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Dossier : 2014-1744(IT)G

ENTRE :

QUINCO FINANCIAL INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Requête présentée conformément à l'article 58 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) entendue le 29 février 2016, à Calgary (Alberta)

Devant : L'honorable juge Randall S. Bocock

Comparutions :

 

Avocats de l'appelante :

Me Ken Skingle

[EN BLANC]

Me Dan Morrison

Avocats de l'intimée :

Me Rosemary Fincham

[EN BLANC]

Me Shubir (Shane) Aikat

 

ORDONNANCE MODIFIÉE

  Vu la requête des parties conformément à l'article 58 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) afin que la Cour tranche une question mixte de fait et de droit (la « question relative à l'article 58 »);

  Et vu les observations des avocats des parties;

  Conformément aux motifs ci‑joints, la Cour tranche la question de la façon suivante : si le ministre du Revenu national s'est fondé, comme en l'espèce, sur l'article 245 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») pour supprimer des pertes en capital lors de l'établissement d'une nouvelle cotisation à l'égard de l'impôt sur le revenu de l'appelante pour une année d'imposition, les intérêts sur arriérés visés au paragraphe 161(1) de la Loi courent pendant la période allant de la date d'exigibilité du solde applicable au contribuable pour l'année jusqu'à l'établissement de cette nouvelle cotisation.

  Les dépens sont adjugés à l'intimée conformément au tarif, sous réserve du droit des deux parties de présenter des observations supplémentaires dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance.

  La présente ordonnance modifiée remplace l'ordonnance du 1er septembre 2016 afin de corriger la date de l'audience.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de mars 2017.

« R.S. Bocock »

Le juge Bocock


Référence : 2016 CCI 190

Date : 20160901

Dossier : 2014-1744(IT)G

ENTRE :

QUINCO FINANCIAL INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

Le juge Bocock

I. Introduction

[1]  Le 26 octobre 2015, le juge C. Miller de la Cour a prononcé une ordonnance relative à l'article 58 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale). Il a ordonné que la question mixte de fait et de droit suivante soit tranchée en vertu de cet article (la « question relative à l'article 58 ») :

[TRADUCTION]

Si le ministre du Revenu national s'est fondé, comme en l'espèce, sur l'article 245 de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) (la « Loi ») pour supprimer des pertes en capital en établissant une nouvelle cotisation à l'égard de l'impôt sur le revenu de l'appelante pour une année d'imposition, les intérêts sur arriérés visés au paragraphe 161(1) de la Loi peuvent‑ils courir pendant la période allant de la date d'exigibilité du solde applicable au contribuable pour l'année jusqu'à l'établissement de cette nouvelle cotisation?

II. Bref résumé des faits pertinents et question principale en litige dans la requête

[2]  Par un avis de nouvelle cotisation du 7 avril 2009, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une nouvelle cotisation à l'égard de l'obligation fiscale de l'appelante pour l'exercice terminé le 27 août 2004 conformément à la disposition générale anti‑évitement (« DGAÉ »). Selon la nouvelle cotisation :

a)  il y a eu une série d'opérations, et certaines opérations n'ont pas été effectuées dans un but véritable autre que d'obtenir l'avantage fiscal découlant de la déduction d'une perte en capital révisée de 29 266 139 $;

b)  ces opérations ont conduit au contournement des articles 38, 39 et 40 de la Loi et à un abus dans l'application de ces dispositions et ont entraîné, directement ou indirectement, un abus dans l'application de la Loi lue dans son ensemble.

[3]  Dans la nouvelle cotisation, le ministre a augmenté l'impôt de la partie I de 5 236 687 $, a réduit l'impôt de la partie I.3 de 163 890 $ et a augmenté l'impôt de la partie IV de 10 364 670 $, soit un rajustement net de l'impôt fédéral total de 15 437 467 $, et a augmenté le montant du remboursement au titre des dividendes visé à l'article 129 de la Loi de 9 359 494 $.

[4]  Selon le même avis de nouvelle cotisation, le ministre a imposé des intérêts sur arriérés à l'appelante. Le ministre a calculé la différence entre la dette fiscale de l'appelante pour l'année aux termes de la partie I et le total des montants versés par l'appelante au plus tard à la « date d'exigibilité du solde », soit le 28 octobre 2004.

[5]  Par avis d'opposition du 19 juin 2009, l'appelante ici en cause, la successeur de la société d'abord visée par la cotisation, s'est opposée à l'avis de nouvelle cotisation.

[6]  La Cour n'est saisie d'aucune question de fond concernant la DGAÉ autre que la date à partir de laquelle les intérêts devraient courir. Pour l'appelante, la question relative à l'article 58 peut être formulée simplement : des intérêts sur arriérés courent‑ils sur l'impôt payable par l'appelante déterminé en vertu de la DGAÉ à partir de la date d'exigibilité du solde jusqu'à la date de la nouvelle cotisation établie en vertu de la DGAÉ?

