figurent non seulement la photo du salarié de l’Agence, mais également le logo de l’Agence, son numéro de téléphone et de télécopieur et son adresse Internet. Sur celle de l’Agence M.D., on ne trouve que la photo de l’employé avec, évidemment, son nom et son titre — par exemple infirmier — et le logo de l’Agence.

[22]        Il ressort clairement du témoignage de différents salariés de l’Hôpital, qu’il s’agisse d’un ancien directeur des finances, de la responsable du bureau des affectations ou de différents chefs de service, que les employés des Agences, quoique soumis à la direction et au contrôle de l’Hôpital dans l’exécution de leurs tâches, ne sont pas considérés comme des employés de l’Hôpital. Il n’y a aucune preuve de l’existence d’une entente (contrat) liant l’Hôpital et les infirmières placées par les Agences. Au contraire, l’Hôpital s’engage à ne pas recruter pour quelque poste ou fonction que ce soit une personne dont il sait qu’elle « a été à l’emploi de l’Agence M.D. Santé, au cours des douze (12) derniers mois ». Une pénalité de 15 000 $ est imposée si l’Hôpital manque à cet engagement. L’Hôpital ne verse aucune rémunération directe aux salariés des Agences ni ne fournit aucun avantage à ces personnes. Les différents témoins de l’Hôpital ont confirmé que lorsqu’il y avait matière à plainte à l’égard de l’un des employés des Agences, ils communiquaient avec l’Agence pour lui en faire part. Ultimement, l’Hôpital pouvait demander que l’employé visé par la plainte ne soit plus affecté à l’Hôpital.

[23]        Il ressort également de l’ensemble de la preuve et des témoignages fournis non seulement par les salariés de l’Hôpital, mais également par les représentants des trois Agences, que le seul objet de l’entente entre les Agences et l’Hôpital est la fourniture de personnel, que la prestation de services de soins infirmiers ou médicaux relève de l’Hôpital, que c’est l’Hôpital qui exerce la direction et le contrôle sur le travail des salariés des Agences et qu’aucun représentant des Agences n’est sur place pour diriger ou contrôler la fourniture de services de soins infirmiers. Le seul encadrement qu’ont pu fournir les Agences dans certains cas a été une ou deux journées d’orientation lorsqu’une infirmière se présentait pour la première fois à l’Hôpital. Une fois que le salarié de l’Agence a reçu cette séance d’orientation, que ce soit d’un salarié de l’Agence ou, ce qui était habituellement le cas, du personnel de l’Hôpital, l’Agence n’est pas du tout impliquée dans la fourniture des services infirmiers par ses salariés. Les représentants des Agences ont confirmé notamment n’avoir aucun accès aux dossiers des patients de l’Hôpital.

[24]        Selon la politique du ministère de la Santé et des Services sociaux décrite à la page 51 de son plan stratégique pour 2010-2015 où l’on traite de l’attraction, de la rétention et de la contribution optimale des ressources humaines, l’objectif est de réduire le recours à la main-d’œuvre indépendante dans les secteurs d’activité clinique, le résultat visé étant une « [d]iminution de 25 % des heures travaillées par du personnel en soins infirmiers à l’emploi des agences privées d’ici 2015 ». (Voir la pièce A-12.)

Analyse des rapports juridiques et économiques des parties

[25]        Avant de s’interroger sur la question de savoir si l’Hôpital réunit toutes les conditions nécessaires pour bénéficier de la fourniture exonérée prévue à l’annexe V de la Loi, je crois qu’il est utile de qualifier les rapports juridiques et économiques qui existent entre les différentes parties.

[26]        Tout d’abord, une mise en contexte s’avère utile. Un patient se présente à l’Hôpital et requiert des soins médicaux. Cette personne peut se présenter à l’urgence, à la clinique externe ou tout simplement être hospitalisée. Ce patient doit d’abord aller s’inscrire avant de recevoir des soins, et il est de connaissance judiciaire qu’il reçoit, s’il n’en a pas déjà une, une carte de l’Hôpital confirmant son statut de patient. S’il s’agit d’un résident de la province, cette personne détient sa carte d’assurance maladie du Québec et tous les frais reliés aux soins seront assumés par la Régie de l’assurance maladie ou financés par l’enveloppe budgétaire consentie à l’Hôpital par le gouvernement. Si cette personne ne bénéficie pas d’un régime d’assurance maladie, notamment si elle est un touriste étranger, cette personne devra acquitter des honoraires pour les soins qu’elle recevra de l’hôpital.

[27]        Pour rendre ses services hospitaliers, l’Hôpital engage du personnel, que ce soit des cadres administratifs, du personnel infirmier, des préposés aux patients, des préposés au service d’entretien ou des préposés au service de sécurité. Pour utiliser le jargon de la Loi, ce sont là une partie de ses intrants.

[28]        Puisque ses besoins ne peuvent être tous comblés par ses salariés, soit ceux qui sont en disponibilité ou ceux qui sont prêts à faire des heures supplémentaires, l’Hôpital requiert les services d’agences de placement qui lui fournissent le personnel dont il a besoin. Il existe des contrats avec trois Agences, lesquels prévoient que celles-ci doivent fournir du personnel compétent et expérimenté pour les postes que l’Hôpital doit pourvoir et pour exécuter les tâches requises.

[29]        Pour pouvoir fournir le personnel en question, les Agences engagent des infirmières. En effet, la preuve a révélé que des contrats de travail sont conclus entre les Agences et les infirmières qui seront placées dans les hôpitaux, dont l’Hôpital. Dans le cas de l’Agence M.D., il s’agit d’un contrat de travail en bonne et due forme contenant les modalités normales d’un contrat de travail[3]. Dans le cas de l’Agence S.I., il s’agit d’un formulaire de demande d’emploi qui est signé par l’employé et que le représentant de l’Agence considère comme représentant son contrat de travail. Outre le fait que les expressions « demande d’emploi », « entente faite par » et « salaire » sont utilisées, la conduite de cette Agence est cohérente avec sa prétention que ses infirmières sont ses salariées puisque non seulement l’Agence retient à la source les impôts, mais elle verse des cotisations au régime d’assurance-emploi ainsi qu’au Régime de rentes du Québec.

[30]        Dans la doctrine et la jurisprudence, on décrit souvent la relation existant entre le client — l’Hôpital en l’occurrence —, l’agence de placement et le personnel de l’agence comme étant une relation « tripartite » résultant d’un contrat de travail. Dans le Code civil du Québec (C.c.Q.), parmi les 18 contrats nommés[4] on n’en trouve pas un qui décrit cette relation tripartite ni, de façon particulière, la relation qui existe entre l’agence de placement et son client. Il existe un certain flou juridique et jurisprudentiel pour ce qui est de la qualification de ce type de relation[5]. À mon avis, il est possible d’envisager quatre scénarios distincts pour décrire la relation entre les différentes parties.

[31]        Le premier scénario serait un contrat en vertu duquel l’Agence s’engagerait à fournir des services de soins de santé. Il s’agirait là d’un contrat d’entreprise ou de service visé par l’article 2098 C.c.Q.[6] L’objet de la prestation serait de fournir un service, à savoir des soins de santé à des patients. On pourrait utiliser l’expression populaire de contrat en sous-traitance; en vertu de ce contrat, l’Hôpital confierait à l’Agence la tâche de fournir certains services de santé de la même manière qu’un entrepreneur général en construction peut engager un plombier, un électricien ou un plâtrier à qui il donne la tâche d’exécuter des travaux précis de plomberie, d’électricité ou de plâtrage[7]. Dans le domaine de la construction, il est courant et facile de sous-traiter ces activités, puisqu’il s’agit de tâches précises, bien définies. Il n’est pas nécessaire pour le payeur, l’entrepreneur général, d’exercer un droit de direction ou de contrôle sur l’exécution du travail. La seule chose qui compte, c’est le résultat au bout du compte. Dans le cas qui nous occupe, je ne crois pas qu’une telle conclusion puisse être adoptée, puisque l’objet de la prestation visé par le contrat avec les Agences n’est pas de fournir des soins de santé, mais plutôt de fournir du personnel qui, lui, pourra rendre des services de santé dont l’étendue ne peut être définie d’avance parce qu’ils sont trop variés. Rappelons les paroles du représentant de l’Agence S.I., selon lesquelles l’entente entre son Agence et l’Hôpital concerne la fourniture du personnel qui rend des services de soins de santé aux patients de l’Hôpital.

