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Dossier : 2015‑123(IT)I

Entre :

BENJAMIN OKEKE,

appelant,

et

Sa Majesté la reine,

intimée.

[Traduction française officielle]

 

Appel entendu le 28 octobre 2015, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Tony Cheung

 

JUGEMENT

L’appel à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 de l’appelant est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce premier jour de décembre 2015.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 7jour de janvier 2016.

S. Tasset


Référence : 2015 CCI 301

Date : 20151201

Dossier : 2015‑123(IT)I

Entre :

BENJAMIN OKEKE,

appelant,

et

Sa Majesté la reine,

intimée.

[Traduction française officielle]


motifs du jugement

La juge V.A. Miller

[1]             Le présent appel concerne l’année d’imposition 2008 de l’appelant, pour laquelle il a demandé un crédit d’impôt non remboursable à l’égard de dons de bienfaisance de 5 400 $ à Revival Time Ministries Int. (« RTM ») et de 4 400 $ à Operation Save Canada Teenagers (« OSCT »).

[2]             Lorsqu’il a établi la cotisation de l’appelant, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a accueilli sa demande pour un don de 800 $ à RTM parce que l’appelant a été en mesure de fournir un chèque oblitéré payable à RTM pour ce montant. Le ministre a refusé la demande de l’appelant visant des dons de bienfaisance de 9 000 $ pour les motifs suivants : (i) l’appelant n’était pas en mesure de fournir une preuve montrant qu’il avait fait des dons en espèces de 9 000 $; (ii) les reçus que l’appelant a fournis provenant de RTM et d’OSCT ne contenaient pas les renseignements que prescrit le Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement »).

[3]             À l’audience, les témoins étaient l’appelant et Tony P. Thomas, vérificateur de la section de vérification des organismes de bienfaisance de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), à Kitchener, en Ontario.

Faits

Dons en espèces

[4]             Dans son témoignage, l’appelant a indiqué qu’en 2008, il assistait à des services religieux que RTM tenait au Days Inn à l’angle de la rue Jane et du chemin Weston à Toronto. Ses dons de bienfaisance à RTM étaient des paiements de dîme qu’il donnait pendant ces services religieux. Il a déclaré qu’il mettait son don dans une enveloppe sur laquelle il écrivait son nom et qu’il plaçait ensuite l’enveloppe sur le plateau à offrandes. Tous les paiements de dîme étaient versés en argent, à l’exception du don de 800 $ qui a été versé par chèque.

[5]             L’appelant a indiqué dans son témoignage qu’il a versé ses dons de bienfaisance à OSCT au bureau de celle‑ci, qui se trouvait sur l’avenue Finch. Ces dons ont été versés en espèces à la personne qui travaillait au bureau. Aucun reçu ne lui a été délivré au moment du don, mais à la fin de l’année, les organismes de bienfaisance lui ont transmis un reçu par la poste.

[6]             En 2009, l’ARC a demandé à l’appelant de prouver qu’il avait fait les dons à RTM et à OSCT. L’appelant a déclaré qu’il a communiqué avec les organismes de bienfaisance et que ces derniers ont écrit des lettres reconnaissant qu’il avait bel et bien fait les dons. Les lettres étaient adressées à Gary Huenemoeder, chef d’équipe de la section de la vérification des organismes de bienfaisance à l’ARC, et signées par Daniel Mokwe. L’une des lettres était datée du 30 août 2009 et était rédigée sur du papier à en‑tête d’OSCT. Elle indiquait que l’appelant avait fait des dons en espèces de 4 400 $, ainsi que le jour et le mois en 2008 où les dons avaient été versés. L’autre lettre était datée du 4 septembre 2009 et était rédigée sur du papier à en‑tête de RTM. Celle‑ci indiquait que l’appelant avait fait un don de 5 400 $, ainsi que les mois où les dons avaient été faits en 2008 et elle incluait la copie d’un chèque pour un don de 800 $.

[7]             L’appelant a déclaré qu’outre son témoignage et les lettres de M. Mokwe, il ne disposait d’aucun autre moyen de prouver qu’il avait fait les dons en cause.

[8]             M. Thomas a indiqué dans son témoignage qu’il a participé à la vérification d’OSCT et de RTM. Il a déclaré qu’en septembre 2008, l’ARC a demandé les dossiers d’OSCT et de RTM pour les exercices 2006 et 2007. Ces exercices visaient les périodes du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007 et du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008. M. Mokwe, le fondateur des deux organismes, a déclaré à M. Thomas que tous les dossiers avaient été entreposés dans un entrepôt et que le contenu de l’entrepôt avait été vendu parce que les organismes de bienfaisance avaient accusé trop de retard dans le paiement du loyer. Les dossiers ont été perdus. En 2009, l’ARC a demandé à M. Mokwe un accès informatique aux dossiers d’OSCT et de RTM, qui a répondu qu’il y avait eu un dysfonctionnement des ordinateurs et que tous les dossiers avaient été perdus. En conséquence, selon M. Thomas, ni OSCT ni RTM ne disposaient de dossiers qui auraient pu être utilisés pour rédiger les lettres datées du 30 août et du 4 septembre 2009.