III. Les questions sous‑jacentes quant à la date à partir de laquelle les intérêts sur arriérés courent dans le cas d'une nouvelle cotisation en application de la DGAÉ

[7]  Dans leurs observations, les parties ont soulevé plusieurs questions sous‑jacentes quant à la question principale relative à l'article 58. Ces questions sous‑jacentes et les observations des parties peuvent se regrouper et se résumer comme suit.

a)  La nature de l'obligation fiscale découlant de la DGAÉ

La thèse de l'appelante

[8]  L'appelante affirme que l'obligation fiscale découlant de la DGAÉ et la méthode utilisée pour établir la nouvelle cotisation constituent des fondements distincts pour établir l'obligation fiscale en comparaison aux autres dispositions de la Loi. La conformité stricte et littérale aux autres dispositions de la Loi est remplacée par la DGAÉ lorsque l'avantage fiscal obtenu est contraire à l'objet général et à l'esprit de la Loi. Lorsque la DGAÉ l'emporte sur les autres dispositions, la nouvelle obligation fiscale résulte de la suppression de l'avantage fiscal (Copthorne Holdings Ltd. c. La Reine, 2007 CCI 481 (le « jugement Copthorne »), au paragraphe 77). Lorsque le ministre établit la cotisation en vertu de la DGAÉ, il doit déterminer les attributs fiscaux raisonnables dans les circonstances conformément au paragraphe 245(5) afin de supprimer l'avantage fiscal. Selon la jurisprudence de longue date, la DGAÉ permet l'imposition d'attributs fiscaux afin de supprimer l'avantage fiscal, mais elle ne permet pas de donner une nouvelle qualification fiscale à l'opération (Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, au paragraphe 39; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, au paragraphe 30).

[9]  L'appelante reconnaît que cela va à l'encontre de la conclusion sous‑jacente du juge Hogan dans J.K. Read Engineering Ltd. c. La Reine, 2014 CCI 309. Dans ce jugement, le juge a décrit le jugement Copthorne comme suit : (i) l'application de la DGAÉ afin de donner une nouvelle qualification aux opérations (au paragraphe 9); (ii) la conclusion que le contribuable avait omis de satisfaire à ses obligations en matière de retenue (par. 215(1), au paragraphe 14); (iii) l'annulation de la pénalité relative à la retenue (par. 227(8)), une violation technique, le contribuable ayant fait preuve de diligence raisonnable (au paragraphe 17). Pour ces motifs, l'appelante soutient que notre Cour ne devrait pas tenir compte du jugement J.K. Read Engineering et de ses conclusions. Les nouveaux attributs fiscaux qui annulent l'avantage fiscal sont plutôt le seul fondement de la cotisation en vertu de la DGAÉ. En l'espèce, il s'agirait du refus des pertes en capital découlant d'opérations par ailleurs non perturbées.

La thèse de l'intimée

[10]  L'intimée affirme que la DGAÉ (l'article 245) de la Loi en fait partie intégrante et qu'elle s'intègre aux autres parties de la Loi. Sa structure entière fait référence à la Loi et toutes les dispositions liées entre elles doivent être interprétées comme un tout. Lorsqu'une opération remplit les conditions d'application, la DGAÉ s'applique automatiquement. Le refus de l'avantage fiscal survient parce que la DGAÉ permet de tenir compte de l'objet et de l'esprit de la Loi (Copthorne Holdings Ltd. c. La Reine, [2011] 3 R.C.S. 721, 2011 CSC 63, au paragraphe 66 (l'« arrêt Copthorne »)). Lorsqu'il applique la DGAÉ, le ministre peut déterminer les attributs fiscaux afin de rajuster certaines sommes (paragraphes 245(1), définition du terme « avantage fiscal », et 245(5), attributs fiscaux à déterminer). Grâce à la DGAÉ, le ministre rajuste l'impôt par ailleurs payable en vertu d'une autre partie de la Loi en appliquant les attributs fiscaux raisonnables nécessaires afin de supprimer l'avantage fiscal. Il s'agit d'un des outils à la disposition du ministre pour établir des cotisations en vertu d'autres parties de la Loi (S.T.B. Holdings Ltd. c. La Reine, 2002 D.T.C. 1254 (C.C.I.), au paragraphe 24, conf. par [2003] 3 C.F. 626, 2002 CAF 386, autorisation de pourvoi refusée, [2002] S.C.C.A. no 513 (QL). Par ailleurs, on détermine souvent l'impôt de la partie I en ayant recours à différentes dispositions de la Loi. Il en va de même pour la DGAÉ. En l'espèce, une perte en capital a été refusée, le revenu imposable a été augmenté et l'« impôt payable » en souffrance est ainsi né.

[11]  En outre, l'intimée soutient que la dette fiscale découle de la Loi en général, et non d'une cotisation précise (R. c. Simard‑Beaudry Inc., [1971] C.F. 396, p. 403, par. 20). La distinction entre les cotisations établies ou non en vertu de la DGAÉ n'est pas conforme au principe fondamental voulant que l'obligation fiscale d'une année découle de la Loi dans son ensemble. Par conséquent, le juge Hogan a affirmé à juste titre, dans J.K. Read Engineering, que la DGAÉ s'appliquait dès le départ. Le fait que le ministre invoque la DGAÉ n'a pas pour effet de créer une « opération d'évitement » ou un « abus ». L'existence de l'opération d'évitement ou de l'abus découle de la Loi, tout comme la détermination, le cas échéant, des attributs fiscaux raisonnables pour refuser l'avantage fiscal. Des cotisations tardives, incorrectes ou modifiées ne changent rien à l'obligation du contribuable découlant de la Loi.

b)  L'autocotisation par le contribuable de l'obligation fiscale découlant de la DGAÉ

La thèse de l'appelante

[12]  L'appelante soutient qu'un contribuable ne peut établir une autocotisation en ayant recours à la DGAÉ. Par exemple, selon les autres dispositions de la Loi, un contribuable peut déclarer un revenu moindre (ou un autre montant semblable) tout en indiquant un impôt à payer plus élevé. À la suite de la cotisation, le contribuable peut interjeter appel en utilisant le revenu déclaré moindre (ou un autre montant semblable), mais puisqu'il a versé l'impôt plus élevé, aucun intérêt ne court à l'encontre du contribuable. Selon l'appelante, ceci n'est pas possible avec la DGAÉ, pour deux raisons, la première étant que seul le ministre décide de l'abus d'une disposition, et la deuxième étant les attributs raisonnables afin de supprimer l'« avantage fiscal ». Bref, le contribuable ne peut assumer la responsabilité du ministre d'établir l'abus ou de déterminer quels sont les attributs raisonnables découlant de la cotisation fondée sur la DGAÉ.

