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Dossier : 2015-3461(IT)I

ENTRE :

ELEONORA RUBINOV-LIBERMAN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 22 février 2016, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Guy R. Smith


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Kaylee Silver

 

JUGEMENT

  L’appel à l’encontre des nouvelles déterminations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle détermination pour le motif que l’appelante et le père partagent la garde des deux enfants depuis le 1er mars 2014. À tous autres égards, je confirme la décision du ministre relativement aux mois restants des années de base 2012 et 2013.

  Il est également ordonné que le dossier de la Cour soit scellé et que l’accès à celui-ci soit limité à la Couronne, aux représentants désignés de la Couronne, à l’appelante, et aux juges et agents du greffe de la Cour canadienne de l’impôt.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’août 2016.

« Guy Smith »

Le juge Smith


Référence : 2016 CCI 188

Date : 20160829

Dossier : 2015-3461(IT)I

ENTRE :

ELEONORA RUBINOV‑­LIBERMAN,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Smith

[1]  En l’espèce, la question en litige est de savoir si l’appelante avait droit à la prestation fiscale canadienne pour enfants (PFCE) et au crédit pour taxe sur les produits et services (CTPS) durant les périodes visées pour le motif qu’elle était la principale fournisseuse de soins ou si, en tant que parent ayant la garde partagée, elle n’avait droit qu’à 50 % de ces prestations.

[2]  Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a fait valoir que l’appelante avait la garde partagée de son fils S depuis janvier 2013 et de sa fille R depuis mars 2014 et que, de ce fait, elle n’avait droit qu’à 50 % des prestations reçues après ces dates.

[3]  La présente affaire concerne un avis de nouvelle détermination qui vise les années de base 2011, 2012 et 2013, mais pas l’année de base 2014 comme il a été expliqué lors de l’audience.

[4]  Pour les motifs exposés ci-dessous, je suis d’avis que la décision du ministre devrait être révisée pour le motif que l’appelante et le père partagent la garde des deux enfants depuis mars 2014.

I. Contexte

[5]  L’appelante et Ilan Liberman (le « père ») ont été mariés et sont les parents biologiques de deux enfants en bas âge. Ils se sont séparés le 1er mai 2012 et ne vivent plus ensemble depuis cette date.

[6]  Nul ne conteste le fait que l’appelante est devenue la principale fournisseuse de soins des deux enfants (S, né le 17 juin 2010, et R, née le 10 avril 2012) après la date de la séparation tandis que le père n’avait que des droits de visite limités, lesquels ont été accrus au fil du temps.

[7]  À titre d’information, il est important de noter que peu après la date de la séparation, l’appelante a entrepris une procédure devant la Cour supérieure de justice de l’Ontario afin de régler diverses questions concernant notamment la garde des enfants, les droits de visite et la pension alimentaire, ce qui a donné lieu à la publication de trois ordonnances de cette cour.

[8]  La première était une ordonnance temporaire datée du 3 octobre 2012. Aux termes de cette ordonnance, le père [traduction] « devait être autorisé à passer du temps avec les deux enfants ». De plus, un droit de visite avec nuitées devait lui être accordé à l’égard de l’aîné, S, les mardis et mercredis de même qu’une fin de semaine sur deux, du vendredi soir au lundi matin (ou jusqu’à 18 h les jours fériés). Un arrangement semblable avait été mis en place à l’égard de la benjamine, R, à l’exception du droit de visite avec nuitée le mercredi.

[9]  La deuxième ordonnance était également temporaire. Datée du 7 février 2014, elle a été rendue à la suite d’une requête présentée par le père visant à accroître son droit de visite à l’égard de S, alors âgé de deux ans, et à lui permettre de passer prendre les enfants à la garderie plutôt qu’au domicile de l’appelante. Cette dernière mesure visait à limiter les conflits.

[10]  Au paragraphe 11 de l’ordonnance, la juge Hughes a confirmé que l’accroissement du droit de visite ne devait pas être utilisé comme un motif pour réduire ou éliminer l’obligation du père de verser une pension alimentaire pour enfants à l’appelante.

[11]  Dans la dernière ordonnance, datée du 30 septembre 2014, l’intitulé de l’instance contenait la mention [traduction] « définitive ». Le juge qui présidait a également prononcé les motifs du jugement dans un document de 33 pages qui a été déposé comme pièce.

