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Dossier : 2013-3741(IT)G

ENTRE :

SYLVIO THIBEAULT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu les 12 et 13 mai 2015, à Québec (Québec).

Devant : L’honorable juge Johanne D’Auray


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Dany Leduc

 

JUGEMENT

        L’appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2008 et 2010 est rejeté, avec dépens.

Signé à Montréal, Québec, ce 5e jour de novembre 2015.

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray

 


Référence : 2015 CCI 271

Date : 20151105

Dossier : 2013-3741(IT)G

ENTRE :

SYLVIO THIBEAULT,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge D’Auray

Faits communs aux années d’imposition en litige 2008 et 2010

[1]             Depuis 1973, l’appelant œuvre dans l’industrie du nautisme.

[2]             Au fil des ans, l’appelant a incorporé des sociétés qui offraient au grand public des excursions en mer et des croisières d’observation de baleines. À cet effet, en 1984 l’appelant a fondé les Croisières Navimex inc.

[3]             Croisières Navimex inc. était, avec Croisières AML, une des plus importantes sociétés de croisières d’observation de baleines au Québec. Les bateaux utilisés par Croisières Navimex inc. étaient détenus par Investissements Navimex inc. L’appelant était le seul actionnaire et administrateur de ces sociétés.

[4]             En 1996, l’appelant a vendu les sociétés Croisières Navimex inc. et Investissements Navimex inc. à Croisières AML.

[5]             Suite à cette transaction, l’appelant a incorporé la société 3891721 Canada inc. Cette dernière opère sous le nom de Recherches et Travaux Maritimes (« RTM »). Les activités de RTM sont la construction, la vente et la réparation de navires. L’appelant est le seul actionnaire, administrateur et l’âme dirigeante de RTM. Lors de l’audience, RTM était toujours en opération.

[6]             En 2003, l’appelant a incorporé une nouvelle société, soit la société Croisière Charlevoix inc.

[7]             Croisière Charlevoix inc. offre des forfaits de croisières au grand public sur le Parc Marin du Saguenay - Saint-Laurent (« Parc Marin »).

[8]             L’appelant détient approximativement 80% des actions de Croisière Charlevoix inc. Son partenaire, monsieur Pierre Tremblay, et le fils de l’appelant, monsieur Frédéric Thibeault, détiennent la balance des actions.

[9]             L’appelant est l’unique administrateur de Croisière Charlevoix inc.

[10]        L’appelant est aussi propriétaire personnellement de certains bateaux, dont le Grand Charlevoix, lequel a été construit par RTM.

[11]        L’appelant détient cinq permis qui lui permettent d’exploiter des entreprises d’excursions en mer dans le Parc Marin. Parcs Canada est l’organisation gouvernementale responsable de la délivrance des permis.

[12]        En vertu de l’article 5 du Règlement sur les activités en mer dans le parc marin du Saguenay - Saint-Laurent, DORS/2002-76, le permis d’entreprise d’excursions en mer ne vise qu’un seul bateau. Il est cependant possible de modifier l’identification du bateau inscrit sur chaque permis, et ce, sur simple avis à la Section du Parc Marin.

[13]        Durant l’année d’imposition 2008, les cinq permis étaient associés aux bateaux suivants :

Identification de l’entreprise

Identification du bateau         

Période de validité du permis

Pionniers des baleines (3 permis)

Pionnier IV – Zodiac

Du 1er avril 2009 au 31 mars 2011

Pionnier P-22 – Zodiac

Pionnier P-23 - Zodiac

Exceptionnelle Aventure (1 permis)

Grand Charlevoix – Explorathor P-70

Oursin (1 permis)

Pionnier I – Bayliner 22

(Lors de la vente-P-28 Zodiac)

A. ANNÉE D’IMPOSITION 2008

Faits relatifs à l’année d’imposition 2008

[14]         En 2008 et 2009, le permis Exceptionnelle Aventure et le navire sous‑jacent, le Grand Charlevoix, ont fait l’objet d’un contrat de location entre l’appelant et Croisière Charlevoix inc. (le « contrat »).

[15]        Ce contrat renouvelable s’étend sur une période de trois mois et débute le 15 juin 2008. Le loyer est de 20 000 $ si un achalandage minimum de 11 000 personnes est atteint durant la période de location. Le prix du loyer augmente ensuite de 2 $ par personne additionnelle. Si l’achalandage est inférieur à 11 000 personnes, Croisière Charlevoix inc. n’a pas à verser de loyer à l’appelant. À cet effet, l’achalandage étant inférieur à 11 000 personnes en 2009, Croisière Charlevoix inc. n’a versé aucun loyer à l’appelant.

[16]        Dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2008, l’appelant a réclamé une perte d’entreprise au montant de 78 216 $, qui se détaille comme suit :

2008

Revenu de location - Grand Charlevoix

20 000 $

(Moins)

 

Amortissement – Grand Charlevoix

96 000 $

Dépense d’honoraires professionnels

2 216 $

Perte d’entreprise nette

(78 216 $)

[17]        Le 17 décembre 2012, par voie de nouvelle cotisation, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé la déduction pour amortissement (« DPA ») réclamée par l’appelant pour l’année d’imposition 2008. Selon le ministre, la DPA réclamée ne pouvait excéder le revenu net de location, soit un montant de 17 784 $ (20 000 $ - 2 216 $).

