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Dossiers : 2015-150(EI)

2015-238(CPP)

ENTRE :

KEVIN RUSSELL,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

MOUNT ALLISON UNIVERSITY,

intervenante.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appels entendus le 6 octobre 2015, à Miramichi (Nouveau-Brunswick).

Devant : L’honorable juge Henry A. Visser


Comparutions :

 

Pour l’appelant :

Pour l’intervenante :

L’appelant lui-même

Paul Harquail

Avocat de l’intimé :

Me Martin Hickey

 

JUGEMENT MODIFIÉ

Les appels visant les cotisations établies en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi et du Régime de pension du Canada sont rejetés, sans frais. Les décisions du ministre du Revenu national sont confirmées conformément aux motifs du jugement ci-joints.

 


Le présent jugement modifié remplace le jugement daté du 2 juin 2016.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juin 2016.

« Henry A. Visser »

Le juge Visser

 


Référence : 2016 CCI 143

Date : 20160602

Dossiers : 2015-150(EI)

2015-238(CPP)

ENTRE :

KEVIN RUSSELL,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

 

MOUNT ALLISON UNIVERSITY,

intervenante.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Visser

[1]             En 2013, Kevin Russel préparait un baccalauréat ès sciences spécialisé en chimie à l’Université Mount Allison University (« l’Université ») à Sackville, au Nouveau-Brunswick. Afin de terminer son baccalauréat spécialisé, M. Russel devait entreprendre un projet de recherche et rédiger un mémoire. À cette fin, il a demandé à madame Maria Victoria Meli, Ph. D. (« Mme Meli »), professeure adjointe au département de chimie et de biochimie de l’Université, de diriger sa recherche. Il a également tenté d’obtenir un « emploi » à l’Université pendant l’été 2013 pour entreprendre les recherches dans le laboratoire de Mme Meli, à la suggestion de cette dernière. Pour ce faire, il a déposé une demande de bourse de recherche de 1er cycle (la « BRPC ») auprès de l’Université, qu’il a obtenue. Cette bourse était en partie financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (le « CRSNG ») et couvrait la période du 6 mai au 23 août 2013 (la « période visée »). M. Russell a par la suite déposé une demande auprès de Service Canada pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, en demandant d’obtenir une décision aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi[1] (la « LEA ») et du Régime de pensions du Canada[2] (le « CPP ») quant à l’assurabilité et au droit à pension de l’appelant pour son emploi à l’Université pendant la période visée. À la suite de la décision du ministre du Revenu national (le « ministre ») datée du 29 mai 2014 (la « première décision ») concluant que l’emploi était assurable et ouvrait droit à pension, l’Université a interjeté appel au ministre. Dans une décision datée du 22 octobre 2014 (la « seconde décision »), le ministre a annulé la première décision et a conclu que l’emploi n’était pas assurable et n’ouvrait pas droit à pension au sens de la LAE et du RPC. L’appelant a porté la seconde décision du ministre en appel devant la Cour. Les appels ont été entendus sur preuve commune. L’Université y a participé à titre d’intervenante.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[2]             La seule question en litige dans le présent appel est de savoir si l’appelant a exercé un « emploi assurable » et un emploi « ouvrant droit à pension » à l’Université au cours de la période visée, aux termes de l’alinéa 5(1)a) de la LAE et de l’alinéa 6(1)a) du RPC.

[3]             Dans l’appel portant sur la LAE, le ministre fonde sa décision sur plusieurs hypothèses de fait décrites au paragraphe 8 de la réponse du ministre à l’avis d’appel (la « réponse pour l’AE ») pour conclure que l’emploi de l’appelant n’était pas assurable. Ces hypothèses de fait se retrouvent à l’annexe A ci-jointe[3]. Bon nombre de ces hypothèses ne sont pas contestées et étaient étayées par les éléments de preuve présentés lors l’audience sur cette affaire. Toutefois, M. Russel étant en désaccord avec certaines des hypothèses de fait du ministre, il est nécessaire d’examiner avec attention les éléments de preuve présentés dans ces appels.

[4]             L’Université située à Sackville, au Nouveau-Brunswick, offrait en 2013 cinq programmes de premier cycle en plus des services d’un bureau de recherche.

[5]             M. Russel a témoigné à l’audience sur ces appels et y a présenté des éléments de preuve. J’ai conclu qu’il était un témoin crédible. Il n’a pas appelé d’autres témoins.

