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Dossier : 2014-4227(GST)I

ENTRE :

JEAN-YVES MONGRAIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 5 novembre 2015, à Shawinigan (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Alex Boisvert

 

JUGEMENT

        L’appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 6 juin 2014 pour la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012, est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de décembre 2015.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2015 CCI 303

Date : 20151208

Dossier : 2014-4227(GST)I

ENTRE :

JEAN-YVES MONGRAIN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]             Il s’agit d’un appel, régi par la procédure informelle, à l’encontre d’une cotisation établie par l’Agence du Revenu du Québec (l’« ARQ ») en tant que mandataire du ministre du Revenu national (le « ministre »), en vertu de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, c. E-15), telle que modifiée (la « LTA »), dont l’avis est daté du 6 juin 2014 pour les périodes du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2012 (la « période visée »).

[2]             Tel qu’il appert de l’avis de cotisation transmis à l’appelant, les montants cotisés le 6 juin 2014 sont les suivants :

Rajustement apporté au calcul de la taxe nette

5 670.30 $

Intérêts

820,29 $

Pénalités pour défaut de produire

222,97 $

Total de la cotisation

3 713,56 $

[3]             Plus particulièrement, le rajustement apporté au calcul de la taxe nette se détaille de la façon suivante :

 

TPS

CTI

Taxe nette

2009-12-31

1 945,95 $

(648,99) $

1 296,96 $

2010-12-31

1 848,65 $

(495,95) $

1 352,70 $

2011-12-31

2 159,65 $

(658,48) $

1 501,17 $

2012-12-31

2 393,40 $

(873,93) $

1 519,47 $

[4]             En établissant la cotisation en cause à l’égard de l’appelant, le ministre s’est fondé, inter alia, sur les conclusions et les hypothèses de fait suivantes :

a)        Les faits admis ci-dessous;

b)        Pour la période visée, l’appelant est un inscrit aux fins de l’application de la LTA;

c)        L’appelant détient une entreprise dans le domaine de l’entretien paysager et effectue également du déneigement durant la période hivernale [ci-après « son entreprise »];

d)       Pour la période visée, l’appelant a déclaré dans ses déclarations de revenus les revenus bruts suivants à l’égard de son entreprise :

Année

2009

2010

2011

2012

Revenu brut

38 919 $

36 973 $

43 193 $

47 468 $

e)        Toutes les fournitures effectuées par l’appelant, dans le cadre de l’exploitation de son entreprise, constituent des fournitures taxables pour lesquelles la taxe TPS était payable par les acquéreurs à l’appelant, lequel devait la percevoir et la remettre au ministre;

f)         Le total des montants représentant la contrepartie aux fournitures taxables effectuées par l’appelant est supérieur à 30 000 $ pour chacune des périodes se terminant les 2009-12-31, 2010-12-31, 2011-12-31 et 2012-12-31;

g)        Pour la période visée, l’appelant était tenu d’être un inscrit aux fins de l’application de la LTA et de percevoir la TPS sur les fournitures taxables qu’il effectuait et de la remettre au ministre;

h)        Le ministre a établi les montants de taxe que l’appelant était tenu de percevoir et de remettre au ministre en fonction des revenus bruts que ce dernier a déclarés dans ses déclarations de revenus pour la période visée et en tenant compte du taux de la TPS en vigueur pour la période visée, soit 5 %;

i)          Les intrants auxquels avait droit l’appelant ont été établis en fonction des pièces justificatives valables fournies par ce dernier au ministre lorsque requis de le faire et également en fonction de leur admissibilité;

j)          Le ministre a refusé les intrants eu égard au permis de conduire de l’appelant, des pièces pour sa motocyclette et pour les assurances;

k)        Le 15 avril 2014, le ministre a procédé à l’inscription de l’appelant aux fichiers de taxes rétroactivement pour la période visée.

[5]             La question en litige consiste à déterminer si l’appelant a repoussé la présomption de validité de la cotisation en cause en vertu de laquelle le ministre a cotisé l’appelant en apportant un rajustement au calcul de la taxe nette avec intérêts et pénalités;

[6]             L’appelant a témoigné à l’audience et il a admis les conclusions et les hypothèses de fait retenues par le ministre, sauf pour ce qui est du paragraphe (b) tel que rédigé parce qu’il a été inscrit aux fichiers de taxes par le ministre rétroactivement pour la période visée et pour ce qui est du paragraphe (j) parce qu’il n’a pas réclamé les crédits sur intrant qui y sont décrits.

[7]             Lors de son témoignage, l’appelant a affirmé qu’il ignorait que les services qu’il rendait étaient des fournitures taxables aux fins de la LTA et qu’il devait percevoir de ses clients la taxe sur les produits et services (la « TPS ») et la remettre au receveur général du Canada après chaque période de déclaration. Par conséquent, il n’était pas inscrit aux fichiers de taxe, et ce, même si la valeur des services rendus au cours de chacune des années d’imposition 2009, 2010, 2011 et 2012 dépassait 30 000 $ par année. De plus, il n’a pas perçu auprès de ses clients la TPS à l’égard des services qu’il leur a rendus et il ne l’a pas remise au receveur général du Canada.

