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Dossier : 2015-5164(GST)I

ENTRE :

LUZMARINA ROJAS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu le 15 avril 2016, à Hamilton (Ontario)

Devant : L’honorable juge Steven K. D’Arcy


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimée :

Me Martin Hickey

 

JUGEMENT

Conformément aux motifs du jugement ci-joints :

1.                 L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en application de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA ») et ayant fait l’objet d’un avis daté du 26 juin 2014 est accueilli. La nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour qu’il procède à un nouvel examen et qu’il établisse une nouvelle cotisation en tenant pour acquis que la fourniture réalisée par l’appelante en contrepartie des commissions relatives aux prêts hypothécaires constituait une fourniture exonérée consistant à prendre des mesures en vue d’effectuer le prêt d’argent.

2.                 Des dépens de 350 $ sont adjugés à l’appelante.

         Signé à Antigonish (Nouvelle-Écosse), ce 27e jour de juillet 2016.

« S. D’Arcy »

Le juge D’Arcy


Référence : 2016 CCI 177

Date : 20160727

Dossier : 2015-5164(GST)I

ENTRE :

LUZMARINA ROJAS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge D’Arcy

[1]             Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante, en partie pour ajouter à sa taxe nette la TVH percevable sur le revenu de commission qu’elle a perçu pour services rendus relativement à des prêts hypothécaires accordés par certains tiers prêteurs.

[2]             La Cour doit déterminer si les services rendus par l’appelante en contrepartie de la commission ont constitué un service financier au sens du paragraphe 123(1) de la Partie IX de la Loi sur la taxe d’accise (la « LTA »).

[3]             L’appel a été instruit selon la procédure informelle d’appel de la Cour. L’appelante s’est représentée elle-même. Elle était bien préparée et était un témoin crédible.

I. Résumé des faits

[4]             L’appelante agit comme agent immobilier et aide également les clients à obtenir des prêts hypothécaires pour des propriétés qu’ils ont l’intention d’acheter.

[5]             Elle a indiqué dans son témoignage que le gouvernement de l’Ontario lui imposait, en raison de la nature des services qu’elle rend par rapport aux prêts hypothécaires, d’être titulaire d’un permis de courtage immobilier et d’être enregistrée sous le patronage d’une maison de courtage hypothécaire.

[6]             Elle a soumis à la Cour une copie de son permis de courtage immobilier délivré par la Commission des services financiers de l’Ontario. Il s’agit d’un [traduction] « permis de courtier/agent en hypothèque » délivré au nom de l’appelante. Lors de son témoignage, elle a déclaré qu’elle était membre de l’Institut canadien des courtiers et des prêteurs hypothécaires ainsi que de l’Association canadienne des conseillers hypothécaires accrédités.

[7]             Pour ce qui est de l’exigence d’être enregistrée sous le patronage d’une maison de courtage hypothécaire, l’appelante a déclaré que sa maison de courtage était une entreprise exerçant ses activités sous le nom de The Mortgage Centre.

[8]             L’intimée a déposé la copie d’un contrat intervenu entre l’appelante et The Mortgage Centre. Le titre du contrat est « Independent Contractor Agreement » (Contrat de prestation de services). La clause 1 du contrat énonce ce qui suit :

[traduction] Attendu que l’entreprise souhaite nommer la spécialiste des prêts hypothécaires comme représentante commerciale pour l’entreprise et, en contrepartie des services qui seront réalisés par la spécialiste des prêts hypothécaires [...], l’entreprise et la spécialiste des prêts hypothécaires conviennent de ce qui suit :

1.         RENDEMENT

L’entreprise retient les services de la spécialiste en prêts hypothécaires à compter de la date d’entrée en vigueur du présent contrat, en tant que représentante commerciale pour l’entreprise ayant comme fonctions précises de générer des produits et des services hypothécaires et connexes auprès des clients [...].

[9]             L’appelante a défini comme suit son rôle dans l’obtention des prêts hypothécaires :

-         Elle examine d’abord les besoins de l’emprunteur potentiel (le « client ») en matière de financement.