[32]        En outre, il ne serait pas indiqué dans le cadre de l’exploitation d’un hôpital que ce dernier puisse sous-traiter une partie de ses soins de santé offerts dans son établissement, puisqu’il a comme mission en vertu de l’article 100 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux[8] « d’assurer la prestation de services de santé […] de qualité, qui soient […] sécuritaires […]. À l’article 101, deuxième alinéa, on édicte que l’établissement doit notamment « dispenser lui-même les services de santé […] ou les faire dispenser par un établissement, un organisme ou une personne avec lequel il a conclu une entente de services visée à l’article 108 ». On s’attend dans ces circonstances à ce que l’Hôpital exerce lui-même la direction et le contrôle sur les services à être rendus[9]. Les services à rendre ne peuvent pas être précisés comme c’est le cas pour un plombier, un électricien ou un plâtrier. De plus, il n’y a aucun représentant des Agences pour superviser le travail de leurs salariés. Il est essentiel que le travailleur placé par les Agences s’intègre dans l’équipe des différents services ou unités de soins au sein desquels il travaille et cette prestation de services requiert nécessairement que l’Hôpital exerce un droit de direction et de contrôle sur son travail. En conclusion, on ne peut conclure dans les circonstances de cet appel à l’existence d’un contrat de service en sous-traitance en vertu duquel les Agences auraient fourni des soins de santé à des patients de l’Hôpital.

[33]        Dans le deuxième scénario, l’objet de la prestation serait le recrutement de personnel, l’Agence s’engageant à rechercher du personnel compétent et à l’offrir à l’Hôpital pour que ce dernier engage lui-même ces travailleurs. Dans un tel scénario, la personne recrutée par l’Agence devient salarié de l’Hôpital. Il s’agirait ici également d’un contrat de service, la prestation consistant à chercher, à identifier, à interviewer et à proposer un salarié potentiel pour l’Hôpital.

[34]        Ici, la preuve ne révèle aucunement que l’Hôpital a confié comme mission aux trois Agences celle de recruter des personnes qui deviendraient des salariés de l’Hôpital. L’Hôpital a besoin de pourvoir des postes de façon temporaire et ne recherche pas l’engagement d’un travailleur à long terme, même si certains pourraient croire que c’est ce que devrait faire l’Hôpital. En fait, les ententes prohibent expressément l’engagement des travailleurs placés par les Agences et une pénalité est même prévue pour le cas où l’Hôpital engagerait lui-même l’infirmière. L’avantage pour l’Hôpital de ne pas recruter des salariés à plein temps est la flexibilité qu’il a de mettre fin aux services du travailleur placé par l’Agence dès que le besoin disparaît. Il est de connaissance judiciaire qu’en matière de licenciement de ses salariés l’Hôpital est assujetti à des obligations beaucoup plus contraignantes en vertu de ses conventions collectives.

[35]        Ajoutons également que les travailleurs placés par les Agences n’ont pas non plus le désir de devenir des salariés de l’Hôpital puisqu’ils ne veulent pas être assujettis au contrôle que pourrait exercer l’Hôpital quant à l’horaire auquel ils pourraient être assujettis. En travaillant pour l’Agence, ils se réservent le droit d’accepter ou de refuser de travailler pour quelque hôpital que ce soit, puisque l’entente entre le travailleur et l’Agence prévoit que c’est le travailleur qui décide quand et où il travaille.

[36]        Également, dans les faits, les travailleurs placés par les Agences ne se trouvent pas dans le livre de paie de l’Hôpital. Ce dernier ne leur fournit aucune rémunération, aucun avantage. La seule rémunération à laquelle ont droit ces travailleurs est celle versée par les Agences, et les hôpitaux n’ont rien à voir avec les modalités du contrat de travail entre les travailleurs et les Agences. En fait, il n’existe aucune relation contractuelle entre l’Hôpital et les infirmières placées par les Agences.

[37]        Le troisième scénario est une variante du précédent. Les Agences agiraient comme mandataires de l’Hôpital et engageraient du personnel pour le compte de l’Hôpital de façon occulte, sans que ce dernier n’ait à reconnaître ouvertement qu’il est le véritable employeur de ces travailleurs.

[38]        À mon avis, les faits mis en preuve dans cet appel ne révèlent aucunement l’existence d’un tel mandat occulte conféré par l’Hôpital aux Agences pour l’engagement d’infirmières. Tout d’abord, il n’existe aucun contrat de mandat écrit. Le seul contrat écrit qui existe est un contrat en vertu duquel les Agences s’engagent à fournir des travailleurs pour les intégrer dans les équipes de l’Hôpital. À mon avis, il n’existe pas non plus d’entente verbale entre l’Hôpital et les Agences ainsi que les travailleurs de ces Agences qui ferait en sorte que les Agences agiraient comme mandataires de l’Hôpital.

[39]        En outre, pour les motifs énoncés dans l’analyse du deuxième scénario, chacune des parties avait intérêt à éviter que les travailleurs des Agences deviennent des salariés, juridiquement parlant, par le biais d’un contrat de mandat. En effet, l’Hôpital et les travailleurs n’ont aucune intention que ces derniers, engagés par les Agences, deviennent des salariés de l’Hôpital. Je crois qu’il ne faut pas ici, compte tenu de la preuve, conclure à l’existence d’un contrat occulte alors qu’il n’y a aucun indice d’une intention ou d’une conduite contraire à ce qui ressort de la version présentée par les parties[10].

[40]        Il faut plutôt conclure que les ententes intervenues dans le présent dossier doivent recevoir leurs effets conformément à l’intention des parties et tels qu’ils se dégagent de la lecture de leurs contrats. Le premier contrat est un contrat de travail entre les Agences et les travailleurs. Dans le cas d’au moins une des Agences, il existe un contrat écrit en bonne et due forme, intitulé « Contrat de travail à durée indéterminée », selon lequel il est clair que les travailleurs deviennent des salariés de l’Agence et que ces travailleurs acceptent de fournir une prestation de services sous la direction et le contrôle du payeur, l’Agence. Sans être aussi détaillé, l’autre contrat écrit constitue également un contrat de travail. Comme la directive donnée par les Agences à leurs travailleurs est de fournir leurs services à l’Hôpital, les Agences délèguent à l’Hôpital leur droit à l’exécution d’un travail et leur droit de direction et de contrôle sur ce travail des travailleurs, droits qu’elles ont acquis en vertu du contrat de travail. Je le répète, la seule relation contractuelle qui existe en ce qui concerne les travailleurs des Agences, c’est le contrat qui les lie aux Agences. L’autre contrat qui existe, c’est l’entente de fourniture de personnel intervenue entre l’Hôpital et les Agences, en vertu de laquelle une Agence s’engage à combler les besoins en personnel infirmier de l’Hôpital. Il existe un contrat écrit entre l’Hôpital et l’Agence M.D. (voir la pièce A-8) et un autre avec l’Agence S.I. (voir la pièce A-9)[11]. Il n’existait qu’une entente verbale avec l’Agence P.F. pour le Centre Dante.

[41]        Comme les trois premiers scénarios ne sont pas applicables ici, le quatrième va nous permettre de qualifier plus précisément la nature du contrat qui lie les Agences et l’Hôpital. Tout d’abord, il faut souligner à nouveau qu’il n’existe aucune relation juridique entre l’Hôpital et les travailleurs des Agences. Tel qu’il a été mentionné à plusieurs reprises, la seule relation juridique qui lie ces travailleurs résulte de leur contrat de travail avec les Agences. La seule relation juridique qui lie l’Hôpital, résulte de l’entente avec les Agences. Par conséquent, on ne peut conclure à l’existence d’un contrat de travail entre l’Hôpital et les travailleurs des Agences. Ces travailleurs sont les salariés des Agences et les Agences n’agissent pas comme mandataires de l’Hôpital lorsqu’elles engagent ce personnel. Rappelons que ce sont les Agences qui recrutent les travailleurs. La preuve a révélé que ces Agences peuvent avoir des contrats les liant à des centaines de travailleurs (de 400 à 600), ce qui leur permet de combler les besoins des hôpitaux en personnel.

