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Dossier : 2014-1103(IT)G

ENTRE :

LAWRENCE AIMURIE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Josleyn Charles (2014‑1107(IT)I), le 21 juin 2016, à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Tony Cheung

 

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 de l'appelant est rejeté.

Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 11e jour de juillet 2016.

« V. A. Miller »

La juge V. A. Miller


Dossier : 2014-1107(IT)I

ENTRE :

JOSLEYN CHARLES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu sur preuve commune avec l'appel de Lawrence Aimurie (2014‑1103(IT)G), le 21 juin 2016, à Toronto (Ontario)

Devant : L'honorable juge Valerie Miller

Comparutions :

Pour l'appelante :

L'appelante elle-même

Avocat de l'intimée :

Me Tony Cheung

 

JUGEMENT

          L'appel interjeté à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2008 et 2009 de l'appelante est rejeté.

Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 11e jour de juillet 2016.

« V. A. Miller »

La juge V. A. Miller


Référence : 2016 CCI 164

Date : 20160711

Dossier : 2014-1103(IT)G

ENTRE :

LAWRENCE AIMURIE,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Dossier : 2014-1107(IT)I

ET ENTRE :

JOSLEYN CHARLES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V. A. Miller

[1]             Lawrence Aimurie et Josleyn Charles sont époux, et leurs appels ont été entendus sur preuve commune.

[2]             La question en litige dans l'appel de Mme Charles est de savoir si elle avait droit au crédit d'impôt non remboursable au titre du montant pour conjoint en 2008 et en 2009 (les « montants pour conjoint »). Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a conclu qu'elle n'était pas en droit de demander la déduction de ces montants parce que son époux, M. Aimurie, avait gagné un revenu supérieur aux seuils établis pour les années en question. Le ministre a conclu que M. Aimurie avait reçu un revenu d'entreprise net s'élevant à 107 635 $ et à 161 979 $ en 2008 et 2009.

[3]             Ma décision dans l'appel de Mme Charles dépend entièrement de mes conclusions au sujet du revenu d'entreprise net de M. Aimurie pour 2008 et 2009. Par conséquent, je vais maintenant me pencher sur les questions et sur la preuve présentée dans l'appel de M. Aimurie.

Lawrence Aimurie

[4]             Le ministre a procédé à une analyse des dépôts bancaires et a établi de nouvelles cotisations pour M. Aimurie pour ses années d'imposition 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009 pour y ajouter des revenus non déclarés. M. Aimurie a fait l'objet d'une cotisation arbitraire pour son année d'imposition 2010. Les nouvelles cotisations pour les années 2003 à 2007 ont été établies après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation aux termes du paragraphe 152(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Des pénalités ont été établies pour les années 2003 à 2009 en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[5]             Les revenus et les pertes d'entreprise nets déclarés par M. Aimurie et les montants non déclarés ajoutés à son revenu étaient les suivants :

Année

Dépôts non identifiés

Revenus et pertes d'entreprise nets déclarés

Revenu non déclaré

2003

20 568 $

(1 298) $

21 866 $

2004

50 482 $

1 068 $

49 414 $

2005

45 646 $

114 $

45 532 $

2006

39 612 $

4 501 $

35 111 $

2007

58 894 $

176 $

56 718 $

2008

107 635 $

3 381 $

104 254 $

2009

161 721 $

782 $

160 939 $

2010

184 096 $

s.o.

184 096 $

Revenu total non déclaré

 

 

657 930 $

 

[6]             Les témoins à l'audience étaient M. Aimurie et Macille Poon, vérificatrice à l'Agence du revenu du Canada (ARC) qui avait travaillé au dossier de M. Aimurie.

[7]             Pendant les années pertinentes, M. Aimurie a exploité une entreprise offrant des services de préparation de déclarations de revenus, de comptabilité et d'encaissement de chèques (l'« entreprise »). L'entreprise avait diverses dénominations, dont « Lawsco Accounting and Income Tax Services » (« Lawsco »), « CashPal » et « Cashpal Financial Management Services Incorporated ».