[12]  Je n’ai pas l’intention de répéter en détail le contenu des motifs écrits, mais j’inclus, pour mémoire, une observation faite par le juge qui présidait relativement à la question du calendrier des visites du père. Au paragraphe 175, le juge a indiqué ce qui suit :

[traduction]

(175) L’examen des modalités de l’entente conclue par les parties quant à la garde des enfants et au calendrier des visites révèle qu’elles se sont entendues sur un partage à peu près égal de la garde des enfants.

[Non souligné dans l’original.]

[13]  Puisque les parties ont convenu de maintenir le calendrier des visites, l’ordonnance définitive du 30 septembre 2014 détermine simplement que le père doit pouvoir continuer à passer du temps avec les enfants aux termes d’un calendrier des visites sensiblement identique à celui qui avait été établi dans l’ordonnance temporaire du 7 février 2014, à ceci près qu’il prévoit deux semaines durant les vacances scolaires ainsi qu’une rotation pour la semaine de relâche en mars et les fêtes religieuses.

[14]  Même si l’appelante avait demandé la garde complète des enfants, les motifs du jugement établissaient (aux paragraphes 225(a) et (b)) que [traduction] « les parties devaient avoir la garde partagée des enfants issus du mariage » et [traduction] « prendre conjointement les décisions importantes relatives à la santé, à l’éducation, à la religion et au bien-être général des enfants ».

[15]  Les motifs contenaient également une disposition relativement à la pension alimentaire pour enfants payable par le père et fondée sur les « Lignes directrices sur les aliments pour les enfants » de l’Ontario. Les frais spéciaux et extraordinaires devaient être partagés par les parties proportionnellement à leur revenu.

[16]  Bien que l’ordonnance définitive soit datée du 30 septembre 2014, elle n’a été rendue et signée par le juge qui présidait que le 22 janvier 2015. Selon l’appelante, le délai écoulé était attribuable au fait que le père refusait d’approuver le projet d’ordonnance sur les plans de la forme et du contenu.

[17]  Ni les motifs du jugement ni l’ordonnance définitive ne font référence à la PFCE ou au CTPS, mais il est évident que les deux parties avaient l’obligation continue de divulguer leur revenu. Il était également clair, d’après le témoignage de l’appelante, que ces prestations avaient été déclarées et prises en compte dans son revenu mensuel.

II. Les faits

[18]  L’appelante et le père étaient les seuls témoins à l’audience, bien qu’un représentant de l’Agence du revenu du Canada (ARC) ait témoigné relativement aux procédures et processus administratifs entourant une nouvelle détermination.

[19]  Les témoignages ont démontré clairement que les deux parties sont des parents dévoués et à l’écoute, mais que leur relation demeure tendue et acrimonieuse.

[20]  La position de l’appelante est que, depuis la date de la séparation, elle a la garde des enfants et elle est leur principale fournisseuse de soins. Elle affirme que les ordonnances temporaires étaient simplement des calendriers des visites dont le but était de permettre au père de [traduction] « passer du temps avec les deux enfants » (juge Kaufman, paragraphe 2, ordonnance temporaire du 3 octobre 2012). Elle fait valoir que même si le temps que le père et elle passaient avec les enfants semblait équivalent, c’était principalement elle qui assumait le rôle parental.

[21]  Plus particulièrement, elle affirme que le père ne respectait pas le calendrier des visites établi dans l’ordonnance temporaire du 2 octobre 2012 et qu’elle était obligée d’aller chercher les enfants à la garderie, de leur faire prendre un bain, de les changer et de les nourrir, notamment les mercredis et vendredis, avant que le père passe les prendre pour la nuit ou la fin de semaine. La situation est demeurée ainsi au moins jusqu’au 7 février 2014, soit la date de la deuxième ordonnance temporaire.

[22]  Nonobstant le calendrier des visites révisé, lequel semblait accorder aux deux parties un droit d’accès équivalent aux enfants, l’appelante soutient qu’en cas de problèmes à la garderie, c’était elle qui se chargeait de régler la situation puisque le père travaillait. Elle a ajouté que lors des fêtes religieuses ou lorsque les enfants étaient malades, ils restaient à la maison avec elle et non avec le père puisque ce dernier travaillait.

[23]  L’appelante a déclaré dans son témoignage que c’était elle qui accompagnait les enfants à leurs rendez-vous chez le médecin, bien qu’elle ait reconnu que le père les avait accompagnés à quelques reprises. Elle a présenté des lettres et des détails concernant de nombreuses visites auxquelles elle a assisté.

