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Dossier : 2015-3552(IT)I

ENTRE :

DALE COMMET,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu à Edmonton (Alberta), le 15 février 2016.

Devant : La juge Valerie Miller


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Peter Basta

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2013 de l’appelant est rejeté.

Signé à Ottawa (Canada), ce 22e jour de février 2016.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller


Référence : 2016 CCI 48

Date : 20160222

Dossier : 2015-3552(IT)I

ENTRE :

DALE COMMET,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

La Juge V.A. Miller

[1]             La question du présent appel consiste à déterminer si l’appelant a le droit de demander les crédits d’impôt d’une personne entièrement à charge ainsi que le montant pour enfant (les « crédits d’impôt ») relatifs à sa fille durant l’année d’imposition 2013.

[2]             L’appelant était le seul témoin présent à l’audience. Les faits en l’espèce n’étaient pas réellement contestés.

Faits

[3]             L’appelant et son ancienne épouse ont divorcé en 2010 et ils vivent séparés depuis au moins 2010. Ils ont la garde conjointe de leurs deux enfants mineurs; une fille et un garçon. Après l’échec du mariage, les enfants habitaient une semaine chez l’appelant et l’autre semaine chez son ancienne épouse, jusqu’en mai 2013, date à laquelle la fille de l’appelant a emménagé chez lui de façon permanente. Le fils a continué d’habiter chez ses deux parents. Dans sa déclaration de revenus, l’appelant a demandé des crédits d’impôt pour sa fille pour l’année d’imposition 2013.

[4]             Quatre ordonnances de la Cour du banc de la Reine de l’Alberta (la « Cour ») ont été déposées comme pièces à l’audience. La première ordonnance était une ordonnance sur consentement rendue le 24 janvier 2013. Dans celle-ci, la Cour statuait que l’appelant devait verser un montant mensuel de 860 $ à son ancienne épouse à compter du 1er jour de janvier 2013. Elle stipulait également qu’aucun crédit ou crédit de pension alimentaire pour enfants rétroactif n’était accordé à une partie par l’autre partie au 31 décembre 2012.

[5]             La deuxième ordonnance était une ordonnance sur consentement provisoire faite sous réserve (l’« ordonnance provisoire ») délivrée le 18 décembre 2013. Dans celle-ci, la Cour statuait que la résidence de l’appelant constituait la résidence principale de sa fille, et ce, jusqu’à ce que les parties parviennent à une nouvelle entente. Elle a également établi que l’appelant devait verser un paiement mensuel net de 306 $ à son ancienne épouse à compter du 1er décembre 2013. L’ordonnance contenait également le paragraphe suivant :

[TRADUCTION]

Les autres questions en litige, comme il est indiqué dans la demande du père défendeur, y compris le crédit de pension alimentaire rétroactif que la mère demanderesse doit au père défendeur, doivent être ajournées au 19 mars 2014, date de l’audience spéciale devant la Chambre du droit de la famille.

[6]             La troisième ordonnance a été rendue le 19 mars 2014. Dans celle-ci, la Cour statuait que l’appelant devait verser à son ancienne épouse un montant de 391 $ par mois à compter du 1er avril 2014; qu’il pouvait toucher 13 000 $ de plus que son salaire de 108 000 $ avant que la pension alimentaire qu’il était tenu de payer fasse l’objet d’un nouveau calcul; qu’aucune pension alimentaire rétroactive ni arriérés ne devaient être payés par une partie à l’autre partie en date du 19 mars 2014. Dans cette ordonnance, la Cour établissait qu’à compter de l’année d’imposition 2013, l’appelant pouvait demander [TRADUCTION] « une prestation fiscale canadienne pour enfants, un équivalent du montant pour conjoint et tout autre avantage disponible » à l’égard de sa fille et que son ancienne épouse pouvait demander les crédits d’impôt pour son fils.

[7]             La quatrième ordonnance, prononcée le 3 mars 2015, visait à modifier la troisième ordonnance afin de donner des précisions quant au calcul de la pension alimentaire.

[8]             L’appelant estimait qu’il devrait avoir le droit de demander les crédits d’impôt, car sa fille avait vécu avec lui durant la majeure partie de l’année 2013. De plus, dans la deuxième ordonnance, le montant qu’il devait verser à son ancienne épouse avait été réduit, passant de 868 $ à 306 $, car son ancienne épouse devait lui verser 562 $. Pour étayer son argument, l’appelant a présenté le « Sommaire des Lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants », qui indiquait clairement que le montant de la pension alimentaire qu’il payait était de 868 $ et que le montant payable par son ancienne épouse était de 562 $.