[42]        Comme les travailleurs employés par les Agences sont liés par un contrat de travail, il existe un lien de subordination entre chacune des Agences et ses travailleurs. En signant leur contrat de travail, les travailleurs s’engagent à accepter les affectations des Agences pour travailler dans différents hôpitaux. Ce que l’Agence obtient par ce contrat de travail — ce qui est l’essence d’un contrat de travail —, c’est le droit ou la faculté de pouvoir exercer une direction et un contrôle sur le travail de ses travailleurs. Les Agences pourraient certainement décider de fournir elles-mêmes des soins de santé et demander que leurs travailleurs rendent des services aux clients des Agences. Toutefois, telle n’est pas leur mission. En ce qui concerne l’Hôpital, les Agences se contentent de lui transférer pour un temps le droit d’exiger de leurs salariés l’exécution du travail, et elles lui délèguent comme accessoire le droit d’exercer la direction et le contrôle sur ce travail. 

[43]        Comment alors qualifier la nature du contrat liant les Agences et l’Hôpital? S’agit-il de l’un des 18 contrats nommés du C.c.Q.? Le plus susceptible de s’appliquer, à première vue[12], est le contrat d’entreprise ou de service, prévu aux articles 2098 et suivants du C.c.Q. Il est utile de reproduire à nouveau les articles 2098 et 2099 :

2098. Le contrat d’entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l’entrepreneur ou le prestataire de services, s’engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s’oblige à lui payer.

2099. L’entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d’exécution du contrat et il n’existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

[Je souligne.]

[44]        Il me semble évident que les Agences ne réalisent pas un ouvrage matériel ou intellectuel. Elles ne fournissent pas non plus de services : aucun soin de santé n’est fourni par les Agences. C’est l’Hôpital qui les fournit grâce à son propre personnel et au personnel placé par les Agences. Si ces Agences agissaient en sous-traitance, l’article 2098 C.c.Q. s’appliquerait clairement puisque l’objet de la prestation serait les services de soins de santé, comme on l’a vu dans le premier scénario. Ici, à mon avis, l’objet de la prestation est le droit consenti à l’Hôpital par les Agences d’exiger pour un temps du travail de leurs salariés, auquel droit s’ajoute comme accessoire la délégation du droit de direction et de contrôle sur ce travail, droit que détiennent les Agences à l’égard du travail de leurs salariés en vertu de leurs contrats de travail. Les salariés des Agences sont en quelque sorte prêtés ou loués à l’Hôpital. C’est ce qui se passe quand les Agences affectent leurs salariés à l’Hôpital : ces salariés deviennent assujettis aux droits de l’Hôpital d’exiger l’exécution de leur travail et d’exercer sur ce travail une direction et un contrôle. Ces droits qu’exerce l’Hôpital n’ont pas leur source dans un contrat de travail liant l’Hôpital et ces salariés, puisqu’il n’existe aucun contrat (écrit ou verbal) entre eux. La source juridique de ces droits est le contrat qui lie l’Hôpital et les Agences.

[45]        Peut-on alors qualifier de contrat de prêt ou de louage le contrat liant l’Hôpital et les Agences? L’ARQ utilise l’expression « prêt de personnel » dans son communiqué en date du 20 décembre 2010, paraissant dans Nouvelles fiscales, dont l’extrait pertinent est reproduit plus loin au paragraphe 51 de ces motifs. Dans la décision Revera de la Cour supérieure, citée plus haut, le juge St‑Pierre utilise l’expression « agence […] de location de personnel »[13] comme synonyme d’« agence de placement » et parle d’« inhalothérapeutes […] placées ou louées par elle […] au sein de l’établissement de santé », aux paragraphes 1 et 2 de sa décision. De façon générale, les expressions « prêt de personnel » et « location de personnel » décrivent assez bien la réalité économique. Mais il n’existe pas de contrat nommé « prêt de personnel » ou « location de personnel » dans le C.c.Q. Les seuls contrats de prêt décrits par le C.c.Q. sont ceux qui visent des biens ou de l’argent :

2312. Il y a deux espèces de prêt: le prêt à usage et le simple prêt.

2313. Le prêt à usage est le contrat à titre gratuit par lequel une personne, le prêteur, remet un bien à une autre personne, l’emprunteur, pour qu’il en use, à la charge de le lui rendre après un certain temps.

2314. Le simple prêt est le contrat par lequel le prêteur remet une certaine quantité d’argent ou d’autres biens qui se consomment par l’usage à l’emprunteur, qui s’oblige à lui en rendre autant, de même espèce et qualité, après un certain temps.

[Je souligne.]

[46]        Le C.c.Q. ne définit pas le terme « bien », mais il distingue différents biens à l’article 899 : « Les biens, tant corporels qu’incorporels, se divisent en immeubles et en meubles. » (Je souligne.) Les biens meubles sont décrits ainsi à l’article 907 : « Tous les autres biens que la loi ne qualifie pas sont meubles. » On pourrait ainsi décrire comme des biens meubles les droits incorporels conférés par les Agences à l’Hôpital, à savoir le droit d’exiger une prestation de travail des infirmières des Agences et le droit de direction et de contrôle sur ce travail. Comme je crois que ce bien incorporel ne se consomme pas comme l’argent et qu’il peut être rendu après un certain temps, il ne pourrait s’agir d’un contrat de prêt puisque le prêt à usage est à titre gratuit.

[47]        Par contre, le louage, qui porte également sur un bien, n’est pas à titre gratuit :

1851. Le louage, aussi appelé bail, est le contrat par lequel une personne, le locateur, s’engage envers une autre personne, le locataire, à lui procurer, moyennant un loyer, la jouissance d’un bien, meuble ou immeuble, pendant un certain temps.

[Je souligne.]

[48]        L’entente entre l’Hôpital et les Agences correspond davantage à un contrat de louage de biens qu’à un contrat de service puisque les Agences ne fournissent pas des services, mais donnent plutôt à l’Hôpital, contre une somme d’argent, la jouissance d’un bien, soit le droit d’exercer sur les salariés des Agences les droits que confèrent les contrats de travail de ces salariés. L’Hôpital, comme locataire, exerce ces droits comme bon lui semble, notamment en exerçant le droit de direction et de contrôle sur le travail des travailleurs des Agences pendant la durée de la location[14]. Les services de ces travailleurs sont alors rendus pour le compte de l’Hôpital et non pour celui des Agences. Il est alors plus approprié de parler de « contrat de louage de personnel » que de « prêt de personnel ».

[49]        Cette qualification permet, à mon avis, de bien circonscrire la relation tripartite entre l’Hôpital, les Agences et les salariés des Agences. Cette relation comprendrait un contrat de travail entre les travailleurs et les Agences et un contrat de louage de personnel entre les Agences et l’Hôpital en vertu duquel une Agence délègue à l’Hôpital son droit d’exiger le travail des travailleurs et le droit de direction et de contrôle sur ce travail, pour ainsi permettre à l’Hôpital d’intégrer les salariés des Agences au reste de son personnel et de rendre ses services de soins à ses patients.

[50]        À mon avis, ce quatrième scénario est celui qui reflète le plus adéquatement les relations juridiques qu’ont désirées les parties et qu’elles ont mises en place. Non seulement la preuve révèle ici que les parties ont désiré deux contrats, l’un étant un contrat de travail entre les infirmières et les Agences, et l’autre, un contrat de louage de personnel entre l’Hôpital et les Agences en vertu duquel le travail de ses salariés est mis à la disposition de l’Hôpital. Il n’est pas nécessaire de conclure, comme cela a été fait par la Cour du Québec dans l’affaire Agence Océanica inc., supra, à l’existence d’un contrat de mandat pour qualifier la relation tripartite.

Analyse fiscale

[51]        Une fois que l’on a bien saisi la nature et la portée des ententes juridiques liant l’Hôpital et les Agences et celles entre ces dernières et leurs travailleurs, il devient plus facile de trouver la réponse à la question posée dans cet appel : est‑ce que le louage du personnel des Agences pour combler les besoins de l’Hôpital constitue une fourniture exonérée aux fins de la Loi? Rappelons que la pertinence de cette détermination est importante pour décider si le ministre, par l’intermédiaire de l’ARQ, a à bon droit refusé la demande de remboursement de la TPS que l’Hôpital avait versée lorsqu’il avait remis le loyer prévu aux contrats avec les trois Agences. Rappelons que les Agences, lorsqu’elles facturaient à l’Hôpital le loyer pour le louage du personnel, calculaient un montant de TPS conformément à l’interprétation qu’avaient adoptée les autorités fiscales, notamment l’ARQ agissant comme mandataire de l’ARC dans l’application de la Loi. Cette interprétation se trouve dans Nouvelles fiscales en date du 20 décembre 2010 et traite des fournitures effectuées par des agences de placement de personnel infirmier. (Voir le cahier des autorités de l’appelant — volume 2, à l’onglet 44.) Au deuxième paragraphe, on énonce ce qui suit :

Généralement, dans le cadre d’ententes conclues entre une agence et un établissement de santé, les infirmières et les infirmiers à l’emploi de l’agence accomplissent leurs tâches sous la direction et la supervision journalière des dirigeants de l’établissement de santé. Dans ce cas, Revenu Québec considère que les services rendus par l’agence de placement à sa clientèle constituent un prêt de personnel qui donne lieu à une fourniture taxable pour l’application de la TPS et de la TVQ.

