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Dossier : 2013-705(IT)G

ENTRE :

PAUL A. GOLINI FILS, REPRÉSENTANT PAUL C. GOLINI PÈRE

PAR PROCURATION,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu les 2, 3, 4, 5, 6, 23 et 24 novembre ainsi que le 10 décembre 2015

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller


Comparutions :

Avocates de l’appelant :

Mes Nathalie Goyette, Geneviève Léveillé et Laurie Beausoleil

Avocates de l’intimée :

Mes Jenna Clark, Christa Akey et

Alisa Apostle

 

JUGEMENT

L’appel est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Les parties ont 60 jours à compter de la date du présent jugement pour déposer des observations écrites sur les dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de juillet 2016.

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de septembre 2017.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2016 CCI 174

Date : 20160719

Dossier : 2013-705(IT)G

ENTRE :

PAUL A. GOLINI FILS, REPRÉSENTANT PAUL C. GOLINI PÈRE

PAR PROCURATION,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge C. Miller

[1]              La planification fiscale, selon le côté de la barrière où l’on se trouve, se définit comme un ensemble d’« opérations structurées » ou comme un « écran de fumée ». Il faut certainement postuler une gamme entre ces extrêmes, et c’est à moi qu’il incombe ici d’établir où les opérations des Golini se situent dans cette gamme.

[2]              M. Paul C. Golini, en collaboration avec la famille Guizzetti, a mis sur pied dans les années 1990 une entreprise prospère d’aménagement de terrains et d’agglomérations, qui est devenue ce qu’on appelle maintenant le groupe Empire. Lui-même, son fils Paul A. Golini, M. A. Guizzetti, ainsi que les neveux de ce dernier, Dan et Andrew Guizzetti, faisaient tous partie intégrante de cette entreprise. Le décès de M. A. Guizzetti, survenu en 2001, a amené la famille Golini à se rendre compte de la nécessité d’une planification successorale et d’une planification financière des actionnaires, en particulier pour ce qui concerne la préparation de la retraite de Paul C. Golini.

[3]              Les conseillers du groupe Empire ont donc été invités au milieu des années 2000 à élaborer des plans de retraite pour Paul C. Golini. On a ainsi d’abord établi une convention de retraite (« CR »), puis un gel successoral, et enfin ce qu’on a appelé un plan d’optimisation de la CR, composé des étapes suivantes :

                    i.                  Paul C. Golini a constitué une nouvelle société de portefeuille, sous la dénomination de 2161845 Ontario Inc. (« Holdco »).

                  ii.                  Paul C. Golini a échangé des actions d’une autre de ses sociétés de portefeuille, soit 1066167 Ontario Inc. (« Ontario Inc. »), contre des actions de Holdco. La valeur des actions en question d’Ontario Inc. s’élevait à au moins 6 000 000 $. Paul C. Golini et Holdco ont alors fait le choix visé à l’article 85 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

                iii.                  Ontario Inc. a emprunté 6 000 000 $ à une institution financière extraterritoriale dénommée DGM Bank (cette opération étant désignée ci-après le « prêt-relais »).

               iv.                  Ontario Inc. a racheté au moyen du produit du prêt-relais les actions que Holdco avait achetées à l’appelant.

                 v.                  Holdco a constitué, en versant les 6 000 000 $ à une compagnie d’assurances de Nevis dénommée St. Joseph’s Assurance Company, une rente qui devait lui être servie à raison de 400 000 $ par an durant 15 ans (la « rente »).

               vi.                  Holdco a souscrit une police d’assurance sur la vie de Paul C. Golini auprès d’une compagnie d’assurances barbadienne, DGM Insurance Corporation, en donnant pour instructions à la société de rentes de verser les arrérages annuels de 400 000 $ à l’assureur à titre de primes. Cette police prévoyait le paiement d’une indemnité de décès de 6 000 000 $, dont le montant augmentait chaque année (l’« assurance-vie »).

             vii.                  St. Joseph Assurance et DGM Insurance ont souscrit une réassurance sur la rente et l’assurance-vie en versant 6 000 000 $ à une autre société barbadienne : Stellar Insurance.

           viii.                  Stellar Insurance a placé 6 000 000 $ dans une société de Saint-Vincent-et-les-Grenadines dénommée Trafalgar Holdings.

               ix.                  Trafalgar a prêté 6 000 000 $ à Metropac Services Inc., société canadienne constituée aux fins de ces opérations.

                 x.                  Metropac a consenti à M. Golini père un prêt à recours limité de 6 000 000 $, cautionné par Holdco pour une commission annuelle de 40 000 $ et garanti sur l’assurance-vie détenue par cette dernière.

               xi.                  Ontario Inc. a modifié son capital social de manière à y faire entrer un nombre illimité d’actions privilégiées de catégorie D à dividende prioritaire cumulatif.

             xii.                  Paul C. Golini a acheté 6 000 000 de nouvelles actions privilégiées de catégorie D d’Ontario Inc., dont le capital versé totalisait 6 000 000 $, au moyen du prêt de 6 000 000 $ de Metropac.

           xiii.                  Ontario Inc. a remboursé à DGM Bank le prêt-relais de 6 000 000 $.

[4]              Le lecteur trouvera une représentation schématique de ces opérations à l’annexe A jointe aux présents motifs. Ce plan avait entre autres deux résultats : premièrement, M. Golini père se trouvait en mesure de déduire de son revenu de CR les intérêts afférents au prêt de Metropac; et deuxièmement, il bénéficiait d’une augmentation du capital versé des actions qu’il détenait dans Ontario Inc.

[5]              Le ministre du Revenu national (le « ministre ») avance les moyens suivants contre les conséquences fiscales de ce plan :

        i.                     Le prêt de 6 000 000 $ octroyé par Metropac à Paul C. Golini et/ou chacune des opérations connexes du plan relèvent du trompe-l’œil, M. Golini père ayant surévalué ses intérêts débiteurs et autres frais financiers relativement à cet emprunt, et omis de déclarer :

a.        soit un dividende réputé de 6 000 000 $,

b.       soit un avantage de même valeur.

      ii.                     À titre subsidiaire, le ministre a valablement inclus dans le calcul du revenu de M. Golini père la somme de 6 358 626 $ en tant qu’avantage imposable de la nature visée aux paragraphes 15(1) ou 246(1) de la Loi.

    iii.                     Toujours à titre subsidiaire, le prêt et/ou les actions privilégiées de catégorie D constituaient un « abri fiscal » selon la définition énoncée au paragraphe 237.1(1) de la Loi.

   iv.                     Toujours à titre subsidiaire, les frais financiers déduits relativement au prêt étaient déraisonnables dans les circonstances.

     v.                     Toujours à titre subsidiaire, les avantages fiscaux découlant de la série d’opérations considérée doivent être refusés au contribuable en vertu du paragraphe 245(2) de la Loi, soit la disposition générale anti-évitement (la « DGAE »).

[6]              Il paraît utile de recenser d’abord les acteurs de la série d’opérations en question :

-               Paul C. Golini (« M. Golini père ») : l’appelant, inapte à témoigner pour cause de maladie d’Alzheimer et considéré comme l’un des fondateurs de l’Empire Community Group.

-               Paul A. Golini (« M. Golini fils ») : le fils du précédent, qui détenait des actions ordinaires dans Holdco.

-               A. Guizzetti : contemporain, maintenant défunt, de M. Golini père et l’un des fondateurs de l’Empire Community Group.

-               Andrew Guizzetti : un des vice-présidents directeurs et, par la suite, le directeur financier de l’Empire Community Group, considéré comme le conseiller financier de confiance de M. Golini père.

-               Dan Guizzetti : aussi un cadre de l’Empire Community Group.

-               1066167 Ontario Inc. (« Ontario Inc. ») : la société de portefeuille détenant la participation de la famille Golini dans l’entreprise exploitée activement de l’Empire Community Group.

-               PGE Contracting Inc. : société exploitante faisant partie de l’Empire Community Group, détenue à 100 % par Ontario Inc.

-               2161845 Ontario Inc. (« Holdco ») : société de portefeuille de droit ontarien constituée pour les besoins financiers de la famille Golini.

-               Robert Young : agent d’assurances connaissant bien la nature du plan en question, et remplissant la fonction de conseiller en matière d’assurances auprès de la famille Golini et de l’Empire Community Group.

-               A. Etcovitch et C. Sharobim : avocats du cabinet MacMillan Binch Mendelsohn, respectivement spécialisés en droit fiscal et en droit commercial, qu’ont engagés Ontario Inc. et la famille Golini relativement aux opérations considérées.

-               Aida Van Wees : avocate et propriétaire de la société New Haven International Co.; associée et, par la suite, épouse de Robert Young, elle a contribué à l’établissement des documents et à l’exécution générale des opérations considérées.

-               New Haven International Co. (« New Haven ») : société canadienne appartenant à Me Van Wee et exploitée par elle.

-               Relius Global Corporation : société canadienne de services de conseil appartenant à Robert Young.

-               Chris Potter : comptable fiscaliste du cabinet PricewaterhouseCoopers, engagé par les Golini et leurs sociétés.

-               Heenan Blaikie : cabinet d’avocats conseillant les sociétés de la famille Golini.

-               DGM Bank and Trust Inc. (« DGM Bank ») : banque barbadienne qui a octroyé le prêt-relais à Ontario Inc.

-               St. Joseph Assurance Company Ltd. (« St. Joseph ») : société de Nevis servant la rente à Holdco.

-               DGM Insurance Corporation (« DGM Insurance ») : compagnie d’assurances barbadienne qui fournit l’assurance-vie à Holdco.

-               Stellar Insurance (« Stellar ») : société barbadienne fournissant la réassurance de la rente et de l’assurance-vie.

-               Trafalgar Holdings LCC (« Trafalgar ») : société saint-vincentaise dans laquelle Stellar a placé une somme de 6 000 000 $, que Trafalgar a prêtée à Metropac.

-               Metropac Services Inc. (« Metropac ») : société de droit britanno-colombien constituée par Me Dawn Wattie aux fins des opérations considérées.

-               Dawn Wattie : avocate exerçant en Colombie-Britannique et ex-amie de Me Aida Van Wees.

-               Liza Harridyal-Sodha, du cabinet Sodha & Associates (« Liza Law ») : avocate du cabinet barbadien engagé comme dépositaire des documents relatifs aux opérations considérées.

-               K.N. Hyde & Associates (« Hyde ») : cabinet d’avocats barbadien agissant comme dépositaire des fonds pour le compte de DGM Insurance.

-               Bruce Magwood : comptable agréé canadien travaillant pour Stellar, en plus d’être un actionnaire et un administrateur de St. Joseph Assurance.

-               BSD Consulting : société appartenant à Steven Parker, à qui Robert Young a versé des commissions annuelles au titre des opérations considérées.

[7]              L’appelant a produit trois témoins : M. Golini fils, M. Andrew Guizzetti et Me A. Etcovitch. Ils ont expliqué de manière concordante que le plan d’optimisation de la CR s’inscrivait dans une planification successorale et de retraite, surtout en prévision du retrait de M. Golini père de son entreprise, encore que, étant donné l’évolution dudit plan d’optimisation, ce motif semble avoir perdu de son importance.

RAPPEL DES FAITS

[8]              Les familles Golini et Guizzetti exploitent ensemble depuis la fin des années 1980 une entreprise qui s’occupait d’abord d’aménagement de terrains, puis a ajouté à ses activités la construction domiciliaire et l’aménagement d’agglomérations. Forte seulement d’une poignée de salariés au départ, cette entreprise en comptait plus de 200 en 2008. Au décès d’A. Guizzetti en 2001, son neveu Andrew Guizzetti s’est rendu compte que, si l’entreprise était florissante, on n’avait accordé que peu d’attention, voire aucune, à la planification financière ou à la retraite des actionnaires. Il était temps de le faire pour les deux familles, et en particulier pour M. Golini père.

[9]              M. Golini père comptait beaucoup sur Andrew Guizzetti pour le conseiller en matière financière. Les deux familles ont commencé par abandonner leur petit cabinet comptable pour retenir les services d’une importante société de comptables agréés. Andrew Guizzetti s’est ainsi adressé en 2004 à PricewaterhouseCoopers, où il a établi des rapports de travail avec un associé fiscaliste, M. C. Potter. Quant aux conseillers juridiques de l’entreprise, ils appartenaient au cabinet Heenan Blaikie.

[10]         Le principal objet de la planification à cette étape était de prendre les mesures appropriées en vue de la retraite de M. Golini père. À cette fin, une CR a été recommandée et mise en œuvre en 2005, par le moyen d’un produit de RBC Assurances. Il en est résulté un premier paiement d’environ 350 000 $ en 2008. On n’a pas produit d’autres éléments de preuve relativement à la CR.

[11]         La deuxième étape de la planification globale a consisté en un gel successoral, exécuté à la fin de 2006. Ce gel visait à permettre, d’une part, d’aménager l’entreprise de telle sorte que la plus-value des biens s’accumulât dorénavant en faveur de M. Golini fils plutôt que de son père, et d’autre part, d’utiliser l’exemption pour gains en capital de 500 000 $ dont bénéficiait M. Golini père. On a en conséquence modifié les statuts d’Ontario Inc. de manière à autoriser les actions ordinaires ainsi que les actions privilégiées de catégories B et C. Les 100 actions ordinaires de M. Golini père ont alors été échangées contre 500 098 actions privilégiées de catégorie B, dont la juste valeur marchande s’élevait à 500 098 $, plus une action ordinaire, qui a été transformée en 1 000 actions de catégorie C rachetables au prix de 5 598 000 $ et 100 actions ordinaires. M. Golini père a ensuite fait don des 100 actions ordinaires à son fils. À cette étape, le capital versé relatif aux actions détenues par M. Golini père dans Ontario Inc. était minimal.

[12]         En 2007, M. Potter a présenté aux familles Golini et Guizzetti un agent d’assurances (un [TRADUCTION] « vendeur d’assurances » comme il se désigne lui-même) dénommé Robert Young. Ce dernier et M. Potter ont examiné ensemble la possibilité d’une rente assurée financée (ou rente dos-à-dos triple, comme on dit aussi), pour conclure qu’une telle opération coûterait trop cher au Canada et serait plus rentable si on l’exécutait à l’étranger. Robert Young a alors demandé un avis au cabinet Thorsteinssons. Le cabinet PricewaterhouseCoopers a été engagé pour examiner cet avis et structurer le plan dans une perspective d’optimisation fiscale. Andrew et Dan Guizzetti, et peut-être aussi M. Golini fils, ont participé à une réunion initiale où Robert Young a expliqué l’opération structurée sur laquelle se fondait le plan d’optimisation de la CR. Robert Young a déclaré dans son témoignage que, d’après son souvenir, il avait alors présenté le plan d’un point de vue très théorique. M. Golini fils a cru comprendre que l’avantage consistait en une nouvelle catégorie d’actions à dividende cumulatif qui assurerait un flux constant de revenus pour la retraite de son père. Il a aussi cru comprendre que l’opération comprenait la souscription d’une assurance, la constitution d’une rente et un échange d’actions. Il a déclaré à l’audience que PricewaterhouseCoopers lui avait dit que le plan en question fournirait un revenu à M. Golini père après l’épuisement de la CR, renseignement qu’il n’avait pas donné au cours de son interrogatoire préalable.

[13]         Le groupe Empire a par la suite engagé Robert Young par l’intermédiaire de la société New Haven, qui appartenait à Me Van Wees, son associée et, plus tard, son épouse. Par lettre en date du 27 juin 2007 de New Haven au groupe Empire, Me Van Wees a confirmé que les services de sa société avaient été retenus aux fins suivantes :

a)           étudier et évaluer les structures d’assurance sur les plans national aussi bien qu’international;

b)          recenser et examiner les sources possibles de services bancaires, d’assurances et de rentes, tant canadiennes qu’étrangères;

c)           mettre en place une structure.

Selon le témoignage de Me Van Wees, New Haven ne savait rien des arrangements de planification fiscale, mais a simplement examiné les divers mécanismes disponibles d’assurances, de rentes et de prêts, et présenté les acteurs les uns aux autres, veillant en fin de compte à la convergence des efforts de tous. C’est Robert Young qui disait comprendre l’essentiel de l’opération.

[14]         Andrew Guizzetti a déclaré que le plan considéré s’était révélé nécessaire pour remplacer la CR, au rendement insuffisant. Selon son interprétation, la proposition de Robert Young consistait à utiliser un produit d’assurance financé par emprunt pour donner aux actions des attributs plus avantageux, principalement un droit à dividende cumulatif, encore qu’il ait admis que ces nouvelles actions n’ont en fait jusqu’à présent donné lieu au service d’aucun dividende. Andrew Guizzetti a aussi déclaré que le plan présentait cet autre avantage de ne pas constituer un fardeau pour l’entreprise. D’après son souvenir, les seules observations faites à cette étape concernant les conséquences fiscales se rapportaient à la déductibilité des intérêts sur l’emprunt que M. Golini père devait obtenir d’un prêteur canadien, emprunt qui, croyait-il comprendre, avait pour but d’abriter le revenu de la CR.