[8]             Le ministre a tenu pour acquis que chacune de ces entreprises était une entreprise à propriétaire unique, tandis que M. Aimurie a déclaré que « Cashpal Financial Management Services Incorporated » était une société dont le revenu ne devrait pas être ajouté au revenu de M. Aimurie. Je ne crois pas M. Aimurie. Il lui aurait été très facile d'étayer son affirmation sur un document, mais il n'a apporté aucun document en dépit du fait qu'il savait avant l'audience que cette question serait soulevée. De plus, des éléments de preuve démontraient que la société alléguée utilisait le même compte bancaire que « Cashpal ». J'ai conclu que M. Aimurie exploitait l'entreprise dans son ensemble comme une entreprise à propriétaire unique et je ferai référence à « Cashpal Financial Management Services Incorporated » comme « Cashpal ».

[9]             En 2011, M. Aimurie a fait l'objet d'une enquête de la Division de l'exécution de l'ARC à l'égard de sa participation à de fausses déductions pour dons de bienfaisance pour le compte de ses clients dans leurs déclarations de revenus pour les années allant de 2003 à 2010 inclusivement. Le domicile et le bureau de M. Aimurie ont fait l'objet de perquisitions en vertu de deux mandats de perquisition. M. Aimurie détenait 18 comptes bancaires, et des ordonnances de communication ont été rendues pour quatre de ses comptes bancaires, soit deux comptes d'entreprise et deux comptes personnels.

[10]        Monsieur Aimurie a été accusé d'un chef de fraude de plus de 5 000 $ pour avoir préparé et produit de fausses déclarations de revenus T1 et de faux reçus de bienfaisance du 12 février 2004 au 30 septembre 2010. Le 14 juin 2013, il a plaidé coupable et a signé un exposé conjoint des faits dans lequel il a admis que, pour les années d'imposition allant de 2006 à 2009, il a produit par voie informatique des déclarations dans lesquelles il avait déduit de faux dons de bienfaisance de plus de 641 000 $.

[11]        Selon le rapport de vérification préparé par Mme Poon, M. Aimurie a déduit des dons de bienfaisance fictifs de 1 300 000 $ pour la période allant de 2003 à 2010, et sa commission était d'environ 10 % du montant brut du don.

[12]        Madame Poon a expliqué qu'elle avait utilisé les relevés bancaires que la Division de l'exécution avait obtenus de la Banque royale et de la Banque Toronto‑Dominion pour calculer les montants ajoutés au revenu de M. Aimurie.

[13]        Madame Poon s'est notamment fondée sur les renseignements sur le compte bancaire de Lawsco à la Banque Toronto‑Dominion et sur le compte bancaire de Cashpal à la Banque royale. Elle a analysé chaque compte et chaque année séparément. Pour chaque compte, elle a calculé le total des crédits et des débits annuels par catégorie. Elle a ensuite soustrait les débits qu'elle croyait être des dépenses d'entreprise du total des crédits. La différence était le revenu non déclaré. Mme Poon a affirmé que lorsqu'elle n'arrivait pas à déterminer qu'un montant était une dépense d'entreprise, elle l'ajoutait au revenu non déclaré.

[14]        Madame Poon a constaté que certains des montants retirés des comptes d'entreprise étaient transférés au compte personnel de M. Aimurie et à son compte de placement. Elle a également constaté que les comptes d'entreprise étaient utilisés pour payer des dépenses du ménage et des cartes de crédit personnelles. Elle a inclus le montant de ces retraits ainsi que des [TRADUCTION] « transferts inconnus » et des [TRADUCTION] « chèques inconnus » au revenu non déclaré.

[15]        À la fin de sa vérification, Mme Poon a envoyé une lettre de proposition à M. Aimurie pour ses commentaires. Il avait 30 jours pour répondre. Il n'a pas répondu. Elle lui a ensuite envoyé une seconde lettre confirmant que l'ARC irait de l'avant avec sa proposition. En réponse à cette seconde lettre, M. Aimurie a demandé une prorogation de délai. Sa requête a été rejetée.