[Je souligne.]

[52]        Les autorités fédérales, à savoir le ministre pour ce qui est de l’application de la TPS dans les provinces autres que le Québec, ont adopté la même conclusion dans un document intitulé Nouvelles sur l’accise et la TPS/TVH, n89, publié à l’été 2013. Cela semble d’ailleurs avoir eu comme effet de renverser une position antérieure de l’ARC, tel qu’il ressort de la lecture du commentaire de Robert G. Kreklewetz et John Bassindale intitulé « Agences de placement infirmier : TPS », publié dans Faits saillants en fiscalité canadienne, vol. 22, no 4, avril 2014, de la Fondation canadienne de fiscalité, aux pages 7 et 8 :

Étant donné la position exposée dans le mémorandum [Mémorandum sur la TPS 300-4-2  sur les fournitures exonérées de services de santé], et en particulier dans le paragraphe 14, de nombreux fiscalistes et Agences de placement infirmier croyaient que les soins infirmiers prodigués par un infirmier qualifié à une personne dans le cadre d’une relation infirmier-patient étaient exonérés, peu importe que l’infirmier ait fourni les soins directement ou par l’entremise d’une agence de placement. Plus de 20 ans plus tard, il semble que le document Nouvelles sur l’accise et la TPS/TVH no 89 (été 2013) renverse discrètement la position de l’ARC, et on observe les premiers avis de cotisation qui reflètent ce changement.[…] [Voir l’onglet 47 du volume 2 du cahier des autorités de l’appelant.]

[53]        Parmi les dispositions de la Loi qui sont pertinentes pour résoudre la question soulevée par cet appel figure la suivante :

165. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’acquéreur d’une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 5 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

165. (1) Subject to this Part, every recipient of a taxable supply made in Canada shall pay to Her Majesty in right of Canada tax in respect of the supply calculated at the rate of 5% on the value of the consideration for the supply.

[Je souligne.]

[54]        Il y a aussi les définitions suivantes au paragraphe 123(1) de la Loi :

« acquéreur »

a) Personne qui est tenue, aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

b) personne qui est tenue, autrement qu’aux termes d’une convention portant sur une fourniture, de payer la contrepartie de la fourniture;

c) si nulle contrepartie n’est payable pour une fourniture :

(i) personne à qui un bien, fourni par vente, est livré ou à la disposition de qui le bien est mis,

(ii) personne à qui la possession ou l’utilisation d’un bien, fourni autrement que par vente, est transférée ou à la disposition de qui le bien est mis,

(iii) personne à qui un service est rendu.

Par ailleurs, la mention d’une personne au profit de laquelle une fourniture est effectuée vaut mention de l’acquéreur de la fourniture.

“recipient” of a supply of property or a service means

(a) where consideration for the supply is payable under an agreement for the supply, the person who is liable under the agreement to pay that consideration,

(b) where paragraph (a) does not apply and consideration is payable for the supply, the person who is liable to pay that consideration, and

(c) where no consideration is payable for the supply,

(i) in the case of a supply of property by way of sale, the person to whom the property is delivered or made available,

(ii) in the case of a supply of property otherwise than by way of sale, the person to whom possession or use of the property is given or made available, and

(iii) in the case of a supply of a service, the person to whom the service is rendered,

and any reference to a person to whom a supply is made shall be read as a reference to the recipient of the supply;

 

« fourniture taxable » Fourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale.

“taxable supply” means a supply that is made in the course of a commercial activity;

 

« activité commerciale »

Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

a) l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

[…]

“commercial activity” of a person means

(a) a business carried on by the person (other than a business carried on without a reasonable expectation of profit by an individual, a personal trust or a partnership, all of the members of which are individuals), except to the extent to which the business involves the making of exempt supplies by the person,

[…]

 

« fourniture » Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

“supply” means, subject to sections 133 and 134, the provision of property or a service in any manner, including sale, transfer, barter, exchange, licence, rental, lease, gift or disposition;

 

« bien » À l’exclusion d’argent, tous biens — meubles et immeubles — tant corporels qu’incorporels, y compris un droit quelconque, une action ou une part.

“property” means any property, whether real or personal, movable or immovable, tangible or intangible, corporeal or incorporeal, and includes a right or interest of any kind, a share and a chose in action, but does not include money;

 

« service » Tout ce qui n’est ni un bien, ni de l’argent, ni fourni à un employeur par une personne qui est un salarié de l’employeur, ou a accepté de l’être, relativement à sa charge ou à son emploi.

“service” means anything other than

(a) property,

(b) money, and

(c) anything that is supplied to an employer by a person who is or agrees to become an employee of the employer in the course of or in relation to the office or employment of that person;

 

« salarié » Est assimilé à un salarié la personne qui reçoit un traitement, une rémunération ou toute autre rétribution.

“employee” includes an officer;

 

« employeur » Est considérée comme l’employeur d’un salarié la personne qui lui verse un traitement, un salaire, une rémunération ou toute autre rétribution.

“employer”, in relation to an officer, means the person from whom the officer receives remuneration;

 

« fourniture exonérée » Fourniture figurant à l’annexe V.

“exempt supply” means a supply included in Schedule V.

[Je souligne.]

[55]        La disposition pertinente de la définition de fournitures exonérées, aux fins de la présente analyse, se trouve à l’article 6 de la partie II de l’annexe V, qu’il est utile de reproduire à nouveau ici:

6. La fourniture de services de soins rendus à un particulier par un infirmier ou une infirmière autorisé, un infirmier ou une infirmière auxiliaire autorisé, un infirmier ou une infirmière titulaire de permis ou autorisé exerçant à titre privé ou un infirmier ou une infirmière psychiatrique autorisé, si les services sont rendus dans le cadre de la relation infirmier-patient.

6. A supply of a nursing service rendered to an individual by a registered nurse, a registered nursing assistant, a licensed or registered practical nurse or a registered psychiatric nurse, if the service is rendered within a nurse-patient relationship.

[Je souligne.]

[56]        Pour qu’il y ait une fourniture exonérée selon l’article 6, plusieurs conditions doivent être réunies. David Sherman, dans — Canada GST Service —fournit cet exposé :

A supply is exempt under this section if it meets the following conditions:

•           It is a “service”, as defined in subsection 123(1). This excludes a supply of property (such as a right, which is intangible property).

•           It is a “nursing service”. See section Sch. V:Part II:6 D below.

•           It is “rendered” (meaning physically provided) to an “individual”, as defined in subsection 123(1) (meaning a human being). See the commentary to Sch. V:Part II:5, under the heading “Rendered by a Medical Practitioner To an Individual”.

•           The person who renders the service is any of the following:

-          registered nurse

-          registered nursing assistant

-          licensed practical nurse

-          registered practical nurse

-          registered psychiatric nurse.

•           The service is “rendered within a nurse-patient relationship”. This condition was added effective for supplies made after February 26, 2008. See section Sch. V:Part II:6 C below.

•           The service is neither a “cosmetic service supply” as defined in section 1 of this Part, nor a “supply, in respect of a cosmetic service supply, that is not made for medical or reconstructive purposes”. See Sch. V:Part II:1.1. Thus, for example, a nursing service to assist in non-medical cosmetic surgery is not exempt. This condition applies to supplies made after March 4, 2010, and other supplies in some cases.

•           The supply has a health care purpose, rather than being for purposes of litigation, insurance or some other purpose. See Sch. V:Part II:1.2 and the definition “qualifying health care supply” in Sch. V:Part II:1. This condition applies to supplies made after (meaning under an agreement entered into after) March 21, 2013. (Canada GST Service, Binder C10, Toronto, Carswell, 2043, pages V.272 et V.273; publié également dans Taxnet Pro.)