[6]             Au moment de l’audience sur ces appels, M. Russel habitait à Miramichi, au Nouveau-Brunswick, et était sans emploi. Tel qu’il a été mentionné précédemment, M. Russel était en 2013 étudiant de premier cycle et préparait un baccalauréat ès sciences spécialisé en chimie à l’Université. Il a terminé sa troisième année d’études au printemps 2013 et a commencé sa quatrième et dernière année à l’automne 2013. Il a terminé ses études au printemps 2014. Il a travaillé à temps plein au cours des étés 2010, 2011 et 2012 et a déclaré avoir obtenu des prestations d’assurance-emploi pendant les périodes de l’année où il fréquentait l’Université et ne travaillait pas à temps plein.

[7]             M. Russell a « travaillé » pour l’Université à trois reprises en 2013 et en 2014 :

a)     Premièrement, pendant la période visée, il a travaillé au laboratoire de recherche de Mme Meli. Il a obtenu une rémunération de 6 250 $ dans le cadre la BRPC du CRSNG et a reçu un relevé T4A de l’Université[4].

b)    Deuxièmement, de septembre à décembre 2013, il a travaillé comme assistant à l’enseignement en contrepartie d’une rémunération de 308,88 $ pour laquelle l’Université lui a émis un relevé T4[5].

c)     Enfin, après la fin de ses études au printemps 2014, il a travaillé pendant plusieurs mois comme assistant de recherche rémunéré pour Mme Meli et a reçu un relevé T4 de l’Université pour cet emploi.

[8]             Seule la première de ces trois périodes (la période visée) est en cause dans ces appels. Toutes les parties aux appels reconnaissent que M. Russell était employé de l’Université au cours des deux autres périodes d’emploi. Bien que la troisième période d’emploi ne soit pas en cause en l’espèce, il est important de noter que le travail entrepris par M. Russel à ce moment était une continuation des recherches menées pendant la période d’emploi visée, l’objectif étant la publication conjointe des résultats de sa recherche avec Mme Meli.

[9]             L’intervenante a appelé deux témoins à l’occasion des appels, soit M. David Bruce, directeur du bureau du service de la recherche de l’Université, et Mme Meli. Je considère qu’il s’agit de deux témoins crédibles.

[10]        L’intimé n’a ni appelé de témoins ni présenté d’éléments de preuve, et s’est appuyé de façon substantielle sur les témoignages et les éléments de preuve présentés par l’intervenante.

LA LOI ET L’ANALYSE

[11]        Les trois parties sont essentiellement d’accord quant au droit applicable aux appels. M. Russell est toutefois en désaccord avec l’intimé et l’intervenante relativement aux faits applicables et à l’application du critère juridique approprié aux faits en l’espèce.

[12]        L’alinéa 5(1)a) de la LAE définit un « emploi assurable » comme suit :

5 (1) Sous réserve du paragraphe (2), est un emploi assurable :

a) l’emploi exercé au Canada pour un ou plusieurs employeurs, aux termes d’un contrat de louage de services ou d’apprentissage exprès ou tacite, écrit ou verbal, que l’employé reçoive sa rémunération de l’employeur ou d’une autre personne et que la rémunération soit calculée soit au temps ou aux pièces, soit en partie au temps et en partie aux pièces, soit de toute autre manière;

[13]        Le paragraphe 6(1) du RPC définit les « emplois ouvrant droit à pension » comme suit :

6 (1) Ouvrent droit à pension les emplois suivants :

a) l’emploi au Canada qui n’est pas un emploi excepté;

b) l’emploi au Canada qui relève de Sa Majesté du chef du Canada, et qui n’est pas un emploi excepté;

c) l’emploi assimilé à un emploi ouvrant droit à pension par un règlement pris en vertu de l’article 7.

[14]        De plus, le paragraphe 2(1) du RPC définit le terme « emploi » aux fins du RPC comme suit :

emploi L’état d’employé prévu par un contrat de louage de services ou d’apprentissage, exprès ou tacite, y compris la période d’occupation d’une fonction.

