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Dossier : 2013-691(IT)G

 

ENTRE :

 

GEORGE ANDERSON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus le 3 mars 2016 et motifs du jugement prononcés de vive voix à l’audience le 4 mars 2016, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge suppléant D.W. Rowe


 Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Duane R. Milot

 

Avocats de l’intimée :

Me Alisa Apostle (le 3 mars 2016 seulement) et Me Peter Swanstrom (le 4 mars 2016 seulement)

 

JUGEMENT

          L’appel interjeté à l’encontre d’une nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») pour l’année d’imposition 2008 est accueilli, avec dépens, et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que la pénalité établie en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi est annulée.

 

          Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi pour les années d’imposition 2005 et 2007 sont rejetés.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 14e jour d’avril 2016.

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de novembre 2016.

 

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2016 CCI 93

Date : 20160414

Dossier : 2013-691(IT)G

ENTRE :

GEORGE ANDERSON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 


MOTIFS DU JUGEMENT

(Motifs prononcés de vive voix à l’audience le

4 mars 2016, à Toronto (Ontario).)

Le juge suppléant Rowe

[1]             Dans un premier temps, l’appel de l’appelant touchait les années d’imposition 2005, 2007 et 2008. Au début de l’audience, l’avocat de l’appelant a indiqué que l’appel ne touchait que l’année d’imposition 2008 et que la seule question était de savoir si l’imposition de la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi ») est justifiée.

[2]             Afin de déterminer la responsabilité fiscale de l’appelant pour l’année d’imposition 2008, le ministre du Revenu national (le « ministre ») s’est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes figurant aux alinéas a) à j) du paragraphe 19 de la réponse à l’avis d’appel :

          [TRADUCTION]

a)      le revenu total de l’appelant pour l’année d’imposition 2008 était de 92 637,01 $, constituant un revenu d’emploi provenant du Canadien Pacifique;

b)      en produisant sa déclaration de revenus de 2008, l’appelant a déduit une perte d’entreprise de 340 882,38 $ (la « perte à titre de mandataire » définie précédemment);

c)      la perte à titre de mandataire a donné lieu à un remboursement de tous les impôts retenus à la source pour l’année d’imposition 2008;

d)     l’appelant a déclaré dans sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2008 qu’il exerçait des activités de « mandataire »;

e)      la perte de 340 882,38 $ à titre de mandataire ne touchait aucune activité professionnelle exercée par l’appelant;

f)       l’appelant a déduit 88 882,38 $ de son revenu pour l’année d’imposition 2008 au titre de pertes à titre de mandataire, puis a demandé que le solde non utilisé de 252 000 $ soit reporté et appliqué à ses années d’imposition 2005, 2006 et 2007 à raison de 84 500 $, 84 000 $ et 83 500 $, respectivement;

g)      il a déclaré dans sa déclaration de revenus de 2008 que le revenu de son « entreprise » (détaillé au paragraphe 9 ci-dessus) était de 92 637,01 $ (somme décrite comme étant la « [traduction] somme totale perçue à titre de mandataire du mandant et déclarée par des tiers ») et de 7 040,41 $ (somme décrite comme étant la « [traduction] somme supplémentaire perçue à titre de mandataire du mandant et NON déclarée par des tiers »);

h)      il a déclaré dans sa déclaration de revenus de 2008 que ses dépenses, qui étaient décrites comme étant le « [traduction] Montant versé au mandant en contrepartie d’un travail », étaient de 248 245,37 $ (les « dépenses non admissibles »);

i)        il a signé sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2008 « par : G. Anderson »;

j)        il a signé son formulaire T1AE – Demande de report rétrospectif d’une perte pour l’année d’imposition 2008 « par : George Anderson »; […]

[3]             Les autres hypothèses se rapportent à la conviction du ministre selon laquelle l’appelant a sciemment participé à un groupe de protestataires faisant partie d’un mouvement anti-impôts afin d’éviter de payer l’impôt et qu’il savait ou aurait dû savoir que la perte déclarée à titre de mandataire était en fait fictive.

[4]             Les avocats ont convenu que le cahier de documents de l’appelant pourrait être déposé en tant que pièces A-1 et A-2 et celui de l’intimée en tant que pièce R-1.

[5]             George Anderson (« Anderson ») a témoigné. Il est né en 1955, n’est pas marié et n’a pas d’enfants. Il a suivi des études primaires de la première à la sixième année, puis a terminé les septième et huitième années à l’école publique et a débuté la neuvième année où il a constaté qu’il avait des difficultés avec les matières enseignées, particulièrement les mathématiques, qui ne l’intéressaient pas. Je présume qu’il n’était pas très assidu et que, par conséquent, il a échoué sa neuvième année.

[6]             Il avait quinze ans quand il a quitté l’école et a trouvé que la lecture était un peu difficile. Il n’a pas été en mesure de s’intéresser à des sujets qui étaient peut-être décrits comme étant des matières faciles comme le théâtre. Il n’a pas suivi d’autres études après avoir quitté l’école. Il a travaillé dans des ateliers de débosselage où il effectuait de menus travaux, puis au magasin Eaton où il polissait des rails en laiton sur la rue Yonge, puis dans une usine qui fabriquait des cartons où il scellait et empilait des boîtes et plus tard dans une entreprise qui avait des distributeurs automatiques et divers accessoires métalliques où il réparait les dommages et les bosses. Ensuite, il a obtenu un emploi auprès de Chemin de fer Canadien Pacifique (« CP »). Il y a commencé à travailler pour le CP en septembre 1974. Il est resté là pendant 36 ans. Il a débuté en tant qu’ouvrier dans l’atelier diesel où il nettoyait les locomotives entre autres choses. Puis il a travaillé comme ouvrier dans l’atelier de réparation où se trouvent les wagons et où il n’y a rien d’autre que des moteurs, et il a exercé les mêmes fonctions pendant six mois jusqu’à ce qu’il soit promu au poste d’aide-wagonnier, il apportait des pièces et des fournitures à l’atelier d’outillage, puis il est devenu wagonnier stagiaire et a travaillé avec le wagonnier en participant aux réparations pendant quatre ans. Cela touchait le changement des roues, des sabots de frein, le redressement des portières et le changement des planches de fond de wagons et ainsi de suite.