[18]        Mis à part le montant de 20 000 $ que l’appelant a reçu de Croisière Charlevoix inc. pour la location du navire le Grand Charlevoix, l’appelant n’a reçu aucun revenu de location des bateaux et des permis qu’il détenait personnellement, et cela pour les années d’imposition 2008, 2009 et 2010.

Question en litige

[19]        La question à trancher pour l’année d’imposition 2008 est de savoir si le ministre était justifié de refuser une DPA de 96 000 $ relative au navire Grand Charlevoix et conséquemment, si l’appelant pouvait réclamer une perte d’entreprise nette de 78 216 $.

Prétentions des parties

[20]        L’appelant soutient que durant l’année d’imposition 2008, il a utilisé le Grand Charlevoix dans une entreprise de location qu’il a exploitée dans l’année et dont il s’est occupé personnellement et de façon continue. L’appelant fait valoir qu’il a mis beaucoup d’efforts dans son entreprise personnelle. Par conséquent, selon l’appelant, le paragraphe 1100(17.3) du Règlement de l’impôt sur le revenu (« RIR ») s’applique. Ce faisant, il fait valoir que le paragraphe 1100(15) du RIR qui a pour objet de limiter le montant de la DPA qu’un contribuable peut réclamer ne s’applique pas. En outre, l’appelant prétend qu’il peut réclamer un montant de 96 000 $ à titre de DPA pour l’année d’imposition 2008.

[21]        Selon l’intimée, l’appelant a, durant l’année 2008, loué son navire le Grand Charlevoix à Croisière Charlevoix inc. Il a donc « donné en location à bail » le navire Grand Charlevoix, conformément aux paragraphes 1100(17) et 1100(17.2) du RIR.

[22]        L’intimée fait valoir que l’exception de l’alinéa 1100(17.3)b) du RIR ne s’applique pas aux faits en l’espèce puisque durant l’année d’imposition 2008, l’appelant n’a pas exploité une entreprise de location de bateaux.

[23]        Par conséquent, l’intimée plaide que le montant de 20 000 $ reçu par l’appelant de Croisière Charlevoix inc. est un revenu tiré d’un bien et non d’une entreprise. Ce faisant, l’intimée fait valoir que la DPA pour l’année d’imposition 2008 doit être limitée au revenu net de location.

Analyse

[24]        Pour trancher la question en litige, je dois déterminer si pour l’année d’imposition 2008 le navire Grand Charlevoix était un « bien donné en location à bail » en vertu du paragraphe 1100(15) du RIR.

[25]        Le paragraphe 1100(17) du RIR définit ce qui constitue un « bien donné en location à bail » et le paragraphe 1100(17.2) du RIR considère comme un loyer dérivé d’un bien, les services offerts à une société qui sont accessoires à l’utilisation ou à l’occupation du bien.

[26]        L’alinéa 1100(17.3)b) du RIR énonce que le paragraphe 1100(17.2) du RIR ne s’appliquera pas à un bien qui appartient à un particulier, si ce bien est utilisé dans une entreprise que le particulier exploite dans l’année et dont il s’occupe personnellement de façon continue, tout au long de la partie de l’année où l’entreprise est habituellement exploitée.

[27]        Par conséquent, si je décidais que l’alinéa 1100(17.3)b) du RIR s’applique en l’espèce, l’appelant pourrait réclamer l’entièreté de la DPA relativement au Grand Charlevoix, car le bien ne serait pas un « bien donné en location à bail ». Cependant, si je décidais que l’alinéa 1100(17.3)b) du RIR ne s’applique pas, la DPA réclamée par l’appelant ne pourrait excéder son revenu net de location, soit 17 784 $ en vertu du paragraphe 1100(15) du RIR.

[28]        Il est donc important d’analyser les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR ») et les dispositions du RIR qui s’appliquent en l’espèce.

[29]        L’alinéa 20(1)a) de la LIR permet à un contribuable de réclamer une DPA. L’alinéa 20(1)a) se lit de la façon suivante :

20. (1)  Déductions admises dans le calcul du revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien --  Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un  contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

a) Coût en capital des biens [DPA] -- la partie du coût en capital des biens supporté par le contribuable  ou le montant au titre de ce coût ainsi supporté que le règlement autorise;

[...]

[Je souligne.]

[30]        Les dispositions du RIR qui sont pertinentes en l’espèce sont les paragraphes 1100(1), 1100(15), 1100(17), 1100(17.2) et 1100(17.3).

[31]        Le paragraphe 1100(1) du RIR énonce ce qui suit :

1100. (1) [Déductions] - Pour l’application des alinéas 8(1)j) et p) et de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, un contribuable peut déduire dans le calcul de son revenu pour chaque année d’imposition des montants correspondants.

[...]

[32]        Le paragraphe 1100(15) du RIR fait en sorte que le total des déductions qu’un contribuable peut réclamer, à l’égard de biens d’une catégorie prescrite qui sont des « biens donnés en location à bail », ne peuvent dépasser le revenu net pour l’année tirée de la location de ce bien :

(15) Biens donnés en location à bail -- Par dérogation au paragraphe (1), le total des déductions qu’un contribuable peut faire en vertu de ce paragraphe dans le calcul de son revenu pour une année d’imposition, à l’égard de biens d’une catégorie prescrite qui sont des biens donnés en location à bail qui lui appartiennent, ne peut dépasser la fraction éventuelle

a) du total des sommes dont chacune représente

(i) son revenu pour l’année tiré de la location, à bail ou non, ou de redevances d’un bien donné en location à bail, ou d’un bien qui serait un bien donné en location à bail, si ce n’était du paragraphe (18), (19) ou (20), lorsqu’il possède un tel bien, calculé en faisant abstraction de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, ou

[...]

