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Dossier : 2012-1409(IT)G

ENTRE :

ANDRÉ MALLETTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 2 novembre 2015 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse


Comparutions :

Avocats de l’appelant :

Me Jeff Kirshen

Me Jason C. Rosen

 

Avocat de l’intimée :

Me Craig Maw

JUGEMENT

L’appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2008 est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

L’intimée a droit à ses dépens.

Signé à Kingston (Ontario), ce 27e jour de janvier 2016.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d’août 2016.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2016 CCI 27

Date : 20160127

Dossier : 2012-1409(IT)G

ENTRE :

ANDRÉ MALLETTE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

Aperçu

[1]             André Mallette interjette appel de la pénalité pour faute lourde qui lui a été imposée conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) [la « Loi »] relativement à sa déclaration de revenus de l’année d’imposition 2008 et à une demande connexe de report rétrospectif de pertes pour les années d’imposition 2005, 2006 et 2007. Des spécialistes en déclarations de revenus, connus sous le nom de Fiscal Arbitrators (« FA »), avaient préparé sa déclaration de revenus de façon à déclarer de fausses pertes d’entreprise très élevées s’élevant à plus de 520 000 $. Si ces pertes avaient été admises, tout ou presque tout l’impôt payé ou retenu à la source pour les années d’imposition 2005, 2006, 2007 et 2008 aurait été remboursé à l’appelant. Le fait est que les pertes d’entreprise déclarées n’ont jamais existé. L’Agence du revenu du Canada (« l’ARC ») a rejeté lesdites pertes et a pénalisé l’appelant conformément au paragraphe 163(2) de la Loi. La présente affaire vise seulement les pénalités imposées.

Contexte factuel

[2]             André Mallette habite Gatineau, au Québec. Après avoir fréquenté le cégep au Québec, il a poursuivi ses études à l’Université de Toronto, où il a obtenu en 1980 un baccalauréat ès sciences en foresterie. Il s’agit habituellement d’un programme de quatre ans, mais puisqu’il a obtenu des crédits pour ses études au cégep, il a pu obtenir son diplôme universitaire en trois ans. Après avoir obtenu son diplôme, il a commencé à travailler dans l’industrie des pâtes et papiers et de la foresterie. Il était connu comme quelqu’un d’entreprenant qui pouvait travailler de façon autonome. Il a occupé plusieurs postes importants, à commencer par un poste de contremaître en exploitation forestière, et a progressé à un poste d’approvisionnement en matières fibreuses, puis à un poste de gestionnaire de projets responsable du mesurage du bois à cinq usines différentes. Ce dernier poste était un poste de cadre intermédiaire qui lui demandait de travailler avec des budgets, d’effectuer l’affectation des ressources et de faire le suivi des coûts. Il était responsable de nombreux employés, peut-être jusqu’à 95 à la fois. Il avait assez de résilience pour survivre à plusieurs restructurations d’entreprises alors que d’autres personnes autour de lui étaient mises de côté. Il a continué à travailler dans cette industrie pendant 28 ans jusqu’à la fin du mois de mai 2008, lorsqu’il a été licencié par son employeur d’alors, AbitibiBowater, après une restructuration. Il avait alors 51 ans. Avant d’être licencié, il était assez débrouillard pour lancer une entreprise de consultation en foresterie, et s’est constitué en société sous le nom de Casoma Forest Management Inc. Cette entreprise a continué ses activités après son licenciement. L’appelant a témoigné qu’il n’a suivi aucun cours en fiscalité ou en comptabilité, mais qu’il a suivi des cours en économie. La préparation des déclarations de revenus ne lui est pas inconnue, puisqu’il avait rempli et produit ses propres déclarations de revenus entre 1980 et 2006.

[3]             L’appelant a témoigné avoir été présenté à Philippe Joanisse à un certain moment en 2007 par l’entremise de son entraîneur personnel. M. Joanisse est le directeur national des ventes pour un organisme appelé Frieslander Financials (« FF »). FF est prétendument composé d’experts des possibilités financières et des reports d’impôt. À ce moment, M. Joanisse poursuivait diverses occasions de vente multiniveau comme activité secondaire. L’appelant est devenu ami avec M. Joanisse et les deux se côtoyaient souvent.

[4]             M. Joanisse a convaincu l’appelant d’investir dans certaines occasions. Certaines de ces occasions comprenaient des investissements dans l’or et le pétrole pouvant offrir un rendement du capital investi allant jusqu’à 30 %. Ces occasions d’investissement étaient pour une raison ou une autre liées à l’utilisation des services de FA, que l’on décrivait comme des fiscalistes de Toronto anciennement à l’emploi de l’ARC. Afin de profiter de ces occasions d’investissement promues par M. Joanisse, l’appelant devait recourir aux services de FA. L’argent économisé grâce aux services de FA servirait à financer les investissements promus par M. Joanisse.