-         Dans le cadre de ce processus, elle reçoit une demande écrite de prêt hypothécaire de la part du client.

-         Au moyen d’un programme informatique en ligne réservé aux courtiers en hypothèques, elle détermine si le client est admissible à un prêt hypothécaire. Elle détermine également quels prêteurs sont disposés à prêter les fonds et les conditions auxquelles ils sont prêts à le faire.

-         Elle donne ensuite des explications au client au sujet des différents produits hypothécaires auxquels il est admissible et elle lui fournit l’identité des prêteurs qui sont disposés à fournir les fonds.

-         Une fois que le client a pris une décision, il remplit la documentation nécessaire et la remet à l’appelante qui la transmettra au prêteur sélectionné.

-         L’appelante travaille avec The Mortgage Centre pour obtenir un engagement de prêt de la part du prêteur sélectionné.

-         Le prêteur verse ensuite une commission à la maison de courtage de l’appelante, The Mortgage Centre. The Mortgage Centre conserve 25 % de la commission et verse les 75 % restants à l’appelante.

-         L’appelante s’occupe de toutes les questions qui pourraient se poser par la suite entre le client et le prêteur.

 

II. Les thèses des parties

[10]        L’appelante affirme que ses services consistaient à faire le nécessaire pour accorder des prêts hypothécaires et qu’ils étaient par conséquent des services financiers exonérés aux termes de l’alinéa l) de la définition de service financier du paragraphe 123(1) de la LTA.

[11]        L’intimée soutient que les services rendus par l’appelante étaient de nature administrative puisqu’il s’agissait essentiellement de la collecte de renseignements pour The Mortgage Centre. Par conséquent, les services ne constituaient pas des services financiers en raison de l’application de l’alinéa r.4) de la définition de services financiers du paragraphe 123(1) de la LTA.

III. Application de la loi aux faits

[12]        Les paragraphes 165(1) et (2) de la LTA imposent la TVH sur les fournitures taxables effectuées en Ontario. Les fournitures taxables sont des fournitures effectuées dans le cadre d’activités commerciales.

[13]        Les activités de l’appelante en qualité d’agent immobilier et son activité concernant les prêts hypothécaires constituaient une entreprise au sens du paragraphe 123(1) de la LTA.

[14]        De ce fait, conformément à la définition d’activité commerciale énoncée au paragraphe 123(1) de la LTA, les services qu’elle rendait dans le cadre de cette entreprise étaient rendus dans l’exercice d’activités commerciales, à moins que la fourniture n’implique la réalisation d’une fourniture exonérée.

[15]        La fourniture d’un service financier qui n’est pas une fourniture détaxée constitue une fourniture exonérée (Partie VII de l’annexe V de la LTA). Le service financier est défini au paragraphe 123(1).

[16]        L’alinéa l) de la définition est rédigé comme suit :

service financier

[...]

1)         le fait de consentir à effectuer, ou de prendre les mesures en vue d’effectuer, un service qui, à la fois :

(i)         est visé à l’un des alinéas a) à i),

(ii)        n’est pas visé aux alinéas n) à t);

[17]        L’appelante affirme que les services qu’elle a rendus à l’égard de prêts hypothécaires constituaient des mesures en vue d’effectuer le prêt d’argent. Le prêt d’argent est visé à l’alinéa g) de la définition de service financier.

[18]        À la lumière des éléments de preuve qui m’ont été présentés, je suis d’accord avec l’appelante. J’ai conclu, comme question de fait, que l’appelante n’avait effectué qu’une fourniture unique, à savoir la prise de mesures en vue d’effectuer le prêt d’argent. Ma conclusion est fondée sur les faits suivants :

-         L’appelante était titulaire d’un permis de courtage immobilier.

-         Elle identifiait l’emprunteur potentiel et déterminait si l’emprunteur était admissible à un prêt hypothécaire.

-         Elle identifiait les prêteurs qui étaient disposés à accorder un prêt hypothécaire à l’emprunteur et les différentes conditions se rattachant au prêt hypothécaire.

-         Une fois le prêteur et le prêt hypothécaire précis sélectionnés par l’emprunteur, l’appelante prenait les mesures nécessaires pour obtenir un engagement de prêt de la part du prêteur.

