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Dossier : 2014-679(IT)I

ENTRE :

 

PUISSANCE DE RECHERCHES GÉNÉRALES NOVALIA INC.,

 

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu les 27 avril et le 21 août 2015, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Représentant de l'appelante :

Normand Beaudoin

Avocate de l’intimée :

Me Anne-Marie Boutin

 

JUGEMENT

        L'appel à l’encontre de la cotisation établie par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, datée du 27 septembre 2013, concernant l'année d'imposition 2011 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’avril 2016.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2016 CCI 81

Date : 20160408

Dossier : 2014-679(IT)I

ENTRE :

PUISSANCE DE RECHERCHES GÉNÉRALES NOVALIA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]             Il s’agit d’un appel régi par les règles de la procédure informelle prévues à la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt à l’encontre d’une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) ch. 1 (5e suppl.), telle que modifiée (la « Loi »), datée du 27 septembre 2013 concernant l’année d’imposition 2011 de l’appelante.

[2]             En vertu de la cotisation du 27 septembre 2011, le ministre a refusé le montant de 32 000 $ réclamé à titre de dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS & DE ») et le montant de 11 375 $ réclamé à titre de remboursement du crédit d’impôt à l’investissement (« CII »).

[3]             Pour l’année d’imposition se terminant le 31 octobre 2011, l’appelante a soumis un projet de RS & DE et a réclamé les montants suivants :

T661 : Demande pour les dépenses de recherche scientifique et développement expérimental

Montants réclamés par l’appelante

Projet numéro 1 – Turbinolienne énergétique

 

Total des dépenses courantes de RS & DE

32 000 $

Plus : Montant de remplacement

12 501 $

Moins : Aide gouvernementale ou non gouvernementale et paiements contractuels : concernant les dépenses courantes : Aide gouvernementale provinciale

(12 000 $)

Total des dépenses de RS & DE admissibles pour le calcul du crédit d’impôt à l’investissement

32 501 $

Crédit d’impôt à l’investissement (35% du total des dépenses de RS & DE admissibles)

11 375 $

[4]             La cotisation du 27 septembre 2013 reflète la position du ministre d’accorder à l’appelante le montant de 32 000 $ à titre de dépenses d’entreprise plutôt qu’à titre de dépenses de RS & DE admissibles au CII, telles que réclamées par l’appelante dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 2011. Le ministre a déterminé que le projet de recherche effectué par l’appelante ne correspondait pas à la définition d’activités de recherche scientifique et de développement expérimental au sens du paragraphe 248(1) de la Loi.

[5]             En fixant l’impôt payable par l’appelante pour l’année d’imposition 2011, le ministre a pris pour acquis les hypothèses de fait suivantes, énoncées au paragraphe 11 de la réponse à l’avis d’appel modifié :

a)      L’appelante œuvre principalement dans la réalisation et la vente de nouveaux concepts mécaniques à des fabricants ou des acheteurs éventuels de licence [sic] ;

b)      L’appelante opérait sous le nom de Les Moteurs Novalia 2000 Inc. jusqu’au 15 mars 2011;

c)      L’appelante est une « société privée sous contrôle canadien », au sens de la Loi;

d)     L’exercice financier de l’appelante se terminait le 31 octobre de chaque année;

e)      Pour l’année d’imposition 2011, l’appelante a choisi la méthode de remplacement prévue à la division 37(8)a)(ii)(B) de la Loi pour calculer ses dépenses de RS & DE ainsi que son CII;

f)       Monsieur Normand Beaudoin est le président et l’unique actionnaire de l’appelante;

g)      Monsieur Normand Beaudoin est détenteur d’un doctorat dans le domaine de la musique;

h)      Monsieur Normand Beaudoin a déjà déposé une demande de brevet « Voitures hydraulique et éoliennes énergétiques » en date du 28 juin 2004 (CA 2472130) sans que le brevet ne soit délivré en date du 24 avril 2013;

i)        Monsieur Normand Beaudoin a déjà déposé une demande de brevet « Turbinolienne énergétique » en date du 19 août 2011 (CA 2750048) sans que le brevet ne doit délivré en date du 24 avril 2013;

j)          Pour l’année d’imposition 2011 concernant le projet numéro 1 intitulé « Turbinolienne énergétique » (ci-après « projet numéro 1 »):

i)                   l’objectif du projet numéro 1 était d’augmenter la puissance des éoliennes de type turbinique, ergonomiquement rentables en tout endroit, avec les caractéristiques suivantes :