[Je souligne.]

[33]        Le paragraphe 1100(17) du RIR définit l’expression « bien donné en location à bail » comme tous biens amortissables lorsque ces biens sont la propriété du contribuable et que le bien a été utilisé par le contribuable principalement pour gagner un revenu brut constitué d’un loyer, d’une redevance ou d’un revenu de location :

(17) [« bien donné en location à bail »] -- Sous réserve du paragraphe (18), dans le présent article et dans l’article 1101, « bien donné en location à bail » d’un contribuable ou d’une société de personnes désigne des biens amortissables autres que

a) des biens locatifs,

b) des produits informatiques déterminés,

c) les biens visés à l’alinéa w) de la catégorie 10 de l’annexe II ou à l’alinéa n) de la catégorie 12 de cette annexe,

lorsque ces biens sont la propriété du contribuable ou de la société de personnes, conjointement avec une autre personne ou autrement, si, au cours de l’année d’imposition à l’égard de laquelle l’expression s’applique, le bien a été utilisé par le  contribuable ou la société de personnes principalement pour gagner ou produire un revenu brut constitué d’un loyer, d’une redevance ou d’un revenu de location, mais, pour plus de précision, ne comprend pas un bien donné en location à bail à un preneur par le contribuable ou la société de personnes, dans le cours normal des activités de l’entreprise du contribuable ou de la société de personnes consistant à vendre des marchandises ou à rendre des services en vertu d’un contrat par lequel le preneur s’engage à utiliser le  bien pour exercer son activité de vente ou de promotion de la vente, par le contribuable ou la société de personnes, des marchandises ou des services de ces derniers.

[Je souligne.]

[34]        Le paragraphe 1100(17.2) du RIR élargit la portée du mot « loyer » au paragraphe 1100(17) du RIR. Le paragraphe est libellé de la façon suivante :

(17.2) [Loyer présumé] --  Pour l’application des paragraphes (1.11) et (17), est considéré comme un loyer dérivé d’un bien au cours d’une année d’imposition le revenu brut dérivé, au cours de cette année :

a) du droit d’une personne ou société de personnes (à l’exclusion du propriétaire du bien) d’utiliser ou d’occuper le bien ou une partie de ce bien;

b) de services offerts à une personne ou société de personnes qui sont accessoires à l’utilisation ou à l’occupation du bien ou d’une partie de ce bien par la personne ou société de personnes.

[Je souligne.]

[35]        Toutefois, l’alinéa 1100(17.3)b) du RIR permet à un contribuable d’éviter l’application du paragraphe 1100(17.2) du RIR, si le particulier utilise le bien dans une entreprise qu’il exploite dans l’année et dont il s’occupe personnellement et de façon continue. Il pourra alors se soustraire aux restrictions touchant la DPA:

(17.3) [Loyer présumé-exception] --  Le paragraphe (17.2) ne s’applique pas, au cours d’une année d’imposition donnée, à un bien qui appartient

a) à une société, dans le cas où le bien est utilisé dans une entreprise  exploitée par la société dans l’année;

b) à un particulier, dans le cas où le bien est utilisé dans une entreprise  que le particulier exploite dans l’année et dont il s’occupe personnellement de façon continue, tout au long de la partie de l’année où l’entreprise est habituellement exploitée;

[...]

[Je souligne.]

[36]        À la lumière des termes employés à l’alinéa 1100(17.3)b) du RIR, je dois premièrement déterminer si le bien de l’appelant (le navire Grand Charlevoix) est utilisé dans une entreprise que l’appelant a exploitée durant l’année d’imposition 2008 et deuxièmement déterminer si l’appelant s’est occupé personnellement de cette entreprise de façon continue tout au long de la partie de l’année où l’entreprise est exploitée.

[37]        Dans la décision Stewart c La Reine[1], les juges Iacobucci et Bastarache de la Cour Suprême du Canada, dans un jugement unanime, ont énoncé que pour qu’une activité commerciale soit reconnue en vertu de l’article 9 de la LIR, le contribuable doit établir qu’une source de revenu existe.

[38]        Une fois que le contribuable a établi qu’une source de revenu existe, la source de revenu doit être qualifiée, c’est-à-dire est-ce que la source provient d’un revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien?

[39]        En l’espèce, je n’ai pas à répondre à la première question, soit de déterminer si une source de revenu existe, car lors de l’audience, l’intimée a indiqué que le ministre lors de l’établissement de la cotisation avait pris la position qu’une source de revenu existait.

[40]        Quant à savoir si la source provient d’un revenu tiré d’une entreprise ou d’un revenu tiré d’un bien, dans la décision Stewart précitée, les juges Iacobucci et Bastarache ont indiqué que la distinction entre un revenu tiré d’une entreprise et un revenu tiré d’un bien repose généralement sur le fait qu’une entreprise exige un niveau d’activité plus élevé de la part d’un contribuable. Ils écrivent ce qui suit au paragraphe 51 de leurs motifs :

51 Assimiler la «  source de revenu »  à une activité exercée « en vue de réaliser un profit » concorde avec la définition traditionnelle du mot « entreprise » qui est donnée en common law, à savoir [TRADUCTION] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit » : Smith, précité, p. 258; Terminal Dock, précité. De même, la distinction entre le revenu tiré d’une entreprise et le revenu tiré d’un bien repose généralement sur le fait qu’une entreprise exige un niveau d’activité plus élevé de la part du contribuable : voir Krishna, op. cit., p. 240.  Il est donc logique de conclure qu’une activité exercée en vue de réaliser un profit, quel que soit le niveau d’activité du contribuable, sera une source de revenu constituée soit d’une entreprise, soit d’un bien.