[15]        La question n’est pas de savoir s’il s’agit de la situation d’un employé par opposition à celle d’un entrepreneur indépendant. Il faut plutôt se demander s’il s’agit de la situation d’un employé ou d’un soutien financier donné à un étudiant[6]. À cet égard, je note que plusieurs décisions ont examiné le statut des sommes payées par les universités aux étudiants à l’égard d’activités de recherche. La plupart de ces décisions concernent des montants versés à des boursiers de recherches postdoctorales payés, à des étudiants de doctorat ou à des étudiants de maîtrise. Dans la décision Rizak c. Ministre du Revenu national[7], le juge Graham a recensé le droit applicable à ces types d’affaires. Dans cette décision, M. Rizak était étudiant de doctorat et, pendant la période en cause, travaillait comme assistant de recherche diplômé, recevait une allocation annuelle de 21 000 $ et n’était pas considéré comme un employé de l’Université de la Colombie‑Britannique (« UBC »). M. Rizak a également travaillé pour l’UBC au même laboratoire avant et après la période en cause et les parties ont convenu qu’il était alors employé. Le juge Graham a examiné la jurisprudence telle qu’elle était alors et en a conclu que M. Rizak était employé d’UBC pendant la période visée par l’appel. Il a noté ce qui suit aux paragraphes 25 et 26 de sa décision :

[25] Dans la décision Caropreso c. La Reine, 2012 CCI 212 (C.C.I. [procédure informelle]), la juge Woods devait aussi examiner la question de savoir si un boursier postdoctoral était un employé. Elle a admis que la jurisprudence sur la question n’était pas unanime. Elle a alors exposé ce qu’elle croyait être le critère qui aurait dû être appliqué pour déterminer si un contribuable avait reçu du financement en tant qu’étudiant ou avait été rémunéré en tant qu’employé. Au paragraphe 20, elle a fait les observations suivantes :

La difficulté fondamentale a trait au fait que les sommes versées aux boursiers de recherches postdoctorales ont souvent une double vocation. Elles permettent aux stagiaires de recherche de poursuivre leurs études tout en les rémunérant pour leurs travaux. Si elles sont reçues dans le contexte d’un emploi, cet aspect a préséance. Cependant, pour trancher la question, il faut s’interroger sur la caractéristique dominante des sommes versées, si elles relèvent de la rémunération d’un travail ou d’une aide aux études.

[Non souligné dans l’original.]

[26] Je souscris aux conclusions de la juge Woods. Je suis d’avis que le critère qu’elle utilise s’applique tout aussi bien aux étudiants de troisième cycle, et je l’adopte pour les besoins du présent appel.

[16]        Bien que M. Russell ait été étudiant de premier cycle pendant la période visée et non étudiant de doctorat, le critère de la caractéristique dominante établi par le juge Graham dans Rizak doit, à mon avis, s’appliquer également aux étudiants de premier cycle et sera donc utilisé aux fins des présents appels. Je suis également d’avis que les mêmes critères s’appliquent aux questions faisant l’objet du présent appel, qu’il s’agisse du RPC ou de la LAE.

[17]        J’observe que toutes les parties ont affirmé que ce critère, établi par le juge Graham dans Rizak, devrait être appliqué en l’espèce. Toutefois, elles ne s’entendent pas sur le résultat de l’application du critère aux faits des appels. M. Russel affirme que les faits de son dossier sont essentiellement les mêmes que ceux de l’affaire Rizak et que par conséquent, les appels devraient recevoir la même conclusion que celle de Rizak. L’intimé et l’intervenante prétendent que les faits de Rizak sont différents et qu’il faut donc établir une distinction d’avec cette décision. Il faut donc examiner les faits précis en l’espèce au regard du critère de la caractéristique dominante établie dans Rizak.

[18]        Il est utile d’examiner le résumé de la jurisprudence applicable fait par le juge Graham aux paragraphes 28 à 32 de Rizak avant d’appliquer le critère de la caractéristique dominante à l’espèce[8] :

[28] Les étudiants des cycles supérieurs sont dans une situation très différente de celle des boursiers postdoctoraux. Les étudiants des cycles supérieurs n’ont pas encore obtenu leur diplôme. Ils vont à l’université principalement pour l’obtenir. Pour les étudiants des cycles supérieurs qui choisissent de travailler comme assistants à la recherche des cycles supérieurs, ils travaillent, du moins en partie, dans le but d’obtenir leur diplôme. Par conséquent, il est important d’examiner comment la Cour s’est prononcée sur les questions visant des étudiants des cycles supérieurs.