[57]        À ce bon exposé, j’ajouterais comme précision que la fourniture effectuée par le fournisseur[15] doit être un service de soins. Ici, cette condition pose problème. Dans l’analyse des rapports juridiques faite plus haut, j’ai conclu que le contrat liant l’Hôpital et les Agences ne constituait pas un contrat d’entreprise ou de service parce qu’il n’y avait pas de services rendus par les Agences. Aucun soin de santé n’était fourni par elles. Il n’y avait que des droits consentis à l’Hôpital par les Agences, soit celui d’exiger pour un temps le travail des salariées louées par les Agences et celui d’exercer une direction et un contrôle sur ce travail. Ces droits constituent des biens non seulement aux fins du C.c.Q., mais également au sens de la Loi, tel qu’il appert du paragraphe 123(1) qui prévoit que les biens comprennent « tous biens […] tant corporels qu’incorporels, y compris un droit quelconque ». [Je souligne.] Comme l’objet du contrat est un bien, il ne peut être un service aux fins de la Loi. Selon la définition au paragraphe 123(1) de la Loi, « service » signifie « [t]out ce qui n’est ni un bien ni […] ». Par conséquent, le louage de personnel ne constitue pas un service aux fins de l’article 6 de la partie II de l’annexe V de la Loi, puisqu’il y a fourniture de biens et non de services.

[58]        Cette conclusion est suffisante pour rejeter l’appel de l’Hôpital.

[59]        Même si j’avais commis une erreur de droit en arrivant à cette conclusion que l’objet de la fourniture aux fins de la Loi est un bien alors que ce dont il s’agirait en fait, c’est un service, je conclurais quand même que la fourniture faite par les Agences ne constitue pas une fourniture exonérée parce qu’il ne s’agit pas de services de soins[16]. Il s’agit plutôt d’un louage de personnel. Ce n’étaient pas les Agences qui fournissaient la prestation de soins visée par l’article 6 de la partie II de l’annexe V de la Loi. Je vais maintenant expliciter ma conclusion.

[60]        En raison de l’interrelation existant entre la disposition d’assujettissement au paragraphe 165(1) de la Loi et, entre autres, la définition de « fourniture taxable » — définition qui renferme la notion de « fourniture », qui se définit par rapport à la notion de « service », laquelle exclut les services rendus par un salarié relativement à son emploi —, le salaire que reçoivent les salariés de l’Hôpital et ceux des Agences pour les services de soins de santé qu’ils rendent à l’Hôpital n’est aucunement assujetti à la Loi. Par conséquent, l’exonération de la fourniture visée par l’article 6 de la partie II de l’annexe V n’est d’aucune pertinence pour le salaire versé à ces travailleurs.

[61]        L’exonération prévue à l’article 6 n’est pas pertinente non plus à l’égard des honoraires versés à l’Hôpital par les patients pour la fourniture de soins par les infirmières salariées de l’Hôpital. En effet, dans ce cas c’est l’exonération prévue à l’article 2 de la partie II de l’annexe V qui est pertinente, à savoir :

2. La fourniture de services de santé en établissement, rendus à un patient ou à un résident d’un établissement de santé, effectuée par l’administrateur de l’établissement.

2. A supply of an institutional health care service made by the operator of a health care facility if the institutional health care service is rendered to a patient or resident of the facility.

[Je souligne.]

[62]        Toutefois, l’exonération prévue à l’article 6 est nécessaire à l’égard des services rendus par les salariés des Agences puisque l’expression « services de santé en établissement » est définie à l’article premier de la partie II de l’annexe V[17] et cette définition exige que les services soient rendus par des personnes rémunérées par l’administrateur. Ici, l’Hôpital ne verse aucune rémunération aux salariés des Agences. Il verse un loyer aux Agences. Par contre, c’est l’Hôpital qui effectue la fourniture de soins à ses patients grâce, notamment, aux soins rendus par les infirmières des Agences dans le cadre d’une relation infirmier-patient. Voilà une illustration de la pertinence de cet article 6 pour des soins rendus dans un établissement hospitalier par des infirmières salariées[18].

[63]        Reste à décider si l’interprétation mise de l’avant par l’avocat de l’Hôpital est bien fondée, c’est-à-dire si l’article 6 permet également de considérer comme fourniture exonérée celle faite par les Agences en louant son personnel à l’Hôpital. En d’autres mots, l’exonération de l’article 6 s’applique-t-elle à l’égard de l’intrant que constitue la fourniture faite par les Agences?

[64]        En effet, ce que demande l’Hôpital dans le présent appel, c’est qu’une exonération soit accordée à l’égard de l’un de ses intrants : le louage du personnel des Agences. L’Hôpital a besoin, dans l’accomplissement de sa mission — soit celle de fournir des soins de santé à ses patients —, de nombreux intrants — soit des fournitures de biens et de services, notamment le travail de ses salariés (fourniture qui n’est pas visée par la Loi) et de l’équipement médical (qui peut constituer une fourniture détaxée visée à l’annexe VI). Il existe un exemple d’un intrant de l’Hôpital qui bénéficie d’un traitement privilégié, soit les services d’un traiteur qui fournit des services aux patients de l’Hôpital. L’article 11 de la partie II de l’annexe V de la Loi dit :

11. La fourniture d’aliments et de boissons, y compris les services de traiteur, effectuée au profit de l’administrateur d’un établissement de santé aux termes d’un contrat visant à offrir des repas de façon régulière aux patients ou résidents de l’établissement.

11. A supply of food and beverages, including the services of a caterer, made to an operator of a health care facility under a contract to provide on a regular basis meals for the patients or residents of the facility.

[Je souligne.]

[65]        Ainsi, une de ces fournitures, celle d’aliments et de boissons, y compris les services d’un traiteur, peut, dans certaines circonstances précises, constituer une fourniture exonérée. Malheureusement pour l’Hôpital, il n’existe pas de disposition semblable à l’égard de la fourniture qu’est le louage de personnel par une agence de placement.

[66]        Reste à déterminer si les conditions édictées à l’article 6 de la partie II de l’annexe V sont réunies et si elles peuvent recevoir une interprétation assez large pour qu’il soit possible de conclure que l’Hôpital a reçu une fourniture exonérée. Malgré l’argumentation habile présentée énergiquement par l’avocat de l’Hôpital, la fourniture visée par les contrats liant les Agences et l’Hôpital, représente du louage de personnel et non la prestation de services de soins.

[67]        Un des arguments habiles avancés par l’avocat de l’Hôpital — et avec raison, selon moi — consistait à distinguer entre les expressions « fourniture effectuée par » et « services rendus à », expressions qui se trouvent toutes deux à l’article 2 de la partie II de l’annexe V[19]. La deuxième se trouve également à l’article 6 alors que la première y est implicite. Des services de soins ont été rendus par les travailleurs des Agences qui étaient des infirmières et ainsi une des conditions de l’article 6 est remplie. Sur ce point, je suis d’accord avec l’avocat de l’Hôpital. Par contre, j’arrive à une conclusion différente de la sienne quant à une autre des conditions, celle selon laquelle la fourniture effectuée par les Agences doit être une « fourniture de services de soins ». À mon avis, lorsque les salariés de l’Agence rendent leurs services de soins, ils sont encadrés par le personnel cadre de l’Hôpital et intégrés aux autres infirmières qui sont des salariées de l’Hôpital : ils les rendent sous la direction et le contrôle de l’Hôpital (droit délégué par les Agences). Leurs services ne sont pas rendus pour le compte des Agences, mais plutôt pour celui de l’Hôpital, nonobstant le fait que la carte d’identité que les salariés des Agences portaient sur eux indiquait le logo et le nom de leur Agence[20]. Si les travailleurs avaient rendu leurs services pour le compte des Agences, la position défendue par l’Hôpital aurait été valable. Malheureusement pour l’Hôpital, la fourniture effectuée par les Agences — et l’objet de la prestation, pour utiliser les mots du C.c.Q. — n’est pas des soins de santé[21], mais plutôt un louage de personnel.