[9]             M. Thomas a également déclaré dans son témoignage que M. Mokwe lui a fourni de faux relevés bancaires à l’égard des organismes de bienfaisance. Il a indiqué qu’il a alors demandé les relevés bancaires aux banques et que les dépôts combinés d’OSCT et de RTM pour 2006, 2007 et 2008 s’élevaient à 12 000 $. Pour la même période, le total des reçus pour dons qu’a délivrés RTM s’élevait à 4,1 millions de dollars et le total des reçus pour dons délivrés par OSCT s’élevait à 3,7 millions de dollars.

Renseignements fournis sur les reçus

[10]        Selon la position de l’appelant, les hypothèses de fait sur lesquelles s’est appuyé le ministre en ce qui concerne les renseignements qui apparaissaient sur les reçus ne concordaient pas avec les faits énoncés dans l’avis de ratification.

[11]        Dans l’avis de ratification, le ministre a indiqué que les reçus ne respectaient pas les exigences prévues au Règlement pour les motifs suivants :

        Le nom sur les reçus ne correspond pas au nom de l’organisme de bienfaisance ainsi qu’il est enregistré auprès du ministre.

        La date de délivrance du reçu n’était pas indiquée.

[12]        Dans la réponse à l’avis d’appel (la « réponse »), le ministre a répondu qu’il s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes pour ratifier la nouvelle cotisation :

[traduction]

Les éléments suivants étaient absents du reçu de RTM qu’a fourni l’appelant pour l’année d’imposition 2008 à l’appui de son prétendu don :

i)          la date où le don a été reçu;

ii)         l’adresse de l’organisme qui a délivré le reçu ne correspond à l’adresse de l’organisme ainsi qu’elle est enregistrée auprès du ministre;

iii)        le numéro de série du reçu;

iv)        une déclaration selon laquelle il s’agit d’un reçu officiel aux fins de l’impôt.

[13]        La réponse contenait un paragraphe semblable concernant le reçu d’OSCT.

Dispositions législatives

[14]        L’alinéa 118.1(2)a) de la Loi prévoit que la preuve d’un don de bienfaisance se fait par la présentation d’un reçu pour le don qui contient les renseignements prescrits. L’alinéa est rédigé comme suit :

118.1(2) Pour que le montant admissible d’un don soit inclus dans le total des dons de bienfaisance, le total des dons de biens culturels ou le total des dons de biens écosensibles, le versement du don doit être attesté par la présentation au ministre des documents suivants :

a) un reçu contenant les renseignements prescrits;

[15]        L’article 3500 du Règlement est rédigé en partie comme suit :

« reçu officiel »

« reçu officiel » s’entend d’un reçu remis pour l’application des paragraphes 110.1(2) ou (3) ou 118.1(2), (6) ou (7) de la Loi, sur lequel figurent les détails exigés par les articles 3501 ou 3502.

[16]        Les renseignements prescrits que doit contenir un reçu sont prévus à l’article 3501 du Règlement qui est rédigé comme suit :

(1) Tout reçu officiel délivré par une organisation enregistrée doit énoncer qu’il s’agit d’un reçu officiel aux fins de l’impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon à ce qu’ils ne puissent être modifiés facilement, les détails suivants :

ale nom et l’adresse au Canada de l’organisation ainsi qu’ils sont enregistrés auprès du ministre;

ble numéro d’enregistrement attribué par le ministre à l’organisation;

cle numéro de série du reçu;

dle lieu ou l’endroit où le reçu a été délivré;

elorsque le don est un don en espèces, la date ou l’année où il a été reçu;

e.1lorsque le don est un don de biens autres que des espèces :

(i) la date où il a été reçu, (ii) une brève description du bien, et

(iii) le nom et l’adresse de l’évaluateur du bien si une évaluation a été faite;

fle jour où le reçu a été délivré, si ce jour diffère du jour visé à l’alinéa e) ou e.1);

gle nom et l’adresse du donateur y compris, dans le cas d’un particulier, son prénom et son initiale;

hle montant qui correspond

(i) au montant du don en espèces, ou

(ii) lorsque le don est un don de biens autres que des espèces, à la juste valeur marchande du bien au moment où le don a été fait;

ila signature, ainsi qu’il est prévu au paragraphe (2) ou (3), d’un particulier compétent qui a été autorisé par l’organisation à accuser réception des dons;

jle nom de l’Agence du revenu du Canada et l’adresse de son site Internet.