[24]  Au cours du contre-interrogatoire, elle a admis qu’elle avait approuvé le calendrier des visites établi dans l’ordonnance définitive et que ce calendrier constituait un prolongement du calendrier qui avait été établi dans l’ordonnance temporaire du 7 février 2014, mais elle a soutenu qu’elle l’avait approuvé uniquement pour être en mesure de régler toutes les autres questions et qu’une instance visant la modification du calendrier des visites du père était prévue pour le mois de juin 2016.

[25]  L’appelante a précisé qu’à son avis, le père n’avait réellement la garde conjointe que depuis le 22 janvier 2015, la date à laquelle l’ordonnance définitive a été prononcée.

[26]  Comme il a été mentionné précédemment, le ministre a appelé le père comme premier témoin. Ce dernier a soutenu qu’il avait respecté toutes les ordonnances de la cour à la lettre.

[27]  Il a indiqué que si des problèmes survenaient à la garderie pendant que les enfants résidaient avec lui, il se chargeait de régler la situation. Il a également mentionné qu’il avait accompagné les enfants chez le médecin à plusieurs reprises et qu’il l’aurait fait plus souvent s’il avait été informé des rendez-vous prévus. Il a en outre décrit les activités pratiquées durant les fins de semaine, notamment des activités sportives.

[28]  Avec l’aide de l’avocat, le père a fourni des exemples de ses activités parentales visées par les divers critères énoncés à l’article 6302 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le « Règlement »), auquel je ferai référence ci-dessous.

[29]  En ce qui concerne le père, il a la garde partagée de S au moins depuis janvier 2013 de même que la garde partagée de sa fille R au moins depuis le 1er mars 2014, suivant la deuxième ordonnance temporaire datée du 7 février 2014.

[30]  Au cours du contre-interrogatoire par l’appelante, le père a expliqué qu’il s’était renseigné au sujet de la PFCE et du CTPS au début de 2014, qu’il avait recueilli les documents à l’appui nécessaires et qu’il avait présenté une demande à l’ARC à l’automne 2014. Lorsqu’il s’est vu demander pourquoi il avait attendu après l’audience de la Cour supérieure de justice ayant mené à l’ordonnance définitive du 30 septembre 2014, il a répondu qu’il avait ses raisons et, plus précisément, qu’il avait présenté une demande à la suggestion des agents de l’ARC avec lesquels il avait traité.

[31]  Je conclus mon examen des faits en précisant qu’aucune des parties n’a présenté de tableau, de calendrier, d’agenda ou de sommaire quotidien détaillé concernant le temps passé avec les enfants. Les témoignages sont demeurés de nature générale.

III. La loi

[32]  Comme il a été mentionné précédemment, le régime de la PFCE est défini à l’article 122.6 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Cet article contient plusieurs définitions importantes :

particulier admissible S’agissant, à un moment donné, du particulier admissible à l’égard d’une personne à charge admissible, personne qui répond aux conditions suivantes à ce moment :

a)  elle réside avec la personne à charge;

b)  elle est la personne – père ou mère de la personne à charge – qui :

(i) assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge et qui n’est pas un parent ayant la garde partagée à l’égard de celle-ci,

(ii) est un parent ayant la garde partagée à l’égard de la personne à charge;

c)  elle réside au Canada ou, si elle est l’époux ou conjoint de fait visé d’une personne qui est réputée, par le paragraphe 250(1), résider au Canada tout au long de l’année d’imposition qui comprend ce moment, y a résidé au cours d’une année d’imposition antérieure;

[...]

Pour l’application de la présente définition :

f) si la personne à charge réside avec sa mère, la personne qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de la personne à charge est présumée être la mère;

g) la présomption visée à l’alinéa f) ne s’applique pas dans les circonstances prévues par règlement;

h) les critères prévus par règlement serviront à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne.

[Non souligné dans l’original.]

parent ayant la garde partagée S’entend, à l’égard d’une personne à charge admissible à un moment donné, dans le cas où la présomption énoncée à l’alinéa f) de la définition de particulier admissible ne s’applique pas à celle-ci, du particulier qui est l’un des deux parents de la personne à charge qui, à la fois :

a) ne sont pas, à ce moment, des époux ou conjoints de fait visés l’un par rapport à l’autre;

b) résident avec la personne à charge sur une base d’égalité ou de quasi‑égalité;

c) lorsqu’ils résident avec la personne à charge, assument principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de celle-ci, ainsi qu’il est déterminé d’après des critères prévus par règlement.

