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Dossier : 2015-4367(GST)I

ENTRE :

RAR CONSULTANTS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu le 6 mai 2016, à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L’honorable juge Valerie Miller


Comparutions :

 

Représentants de l’appelante :

Roger Georges Abou-Rached

Douglas Bencze

Avocat de l’intimée :

Me Zachary Froese

 

JUGEMENT

          L’appel visant la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2007 est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de septembre 2016.

« V.A. Miller »

La juge V.A. Miller

 


Référence : 2016 CCI 206

Date : 20160920

Dossier : 2015-4367(GST)I

ENTRE :

RAR CONSULTANTS LTD.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge V.A. Miller

[1]             La question en litige dans le présent appel est de savoir si l’appelante a droit à des crédits de taxe sur les intrants (« CTI ») de 13 582,84 $ pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2007 (la « période »).

[2]             L’appelante était représentée par Roger Abou-Rached (« M. Rached »). Ce dernier et Douglas Bencze étaient les seuls témoins à l’audience.

[3]             M. Rached a déclaré qu’il était le président-directeur général et le seul administrateur de l’appelante. M. Bencze est le comptable de M. Rached.

Les faits

Historique

[4]             L’appelante a initialement produit sa déclaration de la taxe sur les produits et services (« TPS ») pour la période le 26 avril 2010. Cette déclaration était nulle puisqu’aucune vente, aucune TPS perçue, aucun CTI et aucun impôt net n’avaient été déclarés.

[5]             Le 12 mai 2011, l’appelante a produit sa déclaration de la TPS pour la période du 1er janvier au 31 mars 2011. Dans cette déclaration, l’appelante a réclamé des CTI de 14 712,64 $ à l’égard de fournitures qu’elle aurait prétendument achetées entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2006. La demande a été rejetée. L’appelante a par la suite ramené le montant de sa demande à 13 582,84 $.

[6]             En septembre 2011, l’appelante a informé le ministre du Revenu national (le « ministre ») qu’elle allait transmettre de nouveau sa déclaration afin de demander les CTI de 13 582,84 $ pour la période au lieu de les demander pour la période de 2011.

[7]             L’appelante a ensuite transmis au ministre une déclaration de la TPS datée du 4 octobre 2011 pour la période au cours de laquelle elle demandait les CTI en question. Le ministre a annulé cette déclaration, car une déclaration de la TPS avait déjà été produite et transmise pour cette période.

[8]             Selon M. Rached, l’appelante a transmis de nouveau sa déclaration pour la période sur l’avis de M. Yoon, le vérificateur de l’Agence du revenu du Canada (« ARC »), qui avait refusé ces CTI pour la période de 2011.

[9]             En août 2013, l’appelante a transmis une déclaration modifiée pour la période. Dans cette déclaration, elle demandait de nouveau les CTI de 13 582,84 $. Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelante le 10 février 2014 pour refuser les CTI.

[10]        Les factures présentées à l’appui des CTI en cause concernaient des fournitures et des services fournis directement à IHI Development II Ltd. (« IHI Dev II ») et payés par cette entreprise pendant la période du 1er juillet 2005 au 31 décembre 2006 dans le cadre de ses activités.

[11]        L’appelante s’est opposée à la nouvelle cotisation. M. Rached a affirmé que l’agent des appels avait indiqué que les CTI seraient accordés si les fournisseurs émettaient de nouveau les factures au nom de l’appelante. L’appelante a communiqué avec les fournisseurs et plusieurs d’entre eux ont accepté d’émettre de nouveau les factures à son nom.

Les sociétés

[12]        IHI Dev II est l’une des 27 entreprises constituées en société par M. Rached et sa famille.

[13]        M. Rached a déclaré que l’appelante détenait 80 % de IHI Dev II. D’après un tableau (pièce R-3) préparé par M. Rached le 3 juin 2014, l’appelante possède directement 40 % des actions de IHI Dev II. Elle détient 100 % des actions de IHI Developments Ltd. (« IHI Dev »), qui détient 40 % des actions de IHI Dev II.

[14]        Aucun registre des actionnaires n’a été produit à l’audience pour prouver la participation déclarée par M. Rached ou indiquée dans la pièce R-3.

