Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2015-4499(EI)

ENTRE :

KATHLEEN BISSET,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu le 1er juin 2016, à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimé :

Me Stephen Oakey

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la décision prise le 10 août 2015 par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi est rejeté et la décision du ministre du Revenu national est confirmée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de juin 2016.

« V.A. Miller »

Juge Miller


Référence : 2016 CCI 145

Date : 20160606

Dossier : 2015-4499(EI)

ENTRE :

KATHLEEN BISSET,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller

[1]             La question en litige dans le présent appel consiste à déterminer si l’appelante occupait un emploi assurable durant la période allant du 18 août 2014 au 3 août 2015 (la « période ») lorsqu’elle a offert des services administratifs à Tristan Legare (le « payeur »).

[2]             L’appelante et le payeur sont conjoints, et le ministre du Revenu national (le « ministre ») a déterminé que l’emploi de l’appelante n’était pas assurable parce que les parties entretenaient un lien de dépendance aux termes des alinéas 5(2)i) et 5(3)b) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

[3]             L’appelante était le seul témoin présent à l’audience. Dans son témoignage, elle était d’accord avec la plupart des hypothèses sur lesquelles s’est fondé le ministre. Je résumerai ces hypothèses et le témoignage de l’appelante dans les paragraphes qui suivent.

Faits

[4]             Le payeur exploitait une petite entreprise individuelle de charpenterie et de construction, sous le nom « Birch Point Contracting » (l’« entreprise »). Il a lancé son entreprise en mai 2014, et il l’exploitait toute l’année. L’entreprise était spécialisée dans la rénovation de cuisines et de salles de bains et dans la construction de patios et de terrasses.

[5]             Le payeur a embauché deux travailleurs pour l’aider dans ses activités de construction – son beau-père et une personne avec qui il n’avait aucun lien de parenté. Il a engagé l’appelante, sa conjointe, afin d’effectuer des tâches administratives de bureau pour l’entreprise. Parmi ces tâches, mentionnons les suivantes : i) faire des commissions; ii) tenir les livres comptables; iii) faire le suivi des revenus et payer les dépenses; iv) traiter la paye; v) faire les dépôts bancaires de l’entreprise. L’appelante n’avait aucune expérience antérieure en tant que commis-comptable, mais son frère est comptable et elle était en mesure de le consulter au sujet de ses tâches.

[6]             L’appelante exécutait ses tâches depuis son domicile. Elle n’avait pas d’horaire fixe et travaillait en fonction des horaires de ses enfants et de ses autres responsabilités. L’appelante a reconnu qu’elle effectuait habituellement la majeure partie de ses tâches le mardi, lorsque son enfant de deux ans était à la garderie.

[7]             L’appelante a travaillé pour le payeur de mai à juillet 2014 sans être payée. Elle a accompli les mêmes tâches pour le payeur du 18 août 2014 au 3 avril 2015. Elle touchait 12 $ l’heure et travaillait 20 heures par semaine.

[8]             L’appelante a déclaré qu’elle ne travaillait pas toujours 20 heures par semaine, mais qu’elle effectuait 40 heures de travail par période de deux semaines.

[9]             Le ministre a tenu pour acquis que ni l’appelante ni le payeur ne faisaient le suivi des heures de travail de celle-ci. Cependant, l’appelante a déclaré qu’elle avait fait le suivi de ses heures dans un calendrier et qu’elle avait consigné son nombre d’heures dans une feuille de temps chaque mois. Pour corroborer son témoignage, elle a fourni deux feuilles de temps pour le mois de janvier. Elle a affirmé qu’elle avait détruit le calendrier.

[10]        Tous les travailleurs étaient payés toutes les deux semaines, par dépôt direct. La paye des ouvriers en bâtiment était déposée sur leur compte bancaire personnel. Or, la paye de l’appelante était intégrée aux gains du payeur et déposée sur le compte bancaire personnel de ce dernier.

[11]        L’appelante a cessé de travailler pour le payeur le 3 avril 2015 pour prendre un congé de maternité. Son enfant est né le 7 avril 2015.

[12]        Après le 3 avril 2015, le payeur a commencé à effectuer les tâches de l’appelante. Toutefois, il a constaté qu’il ne pouvait pas réaliser à la fois le travail administratif et les travaux de construction. L’appelante a donc repris ses tâches en mai 2015. Elle a de nouveau travaillé 20 heures par semaine de mai 2015 au 3 avril 2016. Selon les éléments de preuve qu’elle a fournis, elle n’a pas été payée pour cette période parce qu’elle était en congé de maternité. Elle a recommencé à être payée après le 3 avril 2016.