[15]         Il est évident que M. Golini fils ne connaissait pas le plan aussi bien qu’Andrew Guizzetti, qui était considéré comme le conseiller financier dans l’entreprise, certainement en tout cas par M. Golini père. C’est Andrew Guizzetti qui a établi la valeur d’Ontario Inc. à 6 000 000 $.

[16]          Robert Young a déclaré qu’il montait alors depuis plusieurs années des mécanismes d’assurance non traditionnels, inconnus au Canada. Il a reconnu avoir ainsi élaboré, selon ses termes, plusieurs plans d’optimisation de fonds propres. Il a ensuite expliqué s’être inspiré pour ce faire de la formule canadienne de la rente assurée financée, qui était d’après lui communément appliquée dans le secteur canadien des assurances à l’époque. Le but de ses plans d’optimisation, a-t-il ajouté, était de réduire le revenu imposable, quoiqu’il [TRADUCTION] « ne s’occupai[t] pas de fiscalité en tant que telle ». C’est lui qui avait obtenu des avis fiscaux de Thorsteinssons, étant donné, toujours selon ses dires, que les spécialistes à qui il vendait ses plans exigeaient de tels avis.

[17]         Robert Young et M. Potter ont adresssé Andrew Guizzetti à Me A. Etcovitch, avocat du cabinet McMillan Binch Mendelsohn LLP (« MBM ») qui avait l’habitude de ce genre de plans. Les Golini ont engagé MBM comme conseiller fiscal pour agir pour leur compte et celui de leurs sociétés, et l’ont chargé d’étudier et de documenter le plan dans une perspective d’optimisation fiscale. Selon les termes de Me Etcovitch, MBM devait contribuer à la documentation du plan et fournir des conseils fiscaux y afférents, tâches dont il était lui-même chargé, ainsi que s’occuper des éléments commerciaux, fonction qui serait celle de Me Sharobim. Me Etcovitch a expliqué qu’il avait auparavant travaillé sur des plans semblables avec Robert Young, qu’il a décrit comme un ami, encore qu’il ne pût se rappeler du nombre de plans avant ni après le plan Golini. Il était clair en tout cas qu’il avait déjà collaboré avec un bon nombre des mêmes acteurs extraterritoriaux, notamment Hyde et Liza Law.

[18]         D’après le témoignage de Me Etcovitch, il était peu probable qu’il existât une convention écrite d’avance d’honoraires avec MBM. Il a aussi déclaré ne pas avoir donné d’exposé écrit du plan à ses clients, expliquant que cela aurait coûté trop cher. Il a en outre affirmé avoir vu un exemplaire d’un avis de 40 pages, fourni par le cabinet d’avocats Thorsteinssons à New Haven. Plusieurs témoins ont longuement déposé sur le point de savoir si les Golini ou les Guizzetti avaient pris connaissance de l’avis de Thorsteinssons à l’époque considérée. Robert Young et Me Etcovitch croyaient que ce n’était pas le cas, ce dernier expliquant que l’avis en question était d’une lecture intéressante pour les maniaques de la fiscalité comme lui-même, mais sans pertinence pour le plan Golini. Fait à noter, cependant, l’avis de Thorsteinssons était inscrit dans l’agenda de clôture du plan d’optimisation de la CR conçu pour les Golini, mais sous l’onglet où son texte devait apparaître figurait la mention [TRADUCTION] « Intentionnellement omis ». Me Etcovitch a maintenu catégoriquement que le groupe Golini ne devait pas s’appuyer sur cet avis – relatif à ce qu’il a défini comme une opération fictive –, mais plutôt sur ses conseillers, MBM et Heenan Blaikie. Robert Young a déclaré dans son témoignage que Me Etcovitch lui avait communiqué des renseignements pour qu’il les transmît à Thorsteinssons aux fins de l’établissement de l’avis en question. Je constate au vu des avis de Thorsteinssons une ressemblance frappante entre leur contenu et une partie du plan Golini.

[19]         Me Etcovitch a déclaré ne pas avoir conseillé M. Golini père, au moment de la souscription, concernant le capital versé relatif aux actions de catégorie D d’Ontario Inc.; selon le témoin, il n’était nullement besoin d’attirer l’attention sur ce point, étant donné qu’il s’agissait là d’une conclusion de droit évidente. Il a cependant confirmé avoir parlé du risque de tomber sous le coup de la DGAE, mais, comme il l’avait déjà dit, rien n’avait été mis par écrit.

[20]         Je vais maintenant analyser l’opération de manière plus détaillée. Je voudrais cependant noter dès l’abord ma nette impression, formée d’après les témoignages de M. Golini fils, d’Andrew Guizzetti, de Me Etcovitch, de Robert Young et de Me Van Wees, que les Golini et les Guizzetti se reposaient entièrement sur leurs conseillers professionnels pour ce qui concerne aussi bien la structure du plan que le choix des acteurs, notamment le prêteur du prêt-relais, l’émetteur du contrat de rente, l’assureur-vie et le prêteur canadien des 6 000 000 $ à M. Golini père. En fait, Andrew Guizzetti a déclaré dans son témoignage qu’il croyait savoir que Robert Young avait collaboré auparavant avec Metropac. Il était évident qu’un bon nombre des acteurs de l’opération d’ensemble, soit DGM, St. Joseph’s, Stellar, Trafalgar et Metropac, avaient été choisis par Robert Young et Me Van Wees, ou mis sur pied par eux à l’aide de leurs contacts aux fins mêmes de cette opération.

[21]         Je suis également convaincu que les familles n’étaient pas au courant des manœuvres par lesquelles le produit du prêt-relais de 6 000 000 $ était passé d’Ontario Inc. à St. Joseph’s, puis à Stellar, puis à Trafalgar, et enfin à Metropac (pour en sortir presque simultanément). Me Etcovitch a reconnu que son seul souci, du point de vue de son client, était que Metropac disposât en fin de compte des 6 000 000 $ pour pouvoir les prêter à M. Golini père. Je reviendrai sur ce sujet au moment d’examiner le contrat de dépôt en main tierce.

[22]         MBM a constitué un épais recueil de documents de clôture sous le titre [TRADUCTION] « Opération d’optimisation de la CR de Paul C. Golini ». Il contenait tous les documents relatifs au plan, à l’exception de ceux qui concernaient la réassurance extraterritoriale contractée chez Stellar, le placement de Stellar dans Trafalgar et le prêt de Trafalgar à Metropac, lesquels faisaient partie d’un agenda de clôture distinct établi par Me Van Wees, d’après, semble-t-il, le modèle fourni par MBM pour l’agenda extraterritorial.

1re étape : Constitution de Holdco et modification de ses statuts

[23]         C’est le cabinet Heenan Blaikie qui s’est chargé de la constitution de Holdco. Celle-ci a été constituée le 29 janvier 2008. Une action ordinaire en a été remise à M. Golini père, qui en était l’administrateur unique. On a modifié les statuts de cette société le 26 février 2008 de manière à créer des actions privilégiées de catégorie B afin de permettre à M. Golini père de transférer à Holdco les actions qu’il détenait dans Ontario Inc.

2e étape : Modification de la structure du capital social d’Ontario Inc. de manière à créer des actions privilégiées de catégorie D, avec effet au 26 février 2008

[24]         C’est aussi Heenan Blaikie qui a opéré cette modification portant création d’une catégorie d’actions à dividende cumulatif de 8,25 %. Selon Me Etcovitch, c’était cette catégorie d’actions qui devait en fin de compte assurer à M. Golini père son flux de revenu de retraite 

3e étape : Transfert par M. Golini père de 401 108 actions de catégorie B et de 1 000 actions de catégorie C d’Ontario Inc. à Holdco en échange de 401 108 actions de catégorie B et de 99 actions ordinaires de cette dernière société, avec effet au 26 février 2008

[25]         Les documents mettant en œuvre cette opération (résolution des sociétés, convention de roulement, certificats, etc.) ont été déposés à la clôture par Heenan Blaikie. Je dois ici préciser qu’il n’y a pas eu de réunion physique de clôture. On s’est contenté de faire circuler tous les documents entre les intéressés en leur demandant d’en signer un certain nombre d’exemplaires sans les dater. Selon le témoignage de Me Etcovitch, il était prévu de dater les documents quand l’argent serait prêt et que tous les intéressés auraient la certitude que le plan serait exécuté. Comme Me Sharobim l’expliquait dans un courriel en date du 27 février 2008 accompagnant l’envoi au représentant de St. Joseph d’un contrat de dépôt en main tierce, d’une directive de paiement et d’un avis de cession, [TRADUCTION] « il est prévu de dater divers documents en fonction de la mise à disposition des fonds ».

[26]         Le transfert des actions d’Ontario Inc. s’est opéré sous le régime du paragraphe 85(1) de la Loi. Me Etcovitch a défini cette opération comme consistant à isoler dans Holdco des actions d’une valeur globale de 6 000 000 $.

4e étape : Prêt de 6 000 000 $ de DGM Bank à Ontario Inc., défini comme le prêt-relais dans les documents de clôture

[27]         Si Heenan Blaikie a établi les documents d’autorisation des sociétés pour ce prêt, c’est MBM qui a rédigé la convention de prêt elle-même, datée du 28 février 2008, entre DGM Bank et Ontario Inc. MBM a aussi établi une directive de décaissement d’Ontario Inc. à DGM Bank, qui faisait passer les fonds au compte en fiducie de MBM. DGM Bank exerçait son activité à la Barbade et était représentée par son président, Bob Reid, et son vice-président, Keiran Young. Le prêt-relais de 6 000 000 $ portait un taux d’intérêt de 8 % et était remboursable au plus tard le 11 mars 2008. La convention ne prévoyait pas de garantie, mais comportait la stipulation suivante :

[TRADUCTION]

5.2       Le PRÊTEUR déclare et certifie à l’EMPRUNTEUR que le dépositaire choisi par ledit PRÊTEUR remplira ses obligations au titre du contrat de dépôt en main tierce (le « CONTRAT DE DÉPÔT ») en date du 27 février 2008 passé entre K.N. Hyde & Associates, avocats (le « DÉPOSITAIRE »), 2161845 Ontario Inc., Paul C. Golini, St. Joseph Assurance Company Ltd., Metropac Services Inc., McMillan Binch Mendelsohn LLP et Liza Harridyal Sodha & Associates, et que, dans le cas où le DÉPOSITAIRE ne remplirait pas ces obligations, l’EMPRUNTEUR ne sera pas tenu de rembourser le PRÊT au PRÊTEUR.

[28]         Me Etcovitch a confirmé que c’était Robert Young qui avait choisi cet établissement de crédit. L’argent a été déposé dans le compte en fiducie de MBM le 28 février 2008.

[29]         Selon le témoignage d’Andrew Guizzetti, ce prêt-relais n’a jamais été inscrit au grand livre général d’Ontario Inc.

5e étape : Rachat par Ontario Inc., moyennant 6 000 000 $, de 401 108 actions privilégiées de catégorie B et de 1 000 actions privilégiées de catégorie C détenues par Holdco, avec effet au 28 février 2008

[30]         Robert Young a déclaré dans son témoignage qu’il ignorait absolument la raison de cette partie du plan, mais que l’idée en était venue de Me Etcovitch.

[31]         C’est Heenan Blaikie qui a déposé les résolutions et les certificats d’actions nécessaires pour le rachat des actions d’Ontario Inc. détenues par Holdco. MBM a rédigé dans les termes suivants une lettre d’instructions irrévocable adressée à elle-même par Ontario Inc. :

[TRADUCTION]

OBJET : LA SOMME DE 6 000 000 $ DÉTENUE DANS VOTRE COMPTE EN FIDUCIE

La présente vous enjoint irrévocablement d’attribuer au compte de la société 2161845 Ontario Inc. la somme de 6 000 000 $ que vous détenez en fiducie pour le soussigné, en paiement du prix de rachat de 401 108 actions privilégiées de catégorie B et de 1 000 actions privilégiées de catégorie C du capital social du soussigné détenues par ladite société.

[32]         Me Etcovitch a expliqué que MBM devait en principe signer une confirmation de l’attribution des fonds ainsi ordonnée, encore qu’aucune confirmation de cette nature n’ait été produite. On trouve cependant dans l’agenda de clôture un contrat de dépôt passé entre M. Golini père, Holdco, St. Joseph’s, Metropac, Liza Law et MBM, d’une part, et Hyde d’autre part. Au risque d’anticiper un peu sur la suite de mon propos, j’estime utile de citer ici quelques passages de ce contrat de dépôt, en date du 27 février 2008, au motif qu’il éclaire ce qui suivra :

[TRADUCTION]

CONSIDÉRANT QUE :

A.        Holdco souhaite acheter un contrat de rente à la société de rentes au prix de 6 000 000 $ (la « rente »);

B.         la somme de 6 000 000 $ sera finalement transférée à Metropac;

C.        Metropac versera la somme de 6 000 000 $ à Golini au titre d’une convention de prêt à recours limité à passer entre eux (le « prêt »), lequel prêt sera cautionné par Holdco;

D.        les parties souhaitent que la somme de 6 000 000 $ représentant le prix d’achat de la rente soit transférée au dépositaire par MBM, au nom de Holdco et pour le compte de la société de rentes; soit finalement attribuée au compte de Metropac par le dépositaire, conformément aux instructions irrévocables de Liza Law; et soit versée, conformément aussi aux instructions irrévocables de Liza Law, par le dépositaire à Golini, en tant que décaissement du prêt;

EN CONSÉQUENCE, compte dûment tenu des avantages et obligations mutuels stipulés au présent contrat et afférents aux opérations entre les parties, dont toutes reconnaissent la réception et le caractère suffisant, il a été convenu ce qui suit :

1.                  Le dépositaire agira conformément aux instructions des parties au présent contrat, et de nulle autre personne, pour ce qui concerne les questions y exposées.

2.                  Le dépositaire acceptera de MBM (agissant au nom de Holdco) la somme de 6 000 000 $ (à détenir pour le compte de la société de rentes) à titre de paiement à la société de rentes du prix d’achat de la rente.

3.                  Le dépositaire se conformera aux instructions irrévocables de Liza Law lui ordonnant d’attribuer finalement au compte de Metropac la somme de 6 000 000 $ détenue par lui.

4.                  Le dépositaire se conformera aux instructions irrévocables de Liza Law lui ordonnant de verser immédiatement ladite somme à Golini à titre de décaissement du prêt.

5.                  Toutes les parties conviennent que la somme acceptée en dépôt par le dépositaire au titre du présent contrat ne devra en aucun cas sortir de son compte en fiducie si ce n’est pour être transférée à MBM, pour Golini et en son nom, conformément à la clause 4 ci-dessus, et que cette somme, nonobstant toute autre directive contraire aux directives ou instructions visées au présent contrat que donnerait au dépositaire l’une quelconque des parties audit contrat à quelque moment que ce soit, devra, en cas de directives ou d’instructions contradictoires, être immédiatement reversée à MBM en fiducie pour Holdco, auquel cas les opérations visées au présent seront réputées nulles et de nul effet ab initio, sans préjudice toutefois de l’application des clauses 1, 2, 6 et 11 à l’égard du dépositaire et de MBM.

[33]         La somme de 6 000 000 $ a de fait suivi exactement le trajet prévu dans ce contrat de dépôt : elle est sortie brièvement du compte de MBM pour être transférée au compte en fiducie de Hyde et, le jour même où cette dernière en a accusé réception, soit le 3 mars 2008, elle a été reversée au compte en fiducie de MBM, puis elle a été finalement rendue à DGM Bank pour le remboursement du prêt-relais. On comprend que, dans ces conditions, DGM Bank n’ait pas exigé de garantie.

6e étape : Achat par Holdco à St. Joseph’s d’une rente dont le contrat porte la date du 27 février 2008

[34]         Selon le souvenir d’Andrew Guizzetti, l’achat de cette rente par Holdco n’avait pas été précédé d’une proposition. Holdco a autorisé le cabinet d’avocats barbadien (Liza Law) à déposer auprès de St. Joseph’s tous les documents nécessaires pour acheter le contrat de rente de 6 000 000 $. Cependant, de tels documents ne figuraient ni dans la preuve ni dans l’agenda de clôture. Bien que le contrat fût daté du 27 février 2008, les résolutions autorisant l’opération portaient la date du lendemain (28 février 2008). Comme Me Etcovitch l’a expliqué, une telle discordance n’a rien d’exceptionnel.