[7]             L’appelant est devenu un wagonnier en exerçant fondamentalement les mêmes fonctions, mais il travaillait désormais de façon autonome en effectuant des inspections dans la cour à la recherche de pièces cassées comme des freins et a effectué des contrôles visuels pendant deux ou trois ans.

[8]             Il a été promu à un poste de superviseur, ce qui équivaut à un poste de contremaître. Il supervisait jusqu’à huit travailleurs à la fois et affectait les gens à des tâches précises. Il a fait ce travail pendant 25 ans jusqu’à sa retraite en l’an 2010.

[9]             Anderson a déclaré qu’il n’avait suivi aucune formation en droit fiscal, en comptabilité, en calculs fiscaux ou en affaires et, dans la vie de tous les jours, il pouvait lire et comprendre à condition que le sujet soit quelque chose qu’il connaissait relativement bien. Il avait produit une déclaration de revenus chaque année, depuis l’âge de 16 ans en 1971 ou en 1972.

[10]        Il n’a jamais préparé lui-même ses déclarations de revenus. Sa mère les a préparées pour lui jusqu’à ce qu’elle décède au milieu des années 1980. Par la suite, il s’est adressé à un spécialiste en déclarations de revenus nommé Brian Bower et l’a vu plus d’une fois. Pour les années 2003, 2004 et 2005, il a fait appel aux services de Lisa’s Tax Service et ne se rappelle pas les honoraires qu’il a payés. En 2007, un collègue nommé Ed Hale a préparé la déclaration de revenus d’Anderson en utilisant le logiciel qu’il avait à sa disposition. M. Hale était un superviseur de la sécurité au CP.

[11]        En 2008, sa déclaration de revenus a été préparée par un particulier appelé Muntaz Rasool. En novembre 2006, l’appelant a rencontré Muntaz Rasool (« Rasool ») qui est souvent mentionné dans le témoignage des témoins, parfois par son prénom, Muntaz, et d’autres fois par son nom de famille, Rasool. Un collègue de l’appelant, Chris Bartley (« Bartley »), était un gestionnaire de processus au CP et a invité l’appelant à une réunion à son domicile où environ huit autres personnes s’étaient rassemblées pour écouter une proposition d’affaires présentée par Rasool dans le cadre de laquelle il a parlé de la possibilité d’investir dans une entité appelée StockLogics, prétendument une coentreprise.

[12]        Rasool a remis des documents promotionnels sous forme de tracts qu’Anderson a lus, mais a dit qu’il ne comprenait pas, mais d’autres dans le groupe – y compris Bartley – ont posé des questions à Rasool qui a répondu immédiatement en toute confiance sur un ton professionnel.

[13]        L’appelant a déclaré qu’il comprenait qu’en tant que partenaire de la coentreprise StockLogics il serait en mesure de déduire sa part des pertes d’entreprise de son revenu d’emploi provenant du CP. Il a reconnu sa signature sur un document de six pages – la pièce R-2 – intitulé Exonération à l’égard de StockLogics et a accepté d’engager 10 000 $ en tant que participant ou partenaire de coentreprise.

[14]        Avant d’accepter de participer à la promotion de StockLogics, Anderson a demandé à Bartley des renseignements sur les qualifications de Rasool et il lui a dit que celui-ci était une personne expérimentée en matière fiscale et un conseiller fiscal agréé ayant plusieurs années d’expérience et que d’autres employés du CP avaient traité avec lui et n’avaient eu aucun problème.

[15]        Bartley a investi dans le programme comme l’a fait un autre collègue, Ed Hale, l’homme qui avait préparé la déclaration de revenus de 2007 d’Anderson. Anderson a parlé avec Bartley à propos de Rasool. Bartley a informé Anderson qu’il avait investi dans ce qu’il croyait être un organisme de bienfaisance légitime – Destiny – lié à Global Medic et qu’un investissement de 10 100 $ avait généré un remboursement d’impôt de plus de 20 000 $.

[16]        Bartley a également informé Anderson que Rasool était le conseiller fiscal et le comptable d’un autre travailleur du CP qui occupait également un poste de direction ou de supervision et qui exploitait une ou plusieurs entreprises en plus de son emploi à temps plein. Cette personne n’a jamais eu de problèmes avec l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») après que Rasool ait préparé ses déclarations de revenus.

[17]        Anderson a fait un chèque, daté du 25 novembre 2006, de 10 000 $ payable à StockLogics, dont une copie est jointe à la dernière page de la pièce R-2.

[18]        La participation au programme de StockLogics a produit un remboursement pour l’année d’imposition 2007 d’Anderson, mais Bartley n’a pas participé à nouveau en 2008, car il avait reçu suffisamment de bénéfices des remboursements découlant de la participation précédente aux programmes de Rasool et avait utilisé les fonds pour rénover sa maison et cela avait éliminé la nécessité d’obtenir des fonds grâce à une marge de crédit.

[19]         Rasool n’avait jusqu’alors préparé aucune des déclarations de revenus d’Anderson. C’est Lisa’s Tax Service qui, précédemment, a préparé ses déclarations de revenus.

[20]        À la fin de l’automne 2008, l’appelant a assisté à une réunion où Rasool a parlé de la méthode spéciale qu’il pourrait – en tant qu’expert – suivre pour produire des déclarations qui fourniraient des remboursements importants à ses clients. Il a assuré les gens qu’elle était légitime et qu’elle avait été approuvée par l’ARC.