A.       Moins encombrants;

B.Pales seront de largeur égale à chacune de leur extremité [sic],  ce qui décuplera la surface de prise au vent;

C.Pales réaliseront un effort positif, et à la limite, égal dans toutes leurs parties.

ii)                 L’appelante a soumis des objectifs secondaires pour des applications potentielles qui sont de nature commerciale (aspirateurs/propulseurs/pompes) mais sans démontrer des activités afférentes;

iii)               L’appelante a évalué des concepts d’éoliennes existantes et réalisé une machine motrice avec poulies et pales rectangulaires sans aucun concept en lien avec la dynamique des fluides ni aucune modélisation ni les phénomènes et les lois qui peuvent être en jeu;

iv)               La base ou le niveau technologique du projet numéro 1 se compare à des [sic] Turbinolienne/Turbolienne (éolienne à turbine) qui constitue un croisement d’une éolienne et d’une turbine;

v)                 L’appelante affirme vouloir augmenter la puissance des éoliennes de type turbiniques ergonomiquement rentables sans énoncer ou décrire les paramètres en jeu;

vi)               L’appelante n’a pas défini, au prélable, les indicateurs de performance et les mesures qu’elle devait réaliser pour son objectif principal, des éléments qui s’inscrivent normalement dans une démarche d’investigation systématique;

vii)             L’appelante a évalué des concepts d’éoliennes existantes;

viii)           L’appelante a réalisé un mécanisme (poulies et pales rectangulaires, courroies) pour intéresser de futurs investisseurs sans modélisation ni validation en lien avec les phénomènes et les lois qui peuvent être en jeu (entre autre la dynamique des fluides);

ix)               L’appelante a présenté des calculs de moment d’une turbine rectangulaire par rapport à une turbine circulaire préparés par un tiers sans être corroborés, basés sur des conditions statiques sans inclure de paramètres dynamiques réels;

x)                 Les calculs soumises [sic] par l’appelante (réalisés par un tiers sans corroboration) présentent un rendement théorique de 240% qui ne reposent sur aucun fondement scientifique et ne sont pas corroborés dans le temps;

xi)               La construction du mécanisme de l’appelante (base de bicyclette/ pales/courroies parallèles/raccords par des supports en croisé) relève de l’ingénierie courante;

xii)             La construction du mécanisme de l’appelante constitue une source de frottement mécanique qui va à l’encontre d’un rendement de 240%;

xiii)           L’appelante a fait des essais de son mécanisme (positions verticales et horizontales) et a vécu des déraillements avec son mécanisme qui va à l’encontre d’un rendement de 240%;

xiv)           L’appelante n’a effectué aucune dépense de matériaux pour le projet numéro 1 quoiqu’elle indique avoir fait des essais sur un mécanisme;

xv)             L’appelante œuvre sur ses mécanismes avec une démarche essais et d’erreurs;

xvi)           Les travaux effectués par l’appelante constituent une préfaisabilité pour un éventuel projet et ne vont pas au-délà de la pratique courante;

xvii)         Le projet numéro 1 fut soumis à titre de développement expérimental même si l’appelante a invoqué ultérieurement « un concept pur »;

xviii)       L’appelante n’a pas fait la démonstration que le projet numéro 1 constitue « un concept pur »;

xix)           Le projet numéro 1 n’a pas fait l’objet d’une hypothèse afférente à un mécanisme turbinolien ou turbolien;

xx)             Le projet numéro 1 ne valide pas une hypothèse afférente à un mécanisme turbinolien ou turbolien selon une démarche d’investigation systématique (expérimentation ou analyse conduisant à la formulation de conclusion logique);