[35]         Hyde a confirmé à St. Joseph’s et à Liza Law avoir reçu de MBM, pour détention aux fins du paiement de la rente, la somme de 6 000 000 $ le 3 mars 2008. C’est MBM qui a déposé les documents de clôture relatifs à la rente. Le contrat de rente décrivait comme suit son fonds de placement :

[TRADUCTION]

Le fonds de placement est un placement sous-jacent ou un groupe de tels placements qui ne sont pas directement achetés par le placement, et dont le rendement se reflétera dans la valeur unitaire de chaque contrat. St. Joseph Assurance Company Ltd. choisira les placements sous-jacents et fera en sorte que la prime initiale soit garantie, toutes les primes étant des arrérages de la rente. Si le rendement du fonds de placement entraîne une diminution de la valeur unitaire, les arrérages n’en seront pas modifiés. Ceux-ci le seront toutefois en cas d’augmentation de ladite valeur unitaire. L’évolution du fonds de placement sera enregistrée à l’annexe A, qui sera tenue à jour par le conseiller en placements.

[36]         Me Etcovitch a déclaré ne pas avoir étudié la nature du fonds de placement, la seule chose importante étant que la rente rendît des arrérages annuels de 400 000 $, destinés à couvrir la prime annuelle de l’assurance (à contracter chez DGM Insurance), et qu’il y eût un mécanisme de prévu en cas de production d’excédent par un fonds de placement. À propos de la question du soi-disant fonds de placement, Me Van Wees a déclaré dans son témoignage ignorer comment St. Joseph’s exerçait son activité. Je voudrais noter ici que le témoignage de Me Van Wees m’a paru en général évasif et parfois insincère. C’est là un exemple de la manière dont elle a répondu à plusieurs questions. Elle savait que St. Joseph’s avait versé l’arrérage annuel de 400 000 $ à DGM Insurance pour la première prime d’assurance, et que ces deux sociétés avaient réassuré leurs polices à 100 % chez Stellar. Il ne restait manifestement rien pour constituer un quelconque fonds de placement.

[37]         M. Magwood s’est montré plus franc. Comptable agréé canadien agissant pour le compte de Stellar, il était aussi l’un des actionnaires et administrateurs de St. Joseph’s, la société de rentes enregistrée comme compagnie d’assurances de Nevis en décembre 2007. Il a défini son rôle comme étant simplement le traitement de documents, mais il a néanmoins déclaré dans son témoignage que, pour ce qui concerne le contrat de rente, St. Joseph’s ne disposait d’aucun pouvoir discrétionnaire sur l’utilisation des 6 000 000 $ : tout était prévu dans le contrat de dépôt en main tierce. Il a confirmé qu’il n’y avait pas en fait de fonds de placement. Le plan prévoyait la réassurance de l’opération entière, la totalité des 6 000 000 $ devant passer à Stellar. Comme il l’a expliqué, personne ne pensait qu’un fonds de placement produirait un quelconque excédent.

[38]         Holdco a ordonné à son mandataire Liza Law de donner à St. Joseph’s pour directive irrévocable de verser les arrérages annuels de 400 000 $ à DGM Insurance en paiement des primes de la police d’assurance, fixées exactement au même montant. La souscription de cette police d’assurance était l’étape suivante.

7e étape : Souscription par Holdco auprès de DGM Insurance d’une police d’assurance, datée du 27 février 2008, sur la vie de M. Golini père

[39]         Robert Young a expliqué sans ambiguïté qu’il devait y avoir concordance parfaite des arrérages de la rente avec les primes d’assurance. Comme on le verra plus tard, il y avait aussi concordance parfaite avec le prêt de Metropac. M. Keiran Young, l’un des vice-présidents de DGM Bank, le prêteur du prêt-relais, a déclaré dans son témoignage que cette banque et DGM Insurance étaient liées d’une certaine façon. Il avait ainsi pouvoir de signature pour les deux. Il a ajouté que DGM Insurance détenait seulement une dizaine de polices et qu’elle recourait à la réassurance, ne souhaitant assumer aucun risque délibéré. Il ne se rappelait pas avoir eu connaissance de la proposition, ni du rapport médical, correspondant à l’assurance considérée; ni l’un ni l’autre de ces documents n’a d’ailleurs été produit à l’instruction. Il ne savait pas non plus exactement quelles activités la licence de DGM Insurance l’autorisait à exercer. En fait, il ne se rappelait pas grand-chose, et ne savait pas avec certitude à quoi les Golini voulaient en venir.

[40]         La résolution de Holdco autorisant la souscription de la police d’assurance en question était datée du 28 février 2008, alors que celle-ci l’était de la veille (27 février 2008). La police prévoyait le paiement de primes annuelles de 400 000 $ durant 15 ans pour une couverture initiale de 6 400 000 $, qui augmentait sur cette période pour atteindre un chiffre supérieur à 16 000 000 $. Après 15 ans, l’assuré cessait de payer des primes, mais la couverture continuait d’augmenter, non seulement au taux de 8 %, mais comme si se poursuivait le paiement des primes de 400 000 $.

[41]         Holdco a chargé Liza Law de déposer les documents nécessaires à la souscription de la police. Comme on l’a vu plus haut, les arrérages de la rente devaient couvrir les primes. Me Etcovitch a déclaré dans son témoignage que, comme la police d’assurance avait été délivrée, il fallait présumer que le premier paiement avait été fait.

[42]         Je m’écarte maintenant de l’agenda de clôture de MBM afférent à l’opération d’optimisation de la CR pour passer à l’examen de l’autre agenda de clôture, relatif aux opérations extraterritoriales qui ont fait passer les 6 000 000 $ de St. Joseph’s et de DGM Insurance, comme le stipulait le contrat de dépôt, à Stellar, puis à Trafalgar, et finalement à la société canadienne Metropac, afin qu’elle les prêtât à M. Golini père. Je me trouve ici un peu dans l’état d’esprit d’Alice au pays des merveilles, qui, après avoir vu « se passer tant de choses bizarres en arrivait à penser que fort peu de choses étaient vraiment impossibles ».

8e étape : Réassurance de la rente et de la police d’assurance-vie par St. Joseph’s et DGM Insurance auprès de Stellar

[43]         L’agenda de clôture extraterritorial comprend les traités de réassurance conclus par Stellar, d’une part avec St. Joseph’s pour le contrat de rente, et d’autre part avec DGM pour la police d’assurance-vie. M. Magwood a expliqué dans son témoignage qu’il avait élaboré ces traités à partir d’un modèle. Il a décrit la réassurance de la rente comme un transfert à Stellar de l’intégralité du portefeuille pour une commission annuelle fixée dans le traité à 7 500 $. Pour ce qui concerne la police d’assurance, la prime annuelle à payer à DGM Insurance s’élevait à 16 000 $.

[44]         M. Magwood a confirmé que ces traités de réassurance conclus avec Stellar avaient simplement pour effet que cette dernière s’occupe à l’interne des arrérages de rente et des primes d’assurance, les uns et les autres fixés à 400 000 $ (puisqu’ils étaient destinés à se correspondre exactement). Il a en outre déclaré que les sommes de 5 600 000 $ et de 400 000 $ provenant respectivement de St. Joseph’s et de DGM Insurance avaient été attribuées à Stellar par les contrats de dépôt. Voici un passage de l’article 5 de la convention de réassurance passée entre DGM Insurance et Stellar :

[TRADUCTION]

B.         Le réassureur s’engage, en cas de réclamation au titre de la police, à régler le réassuré en même temps que devra être effectué le règlement afférent à ladite police, de sorte que le second n’ait pas à avancer de fonds pour le compte du premier.

C.        Le réassureur pourra, à sa seule discrétion, remplir toute obligation de payer au réassuré, au titre de la présente convention, un montant à l’égard d’une réclamation faite en vertu de la police en versant ce montant directement au réclamant pour le compte du réassuré. Le réassureur informera le réassuré de tout paiement de cette nature, qui dégagera ledit réassureur de toute responsabilité découlant de la présente sous le rapport considéré.

[45]         L’agenda de clôture extraterritorial comprenait plusieurs contrats de dépôt en main tierce : un entre St. Joseph’s et Liza Law, un autre entre DGM Insurance et Liza Law, un autre entre Stellar et Liza Law, et un dernier entre Trafalgar, Metropac et Liza Law. Selon M. Magwood, ces documents avaient vraisemblablement été établis par Me Van Wees ou Hyde. L’idée maîtresse de ces contrats de dépôt, considérés conjointement avec le contrat de même nature décrit plus haut, était que Hyde recevrait des fonds en fiducie de MBM et les détiendrait pour les rendre ensuite à celle-ci, qui les détiendrait pour M. Golini père, avant de les débloquer finalement pour le remboursement du prêt-relais. Les contrats de dépôt permettent de suivre le flux des fonds de St. Joseph’s et DGM Insurance à Stellar, puis à Trafalgar, puis à Metropac et enfin à M. Paul Golini père, parcours que jalonnent des acceptations et reçus délivrés par Liza Law, selon des modalités telles que les suivantes, énoncées dans le contrat de dépôt liant ce cabinet d’avocats avec Trafalgar et Metropac :

[TRADUCTION]

1.         Le prêteur à long terme donne irrévocablement à Liza Law les autorisations et directives suivantes :

i)          accepter la somme de ________ de la compagnie de réassurance comme dépôt au titre du contrat de placement et délivrer à ladite compagnie de réassurance un reçu au montant de ________, à signer par Liza Law;

ii)         accepter de MBM la confirmation que celle-ci détient en fiducie les sommes suivantes, ainsi que du client une directive irrévocable ordonnant de verser sans délai lesdites sommes aux personnes et selon les modalités suivantes, à la réception par lui de l’avance visée à la clause 2(v) du présent contrat :

a)                  _________ à Liza Law, aux fins de détention en fiducie, pour le paiement anticipé par le client à MetroPac des intérêts stipulés par la convention de prêt à Golini, et par MetroPac au prêteur à long terme des intérêts stipulés par la convention de prêt à MetroPac;

b)                  _________ à Liza Law, en paiement de ses honoraires et débours;

c)                  _________ à Hyde, en paiement de ses honoraires;

d)                  _________ à MetroPac, pour le paiement des honoraires et débours de ses avocats;

e)                  _________ à MetroPac, en paiement des frais administratifs qui lui sont dus au titre de la convention de prêt à MetroPac;

f)                    _________ à Banasha Shah Consulting Services Inc., en rémunération d’une opinion actuarielle;

g)                  _________ à Hyde, en fiducie, pour le paiement des honoraires d’expert-conseil dus à__________;

h)                  _________ à Hyde, en fiducie, pour le paiement des intérêts dus à DGM Bank & Trust Inc. (« DGM »);

iii)         émettre une directive ***(mot manquant)           à MBM de verser en fiducie à Liza Law la somme de__________, au titre des intérêts stipulés par la convention de prêt à MetroPac (la « directive relative à MetroPac »), et délivrer à MetroPac un reçu du prêteur à long terme à signer par Liza Law;

iv)        prendre livraison des documents suivants provenant de MetroPac :

a)                  la convention de prêt à MetroPac;

b)                  les résolutions de MetroPac autorisant l’emprunt de ________ au prêteur à long terme;

c)                  le ou les contrats de sûreté exigés par la convention de prêt à MetroPac, y compris le ou les contrats de mise en gage, et leur enregistrement;

d)                  l’attestation de fonction de MetroPac;

e)                  la déclaration solennelle de MetroPac;

f)                    la directive relative à MetroPac;

v)         ordonner à Hyde, par télécopie ou courrier électronique, d’avancer à MetroPac au titre de la convention de prêt à celle-ci, sur les fonds qu’elle détient en fiducie pour le prêteur à long terme, la somme de ________;

vi)        distribuer la somme de _________ selon les instructions reçues.

[46]         Me Van Wees a déclaré dans son témoignage que toutes les opérations passaient par Liza Law, que tous les documents devaient être signés et entre ses mains avant que les opérations aillent de l’avant, étant donné que la confiance ne régnait pas chez DGM Insurance, St. Joseph’s et Trafalgar. Ce genre d’observations vagues m’inspire des doutes sur le témoignage de Me Van Wees en général.

[47]         Fait intéressant, l’agenda de clôture extraterritorial porte que les contrats de dépôt en main tierce devaient être déposés par « D.W. », initiales que j’interprète comme désignant Me Dawn Wattie, l’avocate à qui Me Van Wees avait demandé de monter Metropac et d’examiner les documents faisant intervenir cette société. Or, il est très peu probable que Me Wattie ait déposé les contrats en question. Elle a déclaré que c’était Me Van Wees qui avait fourni tous les documents pour la clôture des opérations extraterritoriales. Chaque fois que je constate une divergence entre les témoignages de Me Van Wees et de Me Wattie, j’accepte sans réserve celui de cette dernière.

9e étape : Stellar place 6 000 000 $ dans Trafalgar en exécution d’une convention en date du 27 février 2008

[48]         Trafalgar était une société saint-vincentaise. La convention en question, intitulée [traduction] « Convention de placement à terme », prévoyait un placement de 6 000 000 $ à un taux d’intérêt de 8 %, selon les modalités suivantes :

[TRADUCTION]

2.2       Le prêteur créditera un taux d’intérêt annuel de 8 % sur la valeur accumulée du dépôt pour chaque année complète à compter de la date d’effet du paiement de ce dépôt jusqu’à l’expiration de la présente convention. Des intérêts au taux annuel de 8 % seront aussi crédités pour chaque année partielle où le dépôt sera placé. La valeur accumulée du dépôt sera égale au montant de celui-ci, majoré des intérêts antérieurement crédités.

[49]         M. Magwood a expliqué que, en fait, la totalité des intérêts n’était pas capitalisée, mais qu’une somme de 80 000 $ en espèces devait être reçue annuellement (comme on le verra bientôt, cette somme correspond aux 80 000 $ que M. Golini père s’était engagé à payer en intérêts sur le prêt de Metropac). Cette somme servait à rémunérer les acteurs de l’opération : Stellar recevait 22 500 $, dont St. Joseph touchait sa part; DGM, 12 500 $; et BSD, 45 000 $. M. Magwood ne savait pas avec certitude qui était BSD, mais il supposait que c’était Robert Young. Effectivement, comme l’a expliqué ce dernier, c’était là une commission qu’il versait au compte de BSD. Robert Young a reconnu que la somme de 80 000 $ avait été fixée en fonction et à partir de ce que seraient les commissions. Selon ses termes, cette somme représentait le coût décaissé du plan.

[50]         Bien que Stellar place 6 000 000 $ dans Trafalgar, celle-ci est désignée le [TRADUCTION] « prêteur ». Il n’est fait nulle mention de la manière dont Trafalgar placerait la somme de 6 000 000 $, mais il était manifestement prévu qu’elle servirait à l’octroi d’un prêt de Trafalgar à Metropac. M. Magwood était l’un des signataires autorisés de Trafalgar, avec MM. Chandaria, Bonnett et Philip Young. Me Van Wees a déclaré dans son témoignage qu’elle avait proposé des observations sur la convention de placement, mais que cette dernière avait été négociée entre Stellar et Trafalgar. M. Magwood représentant les deux sociétés et ayant donné à entendre dans son témoignage que les acteurs connaissaient exactement la nature de l’opération, je ne vois pas bien ce qu’il restait à négocier, sinon le partage entre lesdits acteurs du paiement annuel de 80 000 $ qui passait de M. Golini père à Trafalgar et de celle-ci à Stellar.

10e étape : [TRADUCTION] « Convention de prêt à recours limité » stipulant un prêt de 6 000 000 $ de Trafalgar à Metropac, avec effet au 26 février 2008

[51]         Premièrement, qu’est-ce que Metropac? C’est une société canadienne créée en 2007 par une avocate de la Colombie-Britannique, Me Dawn Wattie, à la demande d’une ancienne condisciple de la faculté de droit, Me Van Wees. Cette dernière a déclaré dans son témoignage qu’elle croyait que Me Wattie avait déjà constitué Metropac. Elle a aussi déclaré qu’on avait eu recours à cette société canadienne parce que M. Golini père voulait un prêteur canadien. Aucun élément de preuve ne donne à penser que M. Golini fût suffisamment au courant de ce qui se passait pour exiger la participation d’un prêteur canadien. Robert Young a par ailleurs déclaré sans ambiguïté que c’était sur le conseil de PricewaterhouseCoopers qu’on avait reconnu la nécessité d’un prêteur canadien.

[52]         Ici encore, le témoignage de Me Van Wees me paraît manquer de crédibilité. Le témoignage de Me Wattie, par contre, s’est révélé franc et direct, malgré l’évidente difficulté pour elle d’admettre avoir signé en qualité d’avocate des documents dont la teneur dépassait de loin ce qu’elle croyait être son rôle ou celui de Metropac.