[21]        À un moment donné, Rasool a montré à Anderson la page pertinente de la déclaration de revenus de certaines personnes connues de l’appelant – des employés du CP ou leurs proches – qui avaient reçu des remboursements importants et cela l’a convaincu que la méthode de Rasool était légitime. Anderson a déclaré, lors de son témoignage, qu’il n’aimait pas particulièrement Rasool, mais a décidé de recourir à ses services parce que les autres lui faisaient confiance et n’avaient eu aucune difficulté avec l’ARC par la suite.

[22]        Il a déclaré, lors de son témoignage, qu’il ne comprenait pas le concept expliqué par Rasool, mais savait qu’il touchait une méthode obscure, mais légale, qui permettait à certaines personnes d’exercer leur droit de racheter – en fait – leur nom et prénom de la Couronne qui les avait attribuées à la naissance ou par la suite – et que cela permettrait à une personne de déduire des dépenses plus élevées de ses autres revenus, notamment de son revenu d’emploi.

[23]        Rasool a fourni à Anderson l’adresse d’un site Web qu’il a consulté. Il a lu le contenu, qui était aussi difficile à comprendre que les explications de Rasool, mais qui était compatible avec celles-ci.

[24]        Anderson n’a pas réinvesti dans l’entreprise StockLogics, mais, en raison de son investissement au cours de l’année d’imposition 2007, a reçu un remboursement important fondé sur une perte d’entreprise nette de 35 000 $.

[25]        Quand Anderson a décidé de retenir les services de Rasool pour préparer sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2008, il l’a rencontré dans un restaurant Tim Horton où Rasool lui a fourni sa déclaration de revenus qui est annexée à l’onglet 3 de la pièce A-1.

[26]        Anderson a déclaré, lors de son témoignage, qu’il avait jeté un coup d’œil à la première page et que Rasool feuilletait les pages jusqu’à ce qu’il arrive à la page où Anderson devait apposer sa signature, mais celui-ci affirme ne pas avoir ajouté le mot « par » devant sa signature. Le mot « par » n’y figurait pas à ce moment-là.

[27]        Il a remarqué le montant important du remboursement dans la section située au-dessus de la ligne où il devait apposer sa signature et a demandé à Rasool pourquoi le montant était si élevé. Rasool lui a expliqué que c’était à cause de sa connaissance approfondie de la Loi et du système de production qui avait été approuvé par l’ARC et qu’il avait utilisé pour d’autres personnes connues d’Anderson et que les remboursements avaient été versés.

[28]        Anderson a déclaré, lors de son témoignage, que le document intitulé État des activités de mandataire ne figurait pas dans la déclaration de revenus quand celle-ci lui a été présentée. Son nom était écrit à la main en lettres moulées en bas de page, mais il ne pense pas l’avoir écrit. Sa signature figure effectivement à la page suivante, mais – encore une fois – ce n’est pas lui qui a ajouté le mot « par » et ce mot n’était pas là quand il a consulté cette page.

[29]        Quand il a signé sa déclaration de revenus au restaurant Tim Horton, il a remarqué que la case qui doit être remplie par le spécialiste en déclarations de revenus était vide. Donc, il a pris son stylo et y a écrit le nom de Muntaz Rasool à l’encre noire. Anderson pouvait voir, à son expression et son comportement, que Rasool n’était pas content. L’appelant n’a pas inséré le nom de l’entreprise ou l’adresse de Rasool, car il les ignorait mais il savait que Rasool avait de nombreux clients dans la région d’Oshawa et les a rencontrés dans un restaurant ou un autre lieu.

[30]        Anderson a déclaré, lors de son témoignage, qu’il n’a pas vu les chiffres figurant sur la page de la déclaration de revenus où son revenu était indiqué en haut de page, ni le chiffre important – 340 882,38 $ entre parenthèses – en bas de page qui se rapportait présumément au revenu et aux dépenses d’entreprise débouchant sur une perte importante.

[31]        Il a été un employé pendant toute sa vie active, il n’a jamais exploité d’entreprise et il a déclaré qu’il aurait su que ce chiffre était inexact s’il l’avait vu et qu’il l’aurait pris en note. Il était certain que cette page n’accompagnait pas dans sa déclaration de revenus ou que Rasool ne la lui avait pas montrée.

[32]        Anderson est également convaincu que le document – à la page 23 de sa déclaration de revenus à l’onglet 3 de la pièce A-1 – intitulé État des activités de mandataire – ne figurait pas dans la déclaration de revenus quand il l’a signée. Son nom est imprimé au bas de la page, mais il n’a vu ce document pour la première fois que lorsque son avocat le lui a présenté.

[33]        À la page 20 de la pièce A-1, onglet 3, il y a un document – intitulé Demande de report rétrospectif d’une perte – et Anderson a reconnu sa signature sur la page suivante – 21 –, mais a encore une fois déclaré qu’il n’avait pas ajouté le mot « par » devant sa signature. Anderson a déclaré n’avait jamais vu ce document à la page 21.

[34]        À la page 25, Anderson a remarqué que le montant du remboursement avait été inscrit à la case 484 et à nouveau à la case 466. Il n’a jamais eu l’intention de déclarer une perte d’entreprise pour son année d’imposition 2008 et savait que ce n’était pas comme son investissement dans StockLogics où il était un participant à une coentreprise et en mesure de déduire sa part des pertes d’entreprise de son revenu provenant du CP.

[35]        Il avait remarqué le montant élevé du remboursement demandé – 25 179,34 $ – et avait demandé des renseignements à ce sujet et a obtenu une explication de Rasool qu’il a trouvée satisfaisante et conforme aux conseils et aux explications que Rasool avait déjà fournis lors d’une réunion et lors de réunions ultérieures avec Rasool.

