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Dossier : 2015­2013(IT)I

ENTRE :

KOKANEE PLACER LTD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu les 5 et 9 février 2016,

à Vancouver (Colombie­Britannique).

Devant : L’honorable juge B. Paris

Comparutions :

Avocat de l’appelant :

Me Laurence Stephenson

Avocat de l’intimée :

Me Devi Ramachandran

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2014 est rejeté, conformément aux motifs de jugement ci­joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mars 2016.

« B. Paris »

Juge Paris


Référence : 2016 CCI 63

Date : 20160314

Dossier : 2015­2013(IT)I

ENTRE :

KOKANEE PLACER LTD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Paris

[1]             La question en litige dans le présent appel est de savoir si le ministre du Revenu national (le « ministre ») a correctement imposé une pénalité de 1 000 $ à l’appelant, aux termes du paragraphe 162(7.2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), pour son année d’imposition se terminant le 31 janvier 2014.

[2]             Le paragraphe 162(7.2) stipule qu’une société visée par règlement est passible d’une pénalité si elle ne produit pas de déclaration de revenus pour une année d’imposition par voie électronique, en vertu du paragraphe 150.1(2.1) de la Loi.

[3]             Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

150.1 (2.1) La société qui est une société visée par règlement pour une année d’imposition est tenue de transmettre sa déclaration de revenu pour l’année par voie électronique.

162 (7.2) Quiconque ne produit pas de déclaration de revenu pour une année d’imposition selon les modalités prévues au paragraphe 150.1(2.1) est passible d’une pénalité égale à 1 000 $.

[4]             Le paragraphe 250.1(2) du Règlement de l’impôt sur le revenu définit une société visée par règlement comme étant une société dont le revenu brut dépasse un million de dollars. Cette disposition se lit comme suit :

205.1(2)  Pour l’application du paragraphe 150.1(2.1) de la Loi, une société visée par règlement s’entend d’une société dont le revenu brut dépasse un million de dollars, mais à l’exclusion des suivantes :

a) une compagnie d’assurance au sens du paragraphe 248(1) de la Loi;

b) une société non­résidente;

c) la société qui produit sa déclaration en monnaie fonctionnelle au sens du paragraphe 261(1) de la Loi;

(d) la société exonérée de l’impôt en application de l’article 149 de la Loi.

[5]             Les questions soulevées dans cet appel sont de savoir si la pénalité imposée aux termes du paragraphe 162(7.2) peut s’appliquer lorsqu’il n’y a aucun impôt payable pour l’année d’imposition pendant laquelle l’appelant était considéré une société visée, et de déterminer si l’appelant a invoqué une défense de diligence raisonnable à l’encontre de cette pénalité.

[6]             Pendant l’audience, l’appelant a été représenté par son unique actionnaire et directeur, Monsieur Laurence Stephenson. M. Stephenson a témoigné que l’appelant mène ses activités depuis plus de 20 ans, et qu’il a toujours été l’unique responsable désigné pour gérer les affaires financières et produire les déclarations de revenus.

[7]             L’exploration et le développement de minéraux constituent les activités de l’appelant. Pendant la période en question, M. Stephenson contribuait activement à un projet en Tanzanie, entraînant ainsi son absence du Canada pendant 2013 et une partie de 2014. À son retour au Canada en juillet 2014, il a produit la déclaration de revenus de l’appelant sous format papier. Ainsi, le revenu brut de l’appelant se chiffrait à 1 073 838,56 $.

[8]             M. Stephenson a affirmé qu’il n’était alors pas au courant que l’appelant devait produire électroniquement sa déclaration. Il a aussi témoigné que certains montants consignés à titre de recettes étaient, en fait, des avances remboursables à l’appelant effectuées par lui­même et une autre société lui appartenant. Il a admis lors du contre­interrogatoire qu’une pénalité de 500 $ avait été imposée à l’appelant aux termes du paragraphe 162(7.2) pour l’année d’imposition se terminant le 31 janvier 2012. L’avis de cotisation imposant cette pénalité était daté du 13 juin 2013. M. Stephenson ne pouvait pas se souvenir s’il avait reçu l’avis avant de produire la déclaration de 2014 puisqu’il était en Tanzanie lorsque ce dernier a été envoyé et qu’il n’est pas rentré au Canada avant juillet 2014. Il a aussi témoigné que 2012 et 2013 étaient les seules années où la société a déclaré un revenu de plus d’un million de dollars.

