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Dossiers : 2015-1041(EI)

2015-1051(CPP)

Entre :

BIG BIRD TRUCKING INC.,

appelante,

et

le ministre du revenu national,

intimé.

[traduction française officielle]

 

Appels entendus le 15 décembre 2015, à Calgary (Alberta)

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Dan Misutka

Me Jean-François Perrouty

Avocate de l’intimé :

Me Mary Softley

 

JUGEMENT

Les appels interjetés en vertu du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi et du paragraphe 28(1) du Régime de pensions du Canada sont accueillis et les cotisations sont renvoyées au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et établisse de nouvelles cotisations en tenant compte du fait que R. Hyatt, D. Gilroy et M. Vinette n’étaient pas des employés.


Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de décembre 2015.

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de février 2016.

M.-C. Gervais


Référence : 2015 CCI 340

Date : 20151230

Dossiers : 2015-1041(EI)

2015-1051(CPP)

Entre :

BIG BIRD TRUCKING INC.,

appelante,

et

le ministre du revenu national,

intimé.

[traduction française officielle]


motifs du jugement

Le juge C. Miller

[1]             M. Corbeil est le propriétaire de l’appelante, Big Bird Trucking Inc. (« Big Bird »). En 2013, l’appelante a conclu un contrat avec trois personnes, R. Hyatt, D. Gilroy et M. Vinette, pour qu’elles conduisent ses camions. M. Corbeil soutient que ces personnes ont été engagées en qualité de chauffeurs contractuels – entrepreneurs indépendants. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») était d’avis que, pour l’application de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « LAE ») et du Régime de pensions du Canada (le « RPC »), les chauffeurs étaient des employés de l’appelante et il a rendu des décisions en ce sens. L’appelante interjette appel à l’encontre de ces décisions.

[2]             M. Corbeil a exploité une entreprise en qualité de propriétaire unique jusqu’en 2013. Au cours de cette année-là, il a eu l’occasion d’obtenir un contrat lucratif avec Canada North Camps pour le transport de baraques de chantier de Surprise, en Arizona, jusque dans le Nord de l’Alberta. M. Corbeil a constitué Big Bird en société. À ce moment-là, Big Bird comptait deux camions. M. Corbeil a décidé qu’il avait besoin de deux camions supplémentaires pour fournir le service de transport qu’exigeait ce contrat. Il a également établi qu’il avait besoin de chauffeurs et il a publié une annonce sur Kijiji demandant des chauffeurs compétents pour l’aider à exécuter ce contrat. MM. Gilroy, Hyatt et Vinette ont répondu à cette annonce. M. Gilroy est le seul chauffeur qui a témoigné.

[3]             M. Corbeil voulait certes engager les chauffeurs en tant qu’entrepreneurs indépendants. Il a déclaré dans son témoignage qu’il les avait informés d’emblée de cet arrangement, exigeant non seulement qu’ils lui fournissent leurs compétences professionnelles, permis, carnets de route et expérience, mais qu’ils aient ou obtiennent un numéro de taxe sur les produits et services (« TPS »). M. Corbeil a aussi déclaré qu’il avait clairement dit aux chauffeurs dès le départ qu’ils étaient libres de conduire ailleurs ou d’accepter d’autres clients lorsqu’il n’y avait aucun chargement à transporter pour Canada North Camps. Il a déclaré qu’il avait informé les chauffeurs qu’ils étaient tenus de présenter les factures après chaque chargement transporté au taux de 1 800 $ par chargement. Pendant qu’ils étaient liés par contrat avec Big Bird, les chauffeurs pouvaient conserver la garde des camions. M. Corbeil a même proposé que les chauffeurs puissent utiliser les camions de Big Bird pour d’autres travaux, à condition qu’il reçoive une part de l’argent leur étant payé. Comme nous le verrons sous peu, l’accord écrit ne reflétait pas cet aspect du marché. Dans son témoignage, M. Corbeil a aussi affirmé qu’il avait informé les chauffeurs qu’ils pouvaient engager des travailleurs suppléants à condition qu’ils possèdent les compétences requises. Aucun des trois chauffeurs n’a engagé de tels travailleurs. M. Gilroy a déclaré dans son témoignage qu’il ne croyait pas avoir eu ce choix.