[36]        L’appelant a reçu un remboursement de 25 179,34 $ pour son année d’imposition 2008 et, après que Rasool ait téléphoné à plusieurs reprises pour savoir si le remboursement avait été reçu par dépôt direct à la banque d’Anderson, Rasool a ensuite demandé, à la suite de la confirmation dudit dépôt, que certains honoraires lui soient payés, ce qu’Anderson a refusé de payer, mais a, en fait, payé un montant inférieur de 11 000 $ provenant du produit de ce remboursement.

[37]        Après qu’Anderson eut signé la déclaration de revenus aux endroits indiqués, Rasool l’a prise et a dit à Anderson qu’il la produirait auprès de l’ARC. Anderson a demandé une copie, mais Rasool lui a dit qu’il n’avait apporté que l’original, mais qu’il lui en fournirait une plus tard. Malgré les demandes ultérieures, aucune autre copie ne lui a jamais été fournie.

[38]        Il y a une déclaration de revenus T1 générale de 2008 non signée au nom de l’appelant qui porte le mot « COPIE » écrit sous ce titre et les chiffres relatifs au revenu d’emploi et aux revenus et dépenses d’entreprise ainsi qu’aux pertes qui en découlent et le montant du remboursement demandé sont les mêmes que dans la déclaration de revenus mentionnée plus tôt à l’onglet 3 de la pièce A-1.

[39]        L’origine de ce document reste un mystère, mais il a été inclus dans le cahier des documents de l’appelant et a été fourni à l’intimée.

[40]        Il peut provenir du spécialiste en déclarations en revenus ultérieur de l’appelant, Ed Gilmore, mais ce n’est que pure spéculation de ma part.

[41]        Anderson a reçu une lettre de l’ARC renfermant un questionnaire d’entreprise et lui demandant d’autres renseignements sur la prétendue entreprise qui aurait produit la perte. Il a lu la première partie de la lettre, mais devait se rendre au travail.  Il l’a donc laissée dans une enveloppe sur la table à café chez son ami où il vivait et cette adresse était celle qui était indiquée dans sa déclaration de revenus.

[42]        Au travail, il a parlé à un collègue au sujet de la lettre et a appris que la fille de cet homme avait reçu une lettre semblable et qu’elle préoccupait la famille. Après le travail, Anderson est rentré chez lui et a découvert que son ami pensait que l’enveloppe était à jeter, donc il l’a jetée dans le foyer de la cheminée où elle a brûlé.

[43]        Anderson a téléphoné à l’ARC afin de parler à quelqu’un de ce qui était arrivé et celui qui était à l’autre bout de la ligne a dit : « alors, le chien a mangé votre devoir » et a rapidement raccroché. Il était découragé par cette réponse et a déclaré que cela l’a empêché de tenter de communiquer à nouveau avec l’ARC.  Donc, il a communiqué avec Rasool qui l’a informé que son entité commerciale avait des avocats à sa disposition qui s’occuperaient de la question et qu’il n’avait rien à craindre.

[44]        L’ARC a envoyé d’autres lettres qu’Anderson a confiées à Rasool, mais, à un moment donné en 2010, ce dernier a disparu et aucune des personnes qui avaient des relations avec lui n’a pu le trouver. Anderson a communiqué avec Ed Gilmore qui a déposé un avis d’opposition en son nom.  Cet avis se limitait à une seule ligne et n’offrait aucune justification réelle de l’opposition, sauf celle voulant que le ministre ait commis une erreur en établissant la cotisation relative aux dépenses d’entreprise.

[45]        Le ministre a délivré un avis de ratification relativement aux diverses années en cause visées par la Demande de report rétrospectif d’une perte produite en même temps que la déclaration de revenus d’Anderson. Anderson a déclaré, lors de son témoignage, que la première page de ce document ne figurait pas dans la déclaration de revenus quand il avait signé la page 2 et que le mot « par » n’y figurait pas à ce moment-là.

[46]        Il a dit qu’il était bien conscient qu’il n’avait jamais exploité une entreprise et avait été un employé tout au long de sa vie active pendant près de 40 ans.

[47]        Y avait-il un faux énoncé dans la déclaration de revenus? Oui, parce qu’Anderson n’a exploité aucune entreprise en 2008. Comment cette information s’est retrouvée là? Elle figurait peut-être sur la page où le revenu d’emploi a été inscrit en haut de page, mais Anderson était certain qu’il n’avait pas vu cette page et aurait remarqué le montant important d’une prétendue perte d’entreprise. Il est certain que la première page de l’État des activités de mandataire n’était pas là et qu’il se serait interrogé sur son objet. Il savait ce qu’était son revenu en 2008 et a convenu que le montant utilisé par le ministre est exact.

[48]        La preuve me convainc que Rasool a emporté la déclaration de revenus avec lui après qu’Anderson l’ait signée et qu’il a inséré des documents comme la première page de l’État des activités de mandataire et la première page de la Demande de report rétrospectif d’une perte de sorte que le tout donne l’impression qu’Anderson avait eu connaissance de la totalité du contenu de ces documents et qu’il avait l’intention de compter sur eux.

[49]        Je ne sais pas comment Rasool a supprimé l’inscription par Anderson – à l’encre noire – de son nom dans la case réservée aux spécialistes en déclarations de revenus, mais je suis convaincu qu’Anderson a effectué cette inscription et, ce faisant, a constaté le mécontentement manifeste de Rasool.

[50]        Ces méthodes sont conformes à la pratique de Rasool qui est bien connu à l’ARC et à la Cour canadienne de l’impôt comme étant l’auteur de fraudes et d’escroqueries de toutes sortes, que ce soit seul ou conjointement avec d’autres personnes, qui ont convaincu beaucoup de gens de croire à leurs théories bizarres pour faire partie de ce mouvement anti-impôt.