[5]             L’appelant a assisté à des présentations données par M. Joanisse concernant FA. Ces présentations avaient pour but d’expliquer un stratagème d’économies fiscales qui donnerait lieu à un maximum de remboursements. L’appelant avait compris qu’il pouvait déduire toutes ses dépenses personnelles en leur opposant ses revenus selon une certaine théorie du mandant et du mandataire. Il avait compris qu’un particulier pouvait être séparé en deux entités aux fins de l’impôt : André Mallette, la personne physique qui est le mandataire, et André Mallette, une entité fictive créée par son numéro d’assurance sociale, qui est le mandant. Le mandataire génère des revenus pour le mandant, et le mandataire peut déduire les dépenses engagées pour générer ces revenus. Apparemment, ces dépenses sont toutes des dépenses personnelles de l’appelant qui ont été engagées pour permettre à André Mallette, le mandant, de gagner des revenus. L’appelant convient qu’il était à la fois le mandant et le mandataire. L’appelant convient qu’il ne s’agissait d’aucune façon d’une relation d’affaires. FA exigeait des frais initiaux de 500 $ et l’appelant devait également payer à FA 20 % (moins les frais initiaux de 500 $) de tout remboursement d’impôt qu’il recevrait. L’appelant a reconnu que FA proposait un stratagème qui aurait pour conséquence qu’il ne paierait aucun impôt sur le revenu pendant quatre ans et qu’il y avait même la possibilité de prolonger la période de congé fiscal de manière rétroactive sur les 10 dernières années. Il a affirmé qu’à l’époque, cela avait du sens pour lui de déduire dans sa déclaration de revenus une importante perte d’entreprise qu’il n’a jamais subie. Décrire cette déduction comme une perte d’entreprise était la seule façon que l’ARC l’accepterait, puisque les formulaires de déclaration de revenus ne permettaient aucun autre type de description. L’appelant ne savait pas qui était FA et n’avait jamais entendu parler de ce groupe auparavant. Il a effectué quelques recherches sur Internet à la fois sur FA et sur FF et n’a rien trouvé de négatif, alors il a supposé qu’ils étaient honnêtes. Cependant, il n’a pas cherché à obtenir les conseils d’un comptable fiscaliste, d’un avocat fiscaliste ou de l’ARC concernant la légitimité de ce stratagème d’économies fiscales.

[6]             Sa déclaration de revenus de 2008 a été préparée par FA et a ensuite été envoyée à M. Joanisse de FF pour qu’elle soit présentée à l’appelant et passée en revue avec lui. La pièce R-1, onglet 2, est la déclaration de revenus de 2008 de l’appelant, datée du 27 mai 2009. L’appelant convient que, lorsqu’il a reçu la déclaration de revenus remplie, il était censé y jeter un coup d’œil, ce qu’il a effectivement fait. Par conséquent, je suis d’avis qu’il connaissait son contenu. Dans sa déclaration de revenus, il a déclaré un revenu d’emploi de 109 120,02 $, d’autres revenus de 62 483,75 $ (qu’il décrit comme une indemnité de départ) et une somme perçue à titre de [traduction] « mandataire pour le mandant non déclarée par un tiers » de 30 865,75 $. L’appelant admet qu’il s’agit d’une somme qu’il n’a jamais gagnée et qu’il n’a jamais reçue. Cela a eu comme résultat un revenu d’entreprise décrit comme une [traduction] « somme totale perçue à titre de mandataire du mandant » de 202 342,13 $ (état des activités de mandataire, pièce R-1, onglet 1). Il a déclaré des dépenses d’entreprise de 551 729,13 $, décrites comme un [traduction] « montant versé au mandant en contrepartie de la main-d’œuvre ». Cela a eu comme résultat des pertes d’entreprise nettes de 520 863,38 $, déclarées à la ligne 135 de sa déclaration de revenus. L’appelant a déclaré qu’il s’agissait du montant que FA lui a dit qu’il pouvait déduire comme dépenses. Il n’explique pas et ne sait même pas comment ce montant a été calculé. Il n’a jamais fourni à FA une liste détaillée des dépenses, alors la façon dont FA a pu parvenir à des dépenses de plus d’un demi-million de dollars m’est incompréhensible. L’appelant a déduit 163 325,38 $ de ces pertes d’entreprise dans sa déclaration de revenus de 2008. Il a également signé une demande de report rétrospectif de pertes (pièce R-1, onglet 3), où il a demandé que le solde de ces pertes d’entreprise soit reporté aux années 2005, 2006 et 2007 en tant que pertes autres que des pertes en capital et qu’il soit utilisé pour réduire son revenu de ces années. Il me semble évident que ce tour de « passe-passe » fiscal aurait pour conséquence d’exonérer d’impôts l’appelant pour les années 2005 à 2008 : un résultat des plus étonnants.

[7]             Il est évident que cette déclaration de revenus contient des renseignements manifestement faux. L’appelant n’a jamais gagné un revenu de 30 865,75 $ comme « mandataire pour le mandant ». Pourtant, il a déclaré ce montant comme revenu gagné. L’appelant n’a jamais engagé les dépenses décrites comme « montant versé au mandant en contrepartie de la main-d’œuvre » ou n’importe quelle dépense de quelque nature que ce soit s’élevant à plus d’un demi-million de dollars au cours de cette année. Il s’agit d’un énorme mensonge. Il n’y avait aucune entreprise commerciale du tout entre le mandataire et le mandant. Il n’y a eu aucun échange d’argent entre le mandataire et le mandant, et il ne pouvait y en avoir puisque le mandataire et le mandant étaient la même personne. Sur la première page de la déclaration de revenus, l’appelant est décrit comme étant célibataire, alors qu’en réalité il était marié. Toute l’information qui précède est manifestement fausse. Pourtant, l’appelant admet qu’il a signé la dernière page de la déclaration de revenus, certifiant ainsi que les renseignements figurant dans la déclaration étaient exacts, complets et révélaient la totalité de ses revenus.