xxi)           L’appelante n’a pas incorporé avec le projet numéro 1 une caractéristique ou une capacité inconnue ou difficilement accessible jusque-là dans la pratique courante;

xxii)         L’appelante n’a pas produit de renseignements qui auraient fait progresser la compréhension des relations scientifiques ou technologiques dont l’objectif aurait été de dissiper une incertitude scientifique ou technologique, ni dans les résultats obtenus, en énonçant clairement les relations scientifiques ou technologiques qu’ils auraient fait progresser.

[6]             Selon les états financiers non vérifiés de l’appelante pour l’exercice financier terminé le 31 octobre 2011, le montant de 32 000 $ réclamé à titre de dépenses de RS & DE représente du salaire versé à monsieur Normand Beaudoin. Aucun montant n’a été réclamé à titre de dépenses de RS & DE pour le coût de matériaux utilisés pour fabriquer les prototypes d’appareils de démonstration. Selon les informations fournies par monsieur Beaudoin, la composante salariale découlait du temps consacré à la recherche préparatoire à l’invention, à la fabrication des prototypes, à l’évaluation des variantes possibles pour produire une propriété intellectuelle brevetable la plus large possible et pour rédiger la demande de brevet.

[7]             Monsieur Beaudoin reproche à l’Agence du Revenu du Canada (l’« ARC ») et à la conseillère scientifique de l’ARC, madame Micheline Bétournay, d’avoir bâclé l’étude de sa réclamation puisqu’aucun examinateur n’est venu à son atelier pour constater les travaux effectués, puisque les deux vidéos montrant l’évolution des prototypes n’ont pas été visionnés par l’examinatrice et que, par conséquent, aucun constat n’a été fait sur les divers ensembles de support des pales qui ont été réalisés. De plus, le vérificateur de l’ARC qui est venu remettre à monsieur Beaudoin à sa résidence, le projet de cotisation en plein mois de janvier, soit le 15 janvier 2013, et à qui monsieur Beaudoin a montré son prototype d’éolienne rangé pour l’hiver, aurait indiqué à l’examinateur en chef de l’ARC que l’éolienne avait été « démantelée », ce que monsieur Beaudoin nie formellement.

[8]             Le vérificateur de l’ARC, monsieur Philippe Dufresne, a témoigné à l’audience et il a confirmé s’être rendu à la résidence de monsieur Beaudoin et avoir vu le dispositif écrasé sous le poids de la neige. Il n’a pu confirmer si l’éolienne était rangée sous un abri temporaire. Il n’a pas visité l’atelier de monsieur Beaudoin lors de cette visite car il y avait trop de neige.

[9]             Madame Micheline Bétournay, conseillère en recherche et technologie auprès de l’ARC, a témoigné à l’audience et son rapport d’examen au bureau de RS & DE daté du 6 décembre 2012 a été déposé en preuve. Aux fins de la préparation de son rapport, madame Bétournay a considéré les documents soumis par l’appelante suite à une demande d’information complémentaire datée du 1er  août 2012, à savoir :

-       les croquis (incluant des demandes de brevets afférentes et non afférentes à une turbinolienne);

-       des calculs relativement à une pale triangulaire sans démontrer les fondements des calculs;

-       un document qui semble être une demande de brevet, datée du 20 juin 2012, lequel traite des éléments suivants : « Comment réaliser une machine permettant de transformer des énergies fluides en énergie mécanique, ou inversement, les énergies mécaniques en énergie fluide (utilisation éolienne air/eau, aspirateur air/eau, pompes air/eau »;

-       une vidéo montrant un mécanisme non autonome, composé de multiples pales carrés fixées à une courroie reposant sur des poulies dont certaines suivaient la direction du fluide et les autres en sens inverse du mouvement.