[51]        Je doute qu’il ait été difficile pour lui d’utiliser un logiciel moderne pour supprimer son nom de la case réservée au spécialiste en déclarations de revenus, puis de numériser un document et de réimprimer cette page.

[52]         J’estime que le témoignage d’Anderson est crédible et que les méthodes peu scrupuleuses de Rasool utilisées en l’espèce et dans d’autres cas signalés permettent de conclure qu’il est prêt à avoir recours à des tours de passe-passe en montrant aux gens où signer une déclaration de revenus et en insérant un document dans une déclaration à produire auprès de l’ARC qui n’était pas là quand son client l’a signée.

[53]        Le paragraphe 163(2) de la Loi se lit comme suit :

163(2) Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d’imposition pour l’application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d’une pénalité […]

[54]        En vertu du paragraphe 163(3), le ministre a la charge d’établir les faits qui justifient l’imposition de la pénalité.

[55]        Deux éléments sont nécessaires pour justifier l’imposition des pénalités en l’espèce :

1.       un faux énoncé dans une déclaration;

 

2.       le fait d’avoir, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait le faux énoncé, ou d’y avoir consenti ou acquiescé.

[56]        Je suis convaincu, d’après la preuve, qu’Anderson n’a pas sciemment fait ce faux énoncé et n’a pas acquiescé ou consenti à faire de faux énoncés en ce qui concerne la déclaration d’une perte d’entreprise. La question est maintenant de savoir si la pénalité est justifiée parce que la conduite d’Anderson peut être caractérisée selon la Couronne comme de l’aveuglement volontaire qui, selon les récents arrêts de la Cour d’appel fédérale, constitue une faute lourde pour l’application de ce paragraphe. Il y a aussi une jurisprudence importante émanant de la Cour canadienne de l’impôt.

[57]        Ce qui a vraiment donné le coup d’envoi, c’était le jugement de M. le juge Campbell Miller dans la décision Torres c. Canada, 2013 CCI 380, 2014 DTC 1028 [la décision Torres]. Le juge Miller a entendu l’appel de six contribuables qui avaient déclaré des pertes d’entreprise fictives selon les conseils et les instructions fournis par les représentants d’un groupe appelé Fiscal Arbitrators qui est devenu notoire à la Cour.

[58]        Le juge Miller a examiné la jurisprudence pertinente, y compris des arrêts récents de la Cour d’appel fédérale et a fait référence à ses motifs antérieurs dans la décision Bhatti c. Canada, 2013 CCI 143, 2013 DTC 1129 [la décision Bhatti], qui comportait également une participation à un stratagème mis en place par le groupe Fiscal Arbitrators.

[59]        Dans la décision Torres, vu cette jurisprudence et les éléments de preuve produits dans les six appels dont il était saisi, aux paragraphes 65 et 66, il a affirmé ce qui suit :

[65]      Vu cette jurisprudence et les éléments de preuve qui m’ont été produits dans les six appels dont je suis saisi, je dégage les principes suivants :

a)         La connaissance d’un faux énoncé peut être déduite d’un aveuglement volontaire.

b)        La notion d’aveuglement volontaire peut être appliquée aux pénalités pour faute lourde prévues par le paragraphe 163(2) de la Loi, et il convient d’appliquer cette notion en l’espèce.

c)         Pour savoir s’il y a eu ou non aveuglement volontaire, il faut tenir compte du niveau d’instruction et d’expérience du contribuable.

d)        Pour conclure à un aveuglement volontaire, il doit y avoir eu nécessité de s’informer, ou soupçon d’une telle nécessité.

e)         Les facteurs laissant supposer la nécessité de s’informer avant la production d’une déclaration, ou faisant apparaître « des feux rouges clairs », expression que j’employais à l’occasion de l’affaire Bhatti, comprennent ce qui suit :

i)          l’importance de l’avantage ou de l’omission;

ii)         le caractère flagrant du faux énoncé et la facilité avec laquelle il peut être décelé;

iii)        l’absence, dans la déclaration elle-même, d’une attestation du spécialiste qui a établi la déclaration;

iv)        les demandes inusitées du spécialiste;

v)         le fait que le spécialiste était auparavant inconnu du contribuable;

vi)        les explications inintelligibles du spécialiste;

vii)       le point de savoir si d’autres personnes ont eu recours au spécialiste ou ont fait des mises en garde à l’encontre de ce dernier, ou le point de savoir si le contribuable lui-même hésite à s’en ouvrir à d’autres.

f)         Le dernier critère de l’aveuglement volontaire est le fait que le contribuable ne s’enquiert pas auprès du spécialiste pour comprendre la déclaration de revenus, ni ne s’enquiert aucunement auprès d’un tiers, ou auprès de l’ARC elle-même.

[66]     Les appelants ont-ils fait preuve d’aveuglement volontaire?

[60]        Je vais tenir compte des facteurs qui ont été identifiés par le juge Miller dans son analyse dans la décision Torres, car ils se rapportent à l’appelant dans le cadre de son appel. Je vous ai déjà parlé des études d’Anderson et de son travail, qui touchait des choses mécaniques et qui était souvent très répétitif et qui, dans les premières années, se composait d’emplois relativement subalternes. Toutefois, ces dernières années, son emploi au CP exigeait qu’il soit sérieux et responsable en supervisant un groupe de personnes et en faisant en sorte que, lorsque les wagons recommencent à rouler, ils soient sécuritaires et ne causent pas de dommages. Mais ce n’était pas une personne qui était faite pour les études. Comme il l’a dit, il avait de la difficulté avec ce qu’il a appelé les mathématiques difficiles.