Lois

[9]             Aux fins des crédits d’impôt, les termes « personne entièrement à charge » et « montant pour enfant » sont définis comme suit au paragraphe 118(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR ») :

118. (1) [...] dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition [...]

Crédit équivalent pour personne entièrement à charge

b) [...] si le particulier ne demande pas de déduction pour l’année par l’effet de l’alinéa a) et si, à un moment de l’année :

(i) d’une part, il n’est pas marié ou ne vit pas en union de fait ou, dans le cas contraire, ne vit pas avec son époux ou conjoint de fait ni ne subvient aux besoins de celui-ci, pas plus que son époux ou conjoint de fait ne subvient à ses besoins,

          

          

(ii) d’autre part, il tient, seul ou avec une ou plusieurs autres personnes, et habite un établissement domestique autonome où il subvient aux besoins d’une personne qui, à ce moment, remplit les conditions suivantes :

         (A) elle réside au Canada, sauf s’il s’agit d’un enfant du particulier,

         (B) elle est entièrement à charge soit du particulier, soit du particulier et d’une ou de plusieurs de ces autres personnes,

         (C) elle est liée au particulier,

         (D) sauf s’il s’agit du père, de la mère, du grand-père ou de la grand-mère du particulier, elle est soit âgée de moins de 18 ans, soit à charge en raison d’une infirmité mentale ou physique,

[...]

Montant pour enfant

b.1) celle des sommes ci-après qui est applicable :

pour chaque enfant du particulier qui est âgé de moins de 18 ans à la fin de l’année et qui réside habituellement, tout au long de l’année, avec le particulier et un autre parent de l’enfant, le total des sommes suivantes :

         (A) 2 131 $,

         2 000 $, si l’enfant, en raison d’une infirmité mentale ou physique, dépendra vraisemblablement d’autrui, pour une longue période continue d’une durée indéterminée, pour ses besoins et soins personnels, et ce dans une mesure plus importante que d’autres enfants du même âge,

(ii) sauf en cas d’application du sous-alinéa (i), pour chaque enfant du particulier qui est âgé de moins de 18 ans à la fin de l’année et à l’égard duquel le particulier peut déduire une somme en application de l’alinéa b), ou pourrait déduire une telle somme si l’alinéa (4)a) et le passage « ou pour le même établissement domestique autonome » à l’alinéa (4)b) ne s’appliquaient pas à lui pour l’année et si l’enfant n’avait pas de revenu pour l’année, le total des sommes suivantes : [...]

(4) Les règles suivantes s’appliquent aux déductions prévues au paragraphe (1): [...]

b) un seul particulier a droit pour une année d’imposition à une déduction prévue au paragraphe (1), par application de l’alinéa (1)b), pour la même personne ou pour le même établissement domestique autonome; dans le cas où plusieurs particuliers auraient droit par ailleurs à cette déduction, mais ne s’entendent pas sur celui d’entre eux qui la fait, elle n’est accordée à aucun d’eux pour l’année;

b.1) un seul particulier a droit pour une année d’imposition à une déduction prévue au paragraphe (1), par application de l’alinéa (1)b.1), pour le même enfant; dans le cas où plusieurs particuliers auraient droit par ailleurs à cette déduction, mais ne s’entendent pas sur celui d’entre eux qui la fait, elle n’est accordée à aucun d’eux pour l’année [...]

(5) Aucun montant n’est déductible en application du paragraphe (1) relativement à une personne dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la présente partie pour une année d’imposition si le particulier, d’une part, est tenu de payer une pension alimentaire au sens du paragraphe 56.1(4) à son époux ou conjoint de fait ou ex-époux ou ancien conjoint de fait pour la personne et, d’autre part, selon le cas [Non souligné dans l’original] [.]