[16]        Monsieur Aimurie a allégué qu'il n'y avait pas de revenu non déclaré. Il a affirmé que Mme Poon et l'ARC n'avaient pas compris la nature de son commerce. Pour l'expliquer, il a produit son avis d'opposition qui incluait un diagramme relativement à son entreprise de préparation de déclarations de revenus. Il a expliqué qu'il était un escompteur d'impôt. À titre d'escompteur, ses honoraires n'étaient que 15 % des premiers 300 $ du remboursement et 5 % du reste. En utilisant les documents de travail de Mme Poon, M. Aimurie a calculé qu'en 2004, il n'avait reçu que 1 337,81 $ à titre d'escompteur. Selon ses calculs, il avait versé 17 777,65 $ à titre de remboursements à ses clients. Il a affirmé que Mme Poon n'avait déduit que 10 529,46 $ comme remboursements à ses clients.

[17]        Le problème que soulève la thèse de M. Aimurie est qu'elle ne tient pas compte des montants qu'il a reçus de ses clients pour la production des déclarations de revenus frauduleuses pour leur compte.

[18]        Lors de la détermination de sa peine pénale, M. Aimurie a admis qu'il avait facturé à ses clients 10 % de la valeur des faux dons de bienfaisance qu'il avait déduits pour leur compte. Il a également admis que l'organisme de bienfaisance n'avait reçu aucune partie des honoraires de 10 % qu'on lui avait payés. M. Aimurie ne peut maintenant nier qu'il a touché des honoraires de ses clients pour produire des déclarations de revenus qui indiquaient de faux dons de bienfaisance.

[19]        Monsieur Aimurie n'a pas présenté d'élément de preuve démontrant que les montants ajoutés à son revenu étaient inexacts ou trop élevés. Il a fait diverses affirmations non étayées par quelque document que ce soit. Il a allégué que, pendant la période en cause, son épouse travaillait et que son salaire était de 55 000 $ à 60 000 $ par année. Sa paie était déposée dans son compte bancaire personnel, à partir duquel ils payaient les dépenses du ménage. M. Aimurie a également affirmé qu'il possédait un autre compte bancaire à la Banque royale, dans lequel il avait déposé, en 2007, 100 000 $ provenant de la vente de sa maison. Il n'a déposé en preuve aucun relevé bancaire pour ces comptes.

[20]        De plus, la preuve documentaire déposée à l'audience n'a pas étayé le témoignage de M. Aimurie. Selon la pièce R‑5, de nombreuses dépenses du ménage ont été payées des comptes d'entreprise de Lawsco et de Cashpal. Si M. Aimurie a reçu 100 000 $ en 2007, il n'y a aucun élément de preuve démontrant que l'on ait tenu compte de ce montant lors de l'analyse des dépôts bancaires.

[21]        En établissant les nouvelles cotisations, le ministre a supposé que M. Aimurie avait un revenu total non déclaré de 657 930 $ pour la période allant de 2003 à 2010 inclusivement. J'estime que M. Aimurie n'a pas démontré que cette hypothèse n'était pas exacte.

Années frappées de prescription et pénalités pour faute lourde

[22]        Les nouvelles cotisations pour les années d'imposition 2003 à 2007 ont été établies après la période normale de nouvelle cotisation et le ministre avait le fardeau de prouver que M. Aimurie avait fait une présentation erronée par négligence, inattention ou omission volontaire, ou qu'il avait commis quelque fraude lors de la production de ses déclarations.

[23]        Lorsqu'il a produit ses déclarations de revenus, M. Aimurie a déclaré que son revenu net total était de 4 561 $ de 2003 à 2007. Cependant, son revenu net total était de 213 202 $.