[29] Dans la décision Hammell c. MRN, [1994] ACI no 921, un étudiant de maîtrise voulait faire une recherche dans le domaine de l’ichtyoépidémiologie. L’université n’avait pas de professeurs qui se spécialisaient dans le domaine de l’ichtyoépidémiologie, mais elle avait un professeur qui se spécialisait dans le domaine de l’ichtyopathologie et un autre qui se spécialisait dans le domaine de l’épidémiologie (quoique pas de celle des poissons). Ces professeurs avaient convenu de superviser conjointement la recherche de l’étudiant. La recherche n’était liée à aucune des recherches que les professeurs effectuaient. L’étudiant a présenté une demande à l’université afin d’obtenir une allocation annuelle de 20 000 $. L’université lui a accordé cette allocation compte tenu du fait que ce qu’il désirait accomplir dans ses études en général concordait avec les objectifs de l’université. Les étudiants de maîtrise ne recevaient pas tous une allocation. L’étudiant faisait beaucoup de travail dans les laboratoires du département pour aider les études des autres, mais il le faisait sur une base volontaire. Il n’était pas tenu de faire ce travail. Il le faisait uniquement pour acquérir de l’expérience dans son domaine et essentiellement pour augmenter les chances qu’on lui demande de se joindre au corps professoral de l’université. La Cour a conclu que l’étudiant n’exerçait pas un emploi assurable.

[30] Un résultat semblable a été obtenu dans la décision Hospital for Sick Children c. MRN, [1993] ACI no 388, une affaire qui portait sur un étudiant à la maîtrise. Au paragraphe 65 de cette décision, le juge Christie a dit ce qui suit :

La preuve montre que [l’étudiante] et le docteur Riordan reconnaissaient que ce dernier n’était pas investi d’une autorité réelle quelconque qui lui aurait permis de spécifier le travail que l’intervenante devait accomplir. La détermination de ce travail a été le fruit d’un consensus. Le docteur Riordan a déclaré qu’il ne donnait pas d’instructions ou de directives à cet égard. Il s’agit d’un processus théorique au terme duquel on s’entend sur le sujet de la recherche. [L’étudiante] a expressément déclaré que le docteur Riordan ne pouvait l’obliger à faire des recherches dans tel ou tel domaine. Les changements [que l’étudiante] a apporté dans l’orientation de ses recherches, elle les a apportés de sa propre initiative. Le docteur Riordan ne contrôlait pas non plus la manière dont [l’étudiante] menait ses recherches. Interrogée quant à savoir s’il pouvait lui dire quelles techniques utiliser, elle a répondu que non, qu’il pouvait simplement lui faire des suggestions à cet égard. Le témoignage du docteur Riordan va dans le même sens. Par contre, le docteur Riordan a dit au sujet des techniciens que c’est lui qui concevait les expériences et qui en analysait les résultats. [...]

[31] Cette décision a été suivie dans la décision Nabet c. MRN, [1999] ACI no 79, une affaire qui portait sur un étudiant de troisième cycle et dans laquelle la juge Lamarre Proulx a conclu que celui-ci n’était pas un employé. Elle a dit ce qui suit au paragraphe 13 :

Le cas sous étude s’apparente à la décision The Hospital for Sick Children (supra), et je suis d’avis que cette décision constate bien l’état du droit en ce qui concerne la situation juridique d’un étudiant payé à même des fonds de recherche : il ne s’agit pas d’un emploi assurable si l’étudiant est payé pour des recherches qu’il effectue dans le cadre d’un programme de travail qu’il s’est tracé lui-même; un professeur peut avoir aidé l’étudiant à établir son programme de travail mais cela demeure celui de l’étudiant et aux fins de l’étudiant; l’étudiant gère l’emploi de son temps; le professeur est là pour donner des conseils; le travail est exécuté pour l’utilité de l’étudiant; il ne s’agit pas de services rendus à un employeur.

[32] Une conclusion différente a été tirée dans la décision Charron c. MRN, [1994] ACI no 47. Dans cette affaire, le juge Archambault a conclu qu’une étudiante à la maîtrise était une employée. Comme M. Rizak, l’appelante dans l’affaire Charron avait commencé à travailler avant le début de ses études de cycle supérieur. Au paragraphe 10, le juge Archambault a dit ce qui suit :

[...] La preuve a démontré que l’appelante fournissait ses services au payeur et que, dans la fourniture de ses services, elle recevait des directives sur le travail à faire et sur la façon de le faire. Elle n’était pas libre de choisir les expériences à faire : c’est le docteur Moss qui décidait de la démarche à suivre. [...]

[19]        En fonction du critère défini dans Rizak, il est nécessaire de décider si la caractéristique dominante des sommes reçues par M. Russell en contrepartie de son « travail »  au laboratoire de recherche de Mme Meli pendant la période visée constituait une rémunération pour un travail ou plutôt une aide aux études. Cette détermination permettra à la Cour d’établir si l’entente entre l’Université et M. Russel était un contrat d’emploi ou une entente d’aide aux études dans un contexte d’éducation permanente. Dans le contexte de cette analyse, je suis d’avis qu’il est utile d’examiner également la forme juridique utilisée par les parties. Par exemple, un accord qui, en substance, est le même d’un point de vue économique ou d’entreprise peut, juridiquement, être constitué dans des formes différentes.