[53]         Metropac a été constituée en décembre 2007, après que Me Van Wees se fut pour la première fois adressée à Me Wattie (à la noce de cette dernière, célébrée la même année). Me Wattie avait reçu l’assurance que sa participation à l’opération considérée ne présentait pour elle [TRADUCTION] « absolument aucun risque ». Elle a reconnu qu’elle ne comprenait pas alors la nature de l’opération et n’en avait jamais reçu une explication détaillée. Elle a constitué Metropac pour rendre un service à une amie, un service dont, à ce qu’elle croyait comprendre, la nature s’éclairerait plus tard. Elle croyait aussi comprendre que cette opération, quelle qu’elle fût, était pilotée par MBM et Heenan Blaikie. Il ressort à l’évidence du témoignage de Me Wattie que, motivée par le désir de rendre service à une amie, elle ne comprenait ni ne connaissait les tenants et aboutissants de l’opération. Elle supposait que Metropac n’aurait pour fonction que la prestation de services administratifs et à aucun moment ne recevrait d’autre argent qu’une commission en rémunération de tels services.

[54]         Me Wattie a reconnu que Metropac avait passé la convention de prêt à recours limité avec Trafalgar, ainsi qu’un contrat de mise en gage, dont l’exemplaire inclus dans le recueil de clôture n’était pas daté.

[55]         Le prêt devait porter des intérêts de 8 %, à payer selon les modalités suivantes :

[TRADUCTION]

2.2       Taux et paiement des intérêts – L’emprunteur paiera les intérêts afférents au principal de sa dette, au taux stipulé, avant le versement du montant du prêt et comme condition à ce versement, puis à chaque date anniversaire dudit versement, aussi bien avant qu’après l’échéance ou toute demande de remboursement, toute défaillance ou tout jugement, ainsi que les intérêts sur les intérêts en souffrance, jusqu’au remboursement intégral de ladite dette. Les intérêts seront calculés annuellement, à l’avance pour l’année entière et à chaque date anniversaire du versement du montant du prêt, sur le solde alors impayé de la dette de l’emprunteur, et le prêteur ne sera pas tenu de rembourser d’intérêts à l’expiration du terme. À l’exception de la somme de quatre-vingt mille dollars (80 000 $), qui devra être payée en espèces chaque année et sera portée en diminution des intérêts dus au titre de la présente convention, tous les intérêts résiduels à payer seront capitalisés annuellement.

[56]         Le prêt était remboursable sur paiement du produit de l’assurance souscrite sur la vie de M. Golini père. Le recours de Trafalgar était limité à la police de cette assurance. Me Wattie a admis que la convention de prêt prévoyait un prêt de 6 000 000 $ de Trafalgar, mais a répété que ce n’était pas ainsi qu’elle comprenait alors les choses, puisque, aux dires de Me Van Wees, Metropac n’était censée recevoir d’argent à aucun moment. Me Wattie supposait que c’était Me Van Wees qui avait établi la convention. La première a déclaré dans son témoignage n’avoir négocié aucune des modalités des contrats passés par Metropac. On lui avait fait savoir qu’il ne lui était pas permis de modifier la teneur de ces contrats, étant donné qu’ils devaient rester en la forme présentée. Même la forme de la résolution de Metropac autorisant l’opération lui avait été fournie.

[57]         Par les contrats de mise en gage, Metropac cédait ses droits sur la rente et la police d’assurance (lesquelles, comme nous le verrons bientôt, avaient été cédées à Metropac par Holdco en garantie), selon les modalités suivantes pour ce qui concerne la police d’assurance-vie :

[TRADUCTION]

[…]

Les parties conviennent que les droits cédés au titre du présent contrat comprennent les droits cédés au cédant par contrat de mise en gage passé entre lui-même et 2161845 Ontario Inc., essentiellement en la forme du document ci-joint, notamment :

1)                  le droit exclusif de percevoir de l’assureur le produit net de la police lorsqu’il deviendra payable;

2)                  le droit exclusif de racheter la police et de toucher toute valeur de rachat de celle-ci à tout moment prévu par cette police ou autre moment auquel l’assureur le permettra;

[…]

[58]         Me Wattie avait été amenée à croire que Metropac devrait signer un contrat avec DGM, et non Trafalgar, et le changement était intervenu juste avant la clôture. Toujours selon son témoignage, elle ignorait que les fonds seraient à un moment quelconque détenus en fiducie pour Metropac. Elle a cependant reconnu avoir signé le contrat de dépôt avec Trafalgar et Liza Law, dont l’une des clauses commençait comme suit :

[TRADUCTION]

Au reçu de la confirmation de Hyde que le prêteur à long terme a versé les fonds à Metropac au titre de la convention de prêt à celle-ci et que ladite Hyde détient la somme de ___________ en fiducie pour ladite Metropac […]

[59]         Me Wattie a confirmé que Metropac avait touché des honoraires d’administration de 2 500 $, mais aucun revenu en intérêts, conformément à son interprétation selon laquelle il n’avait jamais été prévu que cette société recevrait des intérêts. Elle a également confirmé que Metropac n’avait jamais déclaré dans ses états financiers ni d’emprunt à Trafalgar ni de prêt à M. Golini père.

[60]         En contre-interrogatoire, Me Wattie a été renvoyée au contrat de dépôt portant sa signature, où l’on stipulait que la somme de 6 000 000 $ serait transférée à Metropac, qui devrait la décaisser au profit de M. Golini père. Elle a admis que ce contrat est très clair là-dessus, mais, a-t-elle ajouté, [TRADUCTION] « j’ai compris ce que j’ai compris ». Elle a aussi reconnu qu’il y avait eu de considérables échanges de courriels, les projets pour l’opération semblant changer sans arrêt, mais peu de discussions proprement dites. Elle se rappelait une conversation avec un représentant de la société Hyde, laquelle, selon le témoin, partageait certaines de ses inquiétudes.

11e étape : Prêt de 6 000 000 $ de Metropac à M. Golini père, en date du 3 mars 2008 et cautionné par Holdco

[61]         C’est MBM qui a déposé les documents mettant en œuvre cette partie du plan d’optimisation de la CR, notamment la convention de prêt à recours limité, le contrat de mise en gage par Holdco du contrat de rente et de la police d’assurance-vie, l’avis par lequel Holdco notifiait à St. Joseph’s et à DGM la cession en garantie de ce contrat de rente et de cette police d’assurance, l’enregistrement des contrats de mise en gage au titre de la Loi sur les sûretés mobilières, et une directive irrévocable de paiement par laquelle Holdco ordonnait à DGM Insurance de payer le produit de l’assurance à Metropac au décès de M. Golini père.

[62]         Me Wattie a signé la convention de prêt au nom de Metropac, mais n’en a négocié aucune des modalités, dont le taux d’intérêt de 8 %. Selon le témoignage d’Andrew Guizzetti, ce taux a été fixé à l’issue de discussions entre lui et Robert Young. Andrew Guizzetti a expressément confirmé que M. Golini père n’avait pas présenté de demande de crédit.

[63]         Comme dans le cas des autres prêts, il était prévu que les intérêts se répartiraient comme suit : un versement annuel de 80 000 $ en espèces, le solde des 400 000 $ (soit 8 % des 6 000 000 $) devant être capitalisé annuellement.

[64]         Holdco cautionnait le prêt. La convention stipulait que la garantie était constituée sur les droits afférents à la police d’assurance-vie et au contrat de rente détenus par Holdco, et limitait le recours de Metropac à la réalisation de ce bien affecté en garantie, expressément cédé à Metropac par contrat en date du 3 mars 2008. Les modalités suivantes de la convention de prêt me paraissent dignes d’attention :

[TRADUCTION]

2.3       Terme du prêt – La dette de l’emprunteur au titre de la présente convention deviendra intégralement exigible et remboursable au paiement du produit de la police d’assurance-vie déclenché par le décès de l’assuré, ou conformément à la clause 7.1.

[…]

2.7       Garantie – Moyennant contrepartie licite et valable, le garant garantit, en tant que codébiteur solidaire de l’emprunteur, le paiement au prêteur de la dette dudit emprunteur au titre de la présente convention, sous réserve des modalités y stipulées, notamment les recours limités du prêteur que prévoit l’article VII de ladite convention.

[…]

6.2       Notification de défaillance – En cas de défaillance de l’emprunteur ou du garant visée à la clause 6.1 ci-dessus, le prêteur notifiera cette défaillance au défaillant, qui devra y porter remède dans les cinq (5) jours ouvrables.

7.1       Défaillance non corrigée – Si l’emprunteur ou le garant ne remédie pas à un cas de défaillance dans le délai de cinq (5) jours ouvrables, l’emprunteur se trouvera en violation de la présente convention, sa dette deviendra immédiatement exigible et payable, et le prêteur aura le droit, mais non l’obligation, de considérer la présente convention comme résiliée et d’exécuter sa sûreté au titre des documents ci-annexés relatifs à la sûreté.

7.2       Recours limité – Nonobstant toute autre disposition des documents relatifs à la sécurité, les parties à la présente convention conviennent que l’emprunteur et le garant seront tenus de remplir leurs obligations au titre de celle-ci (et des contrats de mise en gage) seulement à hauteur de la garantie. Sans préjudice de la portée générale de la phrase précédente, (i) le recours du prêteur contre l’emprunteur et le garant se limitera à la réalisation de la garantie jusqu’au règlement intégral de la dette de l’emprunteur, étant entendu que cette réalisation se limitera au transfert absolu au prêteur de tous les droits, titre et intérêt détenus par le garant en vertu du contrat de rente et de la police d’assurance-vie, et que le prêteur n’exercera pas d’autres droits découlant de ce contrat de rente ou de cette police d’assurance-vie avant le décès de l’assuré; (ii) le prêteur convient que, dans toute action intentée, ou dans l’exercice de tout recours, prévu par la présente convention ou par la loi, afin d’obtenir l’exécution de toute obligation de l’emprunteur ou du garant au titre de la présente convention, tout jugement obtenu ne pourra être exécuté, et tout recours ne pourra être exercé, que contre l’emprunteur ou le garant, et que ni aucun de leurs actifs, ni l’emprunteur ou le garant eux-mêmes, ne seront redevables d’aucun montant additionnel au prêteur, ni responsables de tout préjudice ou perte subi en conséquence par ce dernier. En cas de rachat du contrat de rente ou de la police d’assurance-vie par le garant ou le prêteur, le produit en sera payé à celui-ci en diminution de la dette de l’emprunteur, et le prêteur s’engage à remettre tout excédent au garant ou à qui celui-ci désignera.

J’attire aussi l’attention sur les modalités suivantes du contrat de mise en gage :

[TRADUCTION]

A.        Les dispositions du présent contrat ont pour objet de garantir l’exécution des obligations du titulaire envers le cessionnaire au titre de la convention de prêt. La cession prévue au présent contrat est subordonnée à la défaillance du titulaire au titre de la convention de prêt, et ledit contrat ne doit pas être interprété comme un transfert absolu de titre et de propriété avant la survenance d’une telle défaillance.

Il est convenu que la cession porte sur les droits suivants :

1)                  le droit exclusif de percevoir de l’assureur le produit net de la police lorsqu’il deviendra payable […]

[65]         Selon le témoignage de Me Etcovitch, les modalités de la convention de prêt ont été négociées, mais manifestement pas avec le propriétaire et administrateur unique de Metropac. Le témoin a évoqué des allers-retours de négociations visant à faire en sorte que se correspondent ou, pour reprendre ses termes, aient du sens toutes les opérations relatives à la rente, à l’assurance et à la souscription d’actions dans Ontario Inc. par M. Golini père. Cela ressort à l’évidence du tableau ci-joint en annexe B, extrait du rapport d’expert de M. H. Johnson.

[66]         M. Golini père a aussi passé avec Holdco un contrat en date du 3 mars 2008 par lequel il s’engageait à payer à cette société une commission annuelle de garantie de 40 000 $. Selon le témoignage d’Andrew Guizzetti, cette commission était présentée comme s’inscrivant dans l’opération structurée d’ensemble, et son montant se fondait sur les connaissances qu’il avait acquises en cette matière dans son secteur d’activité. Le montant de cette commission avait fait l’objet de discussions avec M. Potter et [TRADUCTION] « d’autres personnes du secteur », a-t-il précisé, discussions dont on avait conclu que se justifiait un taux de 10 % des 6 000 000 $, soit donc un montant de 600 000 $ à payer sur 15 ans. Me Etcovitch a confirmé que les parties interprétaient le montant de cette commission comme étant similaire à celui dont conviendraient des personnes sans lien de dépendance. Holdco a aussi déposé à la clôture une directive de paiement à DGM Insurance, signée par M. Golini père et datée du 3 mars 2008, qui portait les instructions suivantes :

[TRADUCTION]

CONSIDÉRANT QUE Holdco s’est engagée à garantir les obligations de Paul C. Golini au titre de la convention de prêt en date du 3 mars 2008 (la « convention de prêt »), passée entre lui-même, en tant qu’emprunteur, et Metropac Services Inc., en tant que prêteur (le « prêteur),

AVIS VOUS EST DONNÉ de ce qui suit :

1.         Holdco ordonne par la présente directive à la compagnie d’assurance-vie de payer au prêteur le produit de la police d’assurance-vie en cas de décès de l’assuré au titre de celle-ci.

2.         La présente directive est irrévocable par Holdco, et ne peut être modifiée ou révoquée, sauf consentement exprès, en la forme écrite, du prêteur.

[67]         À cette même date, le 3 mars 2008, les 6 000 000 $ sont reversés au compte en fiducie de MBM sur directive écrite de M. Golini père à Hyde.

[68]         Le 11 mars 2008, Metropac a ordonné à MBM de verser au compte de Liza Law la somme de 80 000 $ [TRADUCTION] « au titre des intérêts dus à Metropac ». Cette directive, si elle portait au haut de la page la dénomination de Metropac, donnait au bas l’adresse de Me Van Wees à Windsor. J’en conclus que Me Wattie a signé le document que lui avait communiqué Me Van Wees. Selon le témoignage de Me Wattie, Me Van Wees lui communiquait des relevés pour vérification des versements de 80 000 $ sur le compte extraterritorial.

[69]         En juillet 2009, M. Golini père a envoyé à Metropac un chèque de 80 000 $, que Me Wattie lui a renvoyé, persuadée que cette société ne devait pas recevoir de paiements.

[70]         Stellar, DGM, BSD et Trafalgar ont donné pour instructions à Liza Law de distribuer la somme de 80 000 $ à recevoir annuellement entre Stellar (22 500 $), DGM (12 500 $) et BSD (45 000 $).

12e étape : Souscription par M. Golini père de 6 000 000 d’actions privilégiées de catégorie D dans Ontario Inc. le 4 mars 2008, au prix de 6 000 000 $

[71]         Les documents déposés par MBM et Heenan Blaikie pour donner effet à cette partie du plan d’optimisation de la CR étaient les résolutions d’autorisation et les certificats d’actions, ainsi qu’une lettre d’instructions irrévocable de M. Golini père ordonnant à MBM d’attribuer les 6 000 000 $ détenus en fiducie pour lui au compte d’Ontario Inc. en paiement de 6 000 000 d’actions privilégiées de catégorie D représentant un capital versé du même montant. Comme il l’a lui-même précisé, Me Etcovitch ne s’est pas préoccupé de conseiller M. Golini père touchant l’effet du fait que le capital versé relatif aux actions se chiffrait à 6 000 000 $. Robert Young a déclaré ne rien savoir des tenants et aboutissants de cet élément de l’opération, ajoutant que c’est Me Etcovitch qui s’en était chargé.

[72]         Les actions de catégorie D donnaient droit à un dividende prioritaire cumulatif de 8,25 %. Ces actions ont produit jusqu’à maintenant des dividendes à recevoir, mais non servis, de l’ordre de 3 500 000 $.

13e étape : Remboursement du prêt-relais par Ontario Inc. à DGM Bank

[73]         Par lettre en date du 4 mars 2008, Holdco a donné pour instructions à MBM de rembourser à DGM Bank le prêt-relais de 6 000 000 $, plus des intérêts de 7 890 $. DGM a accusé réception de ce remboursement le même jour.

[74]         Le recueil de clôture comprenait plusieurs avis juridiques :

                          i.                  Un avis de Hyde, agissant pour DGM Insurance, selon lequel cette dernière était une compagnie d’assurances dispensée, valablement constituée sous le régime des lois barbadiennes, et la police, dûment souscrite et délivrée, constituait une convention légale, valide et exécutoire.