[61]        Sur quels facteurs était fondé la nécessité de s’informer ou le soupçon d’une telle nécessité? Eh bien, ce qu’il a fait, c’est qu’il a compté sur les conseils qu’il avait reçus de son ami qu’il avait connu pendant 25 à 30 ans au CP et qui, en principe, travaillait avec lui à l’atelier où il était employé. Bartley a affirmé qu’il n’y avait juridiquement aucune difficulté particulière avec Rasool, que tout allait bien, qu’il avait reçu un remboursement d’impôt et que le programme dont Rasool faisait la promotion, que ce soit StockLogics auquel Anderson a également participé ou le programme de dons médicaux, était en fait légitime.

[62]        Anderson était présent à une réunion et Bartley était là et aussi son ami, Ed Hale, et ces gens ont tous deux investi avec lui dans le programme StockLogics.

[63]        En ce qui concerne la structure des honoraires, pendant les nombreuses premières années, la mère d’Anderson a préparé ses déclarations de revenus et, par la suite, il a fait appel à un autre spécialiste en déclarations de revenus, puis à Lisa de Lisa’s Tax Services. Il ne peut pas se rappeler ce qu’il a payé, mais ce n’était pas un montant considérable. C’était une somme modique. L’argent qu’il a payé pour le programme StockLogics était un investissement et il a reçu un remboursement qui était fondé sur une perte d’entreprise.

[64]        Un autre facteur à considérer est l’anonymat d’un spécialiste en déclarations de revenus et l’absence d’une attestation concernant la préparation des déclarations de revenus. Eh bien, il n’y avait pas d’anonymat en l’espèce. Rasool était l’homme de première ligne qui avait préparé les déclarations de revenus des autres personnes qui travaillaient au CP et qui avait été recommandé et qui passait, en effet, pour un professionnel légitime ayant certaines qualifications. Au total, il a probablement rencontré Rasool cinq ou six fois.

[65]        Anderson a remarqué que, lorsque la déclaration de revenus lui avait été remise au restaurant Tim Horton, la case réservée au spécialiste en déclarations de revenus n’avait pas été remplie. Il a donc saisi son stylo à l’encre noire et y a écrit le nom de Muntaz Rasool.

[66]        L’un des facteurs est le suivant : y avait-il un faux énoncé flagrant et était‑il facilement décelable? Eh bien, certainement, l’énorme perte qui a été inscrite dans la déclaration de revenus reçue par l’ARC était manifestement fausse et aurait été facilement décelable si elle avait figuré dans cette déclaration avec certains autres documents au moment où Anderson l’a signée. Je doute fort que même la page indiquant son revenu d’emploi et sa perte d’entreprise fût jointe à cette déclaration à ce moment précis.

[67]        Un facteur mentionné dans l’affaire Torres et dans plusieurs autres causes similaires était de savoir si le spécialiste en déclarations de revenus avait fait des demandes inusitées. En l’espèce, ce n’était pas Anderson qui a ajouté le mot « par » devant sa signature. Anderson est allé sur un site Web que Rasool lui avait indiqué et il ne l’a pas vraiment compris, mais ce site semblait donner plus ou moins les mêmes explications qu’Anderson avait obtenues plus tôt.

[68]        Il y a une référence à la confiance de l’appelant envers le spécialiste en déclarations de revenus et envers la cohorte qui aurait participé à cette entreprise. Mais en l’espèce, et cela tombe peut-être bien, Rasool a disparu avant que les réponses absurdes habituelles aient pu être transmises à l’ARC.

[69]        Il est important de se rappeler à nouveau que, lors de la réception de cette première lettre, même s’il s’apprêtait à se rendre au travail, il en a discuté avec un collègue et, quand il est rentré chez lui, il a tenté de communiquer avec l’ARC et a obtenu la réponse que j’ai déjà citée.

[70]        Par conséquent, il a communiqué avec Rasool, mais à ce moment-là, ce dernier lui a seulement dit que son organisation avait retenu les services d’un avocat, que celui-ci traiterait avec l’ARC et qu’il n’avait pas à s’en soucier. C’était essentiellement le dernier contact qu’il ait eu avec Rasool.

[71]        Le jugement du juge Miller dans la décision Torres a été porté en appel devant la Cour d’appel fédérale qui a rendu l’arrêt Torres c. Canada [appel de Strachan], 2015 CAF 60, 2015 DTC 5044 (CAF). La juge Dawson a prononcé le jugement de la Cour et, au paragraphe 4, a déclaré ce qui suit :

4. Premièrement, comme l’a admis l’avocat de l’appelante dans sa plaidoirie, le juge n’a pas commis d’erreur en ce qui a trait au critère juridique applicable. La faute lourde peut être établie dans le cas où le contribuable fait preuve d’ignorance volontaire au sujet des faits pertinents lorsqu’il ressent le besoin de se renseigner, mais refuse de le faire parce qu’il ne veut pas connaître la vérité [...]

[72]        Il y a des décisions dans les arrêts Canada (Procureur général) c. Villeneuve, 2004 CAF 20, 58 DTC 6576 (CAF) et Panini c. Canada, 2006 CAF 224, [2006] 5 CTC 12 sur ce point particulier. Il existe d’autres décisions, y compris celles de mon collègue, le juge suppléant Masse, dans les jugements Chartrand c. Canada, 2015 CCI 298 et Spurvey c. Canada, 2015 CCI 300, dans lesquels le même sujet a été abordé en se référant à d’autres décisions, y compris la décision Gingras c. Canada, 2000 ACI no 541 (QL), dans laquelle le juge Tardif a déclaré ce qui suit :

19. Le fait d’avoir recours à un expert ou à quelqu’un qui se présente comme tel, n’excuse en rien la responsabilité de ceux qui attestent, par leur signature, la véracité de leur déclaration.

[…]

30. L’imputabilité des faux renseignements fournis dans une déclaration de revenus incombe au signataire de la dite (sic) déclaration et non au mandataire qui l’a complété (sic), peu importe ses compétences ou qualifications.