[20]        Outre son témoignage et celui de Mme Meli, M. Russell a fait valoir ce qui suit :

a)     Son intention pour l’été 2013 était d’obtenir un emploi assurable et ouvrant droit à pension et il avait compris que son emploi à l’Université lui donnait droit à cela.

b)    Le travail qu’il a effectué au laboratoire de Mme Meli pendant la période visée était identique ou comparable à celui d’autres étudiants qui, eux, étaient traités comme des employés de l’Université.

c)     Pendant la période visée, quatre étudiants spécialisés travaillaient au laboratoire de Mme Meli : deux d’entre eux bénéficiaient des subventions de recherche de Mme Meli et les deux autres recevaient des bourses de recherche de premier cycle du CRSNG.

d)    Les deux étudiants spécialisés qui recevaient les subventions de recherche de Mme Meli étaient considérés comme des employés de l’université alors que les deux autres étaient considérés comme des boursiers, et ce, même s’il n’y avait aucune différence majeure entre le travail des quatre étudiants.

e)     Il a choisi le projet de recherche sur lequel il a travaillé parmi plusieurs sujets suggérés par Mme Meli et reliés aux recherches de cette dernière. Les recherches de l’appelant ont été menées sous la supervision et les instructions de Mme Meli.

f)      Le travail qu’il a entrepris en 2014 pour Mme Meli et pour lequel il était considéré comme étant un employé était la suite directe du travail accompli pendant la période visée en 2013 et avait pour objectif de régler les derniers détails et de préparer le projet aux fins de publication.

g)     On lui a dit qu’il pouvait être rémunéré soit à titre d’employé, soit par une BRPC du CRSNG, ce qui n’était qu’une autre façon d’être payé.

h)    Encouragé par Mme Meli, il a déposé une demande pour obtenir la BRPC du CRSNG dans le but de ne pas ponctionner les subventions de recherche de la professeure.

i)       Pendant la période visée, il a déposé des rapports d’avancement, a respecté les échéanciers, a discuté avec Mme Meli des méthodes de recherche et des résultats et a travaillé 35 heures par semaine, généralement de 8 h 30 à 16 h 30, du lundi au vendredi.

j)       S’il s’absentait du travail, il devait en aviser Mme Meli et s’entendre avec elle pour reprendre le temps perdu.

k)    Enfin, l’université ne l’a pas avisé que la BRPC du CRSNG ne constituait pas un emploi assurable aux fins de l’assurance-emploi.

[21]        Tel qu’il a déjà été souligné, l’intimé et l’université conviennent que les critères établis par le juge Graham dans Rizak s’appliquent en l’espèce, mais font valoir que les faits de la présente affaire doivent la distinguer de Rizak. Ils font valoir, plus précisément, que la caractéristique dominante des paiements versés par l’université à M. Russell pendant la période visée est celle du soutien donné à un étudiant spécialisé, ce qui s’approche plus du jugement Bekhor c. MRN[9] où la Cour a conclu qu’il s’agissait d’une relation entre un étudiant d’études supérieures et un professeur plutôt que d’une relation entre un employé et un employeur. Pour les motifs qui suivent, je souscris à cette position.

[22]        En l’espèce, en me fondant sur l’ensemble de la preuve, je suis d’avis que pendant la période visée, le travail entrepris par M. Russel au laboratoire de Mme Meli servait deux objectifs. Il était d’abord relié à son mémoire de spécialisation, qu’il devait terminer pendant sa quatrième année d’études à l’université, et lui a permis de poursuivre ce projet. Toutefois, avec l’aide de Mme Meli, il a choisi un projet de recherche s’inscrivant dans le programme de recherche général de la professeure. Il y avait donc espoir pour Mme Meli que ce travail soit éventuellement avantageux pour ses propres recherches en cours. En revanche, Mme Meli a affirmé que l’objectif à court terme des recherches de M. Russell pendant la période visée était de poursuivre la préparation de son mémoire de spécialisation, qu’il a présenté au printemps 2014. En me fondant sur l’ensemble de la preuve, je suis d’avis que la caractéristique dominante des paiements versés à M. Russell est celle du soutien financier à un étudiant spécialisé travaillant sur son mémoire et que les avantages tirés par Mme Meli ou par l’Université étaient secondaires.