[Je souligne.]

[41]        La Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Oke v R[2], s’est penchée sur la notion de l’exploitation d’une entreprise au paragraphe 1100(17.3) du RIR. À cette fin, la Cour devait déterminer si le revenu gagné par M. Oke était un revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien. M. Oke avait acheté un véhicule récréatif et l’avait placé dans une flotte de véhicules récréatifs qu’un tiers, Coast-to-Coast, louait à des sociétés de production cinématographique. Selon l’entente conclue entre Coast-to-Coast et M. Oke, ce dernier devait s’occuper de l’entretien régulier de son véhicule récréatif en plus de voir à ce que son véhicule soit assuré. Au cours des années en litige, M. Oke s’est intéressé à l’entreprise de Coast-to-Coast en assumant plusieurs tâches se rapportant à la location des véhicules récréatifs, dont le sien. M. Oke a notamment pris part à des présentations publiques afin de promouvoir la flotte de véhicules auprès de producteurs de films. Il aidait également à assurer le transport des véhicules récréatifs entre Coast-to-Coast et les producteurs, en plus de réviser certains contrats de location entre les parties.

[42]        D’entrée de jeu, le juge Pelletier énonce que les loyers obtenus d’une location constituent généralement des revenus tirés d’un bien. Il énonce toutefois que des revenus de location peuvent constituer des revenus d’entreprise lorsque les services fournis dépassent les services habituellement fournis dans le cadre d’une location. À cet effet, il énonce les principes suivants :

[26] Tel qu’il a été signalé précédemment, il existe une distinction entre l’activité commerciale et l’activité personnelle. Entre ces deux possibilités, le critère pour conclure à l’existence d’une entreprise est très peu exigeant, comme l’atteste la définition établie dans la Loi, qui renvoie à des « activités de quelque genre que ce soit ». Toutefois quand il s’agit de qualifier une activité commerciale particulière, le critère est un peu plus exigeant. Dans l’arrêt Stewart, précité, la Cour suprême du Canada a abordé brièvement les facteurs pertinents (au paragraphe 51) :

Assimiler la « source de revenu »" à une activité exercée « en vue de réaliser un profit » concorde avec la définition traditionnelle du mot « entreprise » qui est donnée en common law, à savoir [TRADUCTION] « tout ce qui occupe le temps, l’attention et les efforts d’un homme et qui a pour objet la réalisation d’un profit » : Smith, précité, p. 258; Terminal Dock, précité. De même, la distinction entre le revenu tiré d’une entreprise et le revenu tiré d’un bien repose généralement sur le fait qu’une entreprise exige un niveau d’activité plus élevé de la part du contribuable : voir Krishna, op. cit., p. 240.

[27]  L’accent mis sur le niveau d’activité se trouve dans un courant jurisprudentiel ayant trait à des biens locatifs : Wertman c. M.R.N., [1964] C.T.C. 252, 64 D.T.C. 5158 (C. de l’É.); Walsh c. M.R.N., [1965] C.T.C. 478, 65 D.T.C. 5293 (C. de l’É.); Burri c. La Reine, [1985] 2 C.T.C. 42, 85 D.T.C. 5287 (C.F. 1re inst.) - et dans l’arrêt Canadian Marconi c. La Reine, [1986] 2 R.C.S. 522, [1986] 2 C.T.C. 465, 86 D.T.C. 6526 (C.S.C.) [Canadian Marconi], où ce raisonnement est appliqué de manière plus générale.

[28] L’effet cumulatif de ces décisions a été résumé par Peter W. Hogg, Joanne E. Magee, Jinyan Li, Hogg et divers collaborateurs dans Principles of Canadian Income Tax Law, 7e édition (Toronto : Carswell, 2010), à la page 160 :

[TRADUCTION] À première vue, évidemment, les loyers obtenus de la location d’un immeuble résidentiel, d’un immeuble de bureaux ou d’un centre commercial sont des revenus tirés d’un bien. Les loyers sont versés pour l’utilisation du bien, et non pour des services fournis par le locateur. La difficulté provient du fait qu’un locateur va souvent fournir aux locataires, en plus du droit d’occuper les lieux loués, des services de divers genres. Lorsque les services fournis n’englobent que les services du genre habituellement fournis dans le cadre d’une location, par exemple, l’entretien de l’édifice, le chauffage, la climatisation, l’alimentation en eau, l’électricité et le stationnement, le loyer est encore considéré comme étant un revenu tiré d’un bien. Mais si les services fournis dépassent ce qui est habituellement fourni dans le cadre de la location d’un immeuble de bureaux, d’un immeuble résidentiel ou d’un centre commercial (ou de quelque autre bien), il devient plus plausible de classer les activités du propriétaire comme une entreprise, au lieu de la simple location d’un bien. S’il s’agit d’un immeuble résidentiel, les services fournis qui favoriseraient la classification en tant qu’entreprise incluraient les services normalement fournis par un hôtel, soit le ménage, le service de buanderie, la restauration et le service aux chambres, etc. L’exemple ultime est, évidemment, un hôtel, où l’envergure des services fournis aux clients fait en sorte qu’il n’y a aucun doute qu’il s’agit d’une entreprise. Lorsque la gamme de services fournis par le locateur est moins complète que celle d’un hôtel, il faut alors examiner le niveau des services pour décider si la nature et l’ampleur de ces services permettent de qualifier le revenu comme étant un revenu tiré d’une entreprise.