[4]             Dans son témoignage, M. Corbeil a déclaré que les chauffeurs étaient tenus de signer un accord. Trois accords ont été présentés à l’instruction, tous identiques à l’exception des noms et des dates. L’accord de M. Gilroy portait la date du 1er septembre 2013 sur la première page, alors que la date du 2 septembre 2013 figurait sur la page de signature, que M. Gilroy a reconnu avoir signée. Il avait commencé à travailler en juillet et il a soutenu qu’il n’avait signé l’accord que deux mois plus tard. Il l’avait signé alors qu’il était au Montana sur le chemin du retour parce que M. Corbeil avait insisté pour qu’il signe l’accord. Il a soutenu qu’il avait signé l’accord sous la contrainte.

[5]             L’accord de M. Hyatt est daté à la première page, mais ne comporte pas de date sur la page de signature, bien que M. Hyatt semble l’avoir signée. L’accord de M. Vinette est daté du 15 juillet 2013, mais il n’est pas signé. Selon M. Corbeil, M. Vinette a convenu des modalités au départ, mais les a ensuite refusées et a laissé le camion quelque part dans le Sud de l’Alberta. M. Corbeil a dû aller le récupérer.

[6]             Que prévoyait l’accord écrit? L’accord n’est pas long et je l’ai donc joint en annexe A aux présents motifs. Il s’agit d’un document inhabituel, qui insiste apparemment davantage sur la nature de l’arrangement, soit celle d’un arrangement conclu avec un entrepreneur indépendant, plutôt que sur les précisions de cet arrangement. Le taux de rémunération du chauffeur n’est pas mentionné; aucun détail ne précise ce que constituent les dépenses [traduction] « normales » qui seraient remboursées; il n’y a aucune précision sur le nombre minimum de chargements qui seraient offerts; aucun taux de rémunération pour Big Bird n’est précisé si les chauffeurs utilisent les camions pour d’autres clients que les clients de Big Bird; l’accord renvoie à un manuel de politiques et de procédures et à des politiques en matière de sécurité qui n’ont pas été présentés en preuve; aucune précision n’est donnée quant à la façon dont les périodes d’attente devaient être traitées. Il s’agit simplement d’une entente selon laquelle Big Bird peut offrir des chargements à un chauffeur qui peut les refuser ou les accepter et, s’il les accepte, le chauffeur peut demander à un autre chauffeur de faire le travail. Si le chauffeur accepte le chargement, Big Bird fournit le camion et la remorque, ainsi que l’assurance. Afin d’être payé pour le transport d’un chargement, le chauffeur est tenu de présenter une facture. Voilà tout.

[7]             M. Corbeil a expliqué que les chauffeurs recevaient 1 800 $ par chargement pour le transport des marchandises de Surprise, en Arizona, à Edmonton, et un montant supplémentaire de 30 $ l’heure pour toute période de transport au-delà de ce voyage. Habituellement, le voyage durait environ une semaine : les chauffeurs ne recevaient pas de paiement supplémentaire si le voyage prenait plus de temps. Les chauffeurs étaient payés pour les périodes d’attente dont le client (Canada North Camps) était responsable et, si le client ne payait pas, Big Bird ne pouvait pas alors payer les chauffeurs. En ce qui concerne les dépenses, les chauffeurs pouvaient supporter des dépenses de peu d’importance sans approbation préalable. Toutefois, dans le cas de réparations plus importantes, une estimation devait être présentée à M. Corbeil. Selon le témoignage de M. Gilroy, chaque dépense devait être approuvée.

[8]             Il est évident que M. Corbeil exploitait une petite entreprise. Il n’avait pas de répartiteur. Il a déclaré qu’il fournissait uniquement [traduction] « le métal ». Je ne le vois pas tout à fait de cette manière. Il fournissait certes le métal, mais il offrait aussi les chargements visés par ce contrat important. Voilà la raison pour laquelle il a engagé les chauffeurs.

[9]             En ce qui concerne les factures, des copies ont été présentées en preuve. Mme Patchett, la commis comptable de Big Bird, a reconnu qu’un modèle avait été fourni aux chauffeurs. M. Gilroy a admis qu’il n’avait jamais vu les factures.

[10]        En ce qui a trait à la formation, si un chauffeur avait besoin d’une formation en matière de sécurité et qu’il ne pouvait se la permettre, Big Bird l’aidait. M. Gilroy a eu besoin d’une telle aide et n’a pas remboursé les frais relatifs à la formation.