[8]             FA a fait des demandes inhabituelles à l’appelant relativement à sa déclaration de revenus. Le mot [traduction] « par » devait apparaître devant la signature de l’appelant à tous les endroits où il signait. L’appelant sait que cela signifie qu’il ne signait pas en son nom, mais au nom de quelqu’un d’autre. Pourtant, il s’agissait de sa propre déclaration de revenus, et non de celle de quelqu’un d’autre. Il n’a reçu aucune explication indiquant pourquoi il devait faire cela. Il devait écrire son nom en lettres majuscules sur l’état des activités de mandataire et utiliser une encre bleue. Il n’a reçu aucune explication indiquant pourquoi il devait faire cela. L’appelant a simplement été informé que FA avait préparé la déclaration de cette façon et que c’est de cette façon qu’elle doit être préparée pour que le stratagème d’économies fiscales fonctionne. De plus, FA a suggéré que l’appelant ne fournisse pas à l’ARC son numéro de téléphone, qu’il ne parle pas directement avec l’ARC, qu’il remette toute la correspondance reçue de l’ARC à FA, qu’il ne produise pas sa déclaration de façon électronique et qu’il ne demande pas le dépôt direct du remboursement. On peut se demander pourquoi.

[9]             L’appelant savait qu’il allait recevoir un remboursement d’environ 21 400 $ pour 2008, et qu’il pouvait s’attendre à un remboursement total de 178 235,26 $ pour la période de quatre ans allant de 2005 à 2008 (pièce A-1, onglet 67), une somme considérable. Il a effectivement reçu un chèque de remboursement pour l’année 2008 de 25 500 $. L’appelant a fait un chèque à FA représentant 20 % de ce remboursement (moins 500 $) et a donné à FF le restant pour qu’il soit investi. Ces investissements n’ont pas porté fruit. Depuis, FF a fait faillite et l’appelant a tout perdu.

[10]        L’ARC a envoyé une lettre datée du 7 avril 2010 (pièce R-1, onglet 4) à l’appelant pour obtenir davantage de renseignements concernant ses pertes d’entreprise déclarées de 520 863,38 $ pour 2008. L’ARC a exigé qu’il remplisse un questionnaire d’entreprise et présente les documents sources qui étayeraient les dépenses d’entreprise déclarées. Le 8 septembre 2010, l’ARC a envoyé une autre lettre (pièce R-1, onglet 5) à l’appelant afin de l’informer de son intention de rejeter les pertes d’entreprise déclarées et afin de l’informer de l’imposition probable de pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Cette lettre a été transmise à M. Joanisse. M. Joanisse ou FA a rédigé une réponse pour l’appelant. Cette réponse (pièce R-1, onglet 6, et pièce A-1, onglet 19) n’avait aucun sens, pas même pour l’appelant. Il a témoigné avoir lu la lettre trois fois lorsqu’il l’a reçue et qu’il ne sait toujours pas ce qu’elle signifie. Pourtant, elle a été envoyée à l’ARC non signée. Cette lettre ne répondait pas du tout aux préoccupations soulevées par l’ARC.

[11]        L’ARC n’a jamais reçu les renseignements demandés. L’ARC a par la suite rejeté les pertes d’entreprise et a établi la cotisation de l’appelant en conséquence. L’ARC a également imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. L’appelant s’est opposé à cette cotisation, mais elle a été ratifiée, d’où le présent appel.

[12]        L’appelant soutient qu’il est la victime innocente d’un stratagème fiscal frauduleux pensé par M. Joanisse et par FA et qui lui a coûté cher. Il a, en tout temps, accordé sa confiance à M. Joanisse, qu’il connaissait et en qui il avait confiance depuis 18 mois. Il n’a pas sciemment, ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, signé une déclaration de revenus incorrecte ou contenant de faux renseignements. Par conséquent, l’appelant demande que l’appel soit accueilli et que l’affaire soit renvoyée au ministre du Revenu national (le « ministre ») pour l’établissement d’une nouvelle cotisation, au motif que les pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) ne sont pas appropriées dans les circonstances.

[13]        L’intimée soutient que la déclaration de revenus de 2008 de l’appelant contenait de faux renseignements d’une telle ampleur qu’ils permettraient à l’appelant, s’ils étaient admis, de récupérer tout l’impôt payé ou retenu de 2005 à 2008. L’intimée soutient que l’appelant savait que ces déclarations étaient fausses. Subsidiairement, l’appelant a fait ces faux énoncés, y a consenti ou y a acquiescé dans des circonstances équivalant à faute lourde. À tout le moins, l’appelant a fait preuve d’aveuglement volontaire quant à la fausseté des énoncés fournis dans sa déclaration de revenus et la demande connexe relativement au report rétrospectif des pertes. L’intimée invite la Cour à rejeter l’appel avec dépens.

Dispositions législatives

[14]        Le paragraphe 163(2) de la Loi se lit en partie comme suit :

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité [...]