                        ii.                  Un avis du cabinet d’avocats Appleby (sis aux îles Vierges britanniques), portant entre autres que la société St. Joseph’s, son mandant, avait été constituée le 14 août 2007 sous le régime de la Nevis Companies Act et licenciée au titre de l’Insurance Act, et que le contrat de rente était valable.

                      iii.                  Un avis de Heenan Blaikie adressé à St. Joseph’s à la demande de Holdco, selon lequel le contrat de rente était autorisé, et dûment souscrit et délivré, par cette dernière société.

                     iv.                  Un avis de Heenan Blaikie adressé à DGM à la demande de Holdco, selon lequel la police d’assurance-vie était autorisée, et dûment souscrite et délivrée, par cette dernière société.

                       v.                  Un avis de Heenan Blaikie adressé à Metropac, selon lequel la convention de prêt et les contrats de mise en gage étaient autorisés et dûment souscrits par Holdco.

                     vi.                  Un avis de Heenan Blaikie adressé à DGM Bank à la demande d’Ontario Inc., selon lequel la convention de prêt était autorisée, et dûment souscrite et délivrée, par Holdco.

[75]         M. Magwood a confirmé que, étant donné les opérations structurées, le décès de M. Golini père ne devait pas entraîner le paiement du produit de l’assurance, mais seulement la remise par Trafalgar à Stellar du certificat d’assurance, après son trajet à partir de Holdco en passant par Metropac. Je crois comprendre que cet acte devait avoir pour effet de remplir et donc d’éteindre toutes les obligations afférentes à la garantie, au prêt de Metropac à M. Golini père, au prêt de Trafalgar à Metropac, au placement de Stellar dans Trafalgar, ainsi qu’au contrat de rente et à la police d’assurance-vie.

[76]         Quelques autres observations à ce propos : Me Van Wees interprétait le plan d’optimisation de la CR comme une restructuration destinée à alléger le fardeau fiscal. M. Magwood a déclaré dans son témoignage que la désignation de ce plan ne signifiait rien pour lui au départ. Me Wattie n’a pu formuler d’observations sur l’opération et avait du mal à la comprendre. Quant à Me Etcovitch, il ne s’intéressait pas aux événements qui s’étaient déroulés entre l’acquisition de la police d’assurance-vie et du contrat de rente et le prêt finalement octroyé par Metropac à son client.

Les experts

[77]         L’intimée a produit deux témoins experts : M. Hawkins, actuaire chargé de présenter une opinion sur le contrat de rente, la police d’assurance-vie et leurs prix respectifs; et M. Johnson, évaluateur invité à déposer sur les effets économiques et la nature du prêt-relais, du prêt de Metropac, du contrat de rente, de la police d’assurance-vie et de la commission de garantie. J’ai limité la preuve de M. Johnson à deux éléments : son point de vue sur le taux d’intérêt que porterait le prêt de Metropac aux conditions du marché, et l’effet économique ou l’avantage pour M. Golini père de ce prêt cautionné par Holdco. L’appelant a produit un contre-rapport d’expert établi par Mme Marks, actuaire, qui formulait principalement des observations sur le rapport de M. Hawkins. Ce dernier a produit une réplique à ce contre-rapport.

[78]         Mme Marks et M. Hawkins s’accordaient dans une certaine mesure pour dire que les modalités du contrat de rente et de la police d’assurance-vie n’avaient à première vue rien d’inhabituel, mais leurs opinions divergeaient sur l’évaluation de ce contrat et de cette police et, en dernière analyse, sur le point de savoir si la structure considérée de rente assurée avec effet de levier était typique des structures de cette nature utilisées dans le secteur d’activité avant les modifications législatives de 2013.

[79]         Je retiens l’opinion de M. Hawkins concernant le contrat de rente et la police d’assurance de préférence à celle de Mme Marks, qui, touchant le contrat de rente, semblait s’appuyer dans une mesure considérable sur les stipulations relatives au fonds indiciel mondial, lesquelles, comme il ressort à l’évidence des témoignages (il faut rappeler en toute justice que Mme Marks ne les avait pas entendus), étaient dénuées de toute portée, puisqu’il n’y avait pas de fonds de cette nature. Mme Marks a en fin de compte reconnu que le prix fixé n’était pas intéressant. Soit dit en tout respect, je n’ai pas besoin d’actuaires pour me convaincre du caractère [TRADUCTION] « peu intéressant » d’un prix de 6 000 000 $ pour un contrat de rente acquis par un septuagénaire avancé, qui rapporte 400 000 $ par an jusqu’au décès ou à l’expiration d’un délai de 15 ans, selon la plus rapprochée de ces dates.

[80]         Pour ce qui concerne la police d’assurance-vie, Mme Marks a aussi reconnu que le prix était agressif, mais en ajoutant qu’il pouvait y avoir à cela de bonnes raisons, par exemple la réassurance, dans le cas où de nombreuses polices seraient réassurées; en l’espèce, cependant, seule l’était la police de M. Golini père. Mme Marks n’avait tout simplement pas une connaissance suffisante des opérations dans le contexte desquelles devait s’inscrire son opinion. Elle a toutefois reconnu que les structures de rente financée par emprunt qu’offrait par exemple Sun Life étaient motivées par la recherche d’avantages fiscaux.

[81]         M. Hawkins a répliqué au rapport de Mme Marks en se concentrant sur la conclusion de cette dernière voulant que la structure considérée de rente financée par emprunt fût assimilable aux structures de même nature auxquelles on avait ordinairement recours avant les modifications législatives de 2013. Il avançait les arguments suivants contre cette conclusion :

a)     Normalement, l’emprunteur serait le titulaire de la rente et de la police d’assurance-vie, encore que M. Hawkins ait admis la possibilité d’exceptions à cette règle.

b)    La réassurance en soi n’a rien d’inhabituel, mais elle l’est en l’occurrence pour les raisons suivantes :

i)      il existe un contrat solitaire;

ii)     il y a réassurance à 100 % (dans les faits, St. Joseph’s touche seulement une commission de 7 500 $; et DGM, une commission annuelle de 16 000 $);

iii)    Stellar, le réassureur, peut payer l’assureur directement;

iv)    le contrat de réassurance ne fait pas mention du fonds indiciel mondial;

v)     St. Joseph’s n’a pas placé l’argent comme l’exigeait le contrat de rente lui-même.

[82]         J’accepte le contre-argument de M. Hawkins selon lequel les opérations considérées dans la présente instance ne sont pas typiques des produits offerts au moment des faits. Elles ont un caractère unique et me paraissent devoir être analysées comme telles.

[83]         M. Hawkins a aussi conclu que le prix de la police d’assurance avait été fixé d’une manière propre à entraîner une perte importante pour DGM, mais que cette perte était compensée par la réassurance à 100 % qui lui permettait de toucher la commission.

[84]         J’accepte aussi la preuve de M. Johnson selon laquelle, étant donné l’absence pratiquement complète de risque du prêt de Metropac, il conviendrait de comparer celui-ci, du point de vue de l’établissement des taux d’intérêt, aux obligations d’État et à la dette d’entreprise cotée AAA, qui donneraient un rendement de 5,5 %. Ce taux n’a pas été sérieusement contesté en contre-interrogatoire.

[85]         Concernant l’avantage économique pour M. Golini père, M. Johnson a calculé à environ 3 950 000 $ l’avantage en espèces découlant pour lui de la déductibilité des intérêts (en les supposant à 8 %) et de la commission de garantie sur les 15 années en question. Dans l’hypothèse d’un taux de 5 %, la valeur de cet avantage s’établirait à environ 1 200 000 $.

[86]         M. Johnson a aussi analysé l’avantage représenté par la commission de garantie pour M. Golini père en calculant simplement ce qu’aurait été le même avantage s’il avait payé une prime de 400 000 $ par an pour la police d’assurance plutôt que de payer seulement une commission de garantie de 40 000 $. L’effet cumulatif sur 15 ans serait un avantage de 5 400 000 $ dans l’hypothèse de la non-déductibilité de cette commission, et de 5 700 000 $ en supposant celle-ci déductible.

[87]         M. Golini père a demandé des déductions de 397 150,68 $ au titre des intérêts et de 33 096,04 $ au titre de la commission de garantie dans sa déclaration de revenu de 2008. Par avis de cotisation en date du 7 septembre 2012, le ministre a établi la dette fiscale de M. Golini père pour 2008 en ajoutant un dividende imposable de 7 500 000 $ et en refusant la déduction de frais d’intérêts de 438 626 $.

Les questions en litige

[88]         Afin d’établir si la nouvelle cotisation est valable, la Cour doit se poser les questions suivantes :

a.                  Les opérations considérées relèvent-elles du trompe-l’œil?

b.                 À titre subsidiaire, l’appelant a-t-il reçu des avantages imposables de la nature visée aux paragraphes 15(1) ou 246(1) de la Loi?

c.                 Toujours à titre subsidiaire, le prêt de Metropac et l’achat d’actions de catégorie D dans Ontario Inc. constituent-ils un « abri fiscal » selon la définition énoncée au paragraphe 237.1(1) de la Loi?

d.                 Toujours à titre subsidiaire, les frais financiers et autres dépenses déclarés relativement au prêt de Metropac étaient-ils déraisonnables dans les circonstances?

e.                  Toujours à titre subsidiaire, la DGAE s’applique-t-elle aux opérations considérées et, plus précisément, le contribuable a-t-il commis un abus dans l’application des paragraphes 20(1) et 84(1) de la Loi?

Analyse

[89]         L’intimée a avancé plusieurs arguments, en insistant tout particulièrement sur son premier moyen, selon lequel les opérations en cause relèvent du trompe-l’œil. Je ne rendrai pas ma décision sur cette base. De même, j’estime que ces opérations tombent sous le coup de la DGAE – aux motifs que j’exposerai plus loin –, mais je préfère ne pas appuyer non plus ma décision sur cette disposition. Ma méthode consistera à analyser la réalité juridique des événements et à établir les conséquences fiscales qui en découlent. Je conclus que la disposition de la Loi qui concerne les avantages conférés aux actionnaires suffit à couvrir la situation qui nous occupe. Et c’est par là que je commencerai.

Les paragraphes 15(1) et 246(1) de la Loi

[90]         M. Golini père a-t-il reçu en 2008 un avantage imposable au titre des paragraphes 15(1) ou 246(1) de la Loi? Oui, il a reçu un avantage imposable au titre dudit paragraphe 15(1), dont le texte applicable à l’année d’imposition 2008 était le suivant :

15. (1) Avantages aux actionnaires – La valeur de l’avantage qu’une société confère, à un moment donné d’une année d’imposition, à un actionnaire ou à une personne en passe de le devenir est incluse dans le calcul du revenu de l’actionnaire pour l’année — sauf dans la mesure où cette valeur est réputée par l’article 84 constituer un dividende — si cet avantage est conféré autrement que :

a) par la réduction du capital versé, le rachat, l’annulation ou l’acquisition, par la société, d’actions de son capital-actions ou à l’occasion de la liquidation, cessation ou réorganisation de son entreprise, ou par une opération à laquelle l’article 88 s’applique;

b) par le paiement d’un dividende ou d’un dividende en actions;

c) par l’octroi à tous les propriétaires d’actions ordinaires du capital-actions de la société à ce moment d’un droit, relatif à chaque action ordinaire et identique à chacun des autres droits conférés à ce moment relativement à chacune des autres semblables actions, d’acquérir d’autres actions du capital-actions de la société; pour l’application du présent alinéa :

(i) les actions ordinaires d’une catégorie donnée du capital-actions d’une société sont réputées être identiques aux actions ordinaires d’une autre catégorie du capital-actions de la société dans le cas où, à la fois :

(A) les droits de vote rattachés à la catégorie donnée d’actions diffèrent de ceux rattachés à l’autre catégorie d’actions,

(B) les modalités des catégories d’actions ne présentent pas d’autres différences qui pourraient donner lieu à un important écart entre la juste valeur marchande d’une action de la catégorie donnée et la juste valeur marchande d’une action de l’autre catégorie,

(ii) des droits ne sont pas considérés comme identiques si leur coût d’acquisition diffère;

d) par une opération visée à l’alinéa 84(1)c.1), c.2) ou c.3).

[91]         Il ressort à l’évidence des documents que M. Golini père était tenu de payer à Metropac 120 000 $ par an (une commission de garantie de 40 000 $ et des intérêts de 80 000 $) pendant 15 ans ou jusqu’à son décès, selon la première éventualité, en échange d’un prêt de 6 000 000 $, avec lequel il s’engageait à acheter des actions d’Ontario Inc. représentant un capital versé (« CV ») de 6 000 000 $ et donnant droit à un dividende cumulatif d’un taux déterminé. Holdco s’engageait de son côté à rembourser le prêt consenti à M. Golini père, y compris des intérêts capitalisés, par la cession du produit de la rente et de l’assurance. M. Golini père avance l’argument formel selon lequel il ne peut y avoir avantage puisqu’il n’y a pas de [TRADUCTION] « cession absolue ». J’examinerai cet argument en détail sous peu, mais pour dire les choses très simplement, l’accès immédiat à 6 000 000 $ en franchise d’impôt, en contrepartie de la seule obligation de verser une commission annuelle de garantie de 40 000 $ pendant 15 ans, constitue un avantage, un avantage découlant de la situation de M. Golini père en tant qu’actionnaire, et un avantage conféré par Holdco, étant donné l’insuffisance de la commission de garantie et la renonciation de Holdco au produit de l’assurance. M. Golini père soutient qu’il ne peut y avoir d’avantage, au motif que le contrat de rente et la police d’assurance-vie n’étaient que des biens affectés à la garantie fournie par Holdco et ne faisaient pas l’objet d’une cession absolue. Il m’a renvoyé à ce propos à l’arrêt de la Cour suprême du Canada Alberta (Treasury Branches) c. MRN; Banque Toronto-Dominion c MRN, [1996] 1 RCS 963, où le juge Cory formulait les observations suivantes :

De plus, toutes les cessions limitent la dette au montant de la créance impayée. En conséquence, si le prêt garanti par la cession générale de créances comptables était remboursé, la Banque ou le Treasury Branch n’aurait plus aucun autre droit sur la cession. Les documents mêmes précisent que la cession constitue une garantie accessoire et permanente au titre du paiement de la créance. Les parties voulaient clairement que la cession générale de créances comptables constitue une garantie au titre du paiement d’une créance et qu’elle ne soit plus exécutoire une fois le paiement effectué. Cela signifie que l’établissement de crédit ne pourrait, une fois la créance payée, se servir de cette cession générale de créances comptables pour procéder à la réalisation de l’une ou l’autre des créances comptables du cédant. À mon avis, puisque l’acte de cession prévoit que la cession peut être rachetée par le paiement de la créance, celle-ci ne peut ou tout au moins ne devrait pas être interprétée comme une cession absolue.

[92]         On trouve en outre dans cet arrêt les remarques suivantes du juge Major, dissident :

On a fait remarquer dans la décision Banque Royale du Canada c. R., à la p. 202, qu’il peut exister une distinction entre une cession absolue et une cession qui prévoit que, en cas de défaut et d’omission de remédier à ce défaut, la banque peut disposer des créances comptables sans autre préavis. Pareille formulation semble loin de constituer une cession absolue et crée en faveur de l’établissement de crédit un droit réel sur les créances comptables, dont il ne devient propriétaire que s’il n’est pas remédié au défaut.

Bien que nous n’ayons pas à trancher la question en l’espèce, il semble qu’une telle cession ne transfère pas la propriété à l’établissement de crédit et que, par conséquent, l’établissement de crédit soit un créancier garanti au sens du par. 224(1.3), tout au moins avant qu’il y ait défaut de la part du cédant. Ce genre de condition ne se trouve dans aucun des écrits en cause dans les présents pourvois, qui sont tous constitutifs de cessions inconditionnelles et absolues.

[93]         Soit dit en tout respect, les juges de la Cour suprême ont formulé ces observations dans un contexte entièrement différent et sans avoir à l’esprit la question des avantages imposables. M. Golini père veut dire en fait que, parce qu’il lui était loisible de rembourser le prêt de Metropac sans recourir à la garantie, il n’y a pas de cession absolue de la dette, et donc pas d’avantage. Franchement, ce raisonnement ne me paraît pas justifié.

[94]         L’examen de ce genre de planification fiscale exige de la Cour qu’elle en prenne une vue d’ensemble, qu’elle étudie dans leur contexte le détail et les complexités de documents juridiques ingénieusement rédigés. Par exemple, l’avocat de l’appelant attire l’attention sur certaines stipulations relatives au prêt de Metropac :

[TRADUCTION]

8.3(a) L’emprunteur et le garant ont chacun la faculté de céder leurs droits et obligations au titre de la présente convention, du contrat de rente ou de la police d’assurance-vie, sous réserve que ces droits subsistent après la cession en garantie au prêteur […]

6.2 […] En cas de défaillance de l’emprunteur ou du garant visée à la clause 6.1 ci-dessus, le prêteur notifiera cette défaillance au défaillant, qui devra y porter remède dans les cinq (5) jours ouvrables.