[11]        Big Bird fournissait également aux chauffeurs une carte de carburant qui permettait d’économiser quelques cents par litre, bien qu’en fin de compte, c’était le client qui payait le carburant.

[12]        M. Gilroy était clairement une personne qui n’avait pas le souci du détail. À mon avis, il a vu une bonne affaire et il a accepté l’offre. Il a bel et bien demandé un numéro de TPS et signé l’accord, soutenant qu’il l’a signé sous la contrainte. Il n’a jamais établi de déclarations de TPS ni versé de TPS. Il a déclaré qu’il n’exploitait pas sa propre entreprise et ne pouvait se souvenir de la manière dont il avait déclaré ses revenus en 2013, puisqu’il laissait cela à son comptable.

[13]        Ces chauffeurs étaient-ils des entrepreneurs indépendants ou des employés de Big Bird? Il existe une jurisprudence abondante sur cette question, depuis le critère bien établi dans l’arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R.[1] jusqu’aux observations de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sagaz Industries Canada Inc. et al. c. 671122 Ontario Limited[2], en passant par l’introduction du facteur relatif à l’intention des parties dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet c. M.R.N.[3] et la manipulation de ce facteur par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt 1392644 Ontario Inc. (Connor Homes) c. Canada[4]. Compte tenu de toutes ces indications quant aux facteurs à prendre en compte et à la manière de structurer l’analyse, il y aura des cas, et j’estime qu’il s’agit d’un de ceux-là en l’espèce, dans lesquels la nature du travail est telle qu’elle peut facilement être, avec de petites modifications, soit un contrat de louage de services soit un contrat d’entreprise. Le contrat de travail écrit, sur lequel s’appuie fortement Big Bird à l’appui de sa position concernant le statut d’entrepreneur indépendant des chauffeurs, serait un point de départ approprié si Big Bird et les chauffeurs l’avaient volontiers signé pour refléter leurs intentions et leur entente. Je n’ai pas été convaincu qu’il a été conclu sur cette base, étant donné que M. Vinette n’a pas signé le contrat et que M. Gilroy l’a signé contre son gré, avouant qu’il ne l’avait pas lu. Il n’existe aucun élément de preuve concernant les circonstances dans lesquelles M. Hyatt a signé l’accord. J’accorde peu de poids à l’accord comme étant l’expression de l’intention des trois chauffeurs. Ce que le contrat n’est toutefois pas c’est l’expression d’un contrat de travail, non en raison du libellé qui ressemble au libellé d’un contrat avec un entrepreneur indépendant et que j’interprète comme du maquillage, mais en raison de son langage si vague. Il s’agit en effet d’un arrangement selon lequel Big Bird fournira ses camions aux chauffeurs si les chauffeurs acceptent ses offres de chargements de Canada North Camps. Les chauffeurs peuvent les refuser ou les accepter et ils peuvent travailler ailleurs si le cœur leur en dit. À cet égard, je constate que M. Gilroy est allé aider un parent à exploiter une ferme plutôt que de transporter un chargement aux termes de cet arrangement. Le fondement même de cet arrangement ne ressemble tout simplement en rien à un contrat de travail. Il n’y a aucun engagement des parties, il y a absence d’éléments de sécurité et absence de continuité et il existe un risque inhérent qu’une personne à la recherche d’un emploi ne trouverait pas attrayant. Pour sa part, un homme ou une femme d’affaires pourrait le considérer comme une option de rechange ou une occasion de remplir son horaire. Somme toute, le point de départ, pas tant du point de vue de « l’intention », mais simplement du point de vue de la nature d’un arrangement dont les modalités sont si imprécises, ne possède pas de façon inhérente la nature d’un emploi.

[14]        Ainsi, pour reprendre l’expression de la Cour d’appel fédérale, qui consiste à examiner les facteurs habituels (le contrôle, la propriété du matériel, le risque de perte et la possibilité de profit) sous un prisme, c’est sous le prisme de ce vague arrangement que ces facteurs seront examinés. Pris de façon objective, les facteurs étayent‑ils un contrat dont la nature est celle d’un contrat conclu avec un entrepreneur indépendant, c’est-à-dire Big Bird a-t-elle engagé les trois chauffeurs en qualité de personnes exploitant une entreprise pour leur propre compte, soit une entreprise de conduite de camion?