[15]        En vertu du paragraphe 163(3), le ministre a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

Analyse

[16]        Notre régime fiscal repose à la fois sur l’autocotisation et l’autodéclaration. Il repose sur l’honnêteté et l’intégrité du contribuable. Le contribuable a le devoir de déclarer la totalité de son revenu imposable de manière correcte et exacte, peu importe qui prépare sa déclaration de revenus. Par conséquent, le contribuable doit être vigilant et s’assurer que les renseignements fournis dans sa déclaration sont complets et exacts. Comme l’a indiqué le juge Martineau dans la décision Northview Apartments Ltd. c. Canada (Procureur général), 2009 CF 74, au paragraphe 11 : « Le régime fiscal repose sur l’autocotisation et l’autodéclaration, dont sont responsables les contribuables envers l’ARC. »

[17]        Dans l’arrêt R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, les juges Iacobucci et Major de la Cour suprême du Canada ont expliqué les responsabilités et les devoirs des contribuables, ainsi que quelques mesures prévues dans la Loi pour les encourager à observer celle-ci :

49 Toute personne résidant au Canada au cours d’une année d’imposition donnée est tenue de payer un impôt sur son revenu imposable, calculé selon les règles prescrites par la Loi (LIR, article 2 [...]). Le processus de perception des impôts repose principalement sur l’autocotisation et l’autodéclaration : tous les contribuables sont tenus d’estimer le montant de leur impôt annuel payable (art. 151) et d’en informer l’ADRC dans la déclaration de revenu qu’ils sont tenus de produire (par. 150(1)) [...] Dès qu’il reçoit la déclaration de revenu d’un contribuable, le ministre l’examine « avec diligence », fixe le montant de l’impôt à payer ou celui du remboursement et envoie au contribuable un avis de cotisation à cet effet (par. 152(1) et (2)). Sous réserve de certaines restrictions, le ministre peut par la suite établir une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt du contribuable pour une année d’imposition (par. 152(4)).

50 Bien que l’observation volontaire de la loi et l’autocotisation constituent les éléments essentiels du régime réglementaire de la LIR, le système fiscal est doté de [traduction] « mécanismes de persuasion visant à inciter les contribuables à déclarer leurs revenus » [...]. Par exemple, pour favoriser l’aspect d’autodéclaration du régime, l’art. 162 de la LIR établit des peines pécuniaires pour les personnes qui omettent de produire leur déclaration de revenu. De même, pour inciter le contribuable à faire preuve de minutie et d’exactitude dans le cadre de l’autocotisation, l’art. 163 de la Loi prévoit le même type de pénalités pour les personnes qui omettent de façon répétée de déclarer un montant à inclure, qui sont complices d’un faux énoncé ou d’une omission ou qui commettent une faute lourde à cet égard.

51 Il découle des caractéristiques fondamentales de l’autocotisation et de l’autodéclaration que le succès de l’application du régime fiscal repose avant tout sur la franchise du contribuable. Comme le juge Cory l’a affirmé dans l’arrêt Knox Contracting, précité, p. 350 : « Le système d’imposition dépend entièrement de l’intégrité du contribuable qui déclare et évalue son revenu. Pour que le système fonctionne, les déclarations doivent être remplies honnêtement ». Il n’est donc pas étonnant que la Loi tente de restreindre le risque qu’un contribuable essaie de « tirer profit du régime d’auto-déclaration pour tenter d’éviter de payer sa pleine part du fardeau fiscal en violant les règles énoncées dans la Loi ». [...]

[Non souligné dans l’original. Renvois omis.]

[18]        Les pénalités prévues à l’article 163 de la Loi ont été établies pour assurer l’intégrité de notre régime d’autocotisation et d’autodéclaration, et pour inciter le contribuable à faire preuve de minutie et d’exactitude dans la préparation de sa déclaration de revenus, peu importe qui la prépare. Dans la décision Sbrollini c. La Reine, 2015 CCI 178, le juge Boyle de la présente Cour était d’avis que les pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi traduisent ce qui suit :

15 […] [L]’importance des exigences d’honnêteté et de fidélité requises dans le cadre du régime fiscal canadien d’autodéclaration des revenus […].

16 De telles pénalités sont dûment payables par [le contribuable] s’il a délibérément, ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait de faux énoncés ou des omissions dans ses déclarations, ou y participe, y consent ou y acquiesce.

[19]        Par conséquent, la décision de soumettre ou non un contribuable aux pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi doit être prise en regard des responsabilités et des devoirs imposés au contribuable par un régime d’autodéclaration et d’autocotisation, c’est-à-dire de déclarer des revenus complets et exacts.

[20]        Deux éléments doivent nécessairement être établis pour reconnaître un contribuable passible des pénalités prévues au paragraphe 163(2) :

a)       un faux énoncé dans une déclaration;

b)      le fait d’avoir, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait le faux énoncé ou d’y avoir participé, consenti ou acquiescé.

[21]        Il n’y a aucun doute que la déclaration de 2008 de l’appelant et sa demande de report rétrospectif des pertes comportaient de fausses déclarations : il n’avait pas de dépenses d’entreprise dépassant un demi-million de dollars! Il s’agit de la plus flagrante des faussetés contenues dans sa déclaration de revenus. Sa déclaration de pertes d’entreprise n’a aucun fondement en fait et est manifestement fausse.