[13]  Le paragraphe 245(4) de la Loi décrit les obligations du ministre lorsqu'il invoque la DGAÉ. Il appartient au ministre d'invoquer et d'établir ces exigences lorsqu'il interprète les dispositions de la Loi (Hypothèques Trustco Canada c. Canada, précité, aux paragraphes 64 et 65). De même, le résultat fiscal réévalué, en tenant compte des attributs fiscaux raisonnables supprimant l'avantage fiscal, est incertain et imprévisible (arrêt Copthorne, au paragraphe 123). Le contribuable doit attendre la cotisation du ministre. L'« abus » allégué, l'« avantage fiscal » et les attributs fiscaux raisonnables qui annulent l'avantage fiscal apparaissent dans la cotisation, et le contribuable n'en prend connaissance que lors de l'établissement de la cotisation. L'appelante se demande comment elle pourrait exécuter les tâches du ministre, calculer l'impôt avec précision et le payer au plus tard à la date d'exigibilité du solde conformément à l'hypothèse du ministre. En l'espèce, la cotisation selon la DGAÉ a été établie environ quatre ans et demi après la date d'exigibilité du solde.

La thèse de l'intimée

[14]  L'intimée affirme que l'appelante avait le choix de tenir compte de la DGAÉ et des attributs fiscaux raisonnables qui découlent tous deux de la disposition sur l'abus ou de s'abstenir d'effectuer les opérations donnant lieu à l'« avantage fiscal » et de produire sa déclaration en conséquence. Non seulement la Loi ne l'interdit pas, mais elle prescrit que chaque contribuable doit estimer l'impôt qu'il doit en vertu de toute disposition de la Loi (Lambert c. La Reine, [1977] 1 C.F. 199, par. 204, au paragraphe 10). Ceci comprend la DGAÉ. L'impôt payable est déterminé en fin de compte par la cotisation ou par la nouvelle cotisation conformément aux dispositions de la Loi. L'autocotisation est incertaine en soi, mais il y a des droits et un recours à un examen judiciaire indépendant (Lipson c. Canada, [2009] 1 R.C.S. 3, 2009 CSC 1, au paragraphe 52). Encore une fois, l'article 245 ne diffère pas.

[15]  L'intimée soutient que la difficulté de l'autocotisation en application de la DGAÉ découle des paragraphes 245(6) à 245(8) inclusivement. Plus précisément, le paragraphe 245(7) de la Loi dispose que les autres contribuables (qui ne sont pas visés par la DGAÉ) doivent demander au ministre d'utiliser les dispositions relatives à la DGAÉ, quoique le fait qu'il s'agisse d'un paragraphe distinct étaye le principe que tous les contribuables qui font directement l'objet d'une cotisation doivent tenir compte de la DGAÉ lorsqu'ils produisent leur déclaration. Conclure autrement rendrait inutile l'édiction des paragraphes 245(6) à 245(8) (Mathew c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 643, 2005 CSC 55, et Notes explicatives du ministère des Finances du 30 juin 1988).

[16]  Par ailleurs, l'intimée affirme que les passages du jugement Copthorne invoqués par l'appelante n'abordaient pas l'intérêt à payer à la suite d'une cotisation établie en vertu de la DGAÉ, mais plutôt l'annulation d'une pénalité imposée pour omission d'effectuer une retenue en vertu de la partie XIII en raison de l'application des dispositions sur les « attributs fiscaux » menant à la suppression de l'avantage fiscal. La Cour a jugé que la position prise par le contribuable lors de la production de sa déclaration était conforme à l'application littérale de la Loi. Les conclusions sur cette question dans le jugement Copthorne portaient sur la pénalité imposée en vertu de la partie XIII et non sur les intérêts.

c)  Le cadre légal en matière d'intérêts sur arriérés en vertu de la DGAÉ

La thèse de l'appelante

[17]  L'appelante affirme que si le législateur avait voulu que des intérêts sur arriérés courent avant la date de la cotisation établie en application de la DGAÉ, il aurait adopté une disposition précise. Des dispositions précises existent effectivement pour les intérêts sur les pénalités. Comme dans le cas de la DGAÉ, le ministre établit les pénalités. Avant les modifications légales apportées au paragraphe 161(11) de la Loi, aucun intérêt ne courait sur les pénalités avant la cotisation. Cela vaut toujours pour certaines pénalités aux termes de l'alinéa 161(11)c) de la Loi, qui vise les pénalités qui ne sont pas expressément mentionnées ailleurs. En principe, les pénalités qui relèvent du contrôle du contribuable ou de sa connaissance accumulent des intérêts à partir de la date d'exigibilité du solde, ce qui n'est pas le cas des autres pénalités. De la même façon, l'appelante affirme que l'application de la DGAÉ est hors du contrôle du contribuable ou de sa connaissance. Dans le jugement Copthorne, la juge Campbell a jugé qu'une pénalité ne pouvait découler de la partie XIII qu'après la nouvelle cotisation.