[10]        La conclusion de l’examinatrice est la suivante :

L’ensemble des activités/travaux, décrits et réclamés dans le cadre du projet #1 constituent une série de concept [sic] pour de multiples applications potentielles dont l’incertitude scientifique et technologique est non démontrée, il y a absence de travaux pouvant se qualifier.  […]

Le réclamant n’a pas levé d’incertitude technologique par un processus d’investigation systématique d’ordre technologique dans le cadre d’un développement expérimental. Il n’y a pas eu incorporation, dans le produit, d’une caractéristique ou une capacité inconnue ou difficilement accessible jusque-là dans la pratique courante.

[11]        Madame Bétournay a confirmé que monsieur Beaudoin lui avait offert de visiter son atelier et de lui montrer ses prototypes. Elle a refusé son invitation parce qu’elle considérait que cette visite n’était pas nécessaire pour évaluer le projet.

[12]        Suite au rapport de madame Bétournay, monsieur Beaudoin a soumis des informations complémentaires les 15 et 16 janvier 2013, le 14 février 2013 et le 16 avril 2013, et a demandé une rencontre aux bureaux de l’ARC qui a eu lieu le 18 janvier 2013. Ont participé à cette réunion, messieurs Normand Beaudoin, Omer Descostes, un conseiller financier de monsieur Beaudoin, Philippe Dufresne, examinateur financier de l’ARC, Cédric Durban, gestionnaire en recherche et technologie de l’ARC (le patron de madame Bétournay) et madame Micheline Bétournay.

[13]        Selon les informations complémentaires soumises par monsieur Beaudoin, suite au premier rapport de l’ARC, l’objectif principal du projet consistait, à l’aide de nouvelles cinétiques :

-       d’augmenter la puissance des éoliennes conventionnelles;

-       d’améliorer le design des éoliennes conventionnelles; et

-       de réduire l’encombrant des éoliennes conventionnelles.

[14]        Les objectifs secondaires du projet consistaient à déterminer :

-       les variantes à l’entrée de fluides latérales du procédé principal;

-       les principaux types de circulation des fluides en travers des machines;

-       les appareils pouvant recevoir ces techniques, en mode propulsé par les fluides (éoliennes et hydroliennes);

-       les appareils pouvaient recevoir ces techniques, en mode propulsant par les fluides (aspirateurs/propulseurs/pompes).

[15]        Selon les informations fournies par monsieur Beaudoin, le projet de recherche aurait débuté en 2010 et devait être terminé à la fin de 2011. Le sommaire des activités réalisées en 2011 consistait en une évaluation des concepts d’éoliennes existantes et la réalisation d’un prototype de démonstration (non validé pour la performance) avec des poulies et pales rectangulaires (sans dépense de matériaux).

[16]        Suite aux représentations de monsieur Beaudoin et aux informations complémentaires fournies par ce dernier, madame Bétournay a produit en date du 24 avril 2013, un addendum à son rapport. Elle a maintenu son opinion que l’appelante n’a pas levé d’incertitude technologique par un processus d’investigation systématique d’ordre technologique. Selon elle, l’appelante œuvre sur ses mécanismes avec une démarche d’essais et erreurs. Elle n’a constaté aucun concept en lien avec la dynamique des fluides, ni aucune modélisation, ni les phénomènes et les lois qui peuvent être en jeu. Les différents pourcentages indiqués par monsieur Beaudoin ne reposent sur aucun fondement scientifique et ne sont pas corroborés.

[17]        Suite à la réception de l’addendum au rapport de madame Bétournay, monsieur Beaudoin a fait des représentations auprès de monsieur Cédric Durban, gestionnaire en recherche et technologie au bureau des services fiscaux de Laval de l’ARC. Ce dernier a témoigné à l’audience et il a confirmé avoir maintenu l’avis de madame Bétournay dans une lettre datée du 9 septembre 2013 adressée à monsieur Beaudoin et à l’appelante. Les conclusions sont clairement exprimées dans les trois derniers paragraphes de cette lettre :

En résumé, le fait de ne pas avoir suffisamment considéré les bases technologiques existantes dans le domaine de la transformation de l’énergie éolienne, l’absence de démonstration convaincante d’un possible avancement technologique et l’absence d’indicateurs et de mesures qui valideraient l’existence d’une investigation systématique démontrent que le projet et les activités réclamées ne rencontrent pas les exigences du programme de RS&DE.