[22]        Il ressort clairement de la preuve que l’appelant a effectivement passé en revue sa déclaration de revenus et connaît par conséquent son contenu. Il savait qu’il n’avait pas de dépenses d’entreprise d’une telle ampleur et il savait que cette information n’était tout simplement pas vraie. Cela justifie en soi l’imposition de pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi pour avoir sciemment fait un faux énoncé, y avoir participé, consenti ou acquiescé. Même s’il croyait sincèrement que le stratagème d’économies fiscales conçu par FA était légitime, ce qui n’était évidemment pas le cas, il savait quand même qu’il était loin d’avoir engagé près d’un demi-million de dollars en dépenses de toutes sortes cette année-là. Il n’a jamais fourni à FA des renseignements qui permettraient le calcul d’un tel montant de dépenses. Par conséquent, il savait qu’il s’agissait d’un montant fictif. L’appel doit être rejeté pour ce motif à lui seul.

[23]        Cependant, si j’ai tort quant à ma conclusion qu’il a sciemment fait cette fausse déclaration ou qu’il y a participé, consenti ou acquiescé, je devrais évaluer s’il a fait cette fausse déclaration ou s’il y a participé, consenti ou acquiescé dans des circonstances équivalant à faute lourde. Comme je l’ai mentionné précédemment, il incombe à la Couronne de prouver qu’il y a faute lourde. Il ne suffit pas à la Couronne de prouver qu’il y a eu une simple négligence, elle doit prouver que l’appelant a commis une faute lourde.

[24]        La négligence s’entend du défaut d’agir avec autant de soin que ne l’aurait fait une personne raisonnablement prudente et minutieuse dans les mêmes circonstances. La faute lourde implique une négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi; voir la décision Venne c. Canada, [1984] A.C.F. no 314 (QL). Dans la décision Farm Business Consultants Inc. c. Canada, [1994] A.C.I. no 760 (QL), le juge Bowman (tel était alors son titre) de la Cour canadienne de l’impôt a déclaré au paragraphe 23 que l’expression « faute lourde », au paragraphe 163(2), définit un comportement caractérisé par un degré de négligence si élevé qu’il frise l’insouciance. Dans un tel cas, une cour doit même en appliquant une norme de preuve civile étudier soigneusement la preuve et chercher un degré de probabilité supérieur à celui auquel on s’attendrait dans des situations où l’on cherche à établir le bien-fondé d’allégations moins sérieuses (paragraphe 28).

[25]        Il est également bien établi que la faute lourde peut comprendre l’« aveuglement volontaire ». La notion d’« aveuglement volontaire », bien connue du droit criminel, a été expliquée par le juge Cory de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Hinchey, [1996] 3 R.C.S. 1128. Selon la règle, si une partie qui a des soupçons omet délibérément de se renseigner davantage parce qu’elle désire demeurer dans l’ignorance, elle est réputée être au courant. L’« aveuglement volontaire » se produit lorsqu’une personne qui a ressenti le besoin de se renseigner refuse de le faire parce qu’elle ne veut pas connaître la vérité. Il existe un soupçon que le défendeur a délibérément omis de transformer en connaissance certaine. Le défendeur « a fermé les yeux » ou était « volontairement aveugle ».

[26]        La notion d’« aveuglement volontaire » est applicable aux affaires fiscales; voir les décisions Canada c. Villeneuve, 2004 CAF 20, et Panini c. Canada, 2006 CAF 224. Dans l’arrêt Panini, le juge Nadon a clairement indiqué que la notion d’« aveuglement volontaire » est incluse dans la notion de « faute lourde », puisque ce terme est utilisé au paragraphe 163(2) de la Loi. Il a déclaré ce qui suit :

43 […] le droit imputera une connaissance au contribuable qui, dans des circonstances qui lui commanderaient ou lui imposeraient de s’enquérir de sa situation fiscale, refuse ou néglige de le faire sans raison valable.

[27]        Il a été jugé que, pour établir la distinction entre la faute « ordinaire » ou la faute « lourde », il faut examiner plusieurs facteurs :

a)       l’importance de l’omission relative au revenu déclaré;

b)      la faculté du contribuable de découvrir l’erreur;

c)       le niveau d’instruction du contribuable et son intelligence apparente;

d)      l’effort réel de se conformer à la loi.

Aucun facteur ne prédomine. Il faut accorder à chacun de ces facteurs le poids qu’il convient dans le contexte de l’ensemble de la preuve (voir les décisions DeCosta c. La Reine, 2005 CCI 545, au paragraphe 11; Bhatti c. La Reine, 2013 CCI 143, au paragraphe 24; et McLeod c. La Reine, 2013 CCI 228, au paragraphe 14).