[68]        Selon les avocats des parties, la question soulevée par cet appel n’a pas encore fait l’objet d’une décision canadienne. Par contre, l’avocat de l’intimée a produit une décision du Royaume-Uni qui adopte la même conclusion que celle que j’adopte. Les paragraphes 12 à 14 résument succinctement les faits pertinents, la position respective des parties et la conclusion des deux juges du Upper Tribunal dans cet arrêt du Upper Tribunal (Tax and Chancery Chamber) dans l’affaire Moher v. Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs, 2012 UKUT 260 (TCC)[22] :

12.  Here, the appellant supplied qualified nurses who in turn provided medical treatment to the dentists’ patients. The nurses had no contractual relationship of their own with the dentists and had no control over the charges made for their services. The appellant charged the dentists hourly rates; she did not add a discrete commission charge. It followed that the appellant, acting as a principal, was making exempt supplies of medical care, provided on her behalf by the nurses. The exemption is dependent upon the nature of what is supplied, and not on the characteristics of the supplier: see Ambulanter Pflegedienst Kügler GmbH v Finanzamt für Körperschaften I in Berlin (Case C-141/00) [2002] ECR I-6833, a case whose outcome is in any event consistent with Note (2).

13.  For the respondents, Miss Jessica Simor of counsel argued that the tribunal’s conclusion that the appellant’s supplies were of staff and not of medical services was a finding of fact, unassailable in this tribunal unless it could be shown to be irrational, a task which the appellant had not even attempted. The tribunal had, she said, examined all the relevant evidence, particularly about the contractual relationship between the appellant and the dentists, had considered the appellant’s concession that once assigned to a dentist the nurses and auxiliaries were under the dentist’s control and merely did as they were directed, and had correctly concluded from all those factors that the appellant supplied staff to the dentists, and it was the dentists who supplied the medical care to their patients.

14.  In our judgment those arguments are unanswerable; indeed, it is difficult to see how one could rationally conclude that the appellant was making supplies of medical care, once it is accepted that the nurses and auxiliaries were under the control of the dentist to whom they were assigned. This is so even if (assuming, in the appellant’s favour) that the nurses were to be regarded as employees of the appellant. The appellant did not control – or even know – whether, and if so, the extent to which, the dentist directed a nurse or auxiliary to carry out other duties which themselves were not exempt supplies, such as acting as receptionist or assisting with cosmetic dentistry. Even in relation to dental services which were exempt, the appellant did not dictate the treatment offered to the patients, or play any part at all in determining what treatment was offered or how it was provided, nor did she supervise the nurses and auxiliaries. She had no relationship, contractual or otherwise, with the patients to whom the medical care was provided. It is in our view beyond argument that her supply was of staff to dentists, who (as the tribunal found) assumed all the responsibility for directing the nurses as to what they should do, and for determining the treatment to be offered to the patients and the manner of its delivery. That the staff (and, indeed, the appellant herself) had a medical qualification cannot affect the nature of the supply. The tribunal correctly concluded that the appellant could not benefit from the exemption, and that the respondents were right to refuse the repayment.

[69]        Ajoutons comme dernier commentaire cette analogie : personne n’oserait affirmer qu’un concessionnaire de camions qui louerait un camion à une entreprise de transport exploite une entreprise de transport. Le concessionnaire exploite plutôt une entreprise de vente et de location de véhicules. Pareillement, les Agences louent leur personnel; elles ne dispensent pas des soins de santé.

[70]        Comme une des conditions exigées par l’article 6 n’est pas remplie, l’Hôpital n’a pas reçu une fourniture exonérée. Il s’agissait plutôt d’une fourniture taxable.

Multiples fournitures

[71]        De façon subsidiaire, l’avocat de l’Hôpital a plaidé qu’il était possible de considérer que l’Hôpital devrait avoir droit à un remboursement partiel en raison du fait que les Agences fournissaient des services multiples à l’Hôpital, soit i) un service de recrutement, qui est une fourniture taxable, et ii) des services de soins de santé rendus par les infirmières des Agences, qui sont une fourniture exonérée. Pour qu’elle puisse conclure à l’existence d’un tel droit au remboursement partiel, il faudrait que la Cour soit convaincue qu’il y avait des fournitures multiples et qu’un des services fournis était exonéré. Or, j’ai déjà conclu que les Agences n’avaient pas fourni de services de soins. Cela devrait donc suffire pour rejeter la demande de remboursement. Mais j’ajouterai quand même qu’il n’y avait pas ici de fournitures multiples. Voici pourquoi.

[72]        L’avocat de l’Hôpital a mentionné plusieurs décisions traitant de cette question, dont la décision qu’il a décrite comme une décision de principe, soit O.A. Brown Ltd. c. Canada, [1995] A.C.I no 678 (QL.), [1995] G.S.T.C. 40, citée notamment par la Cour d’appel fédérale dans Hidden Valley Golf Resort Assn. c. Canada, [2000] A.C.F. no 869 (QL), 257 N.R. 164, [2000] G.S.T.C. 42, 98 A.C.W.S. (3d) 341, au paragraphe 17 :

17   L’analyse du juge Rip dans l’affaire O.A. Brown (aux pages 40-6 à 40-9) mérite d’être répétée :

   En tranchant cette question, il est d’abord nécessaire de décider ce qui a été fourni en contrepartie du paiement. Il faut alors se demander si la fourniture globale est composée d’une seule fourniture ou de plus d’une fourniture. Le critère qui ressort de la jurisprudence anglaise est de savoir si, au fond et en réalité, la présumée fourniture séparée fait partie intégrante ou est un élément constitutif de la fourniture globale. Il faut examiner la nature véritable de l’opération pour en déterminer les attributs fiscaux. Le critère a été énoncé par le Value Added Tax Tribunal de la façon suivante [Dyrham Park Country Club v. Customs and Excise Commissioners, [1978] V.A.T.T.R 244, (U.K.) à la p. 252] :

À notre avis, lorsque les parties concluent une opération en vertu de la laquelle une partie remet une fourniture à l’autre, la taxe (le cas échéant) exigible à cet égard doit être déterminée par rapport au fond de l’opération, mais le fond de l’opération doit être déterminé par rapport au caractère réel des accords conclus entre les parties.

Un facteur à prendre en considération est de savoir s’il est possible, en réalité, d’enlever de la fourniture globale la présumée fourniture séparée. Ce facteur n’est pas concluant, mais il aide à déterminer le fond de l’opération. Cette position a été formulée dans les termes suivants [Mercantile Contracts Ltd. v. Customs & Excise Commissioners, LON/88/786, U.K., inédit] :

[…] À cette fin, il faudrait se demander dans quelle mesure les services qui constitueraient apparemment une fourniture unique sont liés les uns aux autres, quelle est l’étendue de leur interdépendance et de leur enchevêtrement, et si chaque service fait partie intégrante d’un ensemble complet ou en constitue un élément. Il faut se demander si les services sont rendus en vertu d’un seul contrat, ou pour une seule contrepartie non divisée, mais, pour les motifs susmentionnés, ce facteur n’est pas concluant. Compte tenu de la nature, du contenu et de la méthode d’exécution des services, et de toutes les circonstances, par rapport à l’historique du régime de la taxe sur la valeur ajoutée et, en particulier, des méthodes employées pour comptabiliser et payer la taxe, s’il est jugé que les services sont si interdépendants et si enchevêtrés qu’ils font partie intégrante d’un ensemble complet ou en constituent de simples éléments ou composantes à un point tel qu’ils ne peuvent pas, aux fins de la taxe sur la valeur ajoutée, être raisonnablement considérés comme des fournitures séparées de services […]

[…]

Lord Cumming-Bruce s’est ensuite posé une simple question : qu’est-ce que le contribuable a fourni en contrepartie de la somme qu’il exigeait toutes les semaines du client pour garder la jument aux fins du service qu’il fournissait [Scott, à la p. 194]? La réponse la plus sensée était qu’il avait gardé la jument pendant la période où elle était au haras et, bien que cela eût compris l’exécution de chacune des obligations prévues au contrat, ces obligations, qui étaient des éléments nécessaires à toute l’opération, constituaient la fourniture d’un seul service, c.-à-d. le service qui consistait à garder la jument.

[Je souligne.]

[73]        À mon avis, rien ne permet ici d’identifier deux fournitures. Il n’y en a qu’une seule, à savoir le louage de personnel que font les Agences. L’Hôpital ne verse qu’un loyer pour le temps de travail fourni par les salariés des Agences. Il n’y a pas de ventilation entre ce temps et le temps consacré au recrutement[23]. Au moment de l’engagement de travailleurs, les Agences ont de façon générale déjà sous contrat de nombreux salariés. Lorsqu’une demande de personnel arrive au bureau d’une Agence, cette dernière consulte ses banques de données et trouve parmi ses salariés une personne compétente répondant aux besoins particuliers de l’Hôpital.