[18]  Par ailleurs, à quel moment précis les intérêts devraient‑ils commencer à s'appliquer? L'appelante soutient que ce moment est impossible à établir lors d'une série d'opérations entraînant des abus pendant plusieurs années d'imposition (Triad Gestco Ltd. c. La Reine, 2011 CCI 259, au paragraphe 72, conf. par [2014] 2 R.C.F. 199, 2012 CAF 258). Une confusion semblable surviendrait dans les faits dans Copthorne. Par défaut, le seul point de départ sûr des intérêts sur arriérés est la date de la cotisation établie en application de la DGAÉ. L'uniformité prévaut, car il n'y a aucuns « impôts payables » majorés exigibles en vertu du paragraphe 161(1) de la Loi jusqu'à l'établissement de la cotisation en application de la DGAÉ. Ce n'est que la nouvelle obligation qui survient à ce moment qui crée les impôts payables. Sans ce « principal » exigible, il ne peut y avoir d'intérêts (Reference as to the Validity of Section 6 of the Farm Security Act, 1944 of Saskatchewan, [1947] R.C.S. 394, à la page 412).

La thèse de l'intimée

[19]  L'intimée affirme que la Loi impose des intérêts de façon fort simple : un contribuable doit payer des intérêts calculés au taux prescrit lorsqu'il a, à un moment donné, des impôts impayés supérieurs aux impôts qu'il a payés au plus tard à la date d'exigibilité du solde (voir les termes « le total des impôts payables par le contribuable » au paragraphe 161(1) de la Loi et « date d'exigibilité du solde » au paragraphe 248(1) de la Loi). Le paragraphe 161(1) ne fait aucune distinction pour les impôts payables en vertu de l'article 245 de la Loi. Quoi qu'il en soit, l'article 245 de la Loi détermine, en l'espèce, l'obligation fiscale découlant de la partie I de la Loi. En outre, le paragraphe 161(1) de la Loi renvoie aux impôts payables « pour l'année » qui excèdent les montants payés ou imputés sur l'obligation fiscale « pour l'année ». Selon la jurisprudence, l'impôt à payer pour l'année d'imposition est l'impôt établi en fin de compte par la cotisation ou par la nouvelle cotisation pour l'année (Irvine v. M.N.R., (1961) 28 Tax A.B.C. 151, pages 155 et 156, aux paragraphes 23 à 25, et R. c. Zelinski, [1999] A.C.F. no 1874 (QL), [2000] 2 C.F. F‑9 (C.A.F.), aux paragraphes 109 et 110).

[20]  Le paragraphe 161(1) est différent du paragraphe 161(11) qui porte sur les pénalités. L'ajout des mots « pour la période allant de la date d'envoi de l'avis de cotisation » au paragraphe 161(11) de la Loi, qui ne sont pas présents au paragraphe 161(1), permet une application cohérente à tous les contribuables de la notion de la date d'exigibilité du solde pour l'année. Aucune justification textuelle n'existe pour faire une distinction entre la cotisation fondée sur la DGAÉ et les autres cotisations.

[21]  Enfin, l'interprétation selon laquelle aucun intérêt ne court avant la date de la cotisation fondée sur la DGAÉ qui est bien fondée récompense le contribuable de la valeur temporelle de l'impôt payable par ailleurs pour la période allant de la date d'exigibilité du solde à la date à laquelle la nouvelle cotisation fondée sur la DGAÉ est établie. Cela serait contraire à l'objet général de restreindre ce qui constitue de l'évitement fiscal abusif.

IV. Analyse

[22]  Comme pour toute analyse textuelle de la sorte, il y a chevauchement et corrélation.

a)  La DGAÉ en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu

Les dispositions légales pertinentes

[23]  Voici les extraits des dispositions pertinentes et applicables de la DGAÉ, à l'article 245 de la Loi, auxquelles les avocats ont fait référence.

245(1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

 « attribut fiscal » S'agissant des attributs fiscaux d'une personne, revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada de cette personne, impôt ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente loi, ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer, en application de la présente loi, le revenu, le revenu imposable, le revenu imposable gagné au Canada de cette personne ou l'impôt ou l'autre montant payable par cette personne ou le montant qui lui est remboursable.

 « avantage fiscal » Réduction, évitement ou report d'impôt ou d'un autre montant exigible en application de la présente loi ou augmentation d'un remboursement d'impôt ou d'un autre montant visé par la présente loi. Y sont assimilés la réduction, l'évitement ou le report d'impôt ou d'un autre montant qui serait exigible en application de la présente loi en l'absence d'un traité fiscal ainsi que l'augmentation d'un remboursement d'impôt ou d'un autre montant visé par la présente loi qui découle d'un traité fiscal.

[...]

Disposition générale anti-évitement

(2) En cas d'opération d'évitement, les attributs fiscaux d'une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d'une série d'opérations dont cette opération fait partie.

[...]

Application du par. (2)

(4) Le paragraphe (2) ne s'applique qu'à l'opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas :

a) qu'elle entraînerait, directement ou indirectement, s'il n'était pas tenu compte du présent article, un abus dans l'application des dispositions d'un ou de plusieurs des textes suivants :

(i) la présente loi,

(ii) le Règlement de l'impôt sur le revenu,

(iii) les Règles concernant l'application de l'impôt sur le revenu,

(iv) un traité fiscal,

(v) tout autre texte législatif qui est utile soit pour le calcul d'un impôt ou de toute autre somme exigible ou remboursable sous le régime de la présente loi, soit pour la détermination de toute somme à prendre en compte dans ce calcul;

b) qu'elle entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l'application de ces dispositions compte non tenu du présent article lues dans leur ensemble.