[Je souligne.]

[43]        Au paragraphe 29 de ses motifs, le juge Pelletier préconise une démarche comparative afin de déterminer si un revenu est un revenu tiré d’une entreprise ou d’un bien.

[29] Ce courant jurisprudentiel favorise une démarche comparative pour trancher la question de savoir si un revenu est tiré d’une entreprise ou de l’utilisation d’un bien. Plus le niveau d’activité est élevé, plus il est probable que le contribuable exploite une entreprise; plus le niveau d’activité est faible, plus il est probable que le revenu découle de l’utilisation d’un bien.

[44]        À la lumière de la démarche comparative dans Oke, le juge Pelletier conclut qu’il n’y a pas de différence importante entre le niveau d’activité ou de services rendus par M. Oke relativement à son propre véhicule récréatif par rapport à ceux des autres propriétaires. Par conséquent, il conclut que le revenu est tiré d’un bien et non pas d’une entreprise, et que l’exception prévue à l’alinéa 1100(17.3)b) du RIR ne s’applique pas. Ainsi le bien est un « bien donné en location à bail » au sens du paragraphe 1100(17) du RIR. La DPA réclamée par M. Oke est en conséquence limitée au revenu net de location en vertu du paragraphe 1100(15) du RIR.

[45]        J’utiliserai donc la démarche comparative préconisée par le juge Pelletier dans Oke afin de déterminer si en l’espèce, l’appelant exploitait une entreprise de location de navires.

[46]        Le contrat signé en date du 18 février 2008, par l’appelant à titre de locateur et par l’appelant à titre de représentant de Croisière Charlevoix inc. est libellé de la façon suivante :

Québec, le 11 février 2008

Contrat

Intervenu à Québec

Par et Entre

Partie 1      Croisière Charlevoix Inc.

                  Représenté par Sylvio Thibeault

                  47, rue Dalhousie, Québec

                  Désigné ci-après le "locataire"

Et

Partie 2      Sylvio Thibeault

                  47, rue Dalhousie, Québec, (Québec), G1K 8S3

                  Désigné ci-après le "locateur"

Attendu que le locataire opère une entreprise qui offre des forfaits de croisières, destinés au grand public.

Attendu que le locateur est un individu qui a développé une solide expertise dans le domaine, et contribue à la gestion et promotion et possède un chantier maritime.

En considération des énoncés qui précèdent, lesquels font partie intégrante des présentes et en considération des énoncés qui suivent, les parties conviennent de ce qui suit :

Objet de l’entente : Location du Grand Charlevoix, pour une période de 3 mois commençant le 15 juin et se terminant le 10 septembre.

Le navire restera disponible pour faire la promotion de vente de ce type de navire et aussi comme un prototype en essai.

Mensualité : Le montant de location versé par le locataire est de 20,000$ pour la période.

Loyer : 20,000$ si plus de 11,000 personnes

2$ par personnes additionnelles.

Payable à la fin de la location.

Valeur résiduelle : au terme du présent contrat, la valeur résiduelle du bateau est la seule responsabilité du locateur.

Assurances : Nous convenons de 1,000,000$ pour protection en assurances. Le locataire s’engage à maintenir en vigueur une police d’assurance maritime « Hull and machinery » pour un montant ne devant pas être inférieur à la valeur marchande du bateau, et de nommer le locateur comme Co-assuré [sic] et le créancier hypothécaire. Telle couverture ne pourra être modifiée sans préavis au locateur de trente jours.

Entretien : Le locataire s’engage personnellement à réaliser l’entretien du bateau selon les normes et usages en vigueur dans l’industrie.

Le locataire se rend personnellement responsable du fonctionnement et de l’entretien du bateau. Il assume à ses frais, la remise en état de parfaite opération du bateau. L’équipage est fourni par ce dernier, toutefois le locateur peut demander à remplacer un membre d’équipage en tout temps et le capitaine sera Frédéric Thibeault.

Le locateur garanti et s’engage à :

1.         Livrer le bateau à Petite-Rivière-Saint-François le ou vers le 15 juin.

2.         Fournir au locataire un programme de maintenance détaillé, avec intervalles à respecter, pour le bateau ainsi que ses composantes et systèmes, tels les moteurs. Lors de la livraison, fournir à toute personne identifiée par le locataire, au [sic] frais du locateur, une formation sur la mécanique et l’opération du bateau. Le locateur peut, s’il le désire, faire vérifier l’état du bateau par une personne de son service technique et s’il y a lieu, formuler des recommandations, le tout aux frais du locataire. Le locateur est responsable de la bonne navigabilité du navire au moment de sa livraison sans "latent defect".

3.         Offrir du matériel promotionnel au locataire.

4.         Accorder au locataire une licence afin d’utiliser la marque de commerce ou le nom « Explorathor » dans son matériel publicitaire, et ce, sans frais.