Le contrôle

[15]        L’intimé soutient que Big Bird contrôlait le chargement à transporter et l’endroit où il devait être livré, approuvait les réparations qui étaient effectuées et exigeait des copies des carnets de route. Ces facteurs qui, selon l’intimé, ont trait au contrôle ne sont pas, à mon avis, réellement une preuve de contrôle exercé sur les chauffeurs. Qu’il soit employé ou entrepreneur indépendant, un chauffeur ne pouvait pas dicter à l’expéditeur le chargement à expédier ni lui dire qu’il devait être livré ailleurs qu’au point de livraison que souhaitait l’expéditeur. En ce qui concerne les réparations, il en va de l’entreprise de transport de l’appelante de maintenir ces principaux éléments d’actif en bon état de marche. Cela n’a pas nécessairement un lien avec l’activité d’un chauffeur, qui consiste à conduire des camions. La tenue d’un carnet de route relève plus d’une exigence du chauffeur et en fournir une copie à l’appelante n’est pas une indication de contrôle. Non, je conclus qu’en ce qui a trait à des chauffeurs compétents, professionnels et possédant de l’expérience, le contrôle en l’espèce n’est pas un indicateur important dans un sens ou dans l’autre. Une conclusion semblable a été tirée dans une situation semblable que la Cour d’appel fédérale a examinée dans l’arrêt TBT Personnel Services Inc. c. Sa Majesté la Reine[5].

Le matériel

[16]        Il n’est pas implicite qu’un chauffeur professionnel ne peut pas exploiter une entreprise sans lui fournir un véhicule. Les chauffeurs fournissaient des services de chauffeurs de camion qui exigeaient les compétences et les permis nécessaires et, en l’espèce, la fourniture de certains outils. Laisser entendre que, parce qu’ils n’étaient pas propriétaires des camions, ils étaient au service du propriétaire des camions, donne à penser qu’il n’y a qu’une seule entreprise en cause et qu’il s’agit de l’entreprise de transport. Ceci ne permet pas de reconnaître la possibilité que les chauffeurs puissent exploiter une entreprise qui offre des services de chauffeurs de camion. À mon avis, le fait que le camion appartenait à Big Bird ne milite pas en faveur d’une conclusion selon laquelle les travailleurs étaient des employés.

L’embauche de chauffeurs suppléants

[17]        À l’instar de la conclusion dans l’arrêt TBT, M. Corbeil a déclaré que les chauffeurs pouvaient engager d’autres chauffeurs, ce que les accords écrits ont corroboré, mais personne ne l’a fait. J’accorde peu de poids à cet élément.

Le risque de perte

[18]        À l’égard de ce facteur, je fais une distinction entre l’arrêt TBT, qui accorde un poids important à la propriété des camions, et le fait que les chauffeurs n’encourraient aucun risque relativement à l’investissement dans les camions. Encore ici, cela laisse présupposer que le camion faisait partie de l’entreprise du chauffeur. Dans l’arrêt TBT, la Cour d’appel écarte le risque de dommages causés par la négligence du chauffeur. Il existe certainement une certaine part de risques à cet égard.

[19]        Toutefois, le risque lié à la conclusion de cet accord imprécis était qu’il se pouvait que Big Bird n’offre pas de chargements et que le chauffeur doive chercher des chargements ailleurs. De plus, si Canada North Camps refusait pour quelque raison que ce soit de payer Big Bird le coût des périodes d’attente, Big Bird ne paierait pas les chauffeurs. Il s’agit d’un certain risque. Je conclus que ce facteur milite quelque peu en faveur d’une conclusion selon laquelle les travailleurs étaient des entrepreneurs indépendants.

Le degré de responsabilité à l’égard des mises de fonds et de la gestion

[20]        Les mises de fonds qui étaient exigées des chauffeurs pour qu’ils puissent satisfaire à leurs obligations en matière de conduite étaient très faibles. De plus, la gestion du travail était également limitée. Des factures étaient dressées et présentées, bien que la preuve ait été contradictoire quant aux personnes qui s’occupaient de les dresser et de les présenter. Mme Patchett a reconnu que Big Bird avait préparé un modèle, mais qu’il revenait aux chauffeurs de dresser les factures et de les présenter. Je ne suis pas convaincu que, pour sa part, M. Gilroy l’a fait. Ce facteur milite plus en faveur d’une conclusion selon laquelle les travailleurs étaient des employés.