7.1 […] Si l’emprunteur ou le garant ne remédie pas à un cas de défaillance dans le délai de cinq (5) jours ouvrables, l’emprunteur se trouvera en violation de la présente convention, sa dette deviendra immédiatement exigible et payable, et le prêteur aura le droit, mais non l’obligation, de considérer la présente convention comme résiliée et d’exécuter sa sûreté au titre des documents ci-annexés relatifs à la sûreté.

[95]         L’appelant interprète le libellé de ces stipulations comme signifiant que la cession de la rente et de l’assurance est une garantie qui ne prend effet qu’en cas de défaillance. Il en conclut que les cessions en garantie ne sont ni complètes ni opposables. Le refus de prendre en considération ces réalités juridiques, raisonne-t-il, irait à l’encontre de la directive suivante donnée par la Cour suprême du Canada dans son arrêt Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 RCS 622 :

[…] en l’absence d’une disposition expresse contraire de la Loi  ou d’une conclusion selon laquelle l’opération en cause est un trompe-l’œil, les rapports juridiques établis par le contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Une nouvelle qualification n’est possible que lorsque la désignation de l’opération par le contribuable ne reflète pas convenablement ses effets juridiques véritables : Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, au par. 21, le juge Bastarache.

[96]         Je ne peux me dispenser de prendre en considération ni les réalités juridiques ni le contexte dans lequel les contrats trouvent leur application. Que la cession en cause soit absolue ou ne prenne effet qu’en cas de défaillance, la réalité, tel que l’attestent les documents et le contexte du plan d’ensemble, est ici que M. Golini père avait reçu un prêt qu’il n’aurait pas à rembourser. Je ne vais pas me laisser obnubiler par la distinction entre cession absolue et cession conditionnelle s’agissant d’établir si cet arrangement constitue un avantage pour M. Golini père. Il en constitue bien un, et le libellé du contrat ne contredit nullement cette conclusion.

[97]         Les opérations étaient structurées de telle sorte que M. Golini père n’eût aucun motif raisonnable de rembourser le prêt. L’interprétation de tous les intéressés était que la rente et l’assurance constituaient le seul moyen par lequel serait remplie l’obligation afférente au prêt de Metropac, et les documents ne contredisent pas cette interprétation. Franchement, qu’importe si l’on ne peut parler ici de « cession absolue »; le contexte des opérations concomitantes, ainsi que les obligations juridiques découlant du prêt de Metropac, de la garantie et des cessions, établissent sans ambiguïté l’existence d’un avantage pour M. Golini père, à savoir que les actifs de la société Holdco servent à rembourser sa dette. Le simple fait que les documents l’autoriseraient à renoncer irrationnellement à cet avantage ne me suffit pas pour conclure à l’absence d’avantage.

[98]         On peut interpréter les documents comme non constitutifs d’une cession absolue, j’en conviens, mais on peut tout aussi facilement les interpréter comme ayant exactement l’effet voulu par les intéressés, qui est de décharger M. Golini père de son obligation de remboursement du prêt et de faire exécuter cette obligation par Holdco avec le produit de l’assurance, purement et simplement. Donc, s’il se peut que les documents soient libellés de manière à éviter l’interprétation de la cession comme absolue, ils le sont aussi de manière à faire en sorte que M. Golini père n’ait pas à rembourser le prêt et jouisse donc d’un avantage immédiat en recevant une somme 6 000 000 $ qu’il a utilisée pour acheter les actions d’Ontario Inc.

[99]         [TRADUCTION] « Mais j’ai payé la garantie qui a en fait créé l’avantage », argue en substance M. Golini père. Je veux bien, mais cet argument concerne la valeur de l’avantage, et non son existence. Les versements annuels de 40 000 $ sur un maximum de 15 ans ne constituent pas une contrepartie complète de l’accès immédiat à 6 000 000 $ en franchise d’impôt. L’arithmétique élémentaire et le sens commun l’emportent à ce propos sur les subtilités juridiques. Nous n’avons pas ici simplement une bonne affaire réalisée aux conditions du marché, mais bien un avantage considérable pour M. Golini père. Celui-ci fait valoir la possibilité de déduire de la preuve, plus précisément du témoignage d’Andrew Guizzetti, que la commission de garantie était considérée comme une rémunération appropriée. Je n’accorde guère de poids à cet élément de preuve. Andrew Guizzetti se fondait sur son expérience personnelle, sans l’étayer de preuves concrètes. Contrairement au cas des garanties conformes aux conditions du marché, l’effet de la garantie qui nous occupe était réglé d’avance. Cela étant, la commission est insuffisante. M. Golini père reconnaît que, s’il y a un avantage, sa valeur ne peut être que la différence entre une commission de garantie annuelle de 40 000 $ et une commission de garantie conforme aux conditions du marché, sur laquelle la Cour ne dispose pas de preuve, d’expert ou profane.

[100]     L’appelant fait également valoir que sa valeur nette patrimoniale n’a pas augmenté par suite des opérations en cause. Si je considère que son obligation au titre du prêt de Metropac n’est pas entièrement contrebalancée par la garantie et les cessions, il a certainement raison. Mais la réalité juridique et pratique, conforme à l’intention, est que M. Golini père a été déchargé de cette obligation. L’argument de l’appelant selon lequel les contrats lui permettaient néanmoins de rembourser le prêt par anticipation ne me paraît pas suffisant, je regrette, pour conclure, étant donné l’ensemble du plan, que M. Golini père n’ait jamais eu l’intention de le faire. Les documents donnent plutôt à penser, et étayent plus solidement la thèse, que l’intention de M. Golini père était que Holdco couvrît la dette au moyen de l’assurance et de la rente. Le fait que, au point de vue juridique, il aurait pu irrationnellement renoncer à l’avantage ne me convainc pas, je le répète, que sa valeur nette patrimoniale n’ait pas augmenté. Elle a bel et bien augmenté.

[101]     L’appelant avance aussi l’argument qu’il ne peut y avoir avantage lorsque la personne supposée le conférer ne subit pas un désavantage quelconque ou, pour reprendre les termes du juge Bowman dans la décision Del Grande c. MRN, [1992] ACI no 724, 93 DTC 133, « un désavantage économique correspondant ».

[102]     L’appelant fait valoir qu’il n’y a pas eu appropriation des actifs de Holdco. Je ne peux souscrire à cet argument. Holdco s’est engagée à utiliser le produit d’une police d’assurance dont elle est titulaire pour rembourser l’emprunt de son actionnaire. L’appelant invoque le fait que Holdco reste bénéficiaire du produit de l’assurance; j’invoque quant à moi le fait que Holdco s’est engagée à utiliser ce produit pour acquitter la dette de son actionnaire.

[103]     L’existence d’un avantage étant établie, quelle est la valeur de cet avantage? L’intimée fixe cette valeur à 6 000 000 $. L’appelant soutient que, s’il y a un avantage, sa valeur est égale à la différence entre la somme annuelle de 40 000 $ et la commission qu’appellerait une garantie de même nature aux conditions du marché. L’expert, M. Johnson, évalue l’avantage à 5 400 000 $. Je pourrais m’engager dans un calcul actuariel compliqué, où je prendrais en compte tous les facteurs pertinents tels que l’âge de M. Golini père, son espérance de vie, la déductibilité fiscale des intérêts et de la commission de garantie, la valeur actualisée du produit de l’assurance dans les 15 ans suivant la délivrance de la police, l’exonération fiscale du produit de l’assurance, la valeur marchande de la commission de garantie, et bien d’autres. Je ne suivrai pas cette voie. Les seuls éléments de preuve produits devant moi concernant la quantification de l’avantage sont les calculs de M. Johnson. J’accepte cette preuve. M. Johnson a tout simplement soustrait du coût de l’assurance la commission de garantie que M. Golini père devait payer sur 15 ans (40 000 $ par an), ce qui donne un avantage annuel de 360 000 $. L’attrait de cette méthode réside dans sa simplicité et son intelligibilité. J’admets que M. Johnson ne s’est pas prononcé explicitement sur ce que serait une commission de garantie conforme aux conditions du marché, mais on peut déduire de son opinion que la valeur d’une telle commission se serait chiffrée à 400 000 $ par an. Comme nous l’avons vu, l’avocate de l’appelant a reconnu que, s’il y avait un avantage, sa valeur serait en fait la différence entre une commission de garantie conforme aux conditions du marché et 40 000 $ par an, encore qu’elle n’ait produit aucune autre preuve d’expert sur ce point.

[104]     Je m’estime fondé à conclure des faits de l’espèce et des documents eux-mêmes que Holdco a conféré à M. Golini père, en tant qu’actionnaire de cette société, un avantage d’une valeur de 5 400 000 $, qui entre manifestement dans le champ d’application du paragraphe 15(1) de la Loi.

La question du trompe-l’œil

[105]     Dans l’hypothèse où je ferais erreur sur l’application du paragraphe 15(1) de la Loi et où l’avocate de l’appelant aurait raison d’affirmer que, en l’absence d’une cession absolue, on ne peut dire que M. Golini père ait bénéficié d’un avantage, je me rabattrais sur la conclusion que certaines des opérations considérées relèvent effectivement du trompe-l’œil, c’est-à-dire se présentent pour ce qu’elles ne sont pas. Qu’il soit bien clair que je n’estime pas nécessaire d’invoquer ici la doctrine du trompe-l’œil, si l’on peut parler de doctrine à propos d’une telle notion. Pris au pied de la lettre, les documents étayent l’existence d’un avantage. Cependant, s’il est nécessaire d’admettre le caractère absolu de la cession pour établir l’existence d’un avantage, je conclus que les documents ont présenté sous un faux jour ce qui était en fait une cession absolue, et à cet égard l’opération relève du trompe-l’œil. Mais pour dire les choses franchement, le recours à la notion de trompe-l’œil n’a pour effet que de me permettre d’entrer par la porte de derrière alors que la porte principale est grande ouverte.

[106]     L’argument de l’intimée reposant sur le concept de trompe-l’œil est d’une plus vaste portée que l’usage que j’entends faire ici de ce concept. Selon l’intimée, les opérations considérées n’étaient dans leur intégralité qu’une entreprise de dissimulation, et les fonds ont simplement circulé d’une entité à l’autre de manière à majorer de 6 000 000 $ le capital versé relatif aux actions détenues par M. Golini père, ainsi qu’à permettre d’importantes déductions annuelles d’intérêts – comme dans un jeu de gobelets. Pour ma part, je n’irais pas aussi loin.

[107]     Le plan d’optimisation de la CR a été mis en place pour permettre des déductions déterminées qui viendraient en diminution du revenu de retraite reçu par M. Golini père. Les auteurs de la planification fiscale ont minimisé l’importance de l’augmentation du capital versé, comme si c’était une simple conséquence juridique, presque accidentelle. Si cette attitude me paraît manquer quelque peu de sincérité, je ne conclus pas qu’elle est trompeuse. Ces opérations ne ménagent pas les jeux d’optique et écrans de fumée, mais une fois qu’on voit clair dans ce jeu, si difficile que cela soit selon l’intimée, lesdites opérations, conclurai-je, se révèlent pour la plupart (mais pas toutes) légales, exécutoires et présentées conformément à leur réalité juridique. Je constate cependant deux cas où la présentation met la réalité juridique à si rude épreuve qu’elle n’en sort pas indemne :

1.     comme on l’a vu plus haut, la présentation du prêt, de la garantie et des cessions en garantie comme quelque chose d’autre qu’une cession absolue;

2.     la présentation de la rente comme un moyen de placement.

[108]     Même si les parties semblent d’accord sur le droit relatif à l’évolution du concept de trompe-l’œil, il me paraît utile de récapituler très brièvement la question. Les deux parties se fondent sur les observations formulées par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Stubart Investments Ltd c. La Reine, [1984] 1 RCS 536, selon lesquelles une opération trompe-l’œil est « une opération assortie d’un élément de tromperie de manière à créer une illusion destinée à cacher au percepteur le contribuable ou la nature réelle de l’opération, ou un faux-semblant par lequel le contribuable crée une apparence différente de la réalité qu’elle sert à masquer ». Les deux parties rappellent ensuite les modifications apportées à ce concept par deux arrêts postérieurs, soit 2529-1915 Québec Inc. c. Canada, 2008 CAF 398, 2009 DTC 5023 (Faraggi); et Antle c. Canada, 2010 CAF 280. Dans l’arrêt Faraggi, la « frime » (synonyme de « trompe-l’œil ») est définie comme désignant [TRADUCTION] « des actes faits ou des documents signés par les parties à la “frime”, dans l’intention de faire croire à des tiers ou à la cour qu’ils créent entre les parties des obligations et droits légaux différents des obligations et droits légaux réels (s’il en est) que les parties ont l’intention de créer ».

[109]     Toujours dans l’arrêt Faraggi, la Cour d’appel fédérale ajoutait à cette définition les précisions suivantes : « L’existence d’une frime […] exige […] un élément de déception qui se manifeste règle générale par une fausse représentation par les parties de la transaction réelle intervenue entre elles. Dans ces circonstances, les tribunaux retiendront la transaction réelle et mettront de côté celle qui fut représentée comme étant la vraie. »

[110]     Citons aussi ces autres observations de la Cour d’appel fédérale, tirées cette fois de l’arrêt Antle :

[…] L’intention ou l’état d’esprit requis n’équivaut pas à une intention coupable et ne saurait aller jusqu’à constituer ce qui, en common law, est le délit de dol […] Il suffit que les parties à une opération la présentent comme différente de la réalité qu’elles connaissent […]

[111]     L’argumentation des parties repose sur l’alternative du réel et (pour reprendre le terme de l’intimée) de l’artificiel. On doit selon moi répondre à la question de savoir ce qui est réel ou artificiel en matière de contrats en se demandant ce qui est légal. Les obligations et droits légaux stipulés dans les contrats sont-ils les véritables obligations et droits légaux dont les parties ont sciemment convenu, en les interprétant comme exécutoires tels quels, sans coups de coude ni clins d’œil? Cela présuppose que c’est M. Golini père qui doit être partie à l’opération considérée. J’étendrais cependant cette règle aux contrats que M. Golini père a signés non seulement en son propre nom, mais aussi au nom de Holdco ou d’Ontario Inc. Par conséquent, les contrats que j’entends examiner de près pour voir s’ils relèvent du trompe-l’œil sont la convention de prêt de Metropac, les contrats de garantie et de cession en garantie pris ensemble, et l’acquisition de la rente par Holdco.

[112]     L’appelant fait observer que, en dépit des récentes remarques formulées par le juge Pizzitelli dans la décision Mariano c. La Reine, 2015 CCI 244, touchant le niveau requis de connaissance du caractère fallacieux des documents, la condition est que l’intéressé sache que les contrats ne sont pas ce qu’ils prétendent être : l’aveuglement volontaire ne suffit pas. Je n’ai pas à m’engager dans la voie du concept d’aveuglement volontaire puisque je conclus que M. Golini père, en signant les contrats en question avec une compréhension de base du plan global, connaissait leur véritable signification.

[113]     L’intimée affirme le caractère artificiel aussi bien de l’augmentation du capital versé que de la déduction d’intérêts. Cependant, ce sont manifestement là des conséquences des contrats, conséquences que l’intimée estime condamnables, mais que les parties entendaient voir découler de ceux-ci. Or, les conséquences résultant des opérations ne permettent pas de trancher la question de la nature réelle ou artificielle de ces opérations.

[114]     Examinons donc en détail les principales opérations en question auxquelles M. Golini père était lui-même partie ou pour lesquelles il a signé au nom de Holdco ou d’Ontario Inc.

1.     Le prêt-relais

[115]     L’intimée fait valoir que le prêt-relais n’était pas un prêt de DGM Bank à Ontario Inc., mais [TRADUCTION] « un montant versé par DGM au compte en fiducie de MBM pour faire paraître authentiques toutes les opérations qui allaient suivre », montant qui allait être rendu une semaine plus tard. Bref, il s’agissait d’un prêt à court terme, garanti par des contrats de dépôt en main tierce. C’est là ce que disait le document, c’est là ce qui s’est passé, et telle était l’intention des parties. Je ne vois rien ici qui relève du trompe-l’œil.