[24]        À mon avis, c'est à bon droit que le ministre a établi de nouvelles cotisations pour les cinq années frappées de prescription. J'ai conclu que M. Aimurie n'a pas déclaré tout le revenu provenant de l'entreprise. Il était la seule personne à recevoir les revenus de l'entreprise. J'ai conclu que bon nombre de ses réponses étaient invraisemblables et que, selon moi, il n'était pas crédible. Il n'a pas donné d'explication convaincante concernant l'écart entre le revenu qu'il a indiqué dans ses déclarations de revenus et le revenu selon l'analyse des comptes bancaires, et cet écart était important. Selon moi, les présentations erronées faites par M. Aimurie en produisant ses déclarations de revenus étaient attribuables à une omission volontaire.

[25]        Le ministre a imposé des pénalités pour faute lourde à M. Aimurie pour les années d'imposition de 2003 à 2009. La faute lourde est définie comme suit dans la décision Venne c. La Reine, [1984] A.C.F. no 314 (QL) (C.F. 1re inst.) :

[...] La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu'un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la loi. [...]

[26]        Pour décider si le ministre a démontré que des pénalités pour faute lourde devaient être imposées, j'ai pris en compte un certain nombre de facteurs, notamment l'importance de l'omission relative au revenu déclaré, la faculté du contribuable de découvrir l'erreur ainsi que le niveau d'instruction du contribuable et son intelligence apparente : DeCosta c. La Reine, 2005 CCI 545, au paragraphe 11.

[27]        J'en suis arrivée à la conclusion que M. Aimurie avait gagné un revenu qu'il n'a pas déclaré dans ses déclarations de revenus. Le revenu non déclaré pour les années allant de 2003 à 2009 était énorme par rapport au revenu qu'il a déclaré. Il était le seul à s'occuper de l'argent reçu par l'entreprise et il produisait ses propres déclarations de revenus. M. Aimurie était instruit. Il avait un diplôme en comptabilité et il a étudié en sciences humaines à l'université York. Je ne sais pas s'il a obtenu son baccalauréat. Son entreprise à propriétaire unique, Lawsco, était un fournisseur autorisé de l'ARC pour le service TED, et il préparait et produisait des déclarations de revenus pour ses clients. Selon certains éléments de preuve, pendant la période visée par l'appel, M. Aimurie a activement acheté et vendu des titres. Je suis convaincue que M. Aimurie savait qu'il ne déclarait pas tout le revenu qu'il gagnait et que le ministre a eu raison d'imposer des pénalités pour faute lourde.

[28]        L'appel de M. Aimurie visant les années d'imposition 2003, 2004, 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 est rejeté.

Josleyn Charles

[29]        En calculant le montant d'impôt qu'elle avait à payer en 2008 et 2009, Mme Charles a réclamé des crédits d'impôt non remboursables au titre du montant pour conjoint s'élevant à 8 018 $ et à 5 876 $ respectivement.

[30]        Pour avoir droit au montant pour conjoint en 2008 et 2009, Mme Charles devait être l'épouse de M. Aimurie et elle devait subvenir à ses besoins.

[31]        Cependant, j'ai conclu que le revenu d'entreprise net de M. Aimurie s'élevait à 107 635 $ et à 161 721 $ en 2008 et en 2009. Il est clair que M. Aimurie n'était pas à la charge de Mme Charles en 2008 et en 2009.

[32]        L'appel de Mme Charles visant les années d'imposition 2008 et 2009 est rejeté.

Signé à Halifax (Nouvelle‑Écosse), ce 11e jour de juillet 2016.

« V. A. Miller »

La juge V. A. Miller


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 164

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2014-1103(IT)G

2014-1107(IT)I

 

INTITULÉS :

LAWRENCE AIMURIE c. SA MAJESTÉ LA REINE

JOSLEYN CHARLES c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 21 juin 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 11 juillet 2016

COMPARUTIONS :

Pour les appelants :

Les appelants eux-mêmes

Avocat de l'intimée :

Me Tony Cheung

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour les appelants :

Nom :

[Blank / En blanc]

Cabinet :

[Blank / En blanc]

Pour l'intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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