[73]        Dans la décision DeCosta c. Canada, 2005 CCI 545, 2005 DTC 1436, le juge en chef Bowman (tel était alors son titre) a fait remarquer qu’une personne ne peut pas fermer les yeux sur l’omission d’un montant qui est deux fois plus élevé que ce qui a été déclaré, puis a fait référence à une attitude qui est cavalière et dépasse la simple négligence. Ce terme a essentiellement été employé à nouveau dans d’autres causes où on a fait valoir qu’une personne avait témérairement laissé tomber ses responsabilités, ses devoirs et ses obligations aux termes de la Loi, comme l’a mentionné le juge Bédard dans la décision Laplante c. Canada, 2008 CCI 335, [2008] ACI nº 262.

[74]        Dans la décision Brochu c. La Reine, 2011 CCI 75, [2011] 4 CTC 2001, la Cour a maintenu les pénalités pour faute lourde imposées à une contribuable qui s’était simplement fiée aux déclarations de sa comptable qui avait indiqué que tout était en règle. La contribuable a dit avoir rapidement feuilleté sa déclaration de revenus et a prétendu qu’elle ne comprenait pas les termes « revenus d’entreprise » et « crédit », mais elle n’a pourtant posé aucune question à sa comptable ni à qui que ce soit d’autre pour s’assurer que ses revenus et ses dépenses étaient correctement comptabilisés. Le juge Favreau de la Cour était d’avis que, parce que la contribuable n’a pas songé à la nécessité de s’informer, elle a été négligente, ce qui constituait une faute lourde.

[75]        Dans la décision Bhatti mentionnée précédemment, le juge Miller a souligné qu’il ne suffit pas de dire qu’une personne n’a pas examiné ses déclarations de revenus et a fait aveuglément confiance à une autre personne sans la moindre vérification de l’exactitude de la déclaration de revenus; cela dépasse la négligence.

[76]        La juge Valerie Miller, dans la décision Janovsky c. Canada, 2013 CCI 140, 2013 DTC 1127, a traité de la situation où l’appelant n’a pas examiné sa déclaration de revenus de manière adéquate avant de la signer et n’a pas posé de questions. Dans cette décision, il y avait aussi un examen et une analyse de l’éducation de l’appelant et de l’ampleur de son faux énoncé.

[77]        Un autre exemple est donné dans la décision Atutornu c. La Reine, 2014 CCI 174, 2014 DTC 1150, où le contribuable s’est simplement et aveuglément fié aux conseils du spécialiste en déclarations de revenus sans lire ni examiner sa déclaration et sans faire aucun effort pour en vérifier l’exactitude.

[78]        L’avocate de l’intimée a souligné le fait que le Canada utilise ce qui est communément appelé un système d’autocotisation. C’est exact, mais cela n’engendre pas une exigence selon laquelle il doit y avoir une conformité parfaite ou quasi parfaite avec tous les aspects de la déclaration de revenus lorsqu’il n’y a aucune intention de tromper ou de frauder le gouvernement ni aucune possibilité raisonnable de penser qu’il y a une telle intention. Les gens sont des êtres humains et les systèmes fiscaux modernes applicables aux trois ordres de gouvernement sont complexes et changent presque chaque année.

[79]        Nous nous intéressons uniquement à l’impôt fédéral sur le revenu, mais la Loi devient plus complexe chaque année au fur et à mesure que de nouvelles dispositions sont ajoutées pour satisfaire un groupe d’intérêt spécial, un secteur géographique ou une activité économique et il y a souvent la possibilité de certaines déductions dans des conditions particulières qui sont souvent complexes et difficiles à comprendre, même par des professionnels travaillant dans le domaine fiscal.

[80]        Certaines personnes achètent des logiciels pour les aider à préparer une déclaration de revenus exacte et, il n’y a pas longtemps, il y avait des problèmes dans certains de ces logiciels qui ont fait que d’autres revenus – par exemple – étaient involontairement omis.

[81]        Ceux d’entre nous qui traitent régulièrement avec l’impôt sur le revenu, la taxe sur les services commerciaux ou d’autres pans de la fiscalité doivent se méfier de l’application de nos connaissances particulières à une situation et de leur utilisation comme un critère pour juger de la conduite des gens ordinaires qui comprennent peu ou pas du tout le régime fédéral d’impôt sur le revenu. Par conséquent, ils retiennent les services de spécialistes en déclarations de revenus pour déclarer des revenus d’emploi ou d’une petite entreprise, ou de comptables agréés pour les déclarations de revenus plus complexes.

[82]        L’écrasante majorité de ces personnes fournissent un service compétent et honnête à un tarif modique. Mais la complexité du régime fiscal et les niveaux d’imposition incitent les bandits et les escrocs à élaborer une variété de programmes et de plans factices qui semblent intéressants pour beaucoup de gens.

[83]        Une ancienne décision anglaise a rappelé aux fonctionnaires du Inland Revenue Service que l’évitement fiscal était permis mais que l’évasion fiscale ne l’était pas. Les abris fiscaux légitimes et d’autres programmes aident les gens à réduire les impôts au minimum, certaines années, dans certaines conditions et il y a différents niveaux de crédits d’impôt en fonction du bénéficiaire du don. Il est tentant de vouloir réprimander un contribuable innocent et non averti qui s’est laissé convaincre par des escrocs intelligents et expérimentés de participer à un certain stratagème que nous – en tant que professionnels du domaine – pouvons souvent qualifier d’absurde de prime abord.

[84]        Commettre une erreur et devenir victime sans participer sciemment ou en n’agissant pas de manière à être content de se laisser berner permet – à mon avis – à une personne d’être considérée comme étant insouciante, naïve, négligente ou trop confiante sans franchir la ligne et tomber dans la catégorie de la faute lourde en raison de l’aveuglement volontaire.