-         Elle complétait ensuite le processus de prêt en obtenant les formulaires applicables de la part de l’emprunteur et elle les remettait au prêteur.

[19]        Bref, elle facilitait tout le processus d’obtention du prêt en identifiant l’emprunteur et le prêteur pour ensuite réunir les parties afin de compléter l’entente de prêt. Il est difficile d’envisager une situation plus claire dans laquelle une personne (l’appelante) prend des mesures en vue d’effectuer le prêt d’argent.

[20]        L’intimée soutient que l’alinéa l) de la définition de service financier ne s’applique pas puisque le service rendu par l’appelante est un service rendu conformément à l’alinéa r.4) de la définition de service financier, et qu’il est ainsi exclu de l’alinéa l) en vertu du sous-alinéa (ii) de l’alinéa l).

[21]        L’alinéa r.4) de la définition de service financier est rédigé comme suit :

service financier

[...]

La présente définition exclut :

[...]

r.4) le service, sauf un service visé par règlement, qui est rendu en préparation de la prestation effective ou éventuelle d’un service visé à l’un des alinéas a) à i) et l), ou conjointement avec un tel service, et qui consiste en l’un des services suivants :

(i) un service de collecte, de regroupement ou de communication de renseignements,

(ii) un service d’étude de marché, de conception de produits, d’établissement ou de traitement de documents, d’assistance à la clientèle, de publicité ou de promotion ou un service semblable;

[22]        L’alinéa r.4) ne s’applique que si le service en question est un service rendu en préparation de la prestation effective ou éventuelle d’un service visé à l’un des alinéas a) à i) ou l) de la définition de service financier ou si le service est rendu conjointement avec un tel service.

[23]        À mon avis, l’alinéa r.4) s’appliquera seulement si le service en question est fourni séparément du service financier rendu auquel on fait référence à l’un des alinéas a) à i) ou l) de la définition de service financier.

[24]        Dans le présent appel, l’appelante n’a effectué qu’une seule fourniture, à savoir la prise de mesures en vue d’effectuer le prêt d’argent. Elle n’a pas effectué de seconde fourniture distincte qui pourrait être considérée comme étant rendue en préparation de la prestation ou conjointement avec la fourniture du service de prise de mesures en vue d’effectuer le prêt d’argent.

[25]        L’avocat de l’intimée m’a renvoyé à la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Global Cash Access (Canada) Inc. c. Canada, 2013 CAF 269. Ma conclusion est conforme à celle de la Cour d’appel fédérale dans l’appel Global Cash Access (Canada) Inc. c. Canada. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’il y avait une fourniture unique de services au sens de l’alinéa g) de la définition de service financier, à savoir, « l’octroi d’une avance ou de crédit ou le prêt d’argent ». En outre, la Cour a conclu, aux paragraphes 37 et 38, que l’alinéa r.4) ne s’appliquait pas puisque la seule fourniture présentée à la Cour était une fourniture unique de service financier au sens de l’alinéa g) de la définition de service financier.

[26]        Pour les motifs qui précèdent, l’appel est accueilli et la nouvelle cotisation datée du 26 juin 2014 est déférée au ministre pour qu’il procède à un nouvel examen et qu’il établisse une nouvelle cotisation en tenant pour acquis que la fourniture réalisée par l’appelante en contrepartie des commissions relatives aux prêts hypothécaires constituait une fourniture exonérée consistant à prendre des mesures en vue d’effectuer le prêt d’argent.

[27]        Des dépens de 350 $ sont adjugés à l’appelante.

         Signé à Antigonish (Nouvelle-Écosse), ce 27e jour de juillet 2016.

« S. D’Arcy »

Le juge D’Arcy

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 177

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-5164(GST)I

INTITULÉ :

LUZMARINA ROJAS c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Hamilton (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 avril 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Steven K. D’Arcy

DATE DU JUGEMENT :

Le 27 juillet 2016

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocat de l’intimée :

Me Martin Hickey

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

s.o.

Cabinet :

s.o.

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Canada)

 

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