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Dossier : 2014-2565(EI)

ENTRE :

CALVIN DROST,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

MCHATTEN BUILDERS LTD.,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Calvin Drost 2014‑2566(CPP) le 7 juillet 2015, à Fredericton (Nouveau‑Brunswick).

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimé :

MDavid Besler

Représentante de l’intervenante :

Mme Colleen McHatten

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la décision, datée du 14 avril 2014, rendue au titre de la Loi sur l’assurance‑emploi est accueilli, et la décision est modifiée compte tenu du fait que l’appelant était un employé lorsqu’il travaillait auprès de la société McHatten Builders Ltd.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de novembre 2015.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 5jour de janvier 2016.

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.



Dossier : 2014-2566(CPP)

ENTRE :

CALVIN DROST,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

MCHATTEN BUILDERS LTD.,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l’appel de Calvin Drost 2014‑2565(EI) le 7 juillet 2015, à Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

Devant : L’honorable juge Valerie Miller

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimé :

Me David Besler

Représentante de l’intervenante :

Mme Colleen McHatten

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la décision, datée du 14 avril 2014, rendue au titre du Régime de pensions du Canada est accueilli, et la décision est modifiée compte tenu du fait que l’appelant était un employé lorsqu’il travaillait auprès de la société McHatten Builders Ltd.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20jour de novembre 2015.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 5jour de janvier 2016.

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.


Référence : 2015 CCI 291

Date : 20151120

Dossier : 2014-2565(EI)

ENTRE :

CALVIN DROST,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

MCHATTEN BUILDERS LTD.,

intervenante,

Dossier : 204-2566(CPP)

ET ENTRE :

CALVIN DROST,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

MCHATTEN BUILDERS LTD.,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller

[1]             Les présents appels ont été interjetés au titre du Régime de pensions du Canada et de la Loi sur l’assurance‑emploi. Dans les deux appels, la Cour est saisie de la question de savoir si M. Drost a été engagé par la société McHatten Builders Ltd. (la société « McHatten ») à titre d’employé ou à titre d’entrepreneur indépendant.

[2]             Il ressort de la réponse dans chaque appel que la période visée par l’appel allait du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012. Toutefois, les réponses comportaient une erreur, et la période correcte visée par l’appel va du 18 novembre 2012 au 27 septembre 2013. Le [traduction] « Questionnaire d’information » (pièce A‑1) présenté par M. Drost et la décision rendue par l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») font tous les deux état de la période allant du 18 novembre 2012 au 27 septembre 2013.

[3]             En 2013, M. Drost a demandé à l’ARC de rendre une décision sur la question de savoir s’il exerçait auprès de la société McHatten un emploi assurable et ouvrant droit à pension. Au moyen de lettres datées du 14 janvier 2014, l’agent des décisions de l’ARC a avisé M. Drost et la société McHatten que M. Drost exerçait auprès de celle‑ci un emploi assurable et ouvrant droit à pension.

[4]             La société McHatten a interjeté appel à l’encontre de la décision, et, au moyen d’une lettre datée du 14 avril 2014, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a conclu que M. Drost était un entrepreneur indépendant et que le travail qu’il exerçait auprès de la société McHatten n’était pas un emploi assurable ni un emploi ouvrant droit à pension.

[5]             M. Drost et Mme Colleen McHatten étaient les seuls témoins à l’audience et j’ai conclu qu’ils étaient tous les deux intéressés.

Les faits

[6]             Colleen McHatten et son époux, Joe McHatten, détiennent chacun la moitié des actions de la société McHatten. Ensemble, ils contrôlent les activités quotidiennes et prennent toutes les décisions importantes concernant l’entreprise. La société McHatten exploite une entreprise de rénovation résidentielle, ce qui comprend l’installation de fenêtres, de bardage, d’armoires de cuisine et du matériel de salle de bains.

[7]             Durant la période, la société McHatten recevait la majorité de ses travaux contractuels de la société Kent Building Supplies. En pratique, la société Kent Building Supplies concluait des contrats avec divers propriétaires pour des travaux de rénovation et elle donnait le travail en sous‑traitance à divers entrepreneurs, dont la société McHatten. Celle‑ci a soutenu qu’elle sous‑traitait en outre ces travaux de rénovation à ses travailleurs, parmi lesquels se trouvait M. Drost.

[8]             Il fallait une équipe de deux à quatre travailleurs pour chaque contrat de travaux de rénovation.

[9]             M. Drost a travaillé auprès de la société McHatten pour une courte période en 2005. Il a déclaré qu’il avait cessé de travailler auprès de la société McHatten en 2005 lorsqu’il avait perdu son permis de conduire et qu’il ne pouvait pas se rendre aux divers lieux de travail. Il a repris son travail auprès de la société McHatten à la fin de 2006 (voir transcription, à la page 17) et a arrêté en septembre 2013. Ses tâches comprenaient la plomberie, le carrelage, le colmatage des fissures ainsi que la pose de fenêtres, de portes et de cloisons sèches.