2.     L’assurance-vie et la rente

[116]     L’intimée reproche au contrat de rente ses stipulations relatives au placement dans un fonds indiciel mondial, à un fonds de placement, alors que les parties savaient qu’il n’y aurait pas de fonds de cette nature, étant donné le mouvement circulaire de l’argent. Le contrat de rente prévoyait la possibilité d’un gain, alors qu’il n’y en avait en fait aucune, mais l’absence de risque de perte, condition qui a en fait été remplie. L’argent n’a pas été placé dans un fonds indiciel mondial – et les parties n’avaient jamais eu l’intention qu’il le fût – , mais plutôt réassuré et placé dans Trafalgar. Le contrat de rente prévoyait le versement d’arrérages annuels de 400 000 $, condition qui a été remplie. Alors, avons-nous affaire à une opération trompe-l’œil, c’est-à-dire présentée pour ce qu’elle n’était pas, ou à un contr

[117]     at qui n’a pas été honoré?

[118]     Sans le placement des fonds, la rente ne constituait pas un instrument commercial particulièrement intéressant pour M. Golini père. Mais un mauvais placement n’implique pas une opération trompe-l’œil. La rente avait pour objet de financer l’assurance, ce qu’elle a fait. M. Golini père et ses conseillers savaient que tel était son objet, comme le comprend quiconque prend connaissance du plan d’ensemble. Je m’arrête cependant à considérer l’observation formulée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Antle, selon laquelle il suffit, pour conclure à l’existence d’un trompe-l’œil, que les parties présentent l’opération comme différente de ce qu’elles la savent être. Nous avons certainement là une proposition de vaste portée qui enrichit d’une arme très puissante l’arsenal anti-évitement de l’ARC. S’il est vrai que les parties, en l’espèce, n’ont pas présenté la rente pour autre chose qu’une rente, elles ont à l’évidence déclaré que l’opération comprendrait un certain type de placement qui s’est révélé inexistant : elles ont signé un contrat stipulant que de l’argent serait placé dans un fonds de placement en sachant qu’il n’y aurait pas de tel fonds de placement.

[119]     Dans l’affaire Antle, la fausse impression donnée était que le fiduciaire jouissait d’un pouvoir discrétionnaire, alors que ce n’était pas le cas. Cette inexactitude touchait à l’essence même de la fiducie discrétionnaire, de sorte que la Cour d’appel fédérale a déclaré relever du trompe-l’œil la fiducie en cause. Dans la présente espèce, l’essence de la rente est-elle en jeu? St. Joseph a contracté une réassurance avec Stellar, et Stellar a fait un placement dans Trafalgar. Il n’y a pas eu de placement dans un fonds indiciel mondial, de sorte qu’il ne pouvait pas y avoir de gain. La rente était présentée comme un moyen de placement conforme aux conditions du marché. Pourtant, quiconque aurait examiné le plan d’ensemble et le rôle de la rente pouvait facilement discerner la véritable nature de celle-ci. Je conclus que la présentation déformée ou fallacieuse des faits ne touche pas en l’espèce à l’essence de la rente. Bien qu’il y ait eu déformation des faits, j’estime que l’annulation de l’opération entière en tant que trompe-l’œil au motif d’une déformation qui ne touche pas à l’essence même de la rente reviendrait à donner un champ d’application trop large à la notion de trompe-l’œil. D’autant plus que quiconque examinerait la rente en contexte se rendrait vite compte qu’elle n’a pour objet que de financer l’assurance. S’il est vrai qu’on peut voir une feinte mineure dans la présentation de la manière dont les fonds devaient être placés, on ne peut reprocher à M. Golini père aucune tromperie touchant l’objet réel du contrat. Son objet était de fournir 400 000 $ par an, et c’est ce qu’il a fait.

[120]     Les experts me paraissent s’être piégés en se contentant, dans leur examen de la rente, de l’analyser isolément. Ce faisant, ils ont tous deux attribué une certaine valeur à l’aspect placement de la rente. Or, ce n’était pas à cet aspect que les parties avaient l’intention claire et franche de donner de l’importance. En conséquence, je ne suis pas disposé à annuler le contrat de rente au motif qu’il relèverait du trompe-l’œil.

[121]     Pour ce qui concerne le contrat d’assurance, l’intimée soutient qu’il relève du trompe-l’œil à deux motifs : premièrement, M. Golini père n’a produit que la police et non la totalité du contrat; et deuxièmement, ce contrat n’était pas évalué aux conditions du marché. Aucun de ces deux motifs ne me convainc que l’assurance dans sa totalité constitue un trompe-l’œil.

[122]     Une police d’assurance a été délivrée par une compagnie d’assurances. La preuve comprend certains éléments tendant à établir que des renseignements médicaux avaient été demandés au soutien de la proposition d’assurance. De plus, les contrats de dépôt en main tierce laissent supposer qu’on a versé de l’argent en contrepartie de l’assurance. Le caractère incomplet de la documentation ne me paraît pas suffisant pour inférer que la police d’assurance ne fût pas ce qu’elle prétendait être.

[123]     Bien que l’intimée ait examiné de manière assez détaillée les documents postérieurs dans ses conclusions sur le trompe-l’œil, je m’abstiendrai pour ma part d’analyser ces opérations dans la perspective du trompe-l’œil, étant donné que M. Golini père n’était pas partie aux contrats en question (la réassurance auprès de Stellar et l’accord de Trafalgar avec Metropac). J’étudierai donc maintenant le prêt de Metropac, la garantie et les cessions en garantie.

[124]     Commençons par le rôle qu’a joué Me Wattie comme propriétaire de Metropac et conseillère juridique, positions dans lesquelles, sans aucun doute, elle regrette encore d’avoir été mise. Elle reconnaît avoir signé la convention de prêt et même avoir émis un avis concernant la capacité et le pouvoir de Metropac de passer cette convention, qui a été dûment souscrite. Pourtant, comme il ressort à l’évidence de son témoignage, elle croyait que Metropac était, non pas un prêteur, mais simplement une sorte de conduit, cette société n’ayant jamais disposé de fonds suffisants pour prêter 6 000 000 $ à M. Golini père. À aucun moment elle n’a pensé que Metropac recevrait ou paierait des intérêts. Metropac n’a d’ailleurs jamais enregistré la réception d’intérêts. Me Wattie a été dupée. Elle a néanmoins suivi les instructions de Me Van Wees. Je conclus cependant que la position fâcheuse de Me Wattie et son point de vue divergent ne permettent pas de conclure à l’existence d’un trompe-l’œil. Les documents sont ce qu’ils sont, et le point de vue de Me Wattie, en tant que responsable de Metropac, soulève seulement la question de savoir s’il y a eu un véritable accord des volontés entre Metropac et M. Golini père. La convention de prêt, la commission de garantie et les contrats de cession en garantie ne sont pas incompatibles avec l’interprétation de Me Wattie selon laquelle Metropac était une sorte d’intermédiaire conçu pour assurer l’ajustement des droits et obligations de Holdco et de Trafalgar, plutôt qu’une partie à une convention de prêt conforme aux conditions du marché passée avec M. Golini père. Il est vrai que les documents attestent le versement de 6 000 000 $ au compte de M. Golini père par l’intermédiaire de Metropac, mais le remboursement dépendait de la cession du produit de l’assurance. C’est là que réside la feinte ou l’artifice. Même si la cession n’est pas présentée comme absolue par les documents, je conclus qu’elle l’était en fait. Supposons par exemple que M. Golini père n’ait pas fait le paiement annuel de 80 000 $ : le seul recours de Metropac aurait alors été, aux termes de la clause 7.2 de la convention de prêt, le [TRADUCTION] « transfert absolu […] de tous les droits, titre et intérêt détenus par le garant en vertu du contrat de rente et de la police d’assurance-vie ». À considérer cette stipulation dans le contexte du plan d’optimisation de la CR, je conclus, pour le dire encore une fois, que la cession en garantie était une cession absolue. Oui, il y a eu prêt; oui, M. Golini père a payé des intérêts; mais non, il n’avait pas d’obligation de remboursement.

[125]     La conclusion que cet aspect des opérations révèle une part de trompe-l’œil doit être mise en rapport avec la nature du trompe-l’œil. En fait, je dois prendre en considération seulement l’opération réelle, à l’exclusion de son aspect présenté de manière inexacte. Je constate que l’opération réelle est la constitution d’une rente à fonction économique incertaine –  pas un placement conforme aux conditions du marché, mais tout de même la constitution d’une rente. Je constate aussi que l’opération réelle constituée par le prêt de Metropac, la garantie et la cession en garantie consiste à dégager M. Golini père de son obligation de remboursement. J’en conclus à l’existence d’un avantage, de même que j’ai conclu plus haut à l’existence d’un avantage imposable au titre du paragraphe 15(1) de la Loi; c’est-à-dire que, compte non tenu de la part de trompe-l’œil, un avantage est manifestement conféré à M. Golini père. Cette conclusion n’est pas celle que l’avocate de l’intimée voudrait obtenir, puisqu’elle soutient que la Cour devrait annuler l’ensemble du plan avec toutes ses opérations étroitement liées les unes aux autres, qu’un dividende devrait être réputé reçu au titre du paragraphe 84(1) de la Loi, et enfin qu’il n’y a pas d’intérêts déductibles au motif qu’il n’y a pas eu de prêt réel. Le traitement fiscal fondé sur un dividende réputé pourrait se révéler préférable pour M. Golini père, mais ce traitement ne me paraît pas rendre compte exactement de la réalité des faits. En outre, je ne suis pas d’accord pour dire que l’acceptation de l’argument fondé sur le trompe-l’œil aurait pour effet de justifier le refus de toutes les déductions annuelles de M. Golini père. J’admettrais tout de même la déduction de la somme de 120 000 $ que M. Golini père payait annuellement, qu’on la caractérise comme une commission de garantie, des intérêts ou tout simplement des frais supportés pour obtenir l’avantage.

[126]     Comme le lecteur l’a sans doute compris, je ne m’appuie sur le moyen de l’intimée relatif au trompe-l’œil que pour affermir mon opinion de départ selon laquelle un avantage a été conféré. Je ne m’appuie pas sur ce moyen pour rejeter en bloc les nombreux arrangements contractuels qui constituent le plan d’optimisation. Je conclus donc que le plan de M. Golini père n’a pas les conséquences fiscales qu’il a été amené à lui supposer, étant donné que le prêt de Metropac, la garantie et la cession en garantie n’étaient pas tout à fait conformes à l’apparence qu’on leur a donnée.

La déductibilité des intérêts

[127]     M’étant appuyé sur la disposition relative aux avantages conférés aux actionnaires pour décider la question de fond, j’examinerai maintenant la question de la déductibilité des intérêts. L’alinéa 20(1)c) de la Loi permet la déduction des intérêts sur de l’argent emprunté ou « utilisé en vue de tirer un revenu d’une entreprise ou d’un bien », ou « d’une somme raisonnable à cet égard ».

[128]     Les parties n’ont pas concentré leur argumentation sur le point de savoir si l’argent a été utilisé ou non en vue de tirer un revenu d’un bien, vraisemblablement parce que, dans le cas où je conclurais à l’absence de trompe-l’œil, il resterait un prêt légitime, dont le montant aurait servi à acheter des actions donnant droit à dividende.

[129]     Il me faut ici préciser que, au départ, les conclusions des parties ne traitaient pas en détail de l’effet qu’aurait la constatation d’un avantage à l’actionnaire sur la question de la déductibilité des intérêts, de sorte que je leur ai demandé des conclusions écrites supplémentaires à ce propos.

[130]     Me fondant sur le même raisonnement qui m’a amené à conclure qu’un avantage imposable découlait pour M. Golini père de la réception de 6 000 000 $ en un seul versement, je conclus qu’il a pareillement bénéficié d’un avantage égal au montant des intérêts capitalisés que la structure même des opérations considérées le dispensait définitivement de payer. Chaque année, M. Golini père devait jouir de l’avantage additionnel de voir Ontario Inc. le dégager de son obligation de payer des intérêts, exception faite de ceux en espèces de 80 000 $. Il s’ensuit que, chaque année, M. Golini père déduisait les intérêts à payer sur le prêt de Metropac, mais était simultanément tenu de traiter comme un avantage imposable la partie des intérêts finalement incorporée dans Ontario Inc. Par conséquent, mis à part son paiement de 80 000 $ en espèces, l’inclusion et la déduction se compensaient l’une l’autre. Il n’importe donc pas que le taux d’intérêt soit fixé à 5,5 ou 8 %. Je conclus que M. Golini père a droit à la déduction de la part de 80 000 $ des intérêts, calculée au prorata pour l’année d’imposition 2008.

[131]     L’intimée soutient cependant que le calcul d’un taux raisonnable est important. L’avantage des intérêts capitalisés doit être calculé en fonction du taux contractuel de 8 %, avance-t-elle, mais le montant des intérêts déductibles devrait l’être en fonction du taux raisonnablement déterminé de 5,5 %. Je reproduis ici un passage des conclusions écrites de l’intimée sur cette question :

[TRADUCTION]

L’intimée soutient que la déduction des intérêts calculés au taux de 8 % est déraisonnable, et que si les intérêts sont par ailleurs déductibles au titre de la Loi, leur taux devrait être limité à 5,5 %. La différence est d’importance : le montant des intérêts afférents au prêt de Metropac déduit du revenu du contribuable en 2008 s’élevait à 397 150 $, soit des intérêts capitalisés de 317 150 $ et des intérêts en espèces de 80 000 $. Si l’on applique le taux d’intérêt raisonnable de 5,5 %, les intérêts déductibles en 2008 ne font plus qu’un total de 273 040 $ (intérêts capitalisés et en espèces). Par conséquent, l’avantage de 317 150 $ conféré à l’actionnaire dépasserait le montant des intérêts payés ou à payer, de sorte que, même dans l’hypothèse où l’appelant aurait droit à la déduction pour intérêts, celle-ci se trouve entièrement contrebalancée par l’avantage annuel que représentent les intérêts capitalisés.

[132]     L’intimée essaie ainsi de gagner sur les deux tableaux et, soit dit en tout respect, son argument est mal fondé. L’avantage et la déduction doivent être calculés au même taux, d’où il suit qu’ils s’annulent l’un l’autre, ce qui laisse à M. Golini père une déduction annuelle des intérêts en espèces (80 000 $). Il est par conséquent inutile de se prononcer sur le taux d’intérêt, mais, par souci d’exhaustivité, je proposerai à ce sujet les observations suivantes.

[133]      L’intimée soutient que le taux d’intérêt de 8 % était déraisonnable et s’appuie sur la preuve de M. Johnson pour affirmer qu’un taux raisonnable serait de 5,5 %. L’avocate de l’appelant avance quant à elle que le taux de 8 % est raisonnable au motif que M. Golini père et Metropac n’avaient pas de lien de dépendance, mais qu’il l’est aussi, de toute façon, aux autres motifs suivants : 1) il n’est pas très éloigné du taux de 5,5 % proposé par M. Johnson; 2) il est comparable aux taux offerts pour des produits comparables; et 3) Andrew Guizzetti le considérait comme raisonnable.

[134]     Je ne puis souscrire à aucun des arguments de l’appelant. Ce serait forcer les faits jusqu’au point de rupture de dire que M. Golini père et Metropac (dont Me Dawn Wattie était propriétaire et administratrice) ont négocié un taux d’intérêt dans des conditions de concurrence normales. Me Wattie, encore qu’elle ait en définitive signé la convention de prêt au nom de Metropac, n’a aucunement participé à la négociation du taux d’intérêt. Celui-ci a été fixé par les planificateurs, non par les deux parties signataires de la convention de prêt. Ce taux devait permettre au plan de fonctionner et a été déterminé en tenant compte des honoraires et commissions à payer à tous les tiers intéressés. Je ne considère tout simplement pas ce taux comme ayant été négocié par des parties indépendantes aux conditions du marché.

[135]     Je ne puis non plus souscrire à l’affirmation de l’appelant selon laquelle le taux de 5,5 % est suffisamment proche du taux de 8 % pour être considéré comme raisonnable. Dans le contexte de la variation des taux d’intérêt par quart de point sur le marché, la différence de 2,5 % par rapport à un taux de 5,5 % se révèle considérable.

[136]     Pour ce qui concerne l’argument de l’appelant voulant que le taux de 8 % soit comparable aux taux pratiqués à l’époque pour les rentes assorties d’une assurance avec effet de levier, j’estime que c’est là comparer deux réalités hétérogènes. Comme M. Hawkins l’a fait remarquer, contrairement au cas des rentes assorties d’une assurance avec effet de levier, M. Golini père n’est pas en l’espèce le titulaire des contrats, ce qui constitue une distinction fondamentale. Le plan d’optimisation de la CR de M. Golini père a été taillé sur mesure pour lui, et il n’est d’aucune utilité d’essayer de le comparer aux rentes assorties d’une assurance avec effet de levier en général ou aux opérations dites « 10/8 ».