De plus même si le projet s’était qualifié comme un projet RS&DE, il a été démontré que certains travaux réclamés sont de toute évidence des travaux de pratique courante.

À l’examen de vos représentations, nous ne constatons pas d’éléments qui permettraient de modifier les conclusions de l’examen du CRT. La conclusion de notre examen reste donc inchangée : le projet présenté n’est pas conforme à la définition de la RS&DE au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[18]        Dans le but de préparer l’audition de l’appel, le ministère de la Justice du Canada a mandaté monsieur Hocina Haine de l’ARC, en sa qualité d’expert, pour examiner les travaux de l’appelante en vue de déterminer si ses activités visaient un progrès dans le domaine de la technologie relative à la production d’énergie par éolienne. Monsieur Haine a signé son rapport le 11 mars 2015. La conclusion de son rapport est comme suit :

M. Beaudoin a dit et a expliqué qu’il a entrepris son projet dans le but d’améliorer les performances des éoliennes dans le sens où son concept pourrait augmenter significativement leur puissance. Il s’est basé sur des idées qui selon mes connaissances n’ont pas de fondement dans la discipline qui habituellement traite la partie mécanique de cette technologie (mécanique des fluides et plus spécifiquement l’aérodynamique). Il n’a pas fait d’étude afin de cibler les indicateurs de performance sur lesquels ses travaux allaient porter et qui auraient pu servir à déterminer si les objectifs du projet seraient atteints. Le progrès technologique ne peut être mesuré que sur cette base.

M. Beaudoin a construit un dispositif et a essayé de le faire fonctionner en axant son travail uniquement sur la faisabilité technique du mécanisme. Ce n’est pas l’objet de la recherche formulée dans la demande (formulaire de demande de crédits de RS&DE T-661). En effet, l’avancement visé selon la demande était que ce dispositif devrait apporter une amélioration considérable à la puissance des éoliennes. Il n’y a pas eu d’activités (expérimentations ou analyses) qui pouvaient démontrer l’atteinte ou pas de cet objectif. Quand il s’agit d’aérodynamique, ce qui est le cas pour les éoliennes, l’expérimentation standard ne peut se faire que dans une soufflerie (mieux contrôlé). Si l’effet visuel était le seul élément que M. Beaudoin pouvait fournir pour démontrer la validité de son idée, on s’attendrait à voir 2 dispositifs (un conventionnel et l’autre selon le nouveau concept) testés dans les mêmes conditions pour constater la différence. Au bout du compte, on ne sait pas à quoi a servi ce dispositif si ce n’est pour le faire mouvoir comme toute autre éolienne exposée au vent en plus compliqué. D’autre part, aucun travail de modélisation mathématique des phénomènes en jeu n’a été entrepris.

En conclusion mon opinion est que le travail exécuté n’avait pas pour objectif de dissiper une incertitude scientifique ou technologique. Il s’agit plutôt d’une illustration d’une idée basée sur une compréhension erronée des phénomènes qui caractérisent le mouvement des éoliennes. Les explications de M. Beaudoin ne m’ont pas permis de comprendre comment le dispositif qu’il a construit pourrait, de quelque façon que ce soit, amener un progrès quant à la puissance des éoliennes ou une amélioration des connaissances par rapport à cette technologie. Pour ce qui est de la conception et la fabrication du dispositif lui-même (celui présenté sur la vidéo), M. Beaudoin a peut-être eu quelques bonnes idées pour le réaliser mais cela ne suffit pas pour démontrer l’avancement scientifique ou technologique prétendu dans sa demande.