Attributs fiscaux à déterminer

(5) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2) et malgré tout autre texte législatif, dans le cadre de la détermination des attributs fiscaux d'une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l'avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d'une opération d'évitement :

a) toute déduction, exemption ou exclusion dans le calcul de tout ou partie du revenu, du revenu imposable, du revenu imposable gagné au Canada ou de l'impôt payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

b) tout ou partie de cette déduction, exemption ou exclusion ainsi que tout ou partie d'un revenu, d'une perte ou d'un autre montant peuvent être attribués à une personne;

c) la nature d'un paiement ou d'un autre montant peut être qualifiée autrement;

d) les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l'application des autres dispositions de la présente loi peuvent ne pas être pris en compte.

Demande en vue de déterminer les attributs fiscaux

(6) Dans les 180 jours suivant l'envoi à une personne d'un avis de cotisation, de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire qui tient compte du paragraphe (2) en ce qui concerne une opération, ou d'un avis concernant un montant déterminé en application du paragraphe 152(1.11) en ce qui concerne une opération, toute personne autre qu'une personne à laquelle un de ces avis a été envoyé a le droit de demander par écrit au ministre d'établir à son égard une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire en application du paragraphe (2) ou de déterminer un montant en application du paragraphe 152(1.11) en ce qui concerne l'opération.

Exception

(7) Malgré les autres dispositions de la présente loi, les attributs fiscaux d'une personne, par suite de l'application du présent article, ne peuvent être déterminés que par avis de cotisation, de nouvelle cotisation ou de cotisation supplémentaire ou que par avis d'un montant déterminé en application du paragraphe 152(1.11), compte tenu du présent article.

Obligations du ministre

(8) Sur réception d'une demande présentée par une personne conformément au paragraphe (6), le ministre doit, dès que possible, après avoir examiné la demande et malgré le paragraphe 152(4), établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire ou déterminer un montant en application du paragraphe 152(1.11), en se fondant sur la demande. Toutefois, une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire ne peut être établie, ni un montant déterminé, en application du présent paragraphe que s'il est raisonnable de considérer qu'ils concernent l'opération visée au paragraphe (6).

La jurisprudence

[24]  Bien que les dispositions de la DGAÉ et le régime légal qui s'y rapporte soient relativement simples, leur application est beaucoup plus complexe (arrêt Copthorne, au paragraphe 32). Le juge Rothstein, dans l'arrêt Copthorne, énonce les éléments nécessaires de la DGAÉ : une opération d'évitement, ayant généré un avantage fiscal, dont le but premier était d'obtenir cet avantage fiscal, lequel est annulé lorsqu'il y a eu abus de la Loi.

[25]  Certaines décisions, soit Hypothèques Trustco et l'arrêt Copthorne, établissent les questions à trancher, le fardeau de la preuve et les exigences en matière de preuve lorsque la Cour doit examiner l'application de la DGAÉ.

[26]  Pour ce qui est de la question de l'avantage fiscal, le ministre fait une hypothèse et le contribuable doit la réfuter. Le tribunal doit comparer la méthode suivie (l'opération d'évitement) et une méthode possible qui n'a pas été suivie (une autre opération). La méthode qui n'a pas été suivie, lors de la comparaison, isole l'effet fiscal avantageux de la motivation non fiscale du contribuable (arrêt Copthorne, aux paragraphes 34 et 35).

[27]  Une fois que l'existence d'un avantage fiscal est démontrée, la Cour examine si l'opération donnant lieu à l'avantage fiscal constituait une opération d'évitement. Les opérations d'évitement peuvent être uniques ou faire partie d'une série d'opérations. Le ministre suppose que l'opération ou la série d'opérations a donné lieu à l'avantage fiscal. Le contribuable doit réfuter cette hypothèse. À ce titre, il appartient au contribuable de démontrer, suivant la prépondérance des probabilités, que l'opération (ou la série d'opérations) a été principalement effectuée pour un objet véritable, l'obtention de l'avantage fiscal n'étant pas considéré comme un objet véritable (arrêt Copthorne, au paragraphe 40).

[28]  Le dernier examen est le suivant : l'opération d'évitement entraînerait‑elle un abus dans l'application de la Loi? Il est admis que la conformité littérale et légaliste, qui est normalement habituelle et prédominante dans l'ensemble de la Loi, est, à cette étape finale de l'analyse de la DGAÉ, mise de côté lorsque la conformité littérale est contraire à l'objet ou à l'esprit des dispositions de la Loi invoquées (arrêt Copthorne, aux paragraphes 68 et 69, qui renvoie à Hypothèques Trustco, aux paragraphes 50 et 55). À ce stade‑ci de l'analyse de la DGAÉ, c'est au ministre d'établir, selon la prépondérance des probabilités et selon une analyse textuelle, contextuelle et téléologique, qu'il y a eu abus de l'objet ou de l'esprit d'une disposition. Il est possible que le sens des mots employés par le législateur soit suffisamment clair, mais leur justification découle de la raison de leur adoption (arrêt Copthorne, au paragraphe 70).

[29]  Par conséquent, l'examen de l'opération d'évitement en tenant compte du but identifié révélera un évitement fiscal abusif lorsque l'opération produit un résultat que la disposition visait à empêcher, lorsqu'elle va à l'encontre de la raison d'être de la disposition, ou lorsqu'elle contourne l'application de la disposition d'une manière contraire à son objet ou à son esprit (Hypothèques Trustco, au paragraphe 45, Lipson, au paragraphe 40).