5.         Le locateur est responsable des dépenses résultant de l’usure normale.

Le locataire s’engage à :

1.         Laisser le mot « Explorathor » sur les côtés du bateau pendant la durée du contrat de location.

2.         Fournir sans frais au locataire du matériel promotionnel du bateau, tel que vidéo et photos prisent [sic] par le locateur, à sa discrétion, durant le terme de ce contrat de location. Le locataire devra indiquer le nom du locateur comme crédit pour les photos utilisées.

Ce contrat constitue l’entente complète entre les parties.

En cas d’incompatibilité, de différence, ou de difficulté d’interprétation entre les termes et conditions du présent contrat et ceux de tout autre document entre les parties, les termes et conditions du présent contrat ont préséances [sic] et prévalent.

Ont signé en la date et au lieu identifié en premier aux présentes, et dans le but de se lier,

Ce contrat est renouvelable.

_______________________              _______________________

Croisière Charlevoix Inc.                    Sylvio Thibeault

[47]        On note que mis à part certaines clauses du contrat de location entre l’appelant et Croisière Charlevoix inc., les clauses du contrat reprennent les principes énoncés aux dispositions du cinquième chapitre du Code civil du Québec qui porte sur l’affrètement. Il n’y a donc rien d’inhabituel au contrat quant aux obligations du locateur dans le cadre d’une location de navire.

[48]        Deux clauses du contrat sont cependant inhabituelles. La première est que le locateur s’engage à accorder une licence au locataire afin d’utiliser la marque de commerce ou le nom « Explorathor » dans son matériel publicitaire et que le locataire doit laisser le mot « Explorathor » sur les côtés du bateau pendant la durée du contrat de location. De plus, le locateur s’engage à fournir du matériel promotionnel au locataire relativement au navire. On note aussi au contrat que le bateau doit demeurer disponible aux fins de faire la promotion de vente de ce type de navire.

[49]        À mon avis, ces obligations ne sont pas pertinentes en l’espèce. En effet, ces obligations n’ont qu’un but, soit de promouvoir la vente de navires par RTM dont l’appelant est l’unique actionnaire. Tel que je l’ai déjà mentionné, le Grand Charlevoix a été construit par RTM. Ainsi, la promotion visant la vente de ce type de navire ne bénéfice aucunement à Croisière Charlevoix inc., ni aux activités de location de l’appelant, mais à la société de l’appelant RTM.

[50]        La deuxième clause inhabituelle au contrat est que l’appelant doit fournir du matériel promotionnel à Croisière Charlevoix inc.

[51]        Lors de son témoignage, l’appelant a indiqué tout le travail qu’il a effectué lors et durant la location du Grand Charlevoix à Croisière Charlevoix inc. L’appelant a participé à l’élaboration des pamphlets, des vidéos promotionnelles et à la conceptualisation du site Internet transactionnel de Croisière Charlevoix inc. À cet égard, l’appelant vérifiait tous les jours le nombre d’utilisateurs et les mots clés recherchés par les internautes afin d’améliorer le site Internet de Croisière Charlevoix inc.

[52]        L’appelant a également mentionné avoir fait la tournée des établissements touristiques de Charlevoix afin de s’assurer que les dépliants publicitaires de Croisière Charlevoix inc. soient disponibles. De plus, il a indiqué s’être occupé de la construction d’un stand pour la billetterie de Croisière Charlevoix inc. et l’aménagement paysager entourant ce stand. Il s’est occupé aussi de trouver un service de traiteur et de faire réparer d’urgence le Grand Charlevoix.

[53]        Selon l’appelant, il a personnellement exploité une entreprise de location de bateaux. Non seulement il louait le Grand Charlevoix, mais de plus il offrait une panoplie de services dont il s’occupait personnellement et de façon continue durant la période du bail.

[54]        Selon l’intimée, l’appelant n’a pas exploité d’entreprise de location. L’appelant détenait cinq permis et seulement un seul permis et un seul bateau a fait l’objet d’une location. Selon l’intimée, il ressort de la preuve que l’appelant n’a fait aucun effort pour louer ses autres bateaux.

[55]        De plus, l’intimée fait valoir que la fourniture du matériel promotionnel par l’appelant n’est pas une activité suffisante qui permette, dans le cadre d’une entreprise de location de bateaux, de qualifier le revenu de location à titre de revenu d’entreprise plutôt que de revenu tiré d’un bien. De plus, l’intimée fait valoir que le travail effectué par l’appelant a été entrepris à titre d’actionnaire de Croisière Charlevoix inc. et non pas pour ses activités commerciales personnelles relatives à la location de bateaux.

[56]        J’ai constaté durant le témoignage de l’appelant que ce dernier ne faisait aucune distinction entre les sociétés dont il était actionnaire et les activités relatives aux bateaux et permis qu’il détenait personnellement. Selon l’appelant, il importait peu que le travail ait été entrepris pour Croisière Charlevoix inc. ou pour ses activités commerciales personnelles de location de bateaux.

