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Dossier : 2015-2111(IT)I

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

ESTHER E. GUOBADIA,

Appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 22 février 2016, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith

Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

Avocat de l’intimée :

Darren Prevost

 

JUGEMENT

Les appels interjetés à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années imposables 2007 et 2008 sont rejetés, sans frais, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, le 19e jour du mois d’août 2016.

« Guy Smith »

Le juge Smith

Référence : 2016 CCI 182

Date : 20160819

Dossier : 2015-2111(IT)I

ENTRE :

ESTHER E. GUOBADIA,

Appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Smith

[1]             L’appelante interjette appel à l’encontre d’un avis de nouvelle cotisation daté du 11 juin 2012 par laquelle le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé sa demande de déduction pour dons de bienfaisance pour les années d’imposition 2007 et 2008.

[2]             En réponse à un avis d’opposition, le ministre a révisé la nouvelle cotisation afin de permettre à des dons faits à une église connue sous le nom de Prince of Peace d’une somme de 575 $ et de 140 $ pour 2007 et 2008, respectivement.

[3]             Le ministre a par ailleurs confirmé la nouvelle cotisation et a refusé la déduction des autres dons en tenant compte du fait que : i) les dons de bienfaisance n’avaient pas été faits et (ii) que les reçus fournis par l’appelante ne contenaient pas les renseignements prévus par le Règlement de l’impôt sur le revenu[1] (Règlement).

[4]             De plus, le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante au delà de la période normale de cotisation pour le motif qu’elle a fait « a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude » conformément au paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu[2] (Loi).

[5]             Il y a quatre questions en litige dans le présent appel. Les voici :

i)                   La question de savoir si l’appelante avait le droit de demander une déduction de 9 825 $ pour l’année d’imposition 2007 pour un don fait à l’organisation Nations for Christ Ministries (NCM) ;

ii)                La question de savoir si l’appelante avait le droit de demander une déduction de 5 200 $ pour l’année d’imposition 2008 pour un don fait à l’organisation Hour of Evidence Christian Fellowship (HOE) ;

iii)              La question de savoir si l’appelante avait le droit de demander une déduction de 3 000 $ pour l’année d’imposition 2008 pour un don fait à l’organisation Operation Save Canada’s Teenagers (OSCT) ;

iv)              La question de savoir si le ministre était en droit d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante au delà de la période normale de cotisation conformément au paragraphe 152(4) de la Loi.

[6]             L’appelante a inclus dans son avis d’appel un énoncé selon lequel elle ne devrait pas être passible de pénalités pour grave négligence. Pour les fins du dossier, je me contenterai de confirmer que cette question n’a été soulevée ni dans la réponse à l’avis d’appel ni à l’audience et, pour ce motif, elle n’a pas été présentée à la Cour en bonne et due forme.

[7]             Le présent appel a été entendu sous le régime de la procédure informelle et l’appelante a témoigné pour son propre compte. Pour le compte du ministre, la Cour a entendu les témoignages de Tony Thomas et de George Nedelkov, une tierce partie.

I. Contexte factuel

[8]             Pendant toutes les périodes pertinentes, l’appelante était employée à temps plein comme enseignante de niveau secondaire pour le York Catholic District School Board. Elle a également déclaré un revenu d’emploi venant de Community Living Toronto.

[9]             L’appelante a indiqué qu’elle avait immigré au Canada plusieurs années avant 2007 et 2008, mais si peu de détails ont été fournis quant à la date de son arrivée ou son pays d’origine.

[10]        Elle a également indiqué qu’elle a été élevée dans la religion catholique dans son pays d’origine et que ses enfants avaient également été baptisés selon les rites propres au catholicisme.

[11]        L’appelante était une résidente de la ville de Markham. Elle a fréquenté une église locale connue sous le nom de Prince of Peace qu’elle décrit comme une église catholique. Toutefois, très peu de détails supplémentaires ont été fournis. Il est à noter que les reçus produits par cette église et acceptés par le ministre ont été délivrés au nom de l’appelante et de son mari.

[12]        L’appelante a expliqué que, même si elle a continué à fréquenter l’église Prince of Peace de temps à autre, elle a décidé de changer d’église en 2007 et elle a commencé à fréquenter NCM, une église pentecôtiste, où, selon son témoignage, on s’attendait à ce qu’elle paie la dîme, c’est-à-dire un don équivalant à environ 10 % de son revenu annuel.