[19]        Monsieur Beaudoin n’a pas contesté le statut d’expert de monsieur Haine mais il n’est naturellement pas d’accord avec la conclusion du rapport. Selon lui, la qualité du rapport est douteuse parce que monsieur Haine a refusé de considérer les machines antérieures et les éoliennes postérieures et, par conséquent, l’avancement scientifique général, pour ne considérer que la technologie particulière de laquelle il a remis en question la scientificité. La théorie de monsieur Beaudoin concernant l’avancement scientifique est la suivante :

Ce n’est pas dans les roues entrainement, ni dans les courroies que se trouve la scientificité, mais plutôt dans le fait que ces roues d’entraînement augmentent le niveau de rotativité et dans le fait que les courroies jouent un rôle moteur assimilable à celui de l’effet de bielle des moteurs à piston, ou du cylindre rétrorotationnel des moteurs turbinatifs, et ce qui entraine un [sic] libération des pales de la stricte rotation de l’axe, les rendant plus compatible [sic] au mouvement des fluides.

[20]        Selon monsieur Beaudoin, l’avantage de rendre les pales plus convergentes avec le mouvement du transit des fluides est de diminuer la perte d’efficacité des machines parce que leur niveau de rotation est unitaire et trop bas, ce qui a pour conséquence de faire perdre de l’effet de bielle. La récupération de l’effet de bielle par les courroies permet aux pales de réaliser un mouvement plus près de celui du fluide, ce qui augmente l’efficacité mécanique de celles-ci. Les travaux de monsieur Beaudoin ont porté sur le développement de nouveaux procédés technologiques permettant d’augmenter les niveaux de rotation.

Dispositions législatives applicables et Analyse

[21]        La définition de l’expression « activités de recherche scientifique et de développement expérimental » se trouve au paragraphe 248(1) de la Loi. Dans la version applicable à l’année d’imposition 2011, cette définition se lit comme suit :

« activités de recherche scientifique et de développement expérimental » − Investigation ou recherche systématique d’ordre scientifique ou technologique, effectuée par voie d’expérimentation ou d’analyse, c’est-à-dire :

a)      la recherche pure, à savoir les travaux entrepris pour l’avancement de la science sans aucune application pratique en vue;

b)      la recherche appliquée, à savoir les travaux entrepris pour l’avancement de la science avec application pratique en vue;

c)      le développement expérimental, à savoir les travaux entrepris dans l’intérêt du progrès technologique en vue de la création de nouveaux matériaux, dispositifs, produits ou procédés ou de l’amélioration, même légère, de ceux qui existent.

Pour l’application de la présente définition à un contribuable, sont compris parmi les activités de recherche scientifique et de développement expérimental :

d)      les travaux entrepris par le contribuable ou pour son compte relativement aux travaux techniques, à la conception, à la recherche opérationnelle, à l’analyse mathématique, à la programmation informatique, à la collecte de données, aux essais et à la recherche psychologique, lorsque ces travaux sont proportionnels aux besoins des travaux visés aux alinéas a), b) ou c) qui sont entrepris au Canada par le contribuable ou pour son compte et servent à les appuyer directement.

Ne constituent pas des activités de recherche scientifique et de développement expérimental les travaux relatifs aux activités suivantes :

e)      l’étude du marché et la promotion des ventes;

f)        le contrôle de la qualité ou la mise à l’essai normale des matériaux, dispositifs, produits ou procédés;

g)      la recherche dans les sciences sociales ou humaines;

h)      la prospection, l’exploration et le forage fait en vue de la découverte de minéraux, de pétrole ou de gaz naturel et leur production;

i)        la production commerciale d’un matériau, d’un dispositif ou d’un produit nouveau ou amélioré, et l’utilisation commerciale d’un procédé nouveau ou amélioré;

j)        les modifications de style;

k)      la collecte normale de données.

[22]        Pour obtenir les CIIs, l’appelante doit démontrer qu’elle a encouru des dépenses admissibles, au sens du paragraphe 127(9) de la Loi. En l’occurrence, il ne s’agit ici que des dépenses de salaire versé à monsieur Beaudoin.