[9]             Le principal argument de l’appelant est qu’aucune pénalité ne peut lui être imposée en vertu de la Loi s’il n’y a pas d’impôt payable pour l’année en question. M. Stephenson a maintenu que la décision de la Cour dans l’affaire Goar, Allison & Associates Inc. c. La Reine, 2009 CCI 174 appuie sa position et, plus précisément, l’alinéa 6 qui se lit comme suit :

L’appelante n’était pas passible d’une pénalité puisqu’elle n’avait aucun revenu. Le libellé du paragraphe 162(2.1) ne vise pas le contribuable qui produit tardivement une déclaration de revenus, auquel cas la contribuable en l’espèce serait manifestement passible de la pénalité pécuniaire prévue à cette disposition. Ce n’est pas ce qu’énoncent les termes qui y figurent. Ils portent que l’appelante doit être passible d’une pénalité qui correspond à une somme pécuniaire. Quelle est donc la pénalité dont l’appelante est passible suivant le paragraphe 162(1)? Aucune. Zéro. Aucun revenu, aucune pénalité. Par conséquent, la condition préalable à respecter pour que le paragraphe 162(2.1) s’applique n’a tout simplement pas été remplie, et aucune pénalité ne peut donc être imposée sur le fondement de cette disposition.

[10]        L’argument de l’appelant doit être rejeté. Premièrement, l’affaire Goar, Allison & Associates Inc. traitait d’une différente disposition pénale, aux termes du paragraphe 162(2.1), donnant ainsi lieu au libellé particulier de cette disposition. Il s’applique lorsqu’une société non­résidente ne produit pas une déclaration de revenus dans les délais prescrits. À titre de condition relative à son application, la société non­résidente doit être passible d’une pénalité en vertu du paragraphe 162(1), laquelle est une somme pécuniaire fondée sur l’impôt payable par la société pour l’année. La Cour a statué que, puisqu’il n’y a pas d’impôt à payer, la société ne pourrait pas être passible d’une pénalité en vertu du paragraphe 162(2.1).

[11]        Selon le libellé du paragraphe 162(7.2), la pénalité pour avoir omis de produire électroniquement une déclaration de revenus n’est aucunement conditionnelle à l’impôt payable par la société. La seule condition relative à l’imposition d’une pénalité est le défaut de produire une déclaration de revenus par voie électronique aux termes du paragraphe 150.1(2.1), laquelle est applicable lorsque le contribuable est une société visée, comme le définit le paragraphe 205.1(2) du Règlement de l’impôt sur le revenu.

[12]        Deuxièmement, la décision dans l’affaire Goar, Allison & Associates Inc. a effectivement été infirmée par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Exida.Com Limited Liability Company c. Canada, 2010 CAF 159, laquelle comportait des faits identiques à tous égards importants. Dans l’affaire Exida.com, la Cour d’appel fédérale a conclu que, même si une pénalité en vertu du paragraphe 162(2.1) n’a pas pu être imposée pour une société non­résidente ayant omis de produire une déclaration de revenus à temps lorsqu’il n’y avait pas d’impôt payable, une pénalité aux termes de l’alinéa 162(7)(b) de la Loi était passible. L’alinéa 162(7)(b) prévoit une pénalité lorsqu’un contribuable ne se conforme pas à une obligation en vertu de la Loi. De toute évidence, il n’existe aucune règle générale interdisant l’imposition d’une pénalité en vertu de la Loi dans les cas où il n’y a pas d’impôt payable.