La possibilité de profit

[21]        Les chauffeurs étaient payés 1 800 $ par chargement qui prenait habituellement une semaine à transporter. Il y a peu d’éléments de preuve concernant la négociation du taux, quoique M. Gilroy ait déclaré que le taux était meilleur que plusieurs autres. Aucun élément de preuve ne donne à penser qu’un chauffeur pouvait transporter le chargement plus efficacement en moins d’une semaine. L’accord imprécis permettait toutefois à un chauffeur d’organiser son temps à son gré pour se prévaloir d’autres occasions si elles se présentaient. Je conclus que ce facteur n’est pas un facteur très déterminant dans un sens ou dans l’autre.

[22]        Comme je l’ai mentionné dès le départ, il existe certains arrangements qui pourraient être perçus d’un point de vue ou d’un autre en fonction de l’angle utilisé. En prenant du recul et en examinant la réalité de ce qui se passait dans la présente affaire, il y a bel et bien une entreprise de camionnage exploitée par un seul homme qui a besoin de chauffeurs pour exécuter un contrat attrayant. L’entreprise de camionnage ne compte pas de répartiteur. Un accord très vague est conclu avec des chauffeurs professionnels compétents pour transporter des chargements qui peuvent leur être offerts. Voilà tout. Une partie recherchait uniquement les services des chauffeurs. On ne sait pas très bien ce que les chauffeurs croyaient en ce qui a trait à l’arrangement. Les facteurs conventionnels ne sont pas aussi utiles qu’ils peuvent l’être, mais je fais pencher la balance quelque peu en faveur de l’existence d’un accord conclu avec un entrepreneur indépendant : les chauffeurs exploitaient une entreprise consistant à fournir des services de chauffeurs de camion.

[23]        Les appels sont accueillis et les cotisations sont renvoyées au ministre au motif qu’au titre des dispositions de la LAE et du RPC les chauffeurs n’étaient pas des employés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de décembre 2015.

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 4e jour de février 2016.

M.-C. Gervais


annexe A

[traduction]

BIG BIRD TRUCKING INC.

8063, rue Huntington NE

Calgary (Alberta)  T2K 5B8

403-512-2252

Le 1er septembre 2013

DAVID GILROY

1604‑703 Luxstone Square SO

Airdrie (Alberta)  T4B 3L3

Monsieur,

BIG BIRD TRUCKING INC. vous offre un contrat de chauffeur contractuel indépendant selon les modalités énoncées ci-dessous. Ce contrat remplace tout autre contrat qui peut exister à l’heure actuelle. Si vous convenez d’accepter le contrat selon les présentes modalités, veuillez signer un exemplaire de la présente lettre et le retourner à :

Terry Corbeil, BIG BIRD TRUCKING INC., à l’adresse ci-dessus.

Les modalités de votre contrat seraient les suivantes :

I. Fonctions, responsabilités et obligations

Vous aurez le titre de chauffeur contractuel indépendant pour BIG BIRD TRUCKING INC. Au départ, vous relèverez du propriétaire, Terry Corbeil, pour les chargements prévus au contrat qui seront offerts.

Vous travaillerez de manière indépendante à l’intérieur d’un cadre défini et vous devrez faire de votre mieux pour accomplir les fonctions et les responsabilités qui vous sont offertes. Vous serez tenu responsable financièrement si vous ne vous acquittez pas des obligations prévues aux contrats qui vous sont offerts.

Vous serez habituellement libre de travailler au moment et pour la personne de votre choix et vous pouvez fournir vos services à différents payeurs en même temps. Le contrat conclu entre BIG BIRD TRUCKING INC. et __David Gilroy_ [nom inscrit à la main dans l’original] ne constitue pas une continuité ou une garantie. Vous pouvez accepter ou refuser le travail de BIG BIRD TRUCKING INC.

BIG BIRD TRUCKING INC. fournira les camions et les remorques ainsi que l’assurance adéquate pour le matériel afin que le chauffeur contractuel indépendant puisse accomplir le travail. Vous serez tenu de fournir vos propres feuilles de contrôle, outils (c’est-à-dire un ordinateur pour la DDI et un coffre à outils), attestations de sécurité (SIMDUT, H2S Alive, premiers soins et RCR et TMD), équipement de protection individuel, CAT, formation et vêtements spécialisés requis pour le travail.