[23]        En ce qui concerne la forme juridique de la relation entre les parties, il est également évident que M. Russell a fait une demande de BRPC CRSNG et l’a obtenue, bourse qui était financée en partie par le CRSNG et en partie par l’Université[10]. Le processus de demande et d’obtention d’une BRPC du CRSNG à l’Université et la relation juridique qui en découle sont très différents de la situation d’un employé. L’Université gère la BRPC du CRSNG conformément aux critères déterminés par le CRSNG et paye les étudiants récipiendaires, comme monsieur Russell, par l’intermédiaire du service des comptes fournisseurs plutôt que par son service de la paye puisque l’Université ne considère pas que les récipiendaires de bourse sont des employés.

[24]        Sur la foi de ce qui précède, j’estime qu’il n’y avait pas de contrat de louage de services entre M. Russell et l’Université (ou Mme Meli) concernant les paiements versés pendant la période visée par l’appel. M. Russell a plutôt demandé et obtenu un soutien financier pour la recherche menée dans le cadre de son mémoire, sous la forme d’une BRPC du CRSNG.

[25]        Dans l’affaire Rizak, je constate que le travail de M. Rizak pour M. Wang était régi par les conditions de la subvention de M. Wang, qu’il recevait une allocation payée par l’université sur la subvention de M. Wang et que le montant du traitement était déterminé et modifié par M. Wang. En revanche, M. Russell a demandé et obtenu une BRPC du CRSNG en son nom propre et fondée sur sa propre proposition de recherche. Je suis d’avis que les faits en l’espèce se distinguent de l’affaire Rizak.

[26]        Bien que la question du traitement fiscal de la BRPC du CRSNG ne soit pas soulevée en l’espèce, je souligne que les bourses d’études peuvent être exemptées de l’impôt sur le revenu aux termes de l’alinéa 56(1)n) et du paragraphe 56(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu[11], puisqu’une somme reçue « au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi » est imposable en tant que revenu d’emploi. En l’espèce, l’Université a remis un relevé T4A à M Russell, comprenant le montant de la BRPC du CRSNG et celui de ses bourses d’études. À cet égard, je constate que M. Russell a indiqué qu’il n’avait pas déclaré ses gains liés à la BRPC du CRSNG (indiqués sur le relevé T4A remis par l’Université) comme revenu d’emploi dans sa déclaration de revenus de 2013 produite auprès du ministre et qu’il n’a donc pas payé d’impôt sur ce revenu. Par conséquent, je suis d’avis que ni l’Université ni M. Russell n’ont déclaré les paiements de la BRPC du CRSNG aux fins de l’impôt sur le revenu pour le motif qu’il ne s’agissait pas de revenu d’emploi, mais plutôt d’une bourse d’étude, ce qui est conforme à ma décision en l’espèce.

CONCLUSION

[27]        En fonction de ce qui précède, je suis d’avis qu’il n’y a pas eu de contrat de louage de services entre l’Université et M. Russell pendant la période visée, qu’il n’était par conséquent pas employé par l’Université à ce moment et qu’il ne s’agissait ni d’un « emploi assurable », ni d’un emploi « ouvrant droit à pension ». Les décisions du ministre visées par ces appels sont donc confirmées et les appels sont rejetés, sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juin 2016.

« Henry A. Visser »

Le juge Visser

 


Annexe A

Extraits de la réponse de l’intimé dans le dossier 2015-150(AE) : hypothèses de faits

[TRADUCTION]

Hypothèses

8.    Pour décider que l’appelant n’occupait pas un emploi assurable auprès du payeur pendant la période visée, le ministre s’est fondé sur les hypothèses de faits suivantes :

Le payeur

a)         le payeur est une université régie par la Mount Allison University Act (Loi régissant l’Université Mount Allison), 1993, de l’Assemblée législative de la province du Nouveau-Brunswick;

b)         le payeur offre cinq programmes de premier cycle en plus des services d’un bureau de recherche;

c)          le campus du payeur est situé à Sackville, au Nouveau-Brunswick;

L’appelant

d)         l’appelant était inscrit comme étudiant de premier cycle au programme de chimie du baccalauréat en science avec spécialisation « Honours » du payeur;

e)          l’appelant a communiqué avec Mme Vicki Meli, Ph. D. (« Mme Meli ») à l’automne 2012 pour lui demander de diriger son mémoire de spécialisation;

f)le payeur a tenu une séance d’information en janvier 2013 pour les étudiants intéressés à faire une demande de bourse de recherche d’été pour étudiant, comprenant notamment la bourse de recherche de 1er cycle (BRPC) financée par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG);

g)         les objectifs de la BRPC du CRSNG étaient :