[28]        Dans la décision Torres c. La Reine, 2013 CCI 380, le juge C. Miller a fait un examen très approfondi de la jurisprudence touchant les pénalités pour faute lourde applicables en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Il a résumé les principes directeurs à appliquer au paragraphe 65 :

a)         La connaissance d’un faux énoncé peut être déduite d’un aveuglement volontaire.

b)         La notion d’aveuglement volontaire peut être appliquée aux pénalités pour faute lourde prévues par le paragraphe 163(2) de la Loi. [...]

c)         Pour savoir s’il y a eu ou non aveuglement volontaire, il faut tenir compte du niveau d’instruction et d’expérience du contribuable.

d)         Pour conclure à un aveuglement volontaire, il doit y avoir eu nécessité de s’informer, ou soupçon d’une telle nécessité.

e)         Les facteurs laissant supposer la nécessité de s’informer avant la production d’une déclaration […] comprennent ce qui suit :

i)          l’importance de l’avantage ou de l’omission;

ii)         le caractère flagrant du faux énoncé et la facilité avec laquelle il peut être décelé;

iii)        l’absence, dans la déclaration elle-même, d’une attestation du spécialiste qui a établi la déclaration;

iv)        les demandes inusitées du spécialiste;

v)         le fait que le spécialiste était auparavant inconnu du contribuable;

vi)        les explications inintelligibles du spécialiste;

vii)       le point de savoir si d’autres personnes ont eu recours au spécialiste ou ont fait des mises en garde à l’encontre de ce dernier, ou le point de savoir si le contribuable lui-même hésite à s’en ouvrir à d’autres.

f)         Le dernier critère de l’aveuglement volontaire est le fait que le contribuable ne s’enquiert pas auprès du spécialiste pour comprendre la déclaration de revenus, ni ne s’enquiert aucunement auprès d’un tiers, ou auprès de l’ARC elle-même.

[29]        Il ne s’agit certainement pas d’une liste exhaustive, et il peut y avoir d’autres facteurs à prendre en considération en fonction des circonstances de chaque cas particulier.

[30]        L’appelant a fait des études universitaires, est parfaitement bilingue et a connu du succès dans l’industrie en parvenant à un poste de cadre intermédiaire important avant que son poste ne devienne superflu. Il se présentait comme une personne intelligente, charmante, sophistiquée et éloquente. Il est un fonceur et une personne entreprenante et clairement motivée. Il connaît bien la préparation des déclarations de revenus puisqu’il a préparé ses propres déclarations de 1980 à 2006, inclusivement. Il est un homme d’affaires avisé, qui comprend donc les concepts de base des affaires comme les pertes et les profits. L’appelant n’est pas dénué d’éducation ou de compréhension de base de certains concepts comme les affaires et les impôts pour invoquer l’ignorance. Son niveau d’instruction, son expérience et son intelligence ne sont pas des considérations pouvant soustraire l’appelant à la conclusion qu’il a fait de faux énoncés dans des circonstances équivalant à faute lourde. En fait, étant donné son niveau d’instruction, son intelligence et son expérience de la vie, je trouve tout simplement stupéfiant qu’il se soit fait duper par un stratagème d’économies fiscales si visiblement frauduleux.

[31]        De nombreux signes avant-coureurs ou signaux d’alarme auraient dû éveiller ses soupçons et susciter en lui le besoin de se renseigner davantage.

a)       Structure des frais : FA demandait des frais s’élevant à 20 % des remboursements. Si le stratagème avait fonctionné, cela aurait donné lieu à des frais de 35 647,05 $, à partir des remboursements totaux prévus de 178 235,26 $. Il s’agit de frais exorbitants pour simplement remplir quelques formulaires. Ceci aurait dû amener l’appelant à mettre en cause la légitimité de ce stratagème d’économies fiscales.

b)      Spécialiste auparavant inconnu du contribuable : L’appelant ne savait pas qui était FA. FA n’était pas un grand cabinet de spécialistes en comptabilité fiscale, et a pourtant pensé à cet incroyable stratagème d’économies fiscales. Remarquablement, l’appelant ne pouvait pas traiter directement avec FA; il devait le faire par l’entremise de M. Joanisse. On peut se demander pourquoi. Bien que l’appelant ait effectué des recherches sur Internet concernant à la fois FF et FA, le fait qu’il n’a pas trouvé de renseignements négatifs ne donnait pas une légitimité au stratagème d’économies fiscales de FA. Il s’agit peut-être d’un moindre facteur, mais pris en considération avec tous les autres facteurs, il aurait dû inciter l’appelant à être plus prudent.

c)       Lien entre les investissements de FF et les services de FA : D’après ce que j’ai compris de la preuve de l’appelant, il pouvait seulement participer aux occasions d’investissement de FF s’il utilisait les services de FA. Ce sont les économies qu’il réaliserait par l’entremise de FA qui financeraient les investissements. Il s’agit certainement d’une étrange relation symbiotique qui aurait dû alerter l’appelant pour qu’il mette en doute le stratagème d’économies fiscales et d’investissement.

d)      Caractère spécieux du stratagème d’économies fiscales : Le stratagème proposé par FA était complètement ridicule et cela aurait dû sauter aux yeux de l’appelant. La théorie selon laquelle il est possible de dissocier un particulier de son numéro d’assurance sociale pour créer deux entités distinctes à des fins fiscales est absurde. Personne, sauf quelqu’un de particulièrement non averti, ignorant, naïf ou crédule, ne peut raisonnablement croire qu’il peut déduire des dépenses personnelles de plus d’un demi-million de dollars de ses revenus personnels. L’appelant n’est pas un homme si naïf. Comme je l’ai déjà indiqué, même s’il avait cru à la légalité de ce stratagème, il aurait dû se demander comment FA en est arrivé aux montants déclarés. Le revenu d’entreprise, les dépenses d’entreprise et les pertes d’entreprise inscrites dans la déclaration de revenus de 2008 de l’appelant n’avaient aucun sens, et l’appelant le savait. Ce facteur laisse croire fortement à une faute lourde découlant d’un aveuglement volontaire.