[57]        À cet égard, l’appelant fait valoir que sa situation est la même que celle que l’on retrouve dans l’affaire, C.J. Bouchard Réparation Ltée. c Canada[3]. L’appelant cite le paragraphe 5 des motifs du juge Dussault qui reprend la réponse à l’avis d’appel de l’intimée, soit le paragraphe 15r) qui énonce un des faits tenus pour acquis par le ministre dans l’établissement de la cotisation. L’appelant prétend que ces faits s’appliquent à son dossier:

15 r) Le ministre a considéré que l’appelante opérait une entreprise durant l’exercice financier se terminant le 31 octobre 1995, car en plus de la location du navire, elle offrait à Navimex, par l’entremise de son seul employé, Guy Gagnon, le service de mise en marché de croisières.

[58]        Selon l’appelant, tout comme M. Gagnon dans l’affaire CJ Bouchard, il offrait le service de mise en marché de croisières.

[59]        Il m’est difficile de m’appuyer sur un paragraphe de la réponse à l’avis d’appel de l’intimée dans l’affaire CJ Bouchard pour donner gain de cause à l’appelant sans connaître la trame factuelle de cette affaire et les termes du contrat de location entre les parties à cette époque.

[60]        Il est à noter que les motifs du jugement dans CJ Bouchard portent sur d’autres années d’imposition et non pas sur la période visée par le paragraphe 15r) de la réponse à l’avis d’appel. Pour les années d’imposition en litige, le juge Dussault a conclu que le revenu provenant de la location du navire « coque nue » constituait un revenu de bien.

[61]        Dans l’affaire en l’espèce, des cinq bateaux et permis détenus par l’appelant personnellement, seul le Grand Charlevoix rattaché au permis Exceptionnelle Aventure a fait l’objet d’une location. Il n’y a aucune preuve démontrant que l’appelant a tenté de louer ses autres bateaux.

[62]        Si j’utilise l’approche comparative énoncée dans Oke, et que je compare les faits en espèce à l’affaire Burstow v R[4], où le juge O’Connor de notre Cour a conclu que M. Burstow exploitait une entreprise de location, on note que dans Burstow, le bateau en cause était loué dans une formule tout inclus. Les services accessoires à une location de bateau tels que l’amarrage, le nettoyage, l’entretien, les assurances, la promotion, ainsi que l’embauche du personnel étaient tous offerts par M. Burstow.

[63]        Dans l’affaire en l’espèce, outre une partie de la promotion qui est assumée par l’appelant personnellement par l’offre du matériel promotionnel, toutes les autres activités relatives à une location de bateau sont assumées par la locataire Croisière Charlevoix inc. Cette dernière est responsable de fournir l’équipage du bateau. Elle est aussi responsable du fonctionnement de celui-ci en plus d’assumer les frais inhérents à l’exploitation commerciale du navire, notamment les frais d’entretien, les droits de quai, les frais d’assurances, de même que les frais de pilotage et les frais de main-d’œuvre. De plus, c’est Croisière Charlevoix inc. qui demeure responsable de toutes pertes ou avaries pouvant résulter de son exploitation commerciale.

[64]        De plus, selon Oke, pour qu’une source de revenu constitue du revenu d’entreprise, les services fournis par le contribuable doivent dépasser ce qui est habituellement fourni dans le cadre d’une location. Dans le cas en l’espèce les services accessoires de base, tels que les frais inhérents à l’exploitation commerciale que j’ai mentionnés au paragraphe 63 de ces motifs ne sont pas fournis par l’appelant. Il est donc à mon avis difficile de conclure que les services fournis par l’appelant dépassent ce qui est habituellement offert dans le cadre d’une location de bateau.

[65]        De toute façon, je suis d’avis que la fourniture du matériel promotionnel n’est pas une activité suffisante pour entraîner l’application du paragraphe 1100 (17.3) du RIR.

[66]        Quant aux autres activités effectuées par l’appelant non spécifiées dans le contrat, dont la distribution des pamphlets, la construction d’un stand pour la billetterie de Croisière Charlevoix inc., l’aménagement paysager entourant le stand et la sélection d’un traiteur, je conclus après avoir examiné l’ensemble de la preuve, que ces activités ne sont pas pertinentes pour l’analyse du paragraphe 1100 (17.3) du RIR. Ces activités ont été effectuées par l’appelant en sa qualité d’actionnaire de Croisière Charlevoix inc. Certaines de ces activités s’éloignent d’une entreprise de location de bateaux. De plus, l’appelant a admis que ces activités étaient destinées aux clients de Croisière Charlevoix inc. Il est aussi intéressant de noter que lors de la vente de Croisière Charlevoix inc. à M. Tremblay en 2010, le site Internet et le stand ont été vendus à titre d’actifs de Croisière Charlevoix inc.

[67]        Il ressort également de la preuve que l’appelant n’a pas tenté de louer aucun de ses autres bateaux. À mon avis, l’appelant ne peut donc pas prétendre qu’il exploitait en 2008 une entreprise de location de bateaux.

[68]        À la lumière de l’ensemble des faits mentionnés dans ces motifs, je suis d’avis que le revenu gagné par l’appelant pour la location du navire Grand Charlevoix est un revenu tiré d’un bien.

[69]        L’appelant a donc « donné en location à bail » le Grand Charlevoix à Croisière Charlevoix inc. en vertu du paragraphe 1000(17) du RIR. Par conséquent, un montant de 78 216 $ à titre de DPA, a été correctement refusé par le ministre en vertu du paragraphe 1100(15) du RIR; le paragraphe 1100(17.3) du RIR ne s’appliquant pas en l’espèce.