Le droit

[10]        Pour déterminer si M. Drost avait été engagé à titre d’employé ou d’entrepreneur indépendant, la question essentielle à laquelle il faut répondre est de savoir s’il fournissait ses services en tant que personne travaillant à son compte : arrêt 671122 Ontario Ltd c Sagaz Industries Canada Inc, [2001] 2 R.C.S. 983, au paragraphe 47.

[11]        Dans l’arrêt 1392644 Ontario Inc c Le ministre du Revenu national, 2013 CAF 85 (« Connor Homes »), la Cour d’appel fédérale a fait observer qu’une méthode en deux étapes doit être utilisée pour trancher la question. À la première étape, la Cour doit établir l’intention subjective de chacune des parties à la relation de travail. La deuxième étape consiste à analyser la relation de travail entre M. Drost et la société McHatten dans le but d’établir si elle concorde avec leur intention. Les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd c MRN, [1986] 3 CF 553 (CAF), doivent être utilisés à la deuxième étape de la méthode. Ces facteurs comprennent le contrôle, la propriété des instruments de travail, la possibilité de profit et le risque de perte.

Analyse

L’intention

[12]        Il ressort clairement du témoignage de Colleen McHatten que la société McHatten avait l’intention d’engager M. Drost à titre d’entrepreneur indépendant. Mme McHatten a déclaré que, selon les contrats de la société McHatten, il fallait une équipe de deux à quatre travailleurs, en fonction des travaux à réaliser, et tous les travailleurs, y compris son fils, Coty McHatten, étaient engagés à titre d’entrepreneurs indépendants. Pour étayer l’existence de cette intention, elle a précisé que la société McHatten n’avait pas effectué de retenues à la source et qu’elle avait produit des « États des paiements contractuels » (T5018) auprès de l’ARC pour ses travailleurs pour 2005, 2006, 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013.

[13]        L’intention de M. Drost n’est pas tout aussi claire. À l’audience, M. Drost a déclaré qu’il avait l’intention d’être un employé auprès de la société McHatten. Toutefois, je ne suis pas convaincue que M. Drost avait cette intention lorsqu’il travaillait auprès de la société McHatten. Mon hésitation est fondée sur les éléments de preuve qui suivent.

[14]        M. Drost a déclaré qu’avant de travailler auprès de la société McHatten, il avait occupé le poste de contremaître auprès de la société Renovations Plus. Il a quitté ce poste en 2006 pour devenir contremaître auprès de la société McHatten et pour s’occuper des chantiers de celle‑ci. J’ai déduit de ce témoignage que M. Drost était un employé de la société Renovations Plus en 2006 et qu’il avait renoncé à cet emploi pour devenir un employé de la société McHatten à la fin de 2006. Toutefois, la preuve démontre que, dans sa déclaration de revenus pour 2006, M. Drost n’a déclaré qu’un revenu d’entreprise et n’a déclaré aucun revenu d’emploi. Il n’a pas produit de déclaration de revenus depuis 2006. J’ai conclu que M. Drost n’était pas un employé de la société Renovations Plus et que, lorsqu’il avait commencé à travailler auprès de la société McHatten, il n’avait pas l’intention d’être un employé.

[15]        À mon avis, les deux parties avaient l’intention selon laquelle M. Drost était un entrepreneur indépendant.

Les facteurs énoncés dans l’arrêt Wiebe Door

a)     Le contrôle

[16]        Le contrôle a été défini comme étant le « droit qu’avait [le payeur] de dire aux travailleurs comment faire leur travail, par opposition à la question de savoir si ce droit était exercé » par le payeur : arrêt Gagnon c Canada (Ministre du Revenu national), 2007 CAF 33, au paragraphe 7. Dans leurs témoignages, les deux personnes ont déclaré que M. Drost n’était pas supervisé dans l’exécution de ses tâches. Colleen McHatten a déclaré à l’audience que M. Drost avait de l’expérience et qu’il était très compétent. Elle a précisé qu’on pouvait compter sur lui pour qu’il effectue son travail. Aucun des deux témoins n’a été appelé à répondre à la question de savoir si la société McHatten avait le droit de dicter à M. Drost la façon dont il devait faire son travail. Aucun élément de preuve ne permettait de savoir si la société McHatten avait l’expertise pour dicter à M. Drost la manière doit il devait exécuter ses tâches. À mon avis, le critère du contrôle n’est pas utile en l’espèce, étant donné qu’aucun élément de preuve n’a été apporté quant à l’existence du contrôle.

b)    Les heures de travail et les factures

[17]        La société McHatten, en consultation avec les propriétaires, déterminait les heures de travail de M. Drost et de l’équipe qui devait travailler avec lui. Ils travaillaient habituellement cinq jours par semaine, de 8 h 30 ou 9 h à 17 h ou 17 h 30. M. Drost devait être sur le lieu de travail pendant les heures de travail. Il était important que chaque travail soit exécuté dans les délais prévus parce que les équipes travaillaient au domicile d’une personne. Par conséquent, M. Drost pouvait travailler les fins de semaine à la demande d’un client.