[13]        La question suivante consiste à déterminer si l’appelant était une société visée, comme le définit le paragraphe 205.1(2) du Règlement. Dans la réponse à l’avis d’appel, l’intimée soutient que l’une des hypothèses de fait prononcées par le ministre en imposant une pénalité était que les revenus de l’appelant s’élevaient à plus d’un million de dollars pour l’année d’imposition de 2014. Par conséquent, pour démontrer qu’il ne s’agissait pas d’une société visée, il appartient à l’appelant de prouver que son revenu ne dépassait pas un million de dollars. Malgré la suggestion de M. Stephenson selon laquelle la déclaration de revenus de l’appelant était erronée, aucune preuve claire ni convaincante n’a été présentée à la Cour jusqu’à présent, et l’appelant n’a pas réfuté l’hypothèse du ministre.

[14]        Bien que l’appelant n’ait pas expressément soulevé un nouvel argument de diligence raisonnable, à la lumière de son témoignage selon lequel il ignorait les exigences relatives à la déclaration de revenus par voie électronique et qu’il a fait son possible pour répondre à toutes ces exigences, une défense de diligence raisonnable devrait être envisagée. Les exigences d’une défense fondée sur la diligence raisonnable sont décrites par le juge Boyle au paragraphe 35 dans l’affaire Comtronic Computer Inc. c. La Reine, 2010 CCI 55 comme suit :

1. Pour établir une défense de diligence raisonnable à l’encontre d’une pénalité, un appelant doit démontrer a) qu’il a commis une erreur raisonnable dans sa compréhension des faits, ou b) qu’il a pris des précautions raisonnables pour éviter l’événement qui a mené à l’imposition de la pénalité.

2. Sauf de très rares exceptions, l’erreur de droit portant sur l’existence ou sur l’interprétation d’une loi n’est pas reconnue comme excuse ou comme moyen de défense à l’égard d’une pénalité imposée en vertu de l’article 280. Ces exceptions sont l’erreur de droit provoquée par une personne ayant autorité et l’erreur de droit invincible attribuable à un défaut dans la promulgation ou la publication de la loi.

[15]        Une erreur quant à l’existence d’une exigence concernant la déclaration de revenus par voie électronique énoncée dans le paragraphe 150.1(2.1) de la Loi est une erreur de droit et n’est aucunement une défense à la pénalité en question dans le paragraphe 162(7.2), car ni une ni l’autre des exceptions décrites dans le paragraphe 2 de l’affaire Comtronic précitée ne s’applique.

[16]        Il reste à savoir si M. Stephenson, agissant au nom de l’appelant, a pris des précautions raisonnables pour éviter l’événement qui a mené à l’imposition de la pénalité. Je suis d’avis qu’il n’y a aucune preuve à cet égard. Les éléments de preuve démontrent que, avant qu’il produise la déclaration de revenus de l’appelant pour 2014, l’Agence du revenu du Canada avait imposé à l’appelant une pénalité aux termes du paragraphe 162(7.2) pour l’année d’imposition de 2012, et c’est uniquement parce que M. Stephenson était absent du Canada pendant une période prolongée qu’il n’était pas au courant de l’avis de cotisation pour 2012 ni de l’exigence de produire électroniquement une déclaration. Rien ne prouve qu’il avait mis en place un système pour traiter d’affaires, comme l’avis de cotisation de 2012, pendant son absence, voire les porter à son attention. Si c’était le cas, il est évident qu’il aurait appris l’exigence de production électronique de déclaration de revenus. Enfin, rien ne prouve que M. Stephenson aurait cherché à obtenir de l’aide pour régler l’affaire de l’impôt de l’appelant ni fait d’efforts pour rester au courant des exigences relatives à la déclaration de revenus.

[17]        La demande est rejetée pour l’ensemble de ces motifs.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de mars 2016.

« B. Paris »

Juge Paris


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 63

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2015­2013(IT)I

INTITULÉ :

KOKANEE PLACER LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie­Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 5 et 9 février 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge B. Paris

DATE DU JUGEMENT :

Le 14 mars 2016

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

Me Laurence Stephenson

Pour l’intimée :

Me Devi Ramachandran

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous­procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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