[74]        Ce que font foncièrement les Agences n’est pas de recruter du personnel puisque ce personnel fait déjà partie de leurs salariés. Il s’agit tout simplement pour les Agences de déterminer quelle est la bonne personne pour combler les besoins de l’Hôpital. Foncièrement, les Agences ne reçoivent aucune rémunération pour le travail de recrutement. Donc, on ne peut pas conclure à l’existence de deux services, soit le recrutement et la fourniture de services de soins, même s’il est vrai que les Agences ont dû à une certaine époque rechercher de façon constante du nouveau personnel pour combler les besoins de leurs clients et qu’elles continuent probablement à le faire. Par contre, le recrutement constitue une opération inhérente à l’exploitation de toute agence de placement. Par conséquent, l’argent qu’une Agence reçoit de l’Hôpital constitue le loyer pour le louage de personnel. Il est bien évident que, dans la détermination du loyer que l’Agence va demander à ses clients, elle tient compte de tous ses frais fixes et variables, notamment le salaire de ses salariés, le prix de l’équipement nécessaire à l’exploitation de son entreprise et les honoraires pour la création d’un site Internet. Après avoir déduit toutes ses dépenses, l’Agence, on le suppose, réalise un bénéfice dans l’exploitation de son entreprise de placement de personnel.

[75]        En conclusion, les conditions de l’article 6 ne sont pas réunies et par conséquent il ne peut s’appliquer ici. Comme il n’existe pas non plus de disposition spécifique, à l’annexe V de la Loi, visant le louage de personnel infirmier par des agences de placement, la Cour n’a pas d’autre choix que de conclure que cette fourniture ne constitue pas une fourniture exonérée au sens de la Loi et que, par conséquent, l’Hôpital n’a pas le droit d’obtenir le remboursement d’une taxe payée de façon indue.

[76]        Ce résultat peut certes paraître malencontreux pour l’Hôpital puisque le salaire de ses propres infirmières n’est pas assujetti à la TPS alors que le loyer versé aux Agences de placement pour obtenir les services des infirmières des Agences l’est, mais c’est au ministre des Finances et au Parlement qu’il revient de corriger cette situation en modifiant la Loi.

[77]        Pour tous ces motifs, l’appel de l’Hôpital est rejeté, sans dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour d’octobre 2015.

« Pierre Archambault »

Juge Archambault

 


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 264

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-1195(GST)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

HÔPITAL SANTA CABRINI c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 22, 23 et 25 juin 2015

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Pierre Archambault

DATE DU JUGEMENT :

Le 28 octobre 2015

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Claude Nadeau

Avocat de l’intimée :

Me Huseyin Akyol

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelante:

Nom :

Me Claude Nadeau

Cabinet :

Laflamme Nadeau

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]           La source de ces renseignements est le site Internet de l’Hôpital.

[2]           Pour un exemple d’un horaire de travail confectionné par un chef d’unité, soit un infirmier chef de l’unité des soins intensifs, pour une période de 28 jours et faisant état des besoins de personnel communiqués à l’Agence M.D. pour la période du 27 mars au 23 avril 2011, voir la pièce A-14. Pour un exemple semblable pour l’unité d’urgence, voir la pièce A-15.

[3]           L’article 2085 du Code civil du Québec (C.c.Q) définit ainsi le contrat de travail:

2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

[Je souligne.]

Pour une analyse approfondie du contrat de travail au Québec et des conditions qui doivent être réunies pour constituer un tel contrat, voir l’article que j’ai rédigé intitulé « Contrat de travail : Pourquoi Wiebe Door Services Ltd. ne s'applique pas au Québec et par quoi on doit le remplacer », Deuxième recueil d'études en fiscalité (2005) de la collection L'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien, Montréal, Association de planification fiscale et financière et ministère de la Justice du Canada, 2005.

[4]           Titre deuxième du Livre cinquième portant sur les obligations (art. 1708-2643 C.c.Q.).

[5]           Pour une analyse de cette question et une approche différente de celle que j'adopte ici, voir notamment une décision de la Cour du Québec : Agence Océanica inc. c. Agence du revenu du Québec, 2012 QCCQ 5370.

[6]           Voici ce qu’édictent les articles 2098 et 2099 C.c.Q. :

2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

2099. L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

[Je souligne.]

[7]           Pour un exemple dans le monde médical, voir la décision Riverfront Medical Evaluations Limited c. La Reine, 2001 CarswellNat 4932, [2001] A.C.I. No. 381(QL), [2001] G.S.T.C. 80, 2001 G.T.C. 497. Dans cette décision, une clinique avait engagé des médecins comme travailleurs autonomes pour examiner des patients et produire des rapports médicaux à la demande de sociétés d’assurance.

[8]           L.R.Q., ch. S-4.2.

[9]           C'est ce que pense l'avocat de l'Hôpital. Voici ce qu'il a affirmé lors de sa plaidoirie :

Alors, dans un hôpital, on sait que l’hôpital ne va pas donner à une agence de placement ou à quiconque le contrôle de sa salle d’urgence, des soins intensifs. C’est impossible. Ça ne se fait jamais.

L’hôpital légalement est obligé d’être responsable. Il est obligé de garder le contrôle. Il ne peut pas le donner même s’il voulait le donner. La loi l’empêche. (p. 166 et 167 de la transcription.)

[10]          J’ai pris connaissance de certaines décisions fournies par l’avocat de l’Hôpital provenant de la Commission des relations du travail, dont  au moins une a fait  l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour supérieure du Québec. Parmi ces décisions, il y a Revera Health Services Homecare, l.p. c. Commission des relations du travail, 2013 QCCS 5691 (CanLII), Agence MD santé inc. c. Professionnel(le)s en soins de santé unis (FIQ), 2012 QCCRT 82 (CanLII), ainsi que l’arrêt de principe en la matière mentionné notamment dans  Agence MD santé,  soit Pointe-Claire (Ville) c. Québec (Tribunal du travail), [1997] 1 R.C.S. 1015, 1997 CanLII 390 (CSC).

Ces décisions ont trait à l’application de certains articles du Code du travail du Québec, dont notamment l’article 39, qui confère au commissaire du travail la compétence exclusive pour déterminer si une personne est un salarié compris dans une unité de négociation. Un salarié est défini à l’article premier du Code comme « une personne qui travaille pour un employeur moyennant rémunération […] » et un employeur comme « quiconque, y compris l’État, fait exécuter un travail par un salarié ».

Au paragraphe 31 d’Agence MD santé sont cités les paragraphes 97 et suivants de la décision Professionnel(le)s en soins de santé unis (FIQ) c Hôpital Maisonneuve-Rosemont, 2011 QCCRT 447 (CanLII) (décision portée en appel dans l’affaire Agence MD santé, où on traite de l’arrêt Pointe-Claire. Notamment on y relate les faits pertinents et on indique que la Cour suprême du Canada a fait une revue de la jurisprudence du Tribunal du travail qui analyse les critères devant être utilisés dans un contexte d’accréditation pour déterminer qui est le « véritable employeur » dans une relation tripartite. Ajoutons également cette remarque du juge en chef Lamer, qui a écrit les motifs de la majorité dans l’arrêt Pointe-Claire :

[…] Malgré l'intérêt de cette question, je n'ai pas à me prononcer, dans le présent pourvoi, sur l'identification du véritable employeur dans le cadre de toutes les relations tripartites comprenant une agence de personnel. En l'espèce, la seule question en litige consiste à déterminer si le Tribunal du travail a commis une erreur manifestement déraisonnable en statuant, dans le contexte d'une requête en vertu de l'art. 39 du Code du travail, que la Ville était l'employeur de Ginette Lebeau pendant ses deux assignations de travail. (par. 26)

[Je souligne.]

Comme on peut le constater à la lecture de la description des questions en litige dans ces décisions, il ne s’agit pas d’une analyse des relations contractuelles en vertu des dispositions du Code civil du Québec, notamment l’article 2085 C.C.Q. – qui d’ailleurs n’était pas en vigueur dans la période pertinente sur laquelle portent les faits de l’arrêt de la Cour suprême du Canada , mais il s’agit plutôt de l’application des dispositions du Code du travail. (Par contre, la juge L’Heureux-Dubé fait une analyse contractuelle dans sa dissidence et soulève des questions fort pertinentes, notamment celle de savoir comment un client peut être le véritable employeur aux fins du Code du travail alors qu’il n’existe pas de contrat de travail entre l’employé et le client.) Il est reconnu que ces lois visent un contexte juridique particulier et qu’il ne s’agit pas de l’application des principes du droit commun pour déterminer la nature d’une relation juridique entre les parties. Comme il ne s’agit pas ici de déterminer si les travailleurs pouvaient être considérés comme des salariés devant être inclus dans une unité de négociation syndicale, je crois qu’il faut se limiter aux dispositions du Code civil du Québec pour déterminer la véritable relation juridique entre les parties.