[18]        Dans leurs témoignages, les deux témoins ont déclaré que M. Drost consignait ses heures de travail.

[19]        Le ministre a supposé que M. Drost devait présenter une facture à la société McHatten pour être payé. À mon avis, M. Drost n’a pas facturé à la société McHatten les services fournis. Colleen McHatten a présenté des documents qu’elle estime être des factures provenant de M. Drost. Certains de ces documents étaient des « bons de commande » et d’autres étaient des « reçus ». Toutefois, seuls deux documents portaient sur la période en cause, et il s’agissait de reçus. L’un d’eux faisait état d’un montant de 814 $ que M. Drost avait reçu de la société McHatten le 12 septembre 2013 pour des travaux de rénovation et l’autre montrait que M. Drost avait reçu 968 $ de la société McHatten le 5 septembre 2013 pour des travaux de rénovation. Les deux documents n’étaient pas des factures établies par M. Drost à la société McHatten pour des tâches accomplies, mais il s’agissait de reçus qui établissaient que la société McHatten avait payé des montants à M. Drost. Ce dernier a signé pour accuser réception de ces montants. Il a nié avoir signé les « bons de commande » qui ont été produits en preuve, et j’ajoute foi à ce témoignage. J’ai conclu que ces « bons de commande » avaient été établis par la société McHatten.

[20]        Le fait que la société McHatten déterminait les heures de travail et que M. Drost ne facturait pas ses services à la société McHatten porte à croire que M. Drost était un employé.

c)     La propriété des instruments de travail

[21]        Pour chaque travail, M. Drost fournissait ses propres outils à main qui comprenaient un ruban, une équerre, un crayon, un couteau universel, une clé et une scie. La société McHatten fournissait l’équipement lourd si cela était nécessaire.

[22]        Les instruments de travail appartenaient à M. Drost et il était raisonnable que ceux‑ci lui appartiennent. Ce critère montre qu’il était un entrepreneur indépendant : arrêt Precision Gutters Ltd c Le ministre du Revenu national, 2002 CAF 207, au paragraphe 25.

d)    La possibilité de profit

[23]        En 2006, M. Drost recevait de la société McHatten une rémunération de 18 $ l’heure. Il a déclaré qu’il n’avait pas négocié son taux horaire, mais qu’il avait bénéficié d’une série d’augmentations de telle sorte qu’il avait reçu une rémunération de 22 $ l’heure durant 2012 et 2013.

[24]        Le ministre a formulé l’hypothèse selon laquelle M. Drost pouvait engager des assistants ou des remplaçants. Toutefois, cette hypothèse n’était pas conforme à la réalité. M. Drost n’a jamais engagé d’assistant ni n’a demandé s’il pouvait engager un assistant. J’ai déduit de son témoignage qu’il ne pouvait pas engager d’assistant. Il a déclaré que, si un travailleur supplémentaire était nécessaire pour effectuer un travail, Joe McHatten lui demandait de recommander un autre travailleur ainsi que le taux horaire que ce dernier devrait recevoir. Par la suite, la société McHatten engageait et rémunérait le travailleur supplémentaire. Cette situation milite en faveur de la conclusion selon laquelle M. Drost était un employé.

e)     Le risque de perte

[25]        Le seul risque financier que M. Drost assumait était lié à ses outils et le coût était mineur. Si un travail devait être refait, M. Drost était rémunéré pour le faire. Les faits se rapportant au risque financier militent davantage en faveur de la qualité d’employé plutôt que de celle d’entrepreneur indépendant de M. Drost.

[26]        M. Drost avait sa propre carte professionnelle sur laquelle il annonçait qu’il offrait des [traduction] « services pour menus travaux ». Dans son témoignage, il a déclaré qu’il travaillait effectivement pour d’autres personnes pendant les fins de semaine, mais que cela ne contrecarrait pas les tâches qu’il accomplissait pour la société McHatten. Dans la situation économique actuelle, il est tout à fait normal que des personnes aient un emploi de fin de semaine.

Conclusion

[27]        À mon avis, les faits objectifs ne concordent pas avec l’intention des parties. J’ai conclu que M. Drost était un employé lorsqu’il était au service de la société McHatten.

[28]        L’appel est accueilli.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20jour de novembre 2015.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 5jour de janvier 2016.

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.



RÉFÉRENCE :

2015 CCI 291

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-2565(EI)

INTITULÉ :

CALVIN DROST ET LE M.R.N. ET MCHATTEN BUILDERS LTD.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Fredericton (Nouveau‑Brunswick)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 juillet 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 novembre 2015

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimé :

Me David Besler

Représentante de l’intervenante :

Mme Colleen McHatten

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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