Vous pourrez engager une autre personne pour accomplir le travail à deux et vous assumerez les coûts à cet égard. Au cours de cette relation commerciale, vous gérerez vous-même les membres de votre personnel. Cela dit, le chauffeur contractuel indépendant doit posséder la formation nécessaire avant de commencer le travail, se conformer au programme de sécurité et de conformité de BIG BIRD TRUCKING INC. et suivre la procédure d’embauche d’un chauffeur contractuel indépendant pour respecter les règles du ministère des Transports de l’Alberta et du département des Transports des États-Unis.

BIG BIRD TRUCKING INC. exige que vous fournissiez un dossier de conduite à jour, un numéro de TPS, et une copie de votre permis de conduire de classe 1 et de votre passeport. Vous devez également subir les tests de dépistage d’alcool et de drogues préalables à l’embauche conformément au Manuel de politiques et de procédures de BIG BIRD TRUCKING INC.

BIG BIRD TRUCKING INC. exige que le chauffeur contractuel indépendant puisse travailler sans supervision et choisir les meilleurs moyens pour arriver au résultat final afin de répondre aux exigences du contrat.

2. Remboursement de dépenses et rémunération

En qualité de chauffeur contractuel indépendant, vous et votre entreprise recevrez le paiement du contrat d’entreprise après avoir dûment présenté une facture pour les services fournis. Veuillez fournir un chèque portant la mention « ANNULÉ » pour votre entreprise, car BIG BIRD TRUCKING INC. paie ses fournisseurs par dépôt direct.

BIG BIRD TRUCKING INC. vous remboursera toutes les dépenses que vous supporterez dans le cours des activités exercées pour le compte de BIG BIRD TRUCKING INC. Des états des dépenses doivent accompagner votre facture et être approuvés par le propriétaire, Terry Corbeil. Les dépenses supérieures à 20 $ doivent être accompagnées d’un reçu.

10. Règles et politiques

Vous acceptez de vous conformer aux politiques en vigueur ou modifiées de BIG BIRD TRUCKING INC. en matière de sécurité.

Vous serez chargé de verser vos propres retenues à la source fédérales et provinciales à l’ARC et, si vous êtes un propriétaire unique, vous devez déclarer vos revenus d’entreprise comme faisant partie de votre revenu personnel. Veuillez prendre note que les chauffeurs contractuels indépendants ne sont pas admissibles à l’assurance‑emploi.

Si vous êtes un entrepreneur constitué en société, n’oubliez pas de produire une déclaration de revenus des sociétés (T2) à l’ARC et de produire une déclaration de revenus provinciale annuelle au ministère des Finances de l’Alberta.

Si vous acceptez le présent contrat selon les modalités énoncées ci-dessus, veuillez signer et retourner un exemplaire de cette lettre à BIG BIRD TRUCKING INC., Terry Corbeil, propriétaire, à l’adresse mentionnée ci‑dessus.

L’autre exemplaire est destiné à vos dossiers.

Veuillez accepter l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Jill Patchett, contrôleuse

BIG BIRD TRUCKING INC


reconnaissance et acceptation

Je, David Gilroy, reconnais avoir lu et compris la présente lettre et je conviens par les présentes d’accepter le poste de chauffeur contractuel indépendant auprès de BIG BIRD TRUCKING INC. selon les modalités énoncées dans la présente lettre. Je reconnais que la présente lettre constitue notre entente complète et que toutes les déclarations de BIG BIRD TRUCKING INC. sont énoncées dans la présente lettre.

 

David Gilroy                                                                         Date

Chauffeur contractuel indépendant

 


RÉFÉRENCE :

2015 CCI 340

NOS des dossiers de la cour :

2015-1041(EI), 2015-1051(CPP)

Intitulé :

Big Bird Trucking Inc. et Le Ministre du Revenu national

Lieu de l’audience :

Calgary (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 décembre 2015

Motifs du jugement :

L’honorable juge Campbell J. Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 31 décembre 2015

Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Dan Misutka

Me Jean-François Perrouty

Avocate de l’intimé :

Me Mary Softley

Avocats inscrits au dossier :

Pour l’appelante :

Noms :

Dan Misutka

Jean-François Perrouty

Cabinet :

Droit fiscal Deloitte S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           87 DTC 5025.

 

[2]           2001 CSC 59.

 

[3]           2006 CA87.

 

[4]           2013 CAF 85.

 

[5]           2011 CAF 256.

 

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