[15]        Selon une note de service datée du 30 septembre 2007 (pièce A-1) et transmise à l’appelante par IHI Dev, IHI Dev II et International Hi Tech Industries Inc. (« IHI »), IHI Dev II était censée transférer les CTI non demandés à l’appelante. La note de service se lit comme suit :

[traduction]
Date d’entrée en vigueur :      Le 30 septembre 2007

Destinataire :                           RAR Consultants Ltd. (RAR C)

Expéditeurs :                           IHI Development II Ltd. (IHI D II)

                                                IHI Development Ltd. (IHI D)

International Hi Tech industries Inc. (IHI)

La présente porte sur la convention d’achat d’actions datée du 30 septembre 2007 entre RAR Consultants Ltd. et International Hi Tech Industries Inc. concernant l’acquisition de l’actif et du passif de IHI D (une filiale en propriété exclusive de IHI), y compris, sans toutefois s’y limiter, tout rajustement de crédit, après la bonne tenue des registres comptables et la vérification appropriée de IHI D II.

La présente a pour objet de confirmer que les crédits de taxe sur les intrants qui sont fort probablement en cours (s’il y a lieu) en raison des avances d’actionnaires à IHI D II pour financer ses activités et ses dépenses seront crédités en totalité à RAR C.

IHI D II comptabilisera correctement toutes ses dépenses et produira comme il se doit toutes ses déclarations conformément au paragraphe précédent. Cependant, si, pour une raison quelconque, IHI D II ne s’acquitte pas de ses obligations, RAR C aura un accès complet à tous les registres connexes et produira les déclarations au nom de IHI D II pour le crédit de RAR C en vertu des « actifs » que la société a acquis conformément à la convention susmentionnée, qui est entrée en vigueur le 30 septembre 2007.

[16]        Je note que M. Rached a signé la note de service au nom des trois sociétés.

Le droit

[17]        Le régime de la TPS est conçu de manière à ce que la TPS soit payée par le consommateur final. Pour ce faire, un acheteur de produits et de services obtient des crédits pour les intrants qu’il a utilisés dans le cadre de ses activités commerciales. Le paragraphe 169(1) de la Loi sur la taxe d’accise (« LTA ») prévoit ce qui suit :

169 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

A × B

où :

A

représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

B :

a) dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d’une année d’imposition de la personne, le pourcentage que représente l’utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l’utilisation totale qu’elle en faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;

b) dans le cas où le bien ou le service est acquis, importé ou transféré dans la province, selon le cas, par la personne pour utilisation dans le cadre d’améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l’immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l’immobilisation;

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales. [Non souligné dans l’original.]

[18]        Les documents que doit produire un inscrit pour demander un CTI sont énumérés au paragraphe 169(4) de la LTA, qui se lit comme suit :

Documents

(4) L’inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :

a) il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;

b) dans le cas où le crédit se rapporte à un bien ou un service qui lui est fourni dans des circonstances où il est tenu d’indiquer la taxe payable relativement à la fourniture dans une déclaration présentée au ministre aux termes de la présente partie, il indique la taxe dans une déclaration produite aux termes de la présente partie.

[19]        Les renseignements prescrits sont indiqués à l’article 3 du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de crédit de taxe sur les intrants (TPS/TVH), DORS/91-45 (le « Règlement »), et le Règlement doit être respecté à la lettre : Key Property Management Corporation v. The Queen, 2004 CCI 210; Davis c. La Reine, 2004 CCI 662, confirmé par Systematix technology consultants inc. c. Canada, 2007 CAF 226.

[20]        L’expression « activité commerciale » est définie au paragraphe 123(1) de la LTA, qui est rédigé comme suit :

activité commerciale Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

a) l’exploitation d’une entreprise (à l’exception d’une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l’entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

b) les projets à risque et les affaires de caractère commercial (à l’exception de quelque projet ou affaire qu’entreprend, sans attente raisonnable de profit, un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l’ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où le projet ou l’affaire comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées;

c) la réalisation de fournitures, sauf des fournitures exonérées, d’immeubles appartenant à la personne, y compris les actes qu’elle accomplit dans le cadre ou à l’occasion des fournitures.

Analyse

[21]        Pour être admissible à recevoir les CTI en cause, l’appelante devait démontrer qu’elle était tenue, sur le plan contractuel, de payer les fournitures ou services et que les fournitures ou services avaient été acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales : General Motors of Canada Limited c. La Reine, 2008 CCI 117, confirmé par 2009 CAF 114, et Y S I’s Yacht Sales International Ltd c. La Reine, 2007 CCI 306. Or, l’appelante ne l’a pas fait.