[8]             L’appelant a indiqué, qu’en 22 ans de travail à son compte, personne ne l’a informé de l’application des taxes sur la valeur des services rendus, ni ses clients, ni son comptable qui avait pourtant le mandat de préparer ses déclarations de revenus.

[9]             Madame Aline Garceau, la conjointe de fait de l’appelant, a également témoigné à l’audience. Elle n’était pas impliquée dans l’entreprise de son conjoint mais elle a agi comme représentante autorisée de l’appelant dans le cadre d’une vérification effectuée en impôts par l’Agence du Revenu du Canada (l’« ARC ») à la fin de l’année 2012. Aucune nouvelle cotisation n’a résulté de cette vérification pour les années d’imposition 2009, 2010 et 2011 mais madame Garceau ne comprend pas pourquoi le vérificateur de l’ARC ne l’a pas informé de l’application de la LTA à l’égard des services fournis par l’appelant.

[10]        Le vérificateur de l’ARQ a témoigné à l’audience pour essentiellement confirmer que les revenus bruts de l’appelant dépassaient 30 000 $ par année pendant la période visée et même au cours de l’année précédente, soit en 2008. L’année 2008 n’a pas été recotisée parce qu’elle a été considérée comme étant l’année au cours de laquelle l’appelant a dépassé le cap de 30 000 $ de revenus bruts. Le vérificateur a expliqué que les montants de TPS non perçus ont été ajoutés aux revenus bruts de l’appelant.

[11]        Aux fins du calcul des intrants, seules les dépenses personnelles ont été refusées. Suite à la cotisation en vertu de la LTA, les impôts de l’appelant ont été recalculés et une provision pour mauvaises créances attribuables à la TPS non perçue a été accordée. Par conséquent, l’appelant a reçu son remboursement d’impôts de l’ordre de 6 000 $.

Analyse

[12]        La LTA prévoit que toute personne qui effectue des fournitures taxables dans le cadre d’une activité commerciale est tenue d’être inscrite aux fins de la partie IX de la LTA, à moins d’en être exclue en vertu des exceptions prévues au paragraphe 240(1) dont une exception vise les petits fournisseurs.

[13]        L’expression « fourniture taxable » est définie au paragraphe 123(1) comme étant une fourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale. Aux fins de la LTA, l’exploitation d’une entreprise constitue une activité commerciale exercée par une personne. Le terme « inscrit » est défini au paragraphe 123(1) de la façon suivante :

« inscrit » Personne inscrite, ou tenue de l’être, aux termes de la sous-section d la section V.

[14]        Les dispositions de la partie IX de la LTA applicables à un inscrit s’appliquent également à toute personne tenue d’être inscrite même si elle ne l’est pas. Les obligations de percevoir la TPS sur les fournitures taxables et de la remettre au receveur général du Canada en vertu des articles 221 et 225 incombent également à toute personne devant être inscrite.

[15]        Il n’y pas de doute en l’espèce que l’appelant a rendu des services dans le cadre d’une activité commerciale au cours de la période visée et qu’il devait être inscrit à moins d’être visé par une des exceptions prévues au paragraphe 240(1) qui se lit comme suit :

Toute personne, sauf les personnes suivantes, qui effectue une fourniture taxable au Canada dans le cadre d’une activité commerciale qu’elle y exerce est tenue d’être inscrite pour l’application de la présente partie :

a)      les petits fournisseurs;

b)      les personnes dont la seule activité commerciale consiste à effectuer, par vente, des fournitures d’immeubles en dehors du cadre d’une entreprise;

c)      les personnes non-résidentes qui n’exploitent pas d’entreprise au Canada.

[16]        Selon les documents déposés en preuve, l’appelant était un petit fournisseur jusqu’au troisième trimestre de l’année 2008. En principe, il aurait dû percevoir et remettre la TPS sur ses fournitures taxables effectuées au cours du quatrième trimestre de l’année 2008 mais le ministre ne l’a pas cotisé pour cette période. Dans les circonstances, le ministre était justifié de faire commencer l’inscription de l’appelant rétroactivement au 1er janvier 2009.

[17]        Par conséquent, l’appelant est redevable au ministre du montant des ajustements apportés au calcul de sa taxe nette pour la période visée, en plus des intérêts et des pénalités pour non-production de ses déclarations de TPS.

[18]        J’ai peine à croire que l’appelant ait pu exploiter son entreprise pendant 22 ans sans qu’il n’ait été exposé d’une façon ou d’une autre à l’application de la TPS sur ses services. Au cours de la période visée, l’entreprise de l’appelant comptait une trentaine de clients dont plusieurs commerces. La conjointe de l’appelant travaillait dans une bijouterie et payait les factures de la bijouterie. Elle était donc familière avec l’application de la TPS sur les biens et les services acquis par la bijouterie. Enfin, l’appelant utilisait les services d’un comptable pour la préparation de ses déclarations de revenus aux fins de l’impôt. Je trouve aberrant que ce comptable n’ait pas informé l’appelant que la TPS pouvait s’appliquer à l’égard des services qu’il rendait vu que les revenus tirés de son entreprise dépassait 30 000 par année, et ce, depuis plusieurs années.

[19]        Pour ces motifs, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de décembre 2015.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 303

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-4227(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Jean-Yves Mongrain et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Shawinigan (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 5 novembre 2015

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 8 décembre 2015

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Alex Boisvert

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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