La DGAÉ fait partie d'un tout

[30]  Bien que ce qui précède illustre que la DGAÉ est « une disposition d'un genre bien différent » « greffé[e] » à la Loi, elle fait tout de même partie de celle‑ci; elle intègre les autres dispositions de la Loi, tout comme les autres dispositions, dont la DGAÉ vise à empêcher l'abus, intègrent elles‑mêmes la DGAÉ. À ce titre, les tribunaux « doivent, dans la mesure du possible, donner effet simultanément à la RGAÉ et aux autres dispositions de la Loi [...] applicables à une opération donnée ». L'interprétation de la Loi doit se faire de manière à ce qu'elle forme « un tout cohérent, eu égard au régime législatif particulier que les opérations font intervenir » (Hypothèques Trustco, aux paragraphes 13 et 39).

[31]  Une cotisation fondée sur la DGAÉ, seule ou conjointement avec une autre omission technique ou mesure non conforme, n'est pas une cotisation dissociée des autres dispositions de la Loi. Bien au contraire, la DGAÉ dépend entièrement de l'analyse textuelle, contextuelle et téléologique de l'objet et de l'esprit des dispositions qui conféreraient l'avantage fiscal. Lorsque l'opération est raisonnablement compatible avec l'objet et l'esprit non pas de la DGAÉ, mais des autres dispositions, il n'y a pas d'abus (Hypothèques Trustco, au paragraphe 45).

[32]  Les deux autres éléments de la DGAÉ, soit l'avantage fiscal et l'opération d'évitement, relèvent du contribuable qui en est à l'origine et qui les exécute, et qui porte le fardeau de réfuter les hypothèses du ministre au procès. Ils relèvent de la connaissance du contribuable.

[33]  Dans l'arrêt Hypothèques Trustco, et par la suite dans l'arrêt Copthorne, la Cour suprême du Canada a établi de façon définitive l'analyse textuelle, contextuelle et téléologique à faire à l'égard de la DGAÉ. L'analyse définit les fardeaux, les critères et les limites qui s'appliquent à la DGAÉ. L'appelante se trompe en affirmant que la méthode utilisée pour annuler l'avantage fiscal mène à une nouvelle cotisation, indépendante et distincte, du contribuable. C'est en déterminant les attributs fiscaux selon les dispositions de la Loi autres que la DGAÉ que le ministre annule l'avantage fiscal, qui lui-même découle de ces autres dispositions et parties de la Loi au moment de l'opération.

[34]  L'appelante, comme il a été mentionné, critique l'analyse de la DGAÉ faite par le juge Hogan dans J.K. Read Engineering. L'appelante met l'accent sur les commentaires du juge Hogan au sujet du jugement Copthorne qui décrivent l'application de la DGAÉ afin de faire une « nouvelle qualification des opérations », l'omission de la contribuable de remplir ses obligations en matière de retenues d'impôt, et les mesures diligentes de la contribuable menant à l'annulation de la pénalité. L'intimée affirme que le juge Hogan a bien analysé les passages du jugement Copthorne dans lesquels la Cour a conclu que la cotisation fondée sur la DGAÉ a pris naissance au moment où les opérations entraînant un abus ont eu lieu. La DGAÉ, par conséquent, a pris effet au moment des opérations et elle a eu une incidence sur la cotisation subséquente de l'impôt à payer pour l'année d'imposition en cause.

[35]  Il n'appartient pas à la Cour — et il ne serait pas utile lors de l'analyse de la question relative à l'article 58 — d'examiner le bien‑fondé de l'analyse faite par le juge Hogan de la décision Copthorne rendue par la juge Campbell, sur laquelle la Cour suprême s'est déjà prononcée. Ce rôle revient à une cour d'appel, et la décision J.K. Read Engineering n'a pas été portée en appel.

La DGAÉ annule l'avantage fiscal découlant de la partie I

[36]  Dans les faits, l'avantage fiscal en cause dans la question relative à l'article 58 concerne l'annulation de la perte en capital et l'augmentation corollaire du revenu imposable au moyen de la détermination d'attributs fiscaux raisonnables. Dans l'arrêt Copthorne, comme je l'ai mentionné, la Cour suprême a approuvé que la « double comptabilisation » du capital versé soit annulée, ce qui était l'attribut fiscal raisonnable, puisque la préservation artificielle de ce capital versé, l'avantage fiscal, contrecarrait l'objectif du paragraphe 87(3) de la Loi. Essentiellement, seule la Cour de l'impôt, et non la Cour suprême, s'est penchée sur la pénalité en vertu de la partie XIII. La Cour convient avec les deux avocats qu'il n'y a eu aucune nouvelle qualification dans la cotisation de l'impôt de la partie I fondée sur la DGAÉ que la Cour suprême ait confirmée.

[37]  Il en va de même en l'espèce. En considérant la DGAÉ lors de l'examen de l'avantage fiscal et des opérations d'évitement au cours de l'année d'imposition pertinente, le ministre a appliqué les attributs fiscaux raisonnables afin d'annuler l'avantage fiscal, c'est‑à‑dire la perte en capital. Cette cotisation fait simplement partie de l'impôt exigible ou de l'obligation fiscale du contribuable selon la Loi. Cette cotisation invoquait la DGAÉ, mais s'est intégrée dans la partie I de la Loi, de sorte qu'elle est une nouvelle cotisation établie de la façon habituelle.

b)  Le contribuable peut‑il prévoir une obligation en vertu de la DGAÉ?