[22]        D’après les hypothèses du ministre et la preuve présentée à l’audience, IHI Dev II a acquis les fournitures ou services à l’occasion de ses activités. Les fournisseurs ont fourni les fournitures ou services directement à IHI Dev II. IHI Dev II a reçu les fournitures ou services et a payé la contrepartie qui s’imposait à leur égard.

[23]        L’appelante n’était pas la bénéficiaire des fournitures ou services et n’avait pas droit aux CTI en litige. Le fait d’émettre de nouveau les factures pour ces fournitures et services dix ans après leur acquisition ne permet pas de modifier le bénéficiaire.

[24]        IHI Dev II ne peut pas transférer ses droits aux CTI à l’appelante : Telus Communications (Edmonton) Inc. c. Canada, 2009 CAF 49.

[25]        Je ne crois pas qu’on ait dit à M. Rached qu’il recevrait les CTI s’il faisait émettre de nouveau les factures au nom de l’appelante. Cependant, même si on le lui avait dit, une préclusion ne peut pas être appliquée pour empêcher le ministre d’appliquer les principes appropriés en vertu de la LTA : Hawkes c. Canada, [1997] 2 CTC 133 (CAF), au paragraphe 12. Voir aussi la décision rendue par le juge Bowman (alors juge en chef adjoint de la Cour canadienne de l’impôt) dans Moulton c. La Reine, [2002] 2 CCI 2395, où il a déclaré au paragraphe 11 :

La préclusion du fait du comportement, telle qu’elle s’applique à la Couronne, comprend des déclarations de faits de fonctionnaires de la Couronne sur lesquelles le sujet s’est fondé et en fonction desquelles il a agi, à son détriment.

La doctrine n’a aucune application lorsqu’une interprétation particulière d’une loi a été communiquée à un sujet par un fonctionnaire de l’État, que le sujet s’est fondé sur cette interprétation à son détriment et que le gouvernement a ensuite retiré ou modifié l’interprétation. Dans un tel cas, un contribuable cherche parfois à invoquer la doctrine de la préclusion. Ce n’est pas approprié, non pas parce que ces déclarations donnent lieu à une préclusion qui ne lie pas la Couronne, mais plutôt parce qu’aucune préclusion ne peut se poser lorsque de telles déclarations ne sont pas conformes au droit. Bien que la préclusion soit maintenant un principe de droit positif, elle prend son origine dans le droit de la preuve et, en tant que telle, se rapporte aux déclarations de faits. Elle n’a aucun rôle à jouer lorsque des questions d’interprétation du droit sont en cause, car la préclusion ne peut l’emporter sur le droit.

[26]        IHI Dev II n’a pas demandé ces CTI, car l’entreprise devait de l’impôt et savait que l’ARC déduirait le montant des CTI de l’impôt qu’elle devait.

[27]        C’est la deuxième fois que M. Rached dit à l’une de ses sociétés de demander des CTI qui, normalement, appartenaient à une autre société apparentée. Dans les deux appels, la société qui avait droit à des CTI devait de l’impôt et M. Rached a tenté d’éviter que l’impôt dû soit déduit du remboursement de la société.

[28]        L’avocat de l’intimée a demandé que je condamne l’appelante à payer des dépens de 1 000 $ parce que M. Rached a fait perdre du temps à la Cour en soulevant, dans le présent appel, la même question qu’il avait soulevée dans Garmeco Canada International Consulting Engineers Ltd. c. La Reine, 2015 CCI 194. Cependant, le paragraphe 9(2) des Règles de procédure de la Cour canadienne de l’impôt à l’égard de la Loi sur la taxe d’accise (procédure informelle) (les « Règles ») n’autorise l’adjudication de dépens à l’intimée « que si les actions de l’appelant ont retardé indûment le règlement prompt et efficace de l’appel ». Dans le présent appel, le règlement n’a pas été retardé.

[29]        Il n’a pas été demandé de conclure que M. Rached était un plaideur quérulent et je ne peux pas adjuger des dépens contre lui aux termes de l’article 13.1 des Règles.

[30]        L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de septembre 2016.

« V.A. Miller »

La juge V.A. Miller

 


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 206

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-4367(GST)I

INTITULÉ :

RAR CONSULTANTS LTD. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 mai 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Valerie Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 septembre 2016

 

COMPARUTIONS :

 

Représentants de l’appelante :

Roger Georges Abou-Rached

Douglas Bencze

Avocat de l’intimée :

Me Zachary Froese

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

 

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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