Analyse

Dons en espèces

[17]        Le ministre a supposé qu’en 2008, l’appelant n’a pas fait de dons en espèces de 4 600 $ à RTM et de 4 400 $ à OSCT. Je suis d’avis que l’appelant n’a pas établi que l’hypothèse du ministre était erronée. L’appelant a déclaré qu’il a tenu un registre de chacun de ses dons et pourtant, il n’a pas apporté ce registre avec lui à l’audition de son appel. Il n’a pas non plus apporté de relevés bancaires, de bordereaux de retrait ou de documents personnels pour appuyer les dons en espèces allégués.

[18]        L’appelant s’est appuyé sur les lettres rédigées par Dan Mokwe en 2009. Il ressortait cependant clairement du témoignage de M. Thomas que les détails de ces lettres avaient été inventés. En 2009, OSCT et RTM ne disposaient pas des dossiers nécessaires pour rédiger ces lettres.

[19]        L’appelant a insisté sur le fait qu’il avait versé un don de 4 400 $ à OSCT ainsi qu’un don de 4 600 $ à RTM. Il a déclaré qu’il n’était pas à blâmer si les organismes de bienfaisance n’avaient pas de dossiers à fournir à l’ARC.

[20]        Il incombait cependant à l’appelant de montrer qu’il avait fait les dons en espèces et, dans les circonstances de la présente affaire, son témoignage n’était pas suffisant. C’est la juge Sheridan, dans la décision Patel c R, 2011 CCI 555 au paragraphe 16, qui a le mieux décrit le fardeau qui incombait à l’appelant :

[…] Toutefois, lorsqu’un contribuable choisit d’effectuer ses opérations uniquement en espèces, que ce soit pour des dons de bienfaisance ou pour toute autre fin qui est susceptible d’être examinée par le ministre, il s’impose le fardeau de pouvoir justifier des opérations qu’on ne peut pas vérifier autrement. L’espèce constitue une illustration parfaite de la raison pour laquelle les conditions d’admissibilité des dons de bienfaisance font l’objet d’une réglementation stricte. Comme l’a fait observer le juge Tardif dans la décision Plante c. La Reine, no 97‑1150(IT)I, 22 janvier 1999, [1999] A.C.I. no 51 (QL) (C.C.I.) :

[46] Il ne s’agit pas là d’exigences futiles et sans importance; bien au contraire, ce sont là des renseignements tout à fait fondamentaux et absolument nécessaires pour permettre la vérification d’une part de la justesse de la valeur indiquée et d’autre part, de la réalité même du don.

[47]  De telles exigences visent à éviter les abus de toute nature et constituent un minimum pour qualifier la qualité d’un don pouvant générer un crédit d’impôt à l’avantage du contribuable donateur.

Reçus

[21]        La preuve d’un don de bienfaisance est faite par la présentation d’un reçu, qui doit obligatoirement contenir les renseignements prescrits par l’article 3501 du Règlement (Afovia c La Reine, 2012 CCI 391).

[22]        En l’espèce, les reçus présentés par l’appelant n’étaient pas conformes. Contrairement aux exigences de l’alinéa 3501(1)a) du Règlement, le nom de l’organisme de bienfaisance sur chacun des reçus ne correspondait pas au nom de l’organisme de bienfaisance ainsi qu’il était enregistré auprès du ministre. Dans le cas du reçu de RTM, le nom qui figurait sur le reçu était « Revival Time Ministries », alors que le nom enregistré auprès du ministre était « Revival Time Ministries Int., Toronto, Ont. » Dans le cas d’OSCT, le nom qui apparaissait sur le reçu était « Operation Save Canada Teens », tandis que le nom enregistré auprès du ministre était « Operation Save Canada’s Teenagers, Toronto, Ont. » Par surcroît, aucun reçu n’indiquait la date de sa délivrance comme l’exige l’alinéa 3501(1)f) du Règlement.

[23]        L’appelant a soutenu que, dans la réponse, le ministre a énuméré des lacunes dans les reçus qui étaient différentes de celles énumérées dans l’avis de ratification. Cela est peut‑être vrai. Mais cela ne constitue pas un motif pour accueillir le présent appel. Il ressort clairement de l’avis de ratification et de la réponse qu’ils soulèvent tous deux le fait que les reçus ne contenaient pas les renseignements prescrits par l’article 3501 du Règlement. L’appelant connaissait le fardeau qui lui incombait.

[24]        En conclusion, l’appelant n’a pas fourni d’éléments de preuve pour soutenir qu’il a versé des dons de bienfaisance de 9 000 $ en 2008, et les reçus qu’il a présentés ne respectaient pas les exigences prévues par l’article 3501 du Règlement. L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce premier jour de décembre 2015.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 7jour de janvier 2016.

S. Tasset


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 301

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2015‑123(IT)I

Intitulé :

BENJAMIN OKEKE et SA MAJESTÉ LA REINE

Lieu de l’audience :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 28 octobre 2015

Motifs du jugement :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 1er décembre 2015

Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocat de l’intimée :

Me Tony Cheung

Avocats inscrits au dossier :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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