La jurisprudence

[38]  Les cotisations au titre de la DGAÉ, comme n'importe quelles autres cotisations établies en vertu de la Loi, doivent être fondées. Les différents éléments et fardeaux en vertu de la DGAÉ ne compliquent pas excessivement la disposition au point de la rendre vague. Toute économie ou planification fiscale agressive ou compliquée comprend un certain niveau d'incertitude. Cela est inhérent à la DGAÉ et aux autres situations où la loi doit être appliquée à des circonstances particulières (Lipson, au paragraphe 52).

[39]  C'est le contribuable qui a connaissance de l'avantage fiscal et de l'opération d'évitement. Encore une fois, ceux‑ci découlent systématiquement de mesures compliquées, planifiées avec soin et considérablement documentées. Les conseillers en fiscalité qui prennent part à de tels exercices de planification doivent tenir compte d'une nouvelle cotisation fondée sur la DGAÉ comme ils le feraient pour toute autre cotisation. L'unique risque de la DGAÉ est l'annulation de l'avantage fiscal et, même là, seulement après que le ministre a établi l'abus quant à l'esprit ou à l'objet de la Loi.

[40]  De façon similaire, dans Copthorne (tant au procès qu'en appel), aucune décision n'a été prise au sujet du paiement des intérêts après (et non avant) la date de la cotisation fondée sur la DGAÉ. Le succès de l'appelante dans le jugement Copthorne était lié à l'imposition d'une pénalité technique et non à l'obligation de payer des intérêts sur l'obligation fiscale additionnelle découlant de l'annulation de la préservation abusive du capital versé.

Les contribuables doivent tenir compte de l'application possible de la DGAÉ

[41]  En bref, l'appelante, en tant que contribuable pouvant être visée par la DGAÉ, aurait pu produire une déclaration déduisant la perte en capital qui a plus tard été contestée, mais en tenant compte de la DGAÉ afin de calculer l'impôt à payer. Aucun intérêt ne courrait après la cotisation fondée sur la DGAÉ. En outre, l'appelante aurait pu ensuite s'opposer à la cotisation et interjeter appel. La Cour jugerait alors d'abord de l'application de la DGAÉ et ensuite du caractère raisonnable des attributs fiscaux déterminés par le ministre, notamment le moment de leur application. Il est inexact de dire qu'on ne peut procéder ainsi, ou que le choix de procéder ainsi dans le cas de la DGAÉ est différent du choix de procéder ainsi dans le cas des autres dispositions de la Loi.

[42]  En arrivant à cette conclusion, la Cour affirme implicitement que tous les contribuables visés directement par une cotisation en vertu de la DGAÉ, c'est‑à‑dire tous les contribuables qui ne sont pas des tiers, doivent tenir compte de la DGAÉ et l'appliquer. Les contribuables qui sont ou qui peuvent être directement visés par l'annulation d'un avantage fiscal n'ont pas besoin de demander la permission du ministre pour appliquer la DGAÉ (S.T.B. Holdings Ltd., au paragraphe 23).

[43]  En conclusion, bien que cela ne soit pas simple, un contribuable est capable de tenir compte de la DGAÉ et de prévoir son application comme il doit le faire pour toute autre disposition de la Loi à laquelle la DGAÉ doit nécessairement se rattacher. Si le ministre établit une nouvelle cotisation, rien n'empêche le contribuable d'interjeter appel devant la Cour.

(1) Les intérêts sur arriérés ont‑ils un traitement différent dans le cas de la DGAÉ?

Les dispositions légales pertinentes

[44]  Voici des extraits des dispositions pertinentes au sujet des intérêts sur arriérés.

152(1) Le ministre, avec diligence, examine la déclaration de revenu d'un contribuable pour une année d'imposition, fixe l'impôt pour l'année, ainsi que les intérêts et les pénalités éventuels payables et détermine :

a) le montant du remboursement éventuel auquel il a droit en vertu des articles 129, 131, 132 ou 133, pour l'année;

b) le montant d'impôt qui est réputé, par les paragraphes 120(2) ou (2.2), 122.5(3), 122.51(2), 122.7(2) ou (3), 122.8(2) ou (3), 125.4(3), 125.5(3), 127.1(1), 127.41(3) ou 210.2(3) ou (4), avoir été payé au titre de l'impôt payable par le contribuable en vertu de la présente partie pour l'année.

161(1) Dans le cas où le total visé à l'alinéa a) excède le total visé à l'alinéa b) à un moment postérieur à la date d'exigibilité du solde qui est applicable à un contribuable pour une année d'imposition, le contribuable est tenu de verser au receveur général des intérêts sur l'excédent, calculés au taux prescrit pour la période au cours de laquelle cet excédent est impayé :

a) le total des impôts payables par le contribuable pour l'année en vertu de la présente partie et des parties I.3, VI et VI.1;

b) le total des montants représentant chacun un montant payé au plus tard à ce moment au titre de l'impôt payable par le contribuable et imputé par le ministre, à compter de ce moment, sur le montant dont le contribuable est redevable pour l'année en vertu de la présente partie ou des parties I.3, VI ou VI.1.

248(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.

« date d'exigibilité du solde » L'une des dates suivantes applicable à un contribuable pour une année d'imposition :

[...]

d) si le contribuable est une société :

(i) le jour qui suit de trois mois le jour où l'année d'imposition (appelée « année courante » au présent sous‑alinéa) prend fin, si [...]

Sens de « impôt payable »

(2) Dans la présente loi, l'impôt payable par un contribuable, conformément à toute partie de la présente loi prévoyant une imposition, désigne l'impôt payable par lui, tel que le fixe une cotisation ou nouvelle cotisation, sous réserve éventuellement de changement consécutif à une opposition ou à un appel, d'après les dispositions de cette partie.