[13]        Elle a expliqué qu’elle avait décidé de faire un don entre 1 000 $ et 1 500 $ par mois, de payer en argent comptant ou par chèque et d’utiliser une enveloppe fournie par l’église. Une copie du reçu délivré par NCM déposé avec sa déclaration de revenus pour 2007 a été produite comme pièce.

[14]        Lorsqu’on lui a été demandé si elle avait une preuve quelconque des paiements, l’appelante a produit une série de chèques annulés, chacun de 1 000 $ à l’ordre de NCM. Ils étaient datés du 9 juin, du 14 juillet et du 20 août 2008.

[15]        Lorsqu’on lui a demandé si elle avait des chèques annulés pour 2007, elle a indiqué qu’elle n’en avait pas parce que, cette année-là, elle avait payé en argent comptant. Elle a expliqué qu’elle retirait de l’argent de son compte bancaire et donnait entre 150 $ et 200 $ tous les dimanches, pour que le total de ses dons pour chaque mois soit entre 1 000 $ et 1 500 $.

[16]        L’appelante a indiqué que, en 2008, elle avait commencé à fréquenter une troisième église, Hour of Evidence Christian Ministry (HOE), où il était également attendu d’elle qu’elle donne la dîme. Elle voulait de nouveau donner entre 1 000 $ et 1 500 $ par mois et elle l’a fait en espèces ou par chèque. Une copie du reçu délivré par NCM déposé avec sa déclaration de revenus pour 2007 a été produite comme pièce.

[17]        Interrogée à savoir si elle avait des chèques annulés, l’appelante a produit des photocopies du chèque numéro 108, datée du 3 novembre 2008, et du chèque numéro 109, datée du 3 décembre 2008, chacun de 1 500 $. Elle a également produit des relevés bancaires indiquant les numéros de chèque et les transactions de débit pour les montants indiqués.

[18]        En ce qui concerne OSCT, l’appelante a déclaré qu’elle avait initialement voulu fournir un chèque de 3 000 $, mais qu’elle a récupéré le chèque et donné 3 000 $ en argent comptant en raison de ce qu’elle a décrit comme le [traduction] « besoin urgent d’argent » d’OSCT. À l’appui de cette déclaration, elle a produit un chèque daté du 20 août 2008 au montant de 1 000 $ à l’ordre de NCM avec la ‑mention manuscrite : [traduction] « Le chèque a été retourné et une somme de 3 000 $ en espèces a été versée ». Elle a expliqué qu’elle avait fait la même chose pour OSCT mais qu’elle n’avait plus le chèque en question.

[19]        En ce qui concerne la preuve de la Couronne, le premier témoin était George Nedelkov. Ce dernier a déclaré que, à la suggestion d’une firme spécialisée en déclarations de revenus connue sous le nom de Bright Accounting Services, il a fait en 2007 un don de 200 $ en argent comptant à OSCT $ et a obtenu un reçu d’impôt pour 2 000 $. De même, en 2008, il a fait un don en espèces de 400 $ et a obtenu un reçu pour 4 000 $.

[20]        M. Nedelkov a indiqué que cette frime spécialisée en déclarations de revenus lui a expliqué que cela lui permettrait d’économiser des impôts tout en faisant un apport à une cause digne. Il a accepté cette explication et a déduit le plein montant du reçu à titre de don de bienfaisance dans ses déclarations de revenus pour 2007 et 2008.

[21]        M. Nedelkov a également déclaré que la firme spécialisée en déclarations de revenus lui a plus tard fourni une photocopie de 26 enveloppes de contribution individuelle avec divers montants manuscrits totalisant la valeur nominale du reçu aux fins de l’impôt. Cela était destiné à servir de preuve qu’il avait fait des dons sur une base hebdomadaire, bien que, de son propre aveu, il n’en avait effectué qu’une seule fois ‑lors de la préparation de ses déclarations de revenus.