[Non souligné dans l’original.]

[33]  Après la date de la séparation jusqu’aux périodes visées (janvier 2013 pour S et mars 2014 pour R), il est évident que l’appelante bénéficiait de la présomption énoncée à l’alinéa 122.6 particulier admissible f), puisque les deux enfants résidaient avec elle et, étant la mère, elle était présumée être le parent qui assumait principalement la responsabilité pour leur soin et leur éducation.

[34]  Cependant, la présomption en faveur de la mère est réfutable lorsque les deux parents sont visés par la définition de « parent ayant la garde partagée » ou lorsqu’un autre parent a présenté une demande en soutenant être le principal fournisseur de soins aux termes de l’alinéa 6301(1)d) du Règlement.

[35]  En l’espèce, le père a présenté une demande à l’ARC à l’automne 2014 et le ministre a conclu que l’appelante et le père étaient tous deux visés par la définition de « parent ayant la garde partagée » du fait que les deux enfants résidaient avec chacun d’eux « sur une base d’égalité ou de quasi-égalité » et du fait qu’ils assumaient principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation des enfants lorsque ceux-ci résidaient avec chacun d’eux, compte non tenu des facteurs énoncés dans l’article 6302 du Règlement :

Critères
 6302 Pour l’application de l’alinéa h) de la définition de particulier admissible à l’article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible :

a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b) le maintien d’un milieu sécuritaire là où elle réside;

c) l’obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d) l’organisation pour elle d’activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu’elle est malade ou a besoin de l’assistance d’une autre personne;

f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g) de façon générale, le fait d’être présent auprès d’elle et de la guider;

h) l’existence d’une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

IV. Analyse

[36]  Afin de trancher l’affaire en l’espèce, la Cour doit tenir compte de la définition de « parent ayant la garde partagée » et déterminer, à la lumière des éléments de preuve :

1.  si les enfants résidaient avec l’appelante et le père « sur une base d’égalité ou de quasi-égalité »;

2.  si, lorsque les enfants résidaient avec eux, les parents assumaient principalement la responsabilité pour leur soin et leur éducation, conformément aux facteurs énoncés dans l’article 6302 du Règlement.

[37]  La définition signifie qu’un parent doit satisfaire aux deux exigences. En l’espèce, je conclus que lorsque les enfants résidaient avec eux, les deux parents ont assumé la responsabilité de l’éducation de ceux-ci.

[38]  Toutefois, l’existence de trois ordonnances de la Cour supérieure de justice de l’Ontario ne doit pas être négligée puisqu’elles posent un problème particulier pour ce qui est de déterminer si les parties étaient des « parents ayant la garde partagée » au sens de la définition énoncée dans la Loi. À première vue, il est difficile de contester la position de l’appelante selon laquelle le père avait seulement un calendrier des visites de la date de la séparation jusqu’à l’ordonnance définitive du 30 septembre 2014, dans laquelle la Cour supérieure de justice de l’Ontario a déterminé que le père aurait [traduction] « la garde partagée des enfants issus du mariage » et, par conséquent, qu’il [traduction] « participerait conjointement aux décisions relatives à la santé, à l’éducation, à la religion et au bien-être général des enfants ».

[39]  L’appelante fait essentiellement valoir que le père ne peut pas être considéré comme un parent ayant la garde partagée à compter des dates avancées par le ministre puisque l’ordonnance de la Cour établissant qu’il était un parent ayant la garde n’a été rendue que le 30 septembre 2014 (quoiqu’elle soutienne que la date devrait plutôt être le 22 janvier 2015, date à laquelle l’ordonnance définitive a été délivrée).

[40]  De plus, la deuxième ordonnance datée du 7 février 2014 indiquait que l’accroissement du droit de visite du père à l’égard de sa fille n’aurait pas pour effet de réduire son obligation de verser une pension alimentaire pour enfants à l’appelante.

[41]  Compte tenu de la demande présentée par le père au titre de la PFCE et du CTPS (après l’ordonnance définitive du 30 septembre 2014) et de la nature rétroactive de la décision du ministre, le résultat net est que l’admissibilité de l’appelante à la pension alimentaire pour enfants est réduite, bien que ce soit de façon indirecte par suite de la réduction de son revenu mensuel.