e)       Importance de l’avantage : L’appelant aurait pu récupérer tous les impôts qu’il avait payés au cours des quatre années précédentes. Cela équivalait à plus de 178 000 $. L’appelant a indiqué qu’on lui avait dit qu’il pourrait récupérer tous ses impôts payés au cours des neuf ou dix dernières années. Il ne s’agissait pas de report d’impôt, mais d’évitement fiscal à tout le moins. L’importance de l’avantage que l’appelant devait recevoir en raison des faux renseignements contenus dans sa déclaration de revenus était un signal d’alarme très évident qui a dû éveiller ses soupçons et qui aurait dû l’inciter à remettre en question ce que faisait FA. Il s’agit d’un autre facteur important pointant vers une faute lourde découlant d’un aveuglement volontaire.

f)       Faux énoncés flagrants et facilement détectables : La [traduction] « somme perçue à titre de mandataire pour le mandat non déclarée par un tiers » d’un montant de 30 865,75 $, le [traduction] « montant versé au mandant en contrepartie de la main-d’œuvre » d’un montant de 551 729,13 $, les pertes d’entreprise d’un montant de 520 863,38 $ et la situation maritale de l’appelant sont des faux énoncés flagrants. Ils sont facilement détectables et ont effectivement été détectés par l’appelant. Si en fait il n’a pas détecté ces faux énoncés flagrants, il aurait dû les détecter. Cet autre facteur flagrant pointe vers une faute lourde découlant d’un aveuglement volontaire.

g)       Demandes inhabituelles du spécialiste : FA a fait des demandes inhabituelles à l’appelant relativement à sa déclaration de revenus. Le mot [traduction] « par » devait apparaître devant la signature de l’appelant à tous les endroits où il signait. L’appelant sait que cela signifie qu’il ne signait pas en son nom, mais au nom de quelqu’un d’autre. Pourtant, il s’agissait de sa déclaration de revenus, et non celle de quelqu’un d’autre. Pourquoi FA voulait-il qu’il fasse cela? Il n’a reçu aucune explication indiquant pourquoi il devait faire cela. Il devait écrire son nom en lettres majuscules sur l’état des activités de mandataire et utiliser une encre bleue. Il n’a reçu aucune explication indiquant pourquoi il devait faire cela. FA a suggéré que l’appelant ne fournisse pas à l’ARC son numéro de téléphone, qu’il ne parle pas directement avec l’ARC, qu’il remette toute la correspondance reçue de l’ARC à FA, qu’il ne produise pas sa déclaration de façon électronique et qu’il ne demande pas le dépôt direct de son remboursement. On peut se demander pourquoi. Toutes ces demandes inusitées auraient dû alerter l’appelant pour qu’il se méfie de ce que faisait FA.

h)      Absence d’indication qu’un spécialiste a préparé la déclaration de revenus : La case 490 de la déclaration de revenus est réservée à l’identification du spécialiste qui a préparé la déclaration. Fiscal Arbitrators se désigne simplement comme « FA » dans la case 490. Il a donné comme adresse « FA, 555 YT, 2C3 AB A1B 2C3 », puis a indiqué un numéro de téléphone. Le format de cette adresse semble bizarre, et je n’ai franchement aucune idée de l’endroit qu’elle désigne. Cela devrait pousser quelqu’un à s’interroger sur les raisons pour lesquelles FA utiliserait un format d’adresse si étrange.

i)       Absence de demandes de renseignements auprès de professionnels ou de l’ARC : L’appelant n’a pas cherché à obtenir des conseils à propos du stratagème d’économies fiscales de FA auprès d’un spécialiste en préparation de déclarations de revenus reconnu, d’un comptable fiscaliste, d’un avocat fiscaliste ou de l’ARC elle-même. Il était suffisamment préoccupé par FA pour faire des recherches sur Internet, mais pas assez pour discuter du stratagème proposé avec l’ARC afin d’obtenir son opinion sur la légalité du stratagème.

Tous les facteurs susmentionnés démontrent que l’appelant a fait preuve d’aveuglement volontaire et qu’il a fait fi de certains signes avant-coureurs très évidents qui auraient non seulement dû le pousser à s’interroger sur ce que faisait FA, mais aussi le convaincre d’éviter le stratagème douteux de FA. Je conclus que l’appelant a commis une faute lourde découlant d’un aveuglement volontaire.