[22]        La Couronne a également appelé à témoigner Tony Thomas, un vérificateur de la conformité de l’Agence du revenu du Canada (ARC) qui avait travaillé sur des organismes de bienfaisance et qui avait directement participé à la vérification d’OSCT. La vérification avait finalement mené à la révocation du statut d’organisme de bienfaisance en janvier 2011.

[23]        Il a expliqué que le livre et les registres de l’organisme de bienfaisance étaient totalement inadéquats et que le montant des reçus délivrés pour dons de bienfaisance excédait largement les sommes reçues. Il a conclu que les reçus ne reflétaient pas le montant des dons encaissés.

[24]        En ce qui concerne HOE, M. Thomas a indiqué qu’il n’avait pas participé directement à la vérification. Toutefois, il a examiné le rapport de vérification de l’ARC préparé par le vérificateur maintenant à la retraite. Il était évident pour lui que les livres et registres de l’organisme de bienfaisance étaient inadéquats et que la valeur des reçus pour dons de bienfaisance dépassait largement la somme d’argent reçue. En d’autres termes, il était clair que HOE délivrait des reçus gonflés pour dons de bienfaisance et son statut d’organisme de bienfaisance a été révoqué en janvier 2010.

II. Droit applicable

[25]        Le paragraphe 118.1(1) de la Loi prévoit qu’un contribuable a droit à une déduction pour dons de bienfaisance faits à un organisme de bienfaisance et l’alinéa 118.1(2)a) prévoit que le contribuable doit produire « un reçu contenant les renseignements prescrits ».

[26]        Les renseignements prescrits qui doivent apparaître sur le reçu sont mentionnés à l’article 3501 du Règlement, qui se lit comme suit :

(1)        Tout reçu officiel délivré par une organisation enregistrée doit énoncer qu’il s’agit d’un reçu officiel aux fins de l’impôt sur le revenu et indiquer clairement, de façon à ce qu’ils ne puissent être modifiés facilement, les détails suivants :

a) le nom et l’adresse au Canada de l’organisation ainsi qu’ils sont enregistrés auprès du ministre ;

b) le numéro d’enregistrement attribué par le ministre à l’organisation ;

c) le numéro de série du reçu ;

d) le lieu ou l’endroit où le reçu a été délivré ;

e) lorsque le don est un don en espèces, la date ou l’année où il a été reçu ;

e.1) lorsque le don est un don de biens autres que des espèces :

(i) la date où il a été reçu,

(ii) une brève description du bien, et

(iii) le nom et l’adresse de l’évaluateur du bien si une évaluation a été faite ;

f) la date de délivrance du reçu ;

g) le nom et l’adresse du donateur, y compris, dans le cas d’un particulier, son prénom et son initiale ;

h) celle des sommes ci-après qui est applicable :

(i) le montant du don en espèces,

(ii) lorsque le don est un don de biens autres que des espèces, la juste valeur marchande du bien au moment où le don est fait ;

i) la signature, ainsi qu’il est prévu au paragraphe (2) ou (3), d’un particulier compétent qui a été autorisé par l’organisation à accuser réception des dons ;

j) le nom de l’Agence du revenu du Canada et l’adresse de son site Internet.

[27]        Il est bien établi que les renseignements exigés à l’article 3501 du Règlement sont obligatoires[3] et qu’ « [i]l ne s’agit pas là d’exigences futiles et sans importance »[4]. Au contraire, « ce sont là des renseignements tout à fait fondamentaux et absolument nécessaires pour permettre la vérification d’une part de la justesse de la valeur indiquée et d’autre part, de la réalité même du don. »[5]

[28]        Avant de me pencher sur la question des renseignements qui doivent apparaître sur le reçu officiel, j’ajouterai que le terme « reçu » n’est pas défini dans la Loi, mais qu’il est bien établi dans l’usage et qu’il faut comprendre ce mot dans son acception courante. Enfin, il est approprié de faire référence à la définition d’un dictionnaire : State Farm Mutual Auto Insurance Co. c. La Reine[6] et l’arrêt Federated Co-operatives Ltd. c. La Reine[7] et Blondin c. Canada[8].

[29]        Le Canadian Oxford Dictionary[9] définit le mot « reçu » comme [traduction] « une reconnaissance dactylographiée ou manuscrite faisant foi de l’acceptation de marchandises ou de paiement d’argent », ainsi que [traduction] « un relevé imprimé délivré par un caissier ou une caissière à un client et qui fait état des articles achetés et du mode de paiement (comme dans le cas d’un reçu de caisse enregistreuse) ».