[23]        Dans l’arrêt Northwest Hydraulic Consultants Ltd. c. Canada, 98 D.T.C. 1839, le juge Bowman a énoncé au paragraphe 16 la marche à suivre pour déterminer si des activités décrites comme des activités de recherche constituent de la RS & DE :

[…]

1.    Existe-t-il un risque ou une incertitude technologique?

     […]

2.  La personne qui prétend se livrer à de la RS&DE a-t-elle formulé des hypothèses visant expressément à réduire ou à éliminer cette incertitude technologique? La chose comporte un processus à cinq étapes :

a)  l’observation de l’objet du problème;

b)  la formulation d’un objectif clair;

c)  la détermination et la formulation de l’incertitude technologique;

d) la formulation d’une hypothèse ou d’hypothèses destinées à réduire ou à éliminer l’incertitude;

e)  la vérification méthodique et systématique des hypothèses.

[…]

3.  Les procédures adoptées sont-elles conformes aux principes établies et aux principes objectifs de la méthode scientifique, définis par l’observation scientifique systématique, la mesure et l’expérimentation ainsi que la formulation, la vérification et la modification d’hypothèses?

[…]

4.  Le processus a-t-il abouti à un progrès technologique, c’est-à-dire à un progrès en ce qui concerne la compréhension générale?

[…]

5. La Loi et son règlement d’application ne le prévoient pas expressément, mais il semble évident qu’un compte rendu détaillé des hypothèses, des essais et des résultats doivent être faits, et ce, au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

[24]        Malheureusement pour l’appelante et pour monsieur Beaudoin, je ne crois pas que les travaux exécutés dans le cadre du projet intitulé « Turbinolienne Energétique » puissent se qualifier comme étant des activités de RS & DE.

[25]        Il y a lieu de rappeler ici que le projet de recherche de l’appelante a été examiné par trois scientifiques de l’ARC, dont un ayant le statut d’expert, et que monsieur Beaudoin a eu de nombreuses opportunités de leur exposer son point de vue et pour les convaincre que ses activités de recherche rencontraient les exigences de la Loi. D’ailleurs, le projet de recherche de l’appelante a été examiné sous l’angle d’un projet de recherche de « Développement expérimental pour l’amélioration d’éléments existants pour des produits » puisque la question de l’existence d’incertitudes technologiques a été abordée et à la fois sous l’angle d’un projet de recherche pure ou de recherche appliquée qui vise l’amélioration des connaissances techniques et qui ne requiert pas nécessairement d’incertitudes technologiques. Selon les scientifiques de l’ARC, le projet de recherche de l’appelante n’a jamais atteint le stade de RS & DE puisqu’il ne s’agit que d’un concept, illustré par des desseins et dont la démonstration était faite au moyen d’un prototype des plus rudimentaires du moins dans sa version de 2011.

[26]        Si on applique les critères énoncés par le juge Bowman dans l’arrêt Northwest Hydraulic Consultants Ltd. c. Canada, précédemment cité, pour déterminer si les activités de recherche de l’appelante se qualifiaient en tant que RS & DE, force est de constater qu’aucun des cinq critères qui y sont énoncés n’est rencontré en l’espèce. Il y a absence d’incertitude et de progrès technologique; il n’y a aucune hypothèse claire ou investigation technologique effectuée dans le cadre d’une méthode scientifique éprouvée et, finalement, il y a une consignation pertinente insuffisante des hypothèses, des essais et des résultats obtenus au fur et à mesure de l’avancement des travaux.

[27]        En conclusion, les travaux exécutés par l’appelante ne constituent pas des activités de RS & DE au sens du paragraphe 248(1) de la Loi et le ministre a, à bon droit, rejeté le montant réclamé par l’appelante à titre de dépenses de RS & DE et le montant réclamé à titre de remboursement du CII.

[28]        Pour toutes ces raisons, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour d’avril 2016.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 81

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-679(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Puissance de Recherches Générales Novalia Inc. c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 27 avril et 21 août 2015

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 8 avril 2016

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l'appelante :

Normand Beaudoin

Avocate de l’intimée :

Me Anne-Marie Boutin

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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