                                 i.     de susciter l’intérêt des étudiants à l’égard de la recherche en sciences naturelles et en génie;

                               ii.     d’encourager les étudiants à entreprendre des études supérieures et une carrière en recherche dans ces domaines;

                            iii.     d’apporter un soutien financier par l’intermédiaire de l’université d’accueil afin de permettre aux étudiants d’acquérir une expérience de travail en recherche qui complète leurs études;

h)         les travaux financés par la BRPC peuvent être utilisés pour des travaux de cours ou un mémoire de spécialisation dans le contexte d’un programme de premier cycle;

i) l’étudiant recevant une BRPC doit effectuer son travail sous la direction d’un membre du corps enseignant qui détient une subvention active de recherche du CRSNG;

j) la valeur de la BRPC est de 4 500 $ pour une période de 16 semaines consécutives à temps plein;

k)         l’université d’accueil doit verser un supplément d’au moins 25 % de la valeur de la bourse par l’intermédiaire d’autres sources, comme des fonds universitaires, des subventions du CRSNG ou d’autres fonds de recherche;

l) le CRSNG ne remboursera pas l’université d’accueil pour toute période où l’étudiant a travaillé à temps partiel ou pris des vacances pendant la période de 16 semaines;

m)      le CRSNG accorde un nombre limité de bourses à chacune des universités d’accueil admissibles;

n)         le CRSNG délègue le processus de demande de BRPC et le processus de sélection à l’université d’accueil;

o)         l’université d’accueil sélectionne les bénéficiaires d’une bourse en fonction de son évaluation des dossiers des étudiants et de leurs aptitudes de recherches conformément aux objectifs de la BRPC et aux lignes directrices fournies par le CRSNG;

p)        un étudiant peut déposer une demande de BRPC à une université différente de celle où il est inscrit comme étudiant;

q)         un étudiant qui obtient une BRPC à une université différente de celle où il est inscrit peut déposer une demande pour obtenir, en plus de la BRPC, une indemnité de déplacement du CRSNG;

r)          l’appelant a déposé sa demande de BRPC du CRSNG (bourse de recherche d’été pour étudiant) en janvier 2013;

s)          la demande de l’appelant comprenait :

i.     une proposition écrite de projet de recherche en nanotechnologie;

ii.  une déclaration écrite de préparation;

iii.    une lettre d’attestation de Mme Meli;

iv.    une lettre de recommandation de Mme Meli;

t)l’appelant a choisi le sujet de son projet de recherche en grande partie par lui‑même;

u)         l’appelant a préparé sa proposition principalement par lui-même;

v)         dans une lettre datée du 15 février 2013, l’appelant a reçu une offre de BRPC du CRSNG couvrant la période du 6 mai au 23 août 2013;

w)       le 5 mars 2013, l’appelant a accepté la BRPC par courriel;

x)         l’appelant devait faire parvenir au bureau du doyen, au plus tard le 13 septembre 2013, un rapport des recherches effectuées qui serait envoyé aux bailleurs de fonds de la bourse;

y)         lorsqu’il a commencé sa recherche subventionnée par la BRPC, l’appelant venait de terminer sa troisième année d’un programme de premier cycle de quatre ans;

z)          l’appelant choisissait lui-même son horaire de travail;

aa)     l’appelant s’est conformé aux conditions générales de la BRPC en se consacrant à son projet un maximum de 35 heures par semaine;

bb)    l’appelant choisissait ses propres méthodes de recherche;

cc)      l’appelant choisissait son horaire de travail;

dd)    l’appelant pouvait aller au bout de ses idées et mener ses propres expériences;

ee)      Mme Meli a orienté et encadré l’appelant;

ff)        l’appelant a exécuté son travail aux laboratoires situés sur le campus du payeur;

gg)     le payeur était propriétaire de l’ensemble des outils, du matériel et des matériaux des laboratoires et les conservait en bon état;

hh)    l’appelant avait accès aux laboratoires, aux outils, au matériel et aux matériaux et pouvait les utiliser à titre d’étudiant inscrit;

ii)         les recherches découlant du travail de l’appelant lui appartenaient;

jj)         l’appelant a utilisé ses recherches pour terminer son mémoire de spécialisation lors de son programme de premier cycle;

kk)    l’appelant a terminé son mémoire de spécialisation pendant l’année universitaire 2013-2014;

ll)         l’appelant a obtenu son diplôme de programme de premier cycle en mai 2014;

mm)   la bourse de l’appelant était de 1 562,50 $ par mois pour la durée de la bourse, pour un total de 6 250 $ pour la période visée, dont 4 500 $ fournis par le CRSNG;

nn)    au plus tard le dixième jour de chaque mois, Mme Meli et l’appelant signaient un avis de paiement pour confirmer aux mécènes contribuant aux fonds de la bourse de l’appelant que :