[30]        Le Oxford English Dictionary[10] définit un reçu comme une [traduction] « reconnaissance écrite d’argent ou des marchandises reçues, que ce soit sous forme de don ou de prêt », et dans le Webster’s Ninth New Collegiate Dictionary[11], il est défini comme un « écrit en reconnaissance de la réception de produits ou d’argent ».

[31]        En d’autres termes, un reçu est un document écrit remis en échange de la réception d’argent, de biens ou de services, reflétant le montant réel d’argent ou la juste valeur marchande des biens ou services reçus.

[32]        Il s’ensuit qu’un document qui porte la mention de « reçu », « reçu pour don de bienfaisance » ou « reçu officiel pour don de bienfaisance » peut ne pas être traité ou accepté à ce titre s’il ne reflète pas fidèlement l’argent payé ou la juste valeur marchande des biens ou des services réellement fournis en échange.

[33]        À supposer que la Cour soit convaincue, à la lumière d’éléments de preuve probants, qu’un reçu reflète un don réel, ce dernier doit tout de même indiquer les renseignements prescrits qui figurent à l’article 3501 du Règlement.

[34]        Un des arrêts faisant autorité sur les reçus pour don de bienfaisance et particulièrement les reçus pour don de bienfaisance gonflé est Castro c. Canada[12], une décision de la Cour d’appel fédérale, affaire dans laquelle plusieurs contribuables avaient admis avoir fait des dons en espèces égaux à 10 % de la valeur nominale des reçus pour dons de bienfaisance. Le juge Scott a fait référence aux dispositions de la Loi et a déclaré ce qui suit :

[81] La principale fonction de la Loi est d’assurer une source de revenus au gouvernement fédéral. Le législateur s’est également servi de la Loi pour créer des mesures incitatives en ce qui concerne les activités privées qui sont bénéfiques pour l’ensemble de la collectivité. Les organismes de bienfaisance enregistrés sont autorisés à délivrer des reçus de charité pour faciliter leur financement.

[82] En vertu de l’article 118.1 de la Loi et du sous-alinéa 3501(1)h)(i) du Règlement, le reçu pour don de bienfaisance permet au contribuable qui fait un don d’obtenir un crédit d’impôt non remboursable en fonction de la juste valeur marchande du don qu’il fait à un organisme de bienfaisance enregistré. Ce crédit d’impôt non remboursable correspond à un pourcentage de la somme donnée ou, si le don est sous la forme d’un bien, à un pourcentage de la juste valeur marchande de ce bien. Le crédit d’impôt vise à inciter les contribuables à faire des dons, car il aide également à réduire l’appauvrissement qui en découle.

[83] Le Règlement a été pris en vue d’assurer l’exactitude et la véracité des reçus pour don de bienfaisance, étant donné que le régime fiscal canadien repose sur le principe de l’autocotisation. Lorsqu’il s’agit d’un don en espèces, aucune preuve documentaire n’atteste le don, hormis la mention du montant exact sur le reçu délivré par l’organisme de bienfaisance enregistré. Dans le cas du don en espèces, l’admissibilité à un crédit d’impôt et le calcul du montant exact de ce crédit sont fonction du reçu officiel délivré par l’organisme de bienfaisance enregistré ; il va donc de soi que si le montant du don en espèces ne figure pas sur le reçu officiel aux fins de l’impôt, le reçu est considéré comme inutilisable au sens du paragraphe 3501(6) du Règlement.

[35]        La Cour n’a pas examiné la question de savoir si les reçus gonflés de dons étaient a priori valides. Le cœur de l’analyse était de savoir s’ils ont respecté les exigences techniques du Règlement. À mon avis, cela n’empêche pas de conclure que les reçus gonflés de dons ne sont pas véritablement des reçus, étant donné que la Cour est convaincue que le don n’a pas réellement été effectué et que le document qui est censé être un reçu est en fait d’une nature fictive.

III. Analyse et résumé des conclusions

[36]        Il est évident que la Cour doit examiner la question de la crédibilité de l’appelante. En particulier, la Cour doit être convaincue qu’elle était honnête et franche et que son exposé des faits était à la fois plausible et probable.