[32]        L’appelant soutient qu’il est l’innocente victime de personnes en qui il avait confiance. Il connaissait M. Joanisse depuis 18 mois et était son ami. Il avait confiance en M. Joanisse, qui l’a présenté à FA, et il n’avait aucune raison de ne pas faire confiance à FA. Dans certains cas, un contribuable peut faire porter le blâme en pointant du doigt des professionnels négligents ou malhonnêtes en qui il avait mis sa confiance; par exemple, voir la décision Lavoie c. La Reine, 2015 CCI 228, portant sur une affaire où les contribuables se fiaient à un avocat qu’ils connaissaient et respectaient depuis plus de 30 ans, et qui était un ami en qui ils avaient confiance. L’avocat de l’appelant a également porté à mon attention la décision Hine c. La Reine, 2012 CCI 295. Dans l’affaire Hine, l’épouse du contribuable préparait sa déclaration de revenus. Il exerçait des activités d’achat et de revente de maisons. Malheureusement, sa conjointe avait omis de déclarer des revenus importants à la suite d’un double comptage de déductions hypothécaires résultant de la réception tardive du relevé de compte fiduciaire de leur avocat. L’ARC a rejeté la déduction et a imposé des pénalités pour faute lourde prévues au paragraphe 163(2) de la Loi. Le juge Hershfield de la Cour a jugé que, dans les circonstances particulières de cette affaire, le contribuable n’avait pas fait preuve de faute lourde ou d’aveuglement volontaire en s’en remettant à sa conjointe pour produire sa déclaration de revenus. L’erreur commise en sous-déclarant les revenus découlait d’une confusion honnête de la part de la conjointe.

[33]        Cependant, nombreux sont les cas où les contribuables ne pouvaient pas éviter des pénalités pour faute lourde en raison de leur confiance aveugle envers leurs spécialistes des déclarations sans au moins prendre quelques mesures pour vérifier l’exactitude des renseignements inscrits dans leurs déclarations de revenus.

[34]        Dans la décision Gingras c. Canada, [2000] A.C.I. no 541 (QL), le juge Tardif a écrit :

19 Le fait d’avoir recours à un expert ou à quelqu’un qui se présente comme tel, n’excuse en rien la responsabilité de ceux qui attestent, par leur signature, la véracité de leur déclaration.

[...]

30 L’imputabilité des faux renseignements fournis dans une déclaration de revenus incombe au signataire de la dite (sic) déclaration et non au mandataire qui l’a complété (sic), peu importe ses compétences ou qualifications.

[35]        Dans le jugement DeCosta, précité, le juge en chef Bowman a affirmé :

12 [...] Même si son comptable doit assumer une certaine part de responsabilité, je ne crois pas que l’on peut dire que l’appelant peut signer nonchalamment sa déclaration et passer outre à l’omission d’un montant qui représente presque le double du montant qu’il a déclaré. Une attitude aussi cavalière va au-delà du simple manque d’attention.

[36]        Dans la décision Laplante c. La Reine, 2008 CCI 335, le juge Bédard a écrit :

15 [...] L’appelant ne peut pas se dégager ici de sa responsabilité en pointant du doigt son comptable. En tentant de se soustraire ainsi à toute responsabilité à l’égard de ses déclarations de revenus, l’appelant se trouve à rejeter négligemment du revers de la main les responsabilités, les devoirs ou les obligations que lui impose la Loi. [...]

[37]        Comme l’a déclaré le juge Tardif dans la décision Gingras, précitée :

31 [...] il est tout à fait répréhensible d’attester par sa signature que les renseignements fournis sont exacts alors que l’on sait ou devrait savoir qu’elle contient de faux énoncés. Un tel comportement est suffisant pour conclure à une faute lourde justifiant l’imposition des pénalités applicables.

[38]        Je suis d’avis que l’appelant n’a fait aucun effort pour se conformer à la loi. Ma conclusion est certainement appuyée par sa conduite a posteriori. Lorsqu’il a reçu de l’ARC une lettre qui remettait en cause ses pertes d’entreprise, plutôt que de répondre directement à l’ARC et de réprimander son spécialiste en déclarations, il a remis cette lettre à M. Joanisse, qui l’a transmise à FA. FA a rédigé une réponse qui n’a aucun sens pour l’appelant ou qui que ce soit d’autre. Même après avoir réalisé que la réponse était complètement absurde, il l’a quand même envoyée à l’ARC. Cela indique clairement son état d’esprit durant toute cette période.

Conclusion

[39]        Il ne fait aucun doute que la déclaration de revenus de 2008 de l’appelant et sa demande de report rétrospectif de pertes comportait de fausses déclarations, étant donné que l’appelant n’a subi absolument aucune perte d’entreprise dépassant 520 000 $. Il s’agissait d’un montant fictif. L’appelant est un homme sophistiqué, intelligent et instruit qui s’y connaît plutôt bien en affaires. Je ne peux parvenir à aucune autre conclusion que l’appelant a agi sciemment ou a fait preuve d’aveuglement volontaire en signant une déclaration de revenus contenant des montants fictifs. L’importance de sa demande de déduction était énorme et aurait dû soulever des doutes et des préoccupations considérables. L’appelant est donc à juste titre assujetti aux pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[40]        Son appel est rejeté pour l’ensemble des motifs qui précèdent. L’intimée a droit à ses dépens.

Signé à Kingston (Ontario), ce 27e jour de janvier 2016.

« Rommel G. Masse »

Le juge suppléant Masse

Traduction certifiée conforme

ce 9e jour d’août 2016.

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 27

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-1409(IT)G

 

INTITULÉ :

ANDRÉ MALLETTE c. LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 novembre 2015

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant Rommel G. Masse

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 27 janvier 2016

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelant :

Me Jeff Kirshen

Me Jason C. Rosen

Avocat de l’intimée :

Me Craig Maw

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Pour l’appelant :

Me Dale A. Barrett

Me Jeff Kirshen

Me Jason C. Rosen

 

Cabinet :

Barrett Tax Law

Vaughan (Ontario)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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