[10]        Le terme « pension alimentaire » est défini de la façon suivante au paragraphe 56.1(4) de la LIR :

56.1 (4) pension alimentaire  Montant payable ou à recevoir à titre d’allocation périodique pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d’enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et, selon le cas :

o   a) le bénéficiaire est l’époux ou le conjoint de fait ou l’ex-époux ou l’ancien conjoint de fait du payeur et vit séparé de celui-ci pour cause d’échec de leur mariage ou union de fait et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent ou d’un accord écrit;

o   b) le payeur est légalement le père ou la mère d’un enfant du bénéficiaire et le montant est à recevoir aux termes de l’ordonnance d’un tribunal compétent rendue en conformité avec les lois d’une province. (support amount)

Analyse

[11]        Le paragraphe 118(5) de la LIR indique clairement qu’une personne qui est tenue de verser une pension alimentaire ne peut pas demander un crédit d’impôt pour une « personne entièrement à charge » ou un « montant pour enfant ». De plus, il appert clairement de l’ordonnance sur consentement rendue le 24 janvier 2013 et de l’ordonnance provisoire prononcée le 18 décembre 2013 que seul l’appelant était tenu de verser une pension alimentaire (pension alimentaire pour enfants) en 2013. Le paragraphe pertinent de l’ordonnance sur consentement se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Le père défendeur doit verser une pension alimentaire pour enfants de base d’un montant de 860 $ par mois à la mère demanderesse, à compter du 1er jour de janvier 2013, et ce paiement sera payable le 1er jour de chaque mois suivant.

Le paragraphe pertinent de l’ordonnance provisoire se lit comme suit :

En vertu de la section 3, le père défendeur doit verser une pension alimentaire pour enfants de base d’un montant net de 306 $ par mois à la mère demanderesse, à compter du 1er jour de décembre 2013, et ce paiement sera payable le 1er jour de chaque mois suivant jusqu’à ce qu’une nouvelle entente soit conclue entre les parties ou qu’une nouvelle ordonnance de la Cour soit rendue.

Les autres ordonnances n’ont aucun lien avec la partie responsable de payer une pension alimentaire pour enfants en 2013.

[12]        Conformément aux ordonnances et au paragraphe 118(5) de la LIR, l’appelant n’a pas le droit de demander les crédits d’impôt pour 2013.

[13]        Je suis d’accord avec l’affirmation de l’appelant selon laquelle la pension alimentaire qu’il devait payer en décembre 2013 correspondait à la différence entre le montant payable par lui-même (868 $) et le montant payable par son ancienne épouse (562 $). Néanmoins, l’ordonnance provisoire ne prévoyait pas que son ancienne épouse était tenue de lui verser une pension alimentaire. Elle indiquait plutôt que l’appelant devait payer la différence des deux montants à son ancienne épouse.

[14]        Le revenu des deux parents a été pris en compte dans le calcul de la pension alimentaire, car les deux parents ont l’obligation de subvenir aux besoins de leurs enfants selon leur capacité à contribuer : Contino c. Leonelli-Contino, 2005 CSC 63 au paraphe 32. Cependant, en l’espèce, seul l’appelant, qui touchait le revenu le plus élevé, était véritablement tenu de payer une pension alimentaire chaque mois en 2013.

[15]        La question soulevée dans l’affaire Verones c. La Reine, 2013 CAF 69 était identique à celle qui fait l’objet du présent appel. Dans cette affaire, la juge Trudel a déclaré ce qui suit :

Une fois que l’obligation de chacun des parents par rapport aux enfants a été précisée, le parent dont les revenus sont les plus élevés peut être obligé de verser une pension alimentaire pour enfants au parent dont les revenus sont moins élevés dans le cadre de l’exécution de son obligation. Cependant, au bout du compte, le concept de la compensation ne transforme pas l’obligation respective des parents de contribuer à l’éducation des enfants en une « pension alimentaire » au sens de la Loi.

[16]        J’ai remarqué que, dans l’ordonnance qu’elle a rendue le 3 mars 2015, Madame la juge Pentelechuk a écrit que l’appelant était « libre » de demander divers crédits d’impôt. À cet égard, la Cour du banc de la Reine de l’Alberta n’a aucune compétence pour ce qui est de l’admissibilité aux crédits d’impôt. Cette compétence revient à la Cour canadienne de l’impôt.

[17]        L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour de février 2016.

« V.A. Miller »

Juge V.A. Miller


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 48

NUMÉRO DU DOSSIER :

2015-3552(IT)I

INTITULÉ :

DALE COMMET c. SA MAJESTÉE LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Edmonton (Alberta)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 février 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

La juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 23 février 2016

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocat de l’intimée :

Peter Basta

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Canada)

 

 

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