                                      i.              l’appelant travaillait sur le projet tous les mois;

                                   ii.              l’appelant faisait son travail de façon responsable;

                                 iii.              l’appelant travaillait sous la direction de Mme Meli et la consultait régulièrement;

                                 iv.              l’appelant n’avait pas d’autres activités entrant en conflit avec son travail ou son projet et pouvant le diminuer ou le restreindre;

oo)    le payeur a versé à l’appelant la somme de 1 562,50 $ chaque mois, du mois de mai au mois d’août 2013, après réception de l’avis de paiement dûment signé;

pp)   le payeur n’a retiré aucune déduction des paiements de la bourse versés à l’appelant;

qq)    le payeur a remis à l’appelant un relevé T4A pour l’année 2013 sur lequel était déclaré un montant de 10 250 $, soit :

                                      i.              6 250,00 $ de BRPC du CRSNG (bourse de recherche d’été pour étudiant);

                                   ii.              4 000 $ de bourse d’admission donnée par le payeur à l’appelant et versée par tranches de 2 000 $ par session, pour un total de 16 000 $ sur quatre ans;

rr)       le payeur a versé une rémunération de 308,88 $ à l’appelant pour ses services d’assistant à l’enseignement rendus de septembre à décembre 2013;

ss)      le payeur a remis à l’appelant, pour l’année 2013, un relevé T4 d’un montant de 308,88 $, comprenant une déduction de 5,82 $ pour la cotisation à l’assurance-emploi;

tt)        en 2014, l’appelant n’a pas reçu de BRPC du CRSNG;

uu)    l’intention de l’appelant était d’être employé du payeur;

vv)    l’intention du payeur était d’avoir une relation universitaire avec l’appelant et non une relation d’emploi pour la recherche subventionnée par la BRPC pendant la période visée.


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 143

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2015-150(EI), 2015-238(CPP)

INTITULÉ :

KEVIN RUSSEL c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL et MOUNT ALLISON UNIVERSITY

LIEU DE L’AUDIENCE :

Miramichi (Nouveau-Brunswick)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 octobre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Henry A. Visser

DATE DU JUGEMENT MODIFIÉ :

 

Le 23 juin 2016

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

Pour l’intervenante :

L’appelant lui-même

Paul Harquail

Avocat de l’intimé :

Me Martin Hickey

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Nom :

Me Martin Hickey

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Canada)

 



[1]               L.C. 1996, ch. 23, tel que modifiée.

[2]               L.R.C. 1985, ch. C-8, tel que modifiée.

[3]               Voir également les hypothèses de fait similaires du ministre énoncées au paragraphe 7 de la réponse du ministre à l’avis d’appel portant sur le RPC (la « réponse pour le RPC »).

[4]               Voir la pièce I-3. Le montant indiqué sur le relevé T4A est de 10 250 $, soit 6 250 $ pour la bourse de recherche et 4 000 $ en bourse d’études de premier cycle.

[5]               Voir la pièce I-1, onglet 3.

[6]               Voir Hospital for Sick Children c. MRN., [1993] ACI no 388, et Bekhor c. MRN, [2005] ACI 443 no 314], au paragraphe 26 : « La question en litige n’est pas celle de savoir si l’entente intervenue entre les parties constitue un contrat de travail ou un contrat d’entreprise (la situation d’un employé par opposition à celle d’un entrepreneur indépendant). La Cour doit plutôt se demander s’il s’agit d’un contrat de travail ou d’une entente d’aide financière au titre des études continues (la situation d’un employé par opposition à celle d’un étudiant ou d’un étudiant de troisième cycle). »

[7]               2013 CCI 273.

[8]               Ibid.

[9]               Précité, note 6.

[10]             Au total, M. Russel a obtenu 6 250 $ en BRPC du CRSNG, dont 4 500 $ financés par le CRSNG et 1 750 $ par l’Université.

[11]             L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.)

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