B. ANNÉE D’IMPOSITION 2010

Faits relatifs à l’année d’imposition 2010

[70]        En mai 2010, l’appelant a vendu les actions qu’il détenait dans Croisière Charlevoix inc. ainsi que tous les actifs de cette dernière à son partenaire, M. Pierre Tremblay, pour un montant de 170 000 $. Dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2010, l’appelant a déclaré un gain en capital de 153 070 $.

[71]        En 2010, l’appelant a également vendu le Grand Charlevoix à Croisières du Fjord pour un montant de 750 000 $. À cet effet, l’appelant a déclaré un gain en capital de 197 405 $ dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2010. L’appelant a cependant acheté de Croisières du Fjord, un bateau de plus petite capacité, soit le Cap Éternité.

[72]        En 2010, l’appelant a également vendu l’entreprise Oursin, soit le permis d’excursions en mer ainsi que le Zodiac P 28, lequel a été jumelé au permis Oursin préalablement à la vente, pour un montant de 167 712 $. Les actifs vendus ont été considérés par l’appelant comme une « immobilisation admissible » au sens du paragraphe 14(5) et de l’article 54 de la LIR. Le revenu du compte des immobilisations admissibles était de l’ordre de 58 656 $. Dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2010, l’appelant a déclaré une perte de 4 588 $, tel que le démontre le tableau ci-dessous:

2010

Vente du permis « Oursin »

58 656 $

(Moins)

 

Amortissement – Équipement

1 705,15 $

Amortissement - Cap Éternité

45 851,22 $

Amortissement – P 34

9 221,52 $

Amortissement - Permis Excep. Av.

6 666,00 $

Perte d’entreprise nette

(4    588 $)

[73]        L’intimée fait valoir que l’appelant n’est pas en mesure de réclamer un montant de 63 444 $ à titre de DPA pour l’année d’imposition 2010, et ce, pour plusieurs motifs.

[74]        Tout d’abord, au paragraphe 30 de sa réponse à l’avis d’appel, l’intimée prétend que l’appelant n’exploite pas d’entreprise.

[75]        De plus, l’intimée fait valoir que l’appelant n’est pas en mesure de réclamer une DPA en ce qui a trait aux bateaux Cap Éternité, P 34 et au permis Exceptionnelle Aventure. Selon l’intimée, le coût en capital de ces biens ne se rapporte pas à la source de source de revenu émanant de la vente de l’entreprise Oursin.

[76]        Finalement, l’intimée fait aussi valoir que l’appelant a tiré un gain en capital de la vente du permis d’excursions en mer en vertu des alinéas 39(1)a) et 40(1)a) de la LIR. Selon l’intimée, ces actifs seraient des biens amortissables et non des biens en immobilisations admissibles.

[77]        L’appelant fait valoir que tous ses bateaux et permis doivent être considérés comme une seule et même entreprise de location qu’il exploite à titre personnel. En conséquence, il est d’opinion que la DPA peut être demandée à l’encontre de son revenu d’entreprise, et ce, pour tous les biens visés dans sa déclaration de revenus.

Question en litige

[78]        Est-ce que le ministre était justifié de refuser à l’appelant une DPA de 63 444 $ que l’appelant a déduite à l’encontre du profit réalisé lors de la vente du permis Oursin et du Zodiac P 28?

Analyse

[79]        Je suis d’avis que l’appelant n’a pas droit de réclamer des déductions pour amortissement pour un montant de 63 444 $ pour les raisons suivantes.

[80]        Premièrement, l’appelant ne peut prétendre qu’il a exploité une entreprise de location de bateaux durant l’année d’imposition 2010. Aucune activité de location n’a eu lieu en 2010 et aucun revenu de location n’a été déclaré par l’appelant. Quand l’appelant n’a pas réussi à s’entendre avec M. Tremblay sur le prix pour la location du bateau Cap Éternité, l’appelant n’a pas tenté de le louer. Il a plutôt remisé le Cap Éternité peu après son acquisition en 2010.

[81]        Il ressort aussi de la preuve que l’appelant n’a pas tenté de louer ses autres bateaux durant l’année d’imposition 2010. Ainsi, l’appelant n’a pas opéré d’entreprise de location en 2010. En outre, la restriction du paragraphe 1100(15) du RIR s’applique et la DPA doit être réduite à néant en raison de l’absence de revenu locatif net pour 2010.

[82]        De plus, on note en lisant le paragraphe 20(1) de la LIR, que la déduction en vertu de ce paragraphe doit se rapporter à la source de revenu. L’appelant a admis qu’il n’y avait pas de lien entre le permis et les bateaux qu’il a amortis et la source de revenu, soit le revenu généré par la vente du permis Oursin et la vente du Zodiac P 28.

[83]        Je suis d’avis pour tous ces motifs, que l’appelant ne pouvait pas réclamer la DPA demandée en 2010.

Conclusion

[84]        L’appel, pour les années d’imposition 2008 et 2010, est rejeté avec dépens.

Signé à Montréal, Québec, ce 5e jour de novembre 2015.

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray

 


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 271

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-3741(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

SYLVIO THIBEAULT c SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 mai 2015

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Johanne D’Auray

DATE DU JUGEMENT :

Le 5 novembre 2015

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Me Dany Leduc

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] 2002 CSC 46 [Stewart].

[2] 2010 CAF 350 [Oke].

[3] C.J. Bouchard c Canada, [2003] 2 CTC 2622 [CJ Bouchard].

[4] [1997] 3 CTC 2540.

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