[37]        Quand je considère le témoignage de l’appelante dans son ensemble, après mûre réflexion, je suis amené à conclure que son témoignage était vague et contradictoire et que la preuve documentaire soumise était intéressée et de nature douteuse.

[38]        Pour commencer, la Cour a de la difficulté à accepter l’idée que l’appelante et son mari aient fréquenté une église à laquelle ils ont fait des dons de bienfaisance, parce que, selon l’appelante, [traduction] « ils en avaient les moyens », et que, de son côté, elle fréquentait non seulement une, mais deux autres différentes églises presque tous les dimanches et qu’elle devait, en principe, faire don de l’équivalent de 10 % de son revenu à chacune d’elles.

[39]        Selon la preuve non contestée, l’appelante a fait des dons symboliques à l’église Prince of Peace. Si ces montants reflétaient ce qu’elle et son mari pouvaient se permettre, comment est-il plausible ou même probable qu’elle devait participer aux activités de deux autres églises qui n’étaient pas de sa foi, à qui elle devait donner un montant à peu près égal à 10 % de son revenu d’emploi ? Je conclus qu’il est hautement improbable que ce soit le cas.

[40]        Lorsqu’on lui a demandé de produire des éléments de preuve à l’appui des prétendus dons de bienfaisance totalisant 9 825 $ effectués en 2007 à NCM, elle a produit des copies de chèques faits en 2008 qui n’avaient pas été encaissés. Pendant son interrogatoire, au moment où elle a réalisé qu’elle n’avait pas de chèques annulés pour 2007, elle a expliqué qu’elle avait seulement fait des dons en espèces au cours de cette année-là. Compte tenu de la somme d’argent en cause, je conclus que l’explication de dernière minute force la crédulité de la Cour et ne constitue pas véritablement une réponse franche.

[41]        Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle avait décidé de se joindre à NCM, et par la suite, à HOE, son témoignage était vague, au mieux. Elle a expliqué qu’elle avait déménagé et que ces églises étaient plus près de chez elle. Toutefois, au cours du‑ contre-interrogatoire, elle a admis que, en fait, elle n’avait pas déménagé. Les nouvelles raisons données pour expliquer pourquoi elle avait changé d’églises étaient tout aussi peu convaincantes.

[42]        En ce qui a trait à l’organisation connue sous le nom d’OSCT, l’appelante a déclaré qu’elle avait initialement fait un chèque qu’elle a plus tard récupéré pour plutôt faire un don en espèces de 3 000 $. Je conclus que son témoignage sur cette question n’était pas crédible.

[43]        En ce qui concerne les deux organisations connues sous le nom de HOE et d’OSCT, j’accepte la preuve du ministre selon laquelle elles délivraient toutes deux des reçus gonflés pour dons de bienfaisance avant la révocation de leur statut d’organisme de bienfaisance.

[44]        Au bout du compte, la Cour ne peut que spéculer quant au montant d’argent réellement donné par l’appelante aux trois organismes concernés et conclut qu’il est fort peu probable que l’appelante ait réellement fait des dons équivalant à la valeur nominale des reçus présentés.

[45]        Pour les motifs susmentionnés, je conclus que, même si les reçus de dons en question sont décrits comme étant [traduction] « des reçus officiels » ou des documents de nature semblable, ils ne sont effectivement pas des reçus au sens courant du terme.

[46]        Comme je l’ai indiqué précédemment, le ministre a pris la position subsidiaire voulant que les reçus ne contiennent pas les renseignements prescrits énoncés à l’article 3501.

[47]        La Cour conclut que le reçu délivré par NCM est déficient, étant donné que le nom de l’émetteur est incomplet, qu’il ne mentionne ni l’endroit où il a été délivré, ni l’adresse de l’appelante, ni la date d’émission et enfin, ni le montant reçu en argent comptant.

[48]        Le reçu délivré par OSCT est également déficient en ce sens qu’il n’indique ni le nom de l’organisme de bienfaisance enregistré, ni la date d’émission, ni le lieu où il a été délivré.