[13]        L’appelante a déclaré qu’un agent des appels de l’Agence du revenu du Canada avait communiqué avec elle et lui avait posé des questions sur sa demande de prestations d’assurance-emploi. L’agent d’appel lui a indiqué qu’elle pouvait travailler pour le payeur pendant son congé de maternité.

Lois

[14]        Les dispositions législatives pertinentes de la Loi sont les suivantes :

5(2) N’est pas un emploi assurable :

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

5(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

[15]        Dans l’arrêt Birkland c. Ministre du Revenu national, 2005 CCI 291, le juge Bowie a examiné les diverses décisions de la Cour d’appel fédérale qui portaient sur le rôle de la Cour dans un appel aux termes des dispositions susmentionnées. Il a expliqué comme suit sa compréhension de l’état actuel du droit :

Si je comprends bien ces arrêts, le rôle de la Cour canadienne de l’impôt consiste à mener un procès au cours duquel les deux parties peuvent produire des éléments de preuve concernant les modalités aux termes desquelles l’appelant était employé, les modalités aux termes desquelles des personnes sans lien de dépendance, effectuant le même travail que l’appelant, étaient employées par le même employeur et les conditions d’emploi prévalant dans l’industrie pour le même genre de travail, au même moment et au même endroit. Des éléments de preuve relatifs à la relation existant entre l’appelant et l’employeur peuvent évidemment être produits également. À la lumière de tous ces éléments de preuve et de l’opinion du juge sur la crédibilité des témoins, la Cour doit ensuite déterminer si le ministre aurait pu raisonnablement, en ayant connaissance de l’ensemble de ces éléments de preuve, ne pas conclure que l’employeur et une personne avec laquelle il n’avait pas de lien de dépendance auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable. Si je comprends bien, c’est là le degré de retenue judiciaire accordé à l’avis du ministre du fait de l’emploi, par le législateur, de l’expression « […] si le ministre du Revenu national est convaincu […] » à l’alinéa 5(3)b).

Analyse

[16]        Personne ne conteste le fait que le payeur et l’appelante entretenaient un lien de dépendance. Le payeur et l’appelante sont liés parce qu’ils sont conjoints.

[17]        La question consiste à déterminer, à la lumière de toutes les circonstances d’emploi, s’ils auraient conclu un contrat de travail essentiellement semblable s’ils n’étaient pas liés. Selon moi, la réponse à cette question est non. Mon opinion est fondée sur ce qui suit.

[18]        Avant la période en question, l’appelante a travaillé pour le payeur pendant au moins trois mois sans être payée. Elle a déclaré que, de mai à juillet 2014, elle a effectué les mêmes tâches que d’août 2014 à avril 2015. Elle a de nouveau travaillé pour le payeur de mai 2015 à avril 2016 sans être payée.

[19]        Le payeur employait deux ouvriers en bâtiment, qui étaient payés pour toutes leurs heures de travail. Leur paye était déposée directement sur leurs comptes respectifs.

[20]        L’appelante possédait son propre compte bancaire, mais sa paye n’y était pas déposée. Sa paye était intégrée aux gains du payeur et déposée sur le compte bancaire de ce dernier. L’appelante a déclaré que cette procédure avait été suivie pour des raisons pratiques, étant donné que toutes les factures de la famille étaient payées au moyen du compte bancaire du payeur. Cependant, il n’y avait aucun élément de preuve concernant le montant des gains du payeur ou le montant déposé sur son compte toutes les deux semaines. Je me demande donc si l’appelante était effectivement payée.

[21]        L’appelante a été payée pour avoir travaillé 600 heures pour le payeur. Il s’agit du nombre exact d’heures qu’il lui fallait pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[22]        Le payeur n’a pas pris de mesures pour embaucher un autre commis-comptable pour effectuer les tâches de l’appelante après son départ en congé de maternité.

[23]        À la lumière des faits présentés à l’audience, du témoignage et des pièces présentés à l’audience concernant la rémunération versée, des modalités ainsi que de la durée et de la nature du travail réalisé, je conclus que la décision du ministre était raisonnable. L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 6e jour de juin 2016.

« V.A. Miller »

Juge Miller


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 145

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-4499(EI)

INTITULÉ :

KATHLEEN BISSET ET M.R.N.

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 1er juin 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 6 juin 2016

COMPARUTIONS :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimé :

Me Stephen Oakey

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimé :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Canada)

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.