[137]     Quant aux déclarations d’Andrew Guizzetti qu’on invoque, celui-ci n’était pas un expert financier ni ne possédait une expérience étendue de cette catégorie de plans fiscaux. En outre, il était à l’évidence personnellement intéressé. Son témoignage ne me paraît pas convaincant sur ce point.

[138]     Étant donné que j’ai conclu à une compensation, le taux d’intérêt est dénué de pertinence. Cependant, pour le cas où il serait nécessaire de le fixer, je conclus qu’il devrait être de 5,5 %, soit le taux proposé par l’expert.

LA DGAE

[139]     Bien que je n’aie à examiner aucun des moyens subsidiaires restants, j’aimerais présenter quelques observations sur l’argument de l’intimée voulant que la DGAE soit ici d’application et que le fisc soit donc fondé à imposer un dividende réputé reçu par M. Golini père au titre du paragraphe 84(1) de la Loi. J’accepte cet argument, mais seulement comme solution de repli. L’avocate de l’appelant, tout en reconnaissant l’existence d’avantages fiscaux résultant d’opérations d’évitement, fait valoir que manque ici la troisième condition d’application de la DGAE, c’est-à-dire l’abus de la raison d’être du paragraphe 84(1) de la Loi. J’extrais de ce paragraphe les passages suivants :

Lorsqu’une société résidant au Canada a, à un moment donné après 1971, augmenté le capital versé relatif aux actions de toute catégorie particulière d’actions de son capital-actions, autrement que :

a) par le paiement d’un dividende en actions;

b) par une opération qui a :

(i) soit augmenté la valeur de son actif diminué du passif,

(ii) soit diminué son passif après soustraction de la valeur de l’actif,

d’un montant non inférieur à celui de l’augmentation du capital versé relativement aux actions de cette catégorie particulière;

c) par une opération qui a réduit le capital versé relatif aux actions de toutes les autres catégories d’actions de son capital-actions d’un montant non inférieur à celui de l’augmentation du capital versé relatif aux actions de cette catégorie particulière;

[…]

la société est réputée avoir alors versé un dividende sur les actions émises de la catégorie particulière, égal à l’excédent éventuel du montant de l’augmentation du capital versé sur le total des montants suivants :

d) le montant de l’augmentation visée au sous-alinéa b)(i) ou de la diminution visée au sous-alinéa b)(ii), selon le cas;

e) le montant de la réduction visée à l’alinéa c);

[…]

chacune des personnes qui détenaient immédiatement après le moment donné une ou plusieurs actions émises de cette catégorie particulière est réputée avoir à ce moment touché un dividende égal à la fraction du dividende ainsi réputé avoir été payé par la société représentée par le rapport entre le nombre d’actions de cette catégorie particulière qu’elle détenait immédiatement après ce moment et le nombre d’actions émises de cette catégorie qui étaient en circulation immédiatement après ce moment.

[140]     Les parties ont récapitulé l’évolution de la jurisprudence relative à la DGAE, principalement pour ce qui concerne son application aux paragraphes 84(1) et 89(1) de la Loi, en s’appuyant massivement sur l’arrêt Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63. Leurs opinions ne semblent guère diverger quant à l’objectif d’ordre public ou à la raison d’être du paragraphe 84(1) de la Loi, soit la limitation des dividendes que peuvent toucher les actionnaires en franchise d’impôt à hauteur de leur investissement libéré d’impôt qui entraîne une augmentation équivalente de l’actif de la société ou une diminution équivalente de son passif. Le point contesté entre les parties est l’application des faits pour répondre à la question de savoir s’il y a eu abus de cette politique. Selon l’appelant, l’opération considérée ne contrevient pas à la DGAE, au motif que M. Golini père a fait à la société une contribution de 6 000 000 $, qui a servi à rembourser une dette du même montant. L’intimée avance de son côté l’argument suivant : étant donné que, après le remboursement du prêt-relais, Ontario Inc. se retrouve exactement dans la même situation qu’avant de l’avoir contracté, à ceci près que son capital versé a augmenté de 6 000 000 $, l’opération est illicite au motif qu’elle produit un rendement franc d’impôt sans augmentation correspondante de l’actif de la société ni diminution correspondante de son passif. La question paraît être de nature chronologique : en fonction de quel moment doit-on se demander si l’injection de 6 000 000 $ entraîne une augmentation d’actif ou une diminution de passif? Selon l’intimée, il faut se baser sur la situation financière d’Ontario Inc. avant le prêt-relais. D’après l’appelant, il faut se fonder sur la situation financière d’Ontario Inc. immédiatement avant l’injection de 6 000 000 $ par M. Golini père. Étant donné que toutes les étapes du plan d’optimisation de la CR étaient conçues pour se dérouler dans un ordre déterminé et dans le cadre d’un ensemble, j’estime que le point de repère à partir duquel il convient d’établir si l’injection de 6 000 000 $ par M. Golini père dans Ontario Inc. va à l’encontre de la raison d’être de l’article 84 doit se situer avant la première étape du plan, c’est-à-dire avant le prêt-relais. En conséquence, si j’avais à fonder ma décision sur la DGAE, je conclurais que le contribuable a abusé de la raison d’être du paragraphe 84(1) de la Loi et que le ministre est fondé à établir la cotisation en fonction d’un dividende réputé.

Conclusion

[141]     La Loi est aussi détaillée que complète : elle a atteint les volumineuses proportions que nous lui connaissons en essayant de couvrir toutes les combinaisons que les contribuables et leurs planificateurs fiscaux pourraient inventer pour réduire les impôts au minimum – et dieu sait qu’ils en inventent. Craignant que ces plans fiscaux ne mettent la Loi en défaut, le législateur a promulgué une disposition anti-évitement d’application générale et prépondérante, soit la DGAE. Il ne visait pas ainsi à dénier au contribuable le droit d’arranger ses affaires de manière à payer le moins possible d’impôts, mais plutôt à l’obliger à le faire conformément à l’esprit de loi, espérant s’épargner ainsi la nécessité de plusieurs centaines de pages supplémentaires de dispositions pour prévoir des plans de plus en plus complexes. Les contribuables continuant d’élaborer des plans fiscaux qui, aux yeux du fisc, contournaient la loi, le concept non législatif de trompe-l’œil a été appelé à la rescousse. J’essaie simplement dans les présents motifs de proposer des dispositions applicables une interprétation fondée sur le sens commun, sans recourir aux notions plus vagues de trompe-l’œil ou d’esprit de la loi, qui, on en conviendra, risqueraient de nous embrouiller tous. Le paragraphe 15(1) de la Loi prescrit l’imposition des avantages conférés aux actionnaires. Je conclus que M. Golini père a manifestement été avantagé en tant qu’actionnaire tant par le prêt de 6 000 000 $ que par les intérêts capitalisés. Mais je conclus aussi qu’il a droit à la déduction de la part des intérêts payée en espèces.

[142]     Quel est alors l’effet de la conclusion voulant que le contribuable ait bénéficié d’un avantage imposable de 5 400 000 $ et ait droit à la déduction de 80 000 $ en intérêts? L’intimée informe la Cour que ma décision entraînerait pour M. Golini père une dette fiscale supérieure au montant établi dans la cotisation du ministre. Même en tenant compte de la possibilité pour M. Golini père de déduire la part des intérêts payée en espèces, ma décision ferait augmenter sa cotisation d’impôt pour 2008. Je ne puis permettre une telle chose. L’appel est en conséquence rejeté.

[143]     Les parties ont 60 jours à compter de la date du présent jugement pour déposer des observations écrites sur les dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de juillet 2016.

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour de septembre 2017.

Mario Lagacé, jurilinguiste


Appelant :          M. Paul C. Golini (père)

 

Fils :                    M. Paul A. Golini (fils)

 

AO :                     actions ordinaires

 

PBR :                   prix de base rajusté (c.‑à‑d. coût aux fins fiscales)

 

JVM :                  juste valeur marchande

 

CV :                     capital versé

 

Priv. B :               rachetables à 1 $ par action et donnant droit à un dividende non cumulatif de 7,25 %

 

Priv. C :              donnant droit à un dividende non cumulatif que les administrateurs peuvent fixer à leur gré jusqu’à hauteur de 12 % du montant du remboursement

 

LÉGENDE

 

CV : 8,20 $

PBR/JVM : 500 098 $

 

PBR/CV : 89,90 $

JVM : 5 598 892 $

 

 

6 098 990 $

 

JVM totale

 

1 000 priv. C

 

500 098 priv. B

 

PGE

 

1066167 Ontario Inc.

 

(« Ontario »)

 

100 AO

 

Appelant

 

Fils

 

LA SITUATION PRÉCÉDANT LA RÉORGANISATION

(AU 22 DÉCEMBRE 2006)

 

ANNEXE A

 

 

Holdco

 

PGE

 

Ontario

 

500 098 B

1 000 C

 

Appelant

 

100 AO

 

Fils

 

Constitution de 2161845 Ontario Inc. (« Holdco »)

(29 janvier 2008)

 

L’OPÉRATION EN CAUSE

 

Actions priv. D :

- Sans droit de vote

- Privilégiées à taux fixe

   Dividende cumulatif en espèces

  Taux de 8,25 %

- Rachetables

 

500 098 B

1 000 C

 

PGE

 

Holdco

 

Ontario

 

1 AO

 

100 AO

 

Appelant

 

Fils

 

Modification des statuts d’Ontario en vue de créer des actions priv. D

(26 février 2008)

 

 

 

PBR total : 441 008 $

JVM totale : 6 M$

 

PBR total : 441 008 $

JVM totale : 6 M$

 

401 108 B

1 000 C

 

401 108 B

1 AO + 99 AO

 

98 990 B

JVM : 98 990 $

 

Holdco

 

PGE

 

Ontario

 

100 AO

 

Appelant

 

Fils

 

Roulement 85(1) – Transfert à Holdco de 401 108 priv. B et de 1 000 priv. C

(26 février 2008)

 

 

 

6 M$

 

Dépôt de 6 M$ en fiducie chez McMillan Binch Mendelsohn’s (« MBM »)

 

Barbade

 

DGM Bank prête

6 M$ à 8 %

 

Prêt de 6 M$ de DGM Bank à Ontario (« prêt-relais »)

 

Holdco

 

PGE

 

Ontario

 

Appelant

 

Fils

 

 

 

DGM Bank

 

Rachète les actions détenues par Holdco au prix de 6 M$

 

Doit 6 M$

 

6 M$

 

6 M$

 

Ontario

 

Holdco

 

Rachat de 401 108 actions priv. B et de 1 000 actions priv. C détenues par Holdco

 

Appelant

 

Fils

 

 

Constitution d’une rente par Holdco

 

400 k$/an jusqu’en 2022 (15 ans) ou au décès de l’appelant

 

St. Joseph (Nevis)

 

Rente

 

Holdco

 

Ontario

 

DGM Bank

 

Fils

 

6 M$

 

Appelant

 

Doit 6 M$

 

 

 

DGM Bank

 

DGM Insurance (Barbade)

 

Police d’assurance-vie de 6 M$ s’accroissant annuellement de valeurs futures garanties

 

Primes de 400 k$/an

 

Holdco paie les primes au moyen des arrérages de la rente

 

Rente

 

Souscription

 

Doit 6 M$

 

Souscription d’une police d’assurance-vie par Holdco

 

Holdco

 

Ontario

 

Appelant

 

Fils

 

 

 

400 k$

 

STELLAR INSURANCE SCC

 

(Barbade)

 

St. Joseph (Nevis)

 

DGM Insurance

 

(Barbade)

 

5,6 M$

 

Réassurance chez Stellar

 

 

 

STELLAR

 

TRAFALGAR HOLDINGS LLC

 

6 M$

 

Stellar achète un contrat de placement à Trafalgar

 

 

 

METROPAC

 

6 M$

 

TRAFALGAR

 

Trafalgar prête à Metropac

 

 

 

-   Int. à 8 % (480 k$/an)

-   80 k$ en espèces par an

-   Int. capitalisés : 400 k$

-   Frais adm. annuels : 2,5 k$

Recours : droits sur la police d’ass.-vie et la rente

 

Trafalgar

 

Stellar

 

Police d’ass.-vie de DGM Insurance

 

Rente de St. Joseph

 

Metropac

 

Commission de garantie de 40 k$ (par an)

 

Garantie

 

Prête 6 M$

 

6 M$

 

DGM Bank

 

Appelant

 

Fils

 

Holdco

 

Ontario

 

400 k$

 

Doit 6 M$

 

5,6 M$

 

6 M$

 

Prêt à recours limité de Metropac et cautionnement par Holdco

 

 

Appelant

 

Actions priv. D

 

Police d’ass.-vie de DGM Insurance

 

Rente de St. Joseph

 

Actions priv. D

- CV + PBR : 6 M$

- Dividendes cumulatifs de 8,25 %

 

6 M$

 

Garantie

 

Commission de garantie de 40 k$ (par an)

 

Stellar

 

Trafalgar

 

Doit 6 M$ + comm.  + int.

 

Fils

 

DGM Bank

 

Doit 6 M$

 

Ontario

 

Holdco

 

Metropac

 

Souscription de 6 000 000 d’actions priv. D d’Ontario

 

 

 

Remboursement du prêt-relais

 

98 900 priv. B

6 M priv. D

 

Doit 6 M$ + comm.  + int.

 

Garantie

 

Commission de garantie de 40 k$ (par an)

 

Police d’ass.-vie de DGM Insurance

 

Rente de St. Joseph

 

Remboursement du prêt-relais par Ontario

 

Appelant

 

Fils

 

Stellar

 

Trafalgar

 

Metropac

 

Holdco

 

Ontario

 

DGM Bank

 

 


ANNEXE B

 

Prêt de Metropac et produit de l’assurance-vie

 

Année no

Produit de
l’ass.-vie(1)

Prêt Metropac – solde d’ouverture

Intérêts payés
à Metropac

Intérêts payés en espèces

Intérêts capitalisés

Prêt Metropac – solde de clôture

Différence

 

A

B

C = B x 8,0 %

D

E = C + D

F = B + E

G = A - F

1

6 400 000 $

6 000, 000 $

480 000 $

(80 000) $

400 000 $

6 400 000 $

 - $

2

6 832 000

6 400 000

512 000

(80 000)

432 000

6 832 000

-

3

7 298 560

6 832 000

546 560

(80 000)

466 560

7 298 560

-

4

7 802 445

7 298 560

583 885

(80 000)

503 885

7 802 445

-

5

8 346 640

7 802 445

624 196

(80 000)

544 196

8 346 640

-

5

8 934 372

8 346 640

667 731

(80 000)

587 731

8 934 372

-

7

9 569 121

8 934 372

714 750

(80 000)

634 750

9 569 121

-

8

10 254 651

9 569 121

765 530

(80 000)

685 530

10 254 651

-

9

10 995 023

10 254 651

820 372

(80 000)

740 372

10 995 023

-

10

11 794 625

10 995 023

879 602

(80 000)

799 602

11 794 625

-

11

12 658 195

11 794 625

943 570

(80 000)

863 570

12 658 195

-

12

13 590 851

12 658 195

1 012 656

(80 000)

932 656

13 590 851

-

13

14 598 119

13 590 851

1 087 268

(80 000)

1 007 268

14 598 119

-

14

15 685 968

14 598 119

1 167 849

(80 000)

1 087 849

15 685 968

-

15

16 860 846

15 685 968

1 254 877

(80 000)

1 174 877

16 860 846

-

16

18 129 713

16 860 846

1 348 868

(80 000)

1 268 868

18 129 713

-

17

19 500 090

18 129 713

1 450 377

(80 000)

1 370 377

19 500 090

-

18

20 980 097

19 500 090

1 560 007

(80 000)

1 480 007

20 980 097

-

19

22 578 505

20 980 097

1 678 408

(80 000)

1 598 408

22 578 505

-

20

24 304 786

22 578 505

1 806 280

(80 000)

1 726 280

24 304 786

-

(1) Source : annexe 1 de la police d’assurance-vie, page 7.

 

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 174

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-705(IT)G

INTITULÉ :

PAUL A. GOLINI FILS, REPRÉSENTANT PAUL C. GOLINI PÈRE PAR PROCURATION, ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

Les 2, 3, 4, 5, 6, 23 et 24 novembre, et 10 décembre 2015

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Campbell J. Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 19 juillet 2016

COMPARUTIONS :

Avocates de l’appelant :

Mes Nathalie Goyette, Geneviève Léveillé et Laurie Beausoleil

Avocates de l’intimée :

Mes Jenna Clark, Christa Akey et

Alisa Apostle

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

Noms :

Mes Nathalie Goyette, Geneviève Léveillé et Laurie Beausoleil

 

Cabinet :

PwC Cabinet d’avocats, s.e.n.c.r.l./s.r.l.

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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