[49]        Le reçu délivré par HOE semble comporter les renseignements prescrits. Toutefois, il indique clairement que l’appelante aurait fait un don en espèces de 5 200 $. Pourtant, l’appelante a déclaré qu’elle avait effectué la majeure partie de ce don par chèque. Quoi qu’il en soit, j’ai déjà conclu qu’il s’agissait d’un reçu gonflé pour don de bienfaisance et que, pour ce motif, je conclus qu’il n’est pas valide.

IV. Cotisation au delà de la période normale de cotisation

[50]        Après avoir tiré une conclusion quant à la crédibilité de l’appelante et la validité des reçus pour dons de bienfaisance, il faut trancher la question de savoir si le ministre était en droit d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante après la période normale de cotisation conformément au paragraphe 152(4) de la Loi.

[51]        Cette disposition prévoit que le ministre peut établir une nouvelle cotisation pour un contribuable qui a fait « une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi ».

[52]        Un des arrêts faisant autorité sur cette disposition est College Park Motors Ltd. c. Canada[13], 2009, une décision de la Cour canadienne de l’impôt, où le juge Bowie a indiqué au paragraphe 20 :

[20]   Au risque de me répéter, je tiens à souligner encore une fois que le sous-alinéa 152(4)a)(i) est une disposition réparatrice, et non pénale. Elle concilie la nécessité, pour le contribuable, que son obligation fiscale afférente à une année d’imposition soit arrêtée de façon définitive, avec les exigences propres à un système autodéclaratif faisant en sorte que le fisc ne soit pas empêché d’établir une nouvelle cotisation lorsque, en raison de sa conduite, un contribuable a bénéficié d’une cotisation plus avantageuse que celle qui aurait dû être établie, au mieux, par manque de diligence ou d’attention ou, au pire, par fraude volontaire. […] . (…)

[Non souligné dans l’original.]

[53]        Étant donné que j’ai déjà conclu que l’appelante n’avait pas réellement effectué les dons pour lesquels elle a demandé une déduction, il faut donc présumé que les reçus qu’elle avait en sa possession étaient de nature fictive, malgré la mention « reçu officiel ». Elle a néanmoins déduit ces montants dans ses déclarations de revenus pour les années d’imposition 2007 et 2008.

[54]        Pour cette raison, je n’ai aucune difficulté à conclure que l’appelante avait fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, et qu’elle a commis une fraude en produisant sa déclaration de revenus pour ces années, et, par conséquent, le ministre avait le droit d’établir de nouvelles cotisations après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation conformément au paragraphe 152(4) de la Loi.

V. Conclusion

[55]        L’appelante avait le fardeau de convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait fait les dons réclamés pour les années d’imposition 2007 et 2008. Je conclus qu’elle n’a pas réussi à le faire.

[56]        Pour tous les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, le 19e jour du mois d’août 2016.

« Guy Smith »

Le juge Smith


Référence :

2016 CCI 182

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-2111(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

ESTHER E. GUOBADIA c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

22 février 2016

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Guy R. Smith

DATE DU JUGEMENT :

Le 19 août 2016

COMPARUTIONS :

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

Avocat de l’intimée :

Darren Prevost

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 Pour l’appelante

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]           C.R.C., ch. 945.

[2]           L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.).

[3]           Afovia c. La Reine, 2012 CCI 391, [2012] A.C.I. no 314, au paragraphe 9.

[4]           Plante c. Canada, [1999] A.C.I. no 51, au paragraphe 46.

[5]           Ibid.

[6]           State Farm Mutual Auto Insurance Co. c. La Reine, [2003] A.C.I. no 63, [2003] G.S.T.C. 35.

[7]           Federated Co-operatives Ltd. c. La Reine, [2000] A.C.I. no 93, [2000] 2 C.T.C. 2382, 2000 D.T.C. 1946.

[8]           Blondin c. Canada, [1994] A.C.I. no 987 aux paragraphes 13 à 15, [1996] 1 C.T.C. 2063.

[9]           2d ed (Ontario) : Oxford University Press, 2004), à la page 1289.

[10]          2d ed. (Oxford : Clarendon Press, 1989), à la page 313.

[11]          Springfield Massachussetts : Merriam-Webster, 1985 à la page 982.

[12]          2015 CAF 225.

[13]          2009 CCI 409, [2009] A.C.I. no 316.

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