[85]        Le devoir d’un contribuable est de tenter honnêtement de fournir des renseignements exacts au gouvernement au sujet de ses affaires de façon à ce qu’une cotisation équitable puisse être établie. Toutefois, ce devoir n’est pas absolu et n’engage aucune responsabilité stricte. Il y a d’autres pénalités qui sont souvent imposées en vertu d’autres dispositions de la Loi, mais le paragraphe 163(2) est – à juste titre – complètement différent et les conséquences sont sévères si l’imposition de cette pénalité est justifiée.

[86]        L’avocate a souligné la nécessité pour un contribuable de faire un examen approfondi de la déclaration de revenus avant de la signer, même lorsqu’il a recours à un expert ou un soi-disant expert pour préparer sa déclaration. Cependant, il y a de nombreuses parties d’une déclaration de revenus qui ne s’appliquent pas aux particuliers.

[87]        Dans le présent appel, la page 11 qui porte sur un crédit pour impôt étranger de l’Ontario et le diagramme de la contribution-santé de l’Ontario étaient sans intérêt pour Anderson, tout comme la page portant sur les crédits de l’Ontario et la Subvention aux personnes âgées propriétaires pour l’impôt foncier de l’Ontario. Il ne possède pas de maison. Il vit dans une maison avec son ami, celui qui a brûlé, par inadvertance, l’enveloppe et le contenu que l’ARC avait envoyés à l’appelant.

[88]        Il n’est pas anormal qu’un contribuable ne prête attention qu’aux questions qui sont pertinentes à sa situation en conformité avec l’information fournie au spécialiste en déclarations de revenus et avec les conseils et les instructions fournis ultérieurement au moment où il doit signer sa déclaration de revenus.

[89]        Ce philosophe moderne – feu George Carlin – nous a rappelé que la moitié du monde a une intelligence inférieure à la moyenne.

[90]        Ces causes où des pénalités sont imposées sont souvent axées sur des faits en grande partie et il y a une jurisprudence grandissante dans ce domaine en raison, en grande partie, de la hausse de popularité des divers mouvements anti-impôts et d’autres attaques contre les systèmes du gouvernement par un groupe désorganisé qui souscrit à un ensemble d’absurdités bizarres et extravagantes qui sont enracinées dans une prise de position antigouvernementale et un ardent désir de se rebeller contre l’autorité.

[91]        Ces causes où des pénalités sont imposées ne sont pas différentes de celles qui touchent la responsabilité d’un administrateur ou des appels en matière d’assurance-chômage où le juge doit décider si la relation de travail était régie par un contrat de louage de services ou un contrat de service, ou en d’autres termes s’il s’agissait d’une relation d’employeur à employé ou de client à entrepreneur indépendant. Malgré des exposés élaborés de savants juges des sections d’appel de divers tribunaux dans différents pays, il a souvent été souligné qu’il n’y a pas d’échappatoire pour le juge de première instance qui doit entendre la preuve dans chaque cas et appliquer la jurisprudence en conséquence sur la foi des conclusions de fait et des évaluations de la crédibilité des témoins.

[92]        Dans le cadre du présent appel, je prête foi au témoignage de l’appelant. J’estime aussi que le témoignage de Chris Bartley est crédible au sujet de sa relation avec Rasool et l’appelant et cela a donné un aperçu du modus operandi de Rasool qui est allé jusqu’à produire une carte professionnelle l’identifiant comme comptable général agréé et conseiller fiscal.

[93]        Il n’y avait aucun signe révélateur d’un problème dans la relation de Bartley avec Rasool et les programmes promus semblaient raisonnables et légitimes, et avaient produit des remboursements d’impôt. Rasool avait produit des lettres de recommandation élogieuses de la part de politiciens ontariens éminents occupant de hautes fonctions dans le cadre du programme GlobalMedic qui était censé être lié à celui qui était connu sous le nom de Destiny Health and Wellness Foundation dont Rasool faisait la promotion et qui avait le statut d’organisme de bienfaisance enregistré.

[94]        Il incombe à la Couronne de justifier l’imposition de la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. L’avocate a tenté de s’acquitter de ce fardeau, en particulier dans le cadre de ses observations vigoureuses et rationnelles.

[95]        Mon devoir est de rendre une décision sur la foi de mes conclusions fondées sur les faits et de faire en sorte que cette conclusion soit en harmonie avec la jurisprudence. J’ai effectué l’analyse telle que requise par le juge Miller dans la décision Torres.

[96]        Cette analyse ne me permet pas de conclure que, dans le cas présent, Anderson avait fait preuve d’aveuglement volontaire.

[97]        J’ai pris tous ces éléments de preuve en considération, j’ai eu l’occasion d’examiner la jurisprudence pertinente et je conclus que la Couronne ne s’est pas acquittée de son fardeau; par conséquent, la pénalité imposée pour l’année d’imposition 2008 de l’appelant n’est pas justifiée.

[98]        L’appel est accueilli avec adjudication des dépens et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation au motif que la pénalité imposée en application du paragraphe 163(2) de la Loi pour l’année d’imposition 2008 de l’appelant doit être supprimée.

[99]        Les appels concernant les années d’imposition 2005 et 2007 sont rejetés.

Signé à Sidney (Colombie-Britannique), ce 14e jour d’avril 2016.

 

« D.W. Rowe »

Le juge suppléant Rowe

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 23e jour de novembre 2016.

 

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 93

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-691(IT)G

INTITULÉ :

GEORGE ANDERSON et SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 3 et 4 mars 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge suppléant D.W. Rowe

DATE DU JUGEMENT :

Le 14 avril 2016

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l’appelant :

Me Duane R. Milot

Avocats de l’intimée :

Me Alisa Apostle et Me Peter Swanstrom

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Duane R. Milot

 

Cabinet :

Milot Law

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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