[11]          Pour une analyse semblable faite par le juge Malone de la Cour d’appel fédérale, voir Ministre du Revenu national c. Mastech Quantum Inc., 2002 CAF 131.

[12]          En tout cas, cela semble être la position de l'intimée. Voir la note 16 et le paragraphe 59 ci-dessous.

[13]          Tout comme le juge en chef de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Pointe-Claire cité plus haut.

[14]          Le fait de qualifier de louage de biens le louage de personnel peut paraître surprenant à première vue. Toutefois, à mon avis, cette qualification est plus descriptive de la situation réelle. En outre, cette situation ressemble à celle des gens d'affaires spéculateurs qui concluent des ententes exclusives de travail pour de nombreuses années avec des athlètes professionnels exceptionnels, comme des joueurs de hockey ou de soccer, sans posséder eux-mêmes d'équipe pour utiliser leurs services, mais qui vendent à gros prix à des équipes leurs droits dans ces ententes pour permettre à ces athlètes de devenir des salariés de ces équipes. Dans ces circonstances, il convient davantage de parler de vente de droits dans un contrat exclusif que de vente de services. Les agences de placement exercent essentiellement la même activité que ces gens d’affaires, sauf qu’elles ne vendent pas leurs droits, elles les louent pour un temps.

[15]          Il faut souligner que l’article 6 n’établit pas d’exigence concernant le statut du fournisseur, contrairement à ce que fait l’article 2 de la même partie pour ce qui est de l’exonération des services de santé en établissement. En effet, le fournisseur dans ce cas doit être l'administrateur de l'établissement. Pour l’application de l'article 6, le fournisseur pourrait, par exemple, être une entreprise qui offre à ses employés des services de soins rendus par une infirmière.

[16]          Ceci représente la position de l'avocat de l'intimée, qui croyait qu’un « prêt de personnel » constituait un service, mais pas un service de soins. Voir p. 315 de la transcription.

[17]          Voici la définition :

« services de santé en établissement » Les services et produits suivants offerts dans un établissement de santé :

[…]

(h) les services rendus par des personnes rémunérées à cette fin par l'administrateur de l'établissement.

“institutional health care service” means any of the following when provided in a health care facility:

[…]

(h) services rendered by persons who receive remuneration therefor from the operator of the facility.

[18]          Il est pertinent également dans le cas où des infirmières fournissent ces soins à leur propre compte.

[19]          L’analyse de l’avocat a été faite dans le contexte d’une analyse historique des dispositions de la Loi, notamment de celles en vigueur avant l’adoption des modifications de 2008 apportées à l’article 5 de la partie II de l’annexe V, lequel traite de la fourniture de services de santé rendus par un médecin. Cet article est ainsi rédigé :

5. La fourniture de services de consultation, de diagnostic ou de traitement ou d’autres services de santé, rendus par un médecin à un particulier.

5. A supply of a consultative, diagnostic, treatment or other health care service that is rendered by a medical practitioner to an individual.

[Je souligne.]

Avant la modification apportée par L.C. 2008, ch. 28, paragraphe 80(1) à l’égard de fournitures effectuées après le 26 février 2008, l’article se lisait comme suit :

5. La fourniture par un médecin de services de consultation, de diagnostic ou de traitement ou d’autres services de santé rendus à un particulier, à l’exclusion de services chirurgicaux ou dentaires exécutés à des fins esthétiques plutôt que médicales ou restauratrices.

5. A supply made by a medical practitioner of a consultative, diagnostic, treatment or other health care service rendered to an individual (other than a surgical or dental service that is performed for cosmetic purposes and not for medical or reconstructive purposes).

[Je souligne.]

Selon les notes explicatives accompagnant cette modification, l’article 5 a été « modifié de façon à exonérer la fourniture de ces services s’ils sont rendus par un médecin […] peu importe qu’ils soient fournis par l’intermédiaire d’une personne morale ou directement par le médecin […] ».

[20]          L'arrêt de la Cour d'appel fédérale Manship Holdings Ltd. c. La Reine, 2010 CAF 58 invoqué par l’avocat de l'Hôpital n’appuuie pas la position de son client parce que les salariés ne travaillaient pas à l’établissement des Agences. On pourrait même soutenir que cet arrêt appuie la conclusion que j'adopte puisque la Cour d'appel fonde sa conclusion que les masseuses travaillaient pour l'appelante sur le fait qu'elles rendaient leurs services dans les locaux de l'appelante. Voir le paragraphe 6 de l'arrêt.

[21]          L'avocat de l'Hôpital semble partager ce point de vue quand il affirme dans sa plaidoirie :

Alors, c’est évident que lorsqu’elles rendent leurs services, c'est elle en tant qu’infirmière -- pis là je suis tout à fait d’accord avec Votre seigneurie là. Je veux dire c'est l’infirmière qui rend le service de soins. Je veux jamais dire que c'est une agence de placement qui rend le service de soins.

[p. 238 de la transcription]

Mais je ne veux pas le citer hors contexte. Il ajoutait :

[…]   C'est clair que c'est l’infirmière qui rend ce service-là mais c'est qu’est-ce que la loi prévoit également. La loi prévoit justement que peu importe que le fournisseur rende le service, d’accord, c'est le critère est pas là. On demande pas au fournisseur de rendre le service. On demande à l’infirmière de rendre le service.

[…]

Alors, non, l’agence ne rend pas le service de soins infirmiers, d’accord. Est-ce que l’infirmière, lorsqu’elle rend son service de soins infirmiers, agit pour et au nom de l’agence de placement? Ma réponse est oui. Non seulement elle s’identifie comme tel mais elle est l’employée de l’agence de placement, tant en vertu des conclusions de Votre seigneurie qu’en vertu de la loi.

[pp. 278 et 279 de la transcription]

[22]        L'avocat de l'intimée a aussi cité des décisions en matière d'assurance-emploi dans lesquelles on a eu à trancher la question de savoir si les activités d'une entreprise constituaient celles d'une agence de placement. Le passage suivant tiré de la décision du juge suppléant Porter dans l’affaire Supreme Tractor Services Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), [2001] A.C.I. no 580 (QL), 2001 CanLII 748, illustre bien la pertinence de cette détermination et de la distinction qu’il faut adopter pour décrire l'objet de la fourniture effectuée par une telle agence :

12    La première question est donc de savoir si le travailleur fournit des services pour l'entité A dans le cadre de l'entreprise de cette dernière - quoiqu'une partie de cette entreprise puisse être un contrat prévoyant que l'entité A doit fournir un service pour l'entité B - ou si l'entreprise même de l'entité A consiste simplement à trouver du personnel pour qu'il travaille pour l'entité B dans le cadre de l'entreprise de cette dernière, quelle qu'elle soit. Il s'agit simplement de savoir si l'entité A a l'obligation de fournir à l'entité B un service autre que la simple fourniture de personnel. A-t-elle une obligation autre que simplement faire en sorte que du personnel soit disponible? Dans l'affirmative, il est clair qu'elle exerce une activité pour son propre compte, comme un entrepreneur général sur un chantier de construction, et que le travailleur n'est pas couvert par le régime réglementaire de l'une ou l'autre loi. Dans la négative, toutefois, c'est-à-dire si elle n'est pas obligée de fournir un service autre que la fourniture de personnel, il est clair que le travailleur est visé par les régimes réglementaires adoptés en vertu des deux lois.

[Je souligne.]

[23]          L'avocat de l'Hôpital semble partager cet avis:

LE JUGE ARCHAMBAULT: Donc, vous dites qu’[il] y a une fourniture unique ici. C'est ça?

Me NADEAU: Oui.

[…]

Me NADEAU: Fourniture unique parce que si on regarde les -- pas les conventions.  Si on regarde les factures sur lesquelles les contreparties sont payées, on a le nom d’une infirmière avec le département dans lequel elle a travaillé avec le nombre d’heures qu’elle a travaillé avec son taux horaire.  Et ce qu’on paie c'est le travail de l’infirmière. D’accord.

[p. 294 de la transcription]

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