[42]  L’appelante soutient que la demande présentée par le père visait à [traduction] « lui nuire financièrement » puisqu’elle avait manifestement besoin de ces prestations.

[43]  Je ferai remarquer que j’éprouve une certaine difficulté à croire que le père ne cherche qu’à obtenir sa juste part de la PFCE et du CTPS alors qu’il semble qu’il n’ait pas été tout à fait franc dans le cadre des procédures de la Cour supérieure de justice. Plus précisément, il devait savoir et comprendre que ses versements de pension alimentaire pour enfants et pour conjoint seraient établis en fonction du revenu mensuel de l’appelante, lequel comprenait la PFCE et le CTPS. Néanmoins, il a choisi de présenter sa demande à l’ARC après l’ordonnance définitive.

[44]  Bien que je sois tenté de tirer une conclusion négative de l’observation susmentionnée, le rôle de la Cour n’est pas de chercher à faire appliquer les ordonnances de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, que ce soit directement ou indirectement, mais bien de les prendre en compte, comme les divers autres facteurs, pour déterminer si un parent, lorsqu’il réside avec la personne à charge, « assume principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de [celle‑ci] », tel qu’il est établi à l’alinéa c) de la définition de « parent ayant la garde partagée ».

[45]  Ayant entendu la preuve des deux parties et conclu que l’appelante et le père, lorsqu’ils résidaient avec les enfants, assumaient principalement la responsabilité pour le soin et l’éducation de ceux-ci, la question restant à trancher est de savoir si chacun des parents résidait avec les enfants « sur une base d’égalité ou de quasi-égalité ».

[46]  Comme il a été mentionné précédemment, les parties n’ont pas présenté de tableau, d’agenda ou de calendrier détaillé pour aider la Cour à effectuer une analyse quantitative. Il a cependant été demandé à l’appelante, durant le contre‑interrogatoire, si elle était d’accord pour dire que le père avait la garde des deux enfants 7 jours sur 14. Elle n’était pas d’accord.

[47]  La signification de « sur une base d’égalité ou de quasi-égalité » de même que la jurisprudence traitant de cette question ont été récemment examinées en détail dans l’affaire Morrissey v. The Queen (2016 TCC 178), dans laquelle le juge Sommerfeldt a conclu (au paragraphe 64) que la mesure acceptable, en pourcentage, allait de 55/45 à 60/40.

[48]  Avant le 1er mars 2014, j’estime que le conflit entre les parties était tel que l’appelante assumait plus que sa part de responsabilités pour ce qui est d’aller chercher les enfants à la garderie et que, durant la semaine, le droit de visite du père était en réalité d’un soir et une nuit et pas d’une journée complète de 24 heures.

[49]  Tout bien pesé, je conclus que les enfants étaient sous la responsabilité de l’appelante plus de 60 % du temps jusqu’en mars 2014, mais que, par la suite, les deux parents ont partagé les responsabilités parentales sur une base d’égalité ou dans une mesure acceptable.

[50]  Je juge cette conclusion conforme à l’ordonnance définitive du 30 septembre 2014, dans laquelle le juge qui présidait a fait observer (au paragraphe 175 des motifs du jugement, mentionné précédemment) que l’approbation, par les parties, d’un calendrier des visites révisé signifiait qu’elles s’étaient entendues sur [traduction] « un partage relativement égal de la garde des enfants ». Ce calendrier révisé renvoyait au calendrier des visites établi le 7 février 2014.

V. Conclusion

[51]  Compte tenu de ce qui précède, j’accueillerais l’appel et renverrais l’affaire au ministre pour réexamen et nouvelle détermination en tenant pour acquis que l’appelante et le père ont la garde partagée des deux enfants depuis le 1er mars 2014. À tous autres égards, je confirme la décision du ministre relativement aux mois restants des années de base 2012 et 2013.

[52]  À la demande du ministre, j’ordonnerais que le dossier de la Cour soit scellé et que l’accès à celui-ci soit limité à la Couronne, aux représentants désignés de la Couronne, à l’appelant, et aux juges et agents du greffe de la Cour canadienne de l’impôt.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour d’août 2016.

« Guy Smith »

Le juge Smith


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 188

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-3461(IT)I

INTITULÉ :

ELEONORA RUBINOV­‑LIBERMAN c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 22 février 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Guy R. Smith

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 août 2016

COMPARUTIONS :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Kaylee Silver

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

[EN BLANC]

Cabinet :

[EN BLANC]

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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