Analyse du sens ordinaire

[45]  Selon le sens ordinaire des dispositions de la Loi sur les intérêts, l'appelante doit payer des intérêts à partir du jour suivant la date d'exigibilité du solde dans le cas d'une cotisation fondée sur la DGAÉ.

[46]  Tout simplement, l'impôt payable est déterminé par « une cotisation ou nouvelle cotisation » pouvant être portée en appel. La date d'exigibilité du solde survient, dans le cas d'une société, deux ou trois mois après la fin de l'exercice. Des intérêts s'accumulent lorsqu'à un moment ultérieur à la date d'exigibilité du solde, les impôts du contribuable à payer pour l'année excèdent les montants versés au plus tard à la date d'exigibilité du solde au titre de l'impôt payable pour l'année tel que déterminé à tout moment (sous réserve des restrictions habituelles pour une nouvelle cotisation, le cas échéant).

[47]  Si on applique les faits de l'espèce, la cotisation fondée sur la DGAÉ a établi ou a ajouté à l'impôt payable de l'appelante, selon le cas, l'incidence du refus de la perte en capital. Cette incidence est claire, en raison de l'utilisation des termes suivants : le « total visé à l'alinéa a) », c'est‑à‑dire « le total des impôts payables par le contribuable pour l'année », « excède le total visé à l'alinéa b) », c'est‑à‑dire « un montant payé [...] par le contribuable et imputé [...] sur le montant dont le contribuable est redevable pour l'année ». L'impôt à payer pour l'année peut découler d'une cotisation ou d'une nouvelle cotisation, ce qui était le cas à la date de la cotisation fondée sur la DGAÉ. L'affirmation voulant qu'aucun impôt n'ait été à payer avant la date de la cotisation fondée sur la DGAÉ dépend encore une fois de la thèse voulant qu'une cotisation fondée sur la DGAÉ ne crée d'obligation fiscale qu'au moment où elle est établie, thèse que j'ai rejetée.

L'absence d'une disposition sur les intérêts dans le cas de la DGAÉ et l'intention du législateur

[48]  Je rejette la thèse de l'appelante selon laquelle le législateur n'a pas édicté de disposition précise imposant des intérêts sur arriérés dans le cas d'une cotisation fondée sur la DGAÉ. La DGAÉ établit de l'impôt et des intérêts en vertu des dispositions de la Loi en général. Cela n'est pas différent d'autres dispositions qui ne contiennent aucune disposition précise sur les intérêts. L'impôt à payer en raison de la DGAÉ découle d'une cotisation. L'obligation est visée expressément dans la définition des termes « impôt payable » à l'article 248 de la Loi et « date d'exigibilité du solde » au paragraphe 161(1) de la Loi. La Cour d'appel fédérale, dans les arrêts Irvine et Zelinski, précités, a rejeté des prétentions fondées sur le retard lors de l'établissement de la cotisation ou la nouvelle cotisation et des prétentions voulant qu'il n'y ait d'excédent qu'après la nouvelle cotisation.

[49]  L'affirmation de l'appelante selon laquelle les intérêts sur arriérés dans le cas de pénalités sont utiles à la Cour n'est pas convaincante, pour plusieurs raisons. Outre les articles 162, 163, 163.1, 235 et le paragraphe 237.1(7.4) de la Loi, qui portent sur des pénalités précises, des intérêts s'accumulent sur d'autres pénalités à compter du jour de la mise à la poste de la cotisation établissant la pénalité, en vertu de l'alinéa 161(11)c) de la Loi. L'appelante affirme que cette disposition résiduelle est semblable aux cotisations fondées sur la DGAÉ puisque, dans les deux cas, le contribuable est souvent incertain avant l'établissement de la cotisation. Cette analogie n'est pas cohérente. La cotisation fondée sur la DGAÉ impose une obligation fiscale, pas une pénalité pour non‑conformité. Le législateur a systématiquement choisi de n'adopter aucune disposition expresse en matière d'intérêts pour d'autres dispositions qui établissent l'impôt à payer.

[50]  De plus, en ce qui concerne les pénalités, avant l'adoption du paragraphe 161(11) de la Loi en 1986, la Loi n'imposait tout simplement pas d'intérêt sur les pénalités. La jurisprudence antérieure à ce paragraphe à laquelle l'appelante a renvoyé contient une déclaration générale du protonotaire adjoint Anglin de la Cour suprême de l'Ontario. Le protonotaire adjoint a affirmé qu'aucun intérêt n'était exigible sur les pénalités imposées en vertu de la Loi (Miller v. Harron, 56 D.T.C. 1053 (C.S. Ont.), au paragraphe 5). Le raisonnement de l'appelante selon lequel les intérêts n'ont commencé à s'accumuler qu'à partir du moment où la pénalité a été établie est erroné. Avant l'adoption du paragraphe 161(11) de la Loi, les intérêts sur les pénalités n'existaient tout simplement pas.

[51]  L'argument le plus persuasif est celui selon lequel le paragraphe 161(1) de la Loi est la disposition qui s'applique en général aux intérêts sur arriérés pour les obligations fiscales découlant d'une cotisation ou d'une nouvelle cotisation. Ce paragraphe impose des intérêts « à un moment postérieur à la date d'exigibilité du solde qui est applicable à un contribuable » lorsque l'impôt à payer excède les montants versés au titre de l'impôt pour l'année. L'argument selon lequel le législateur, par cette omission, voulait que l'intérêt ne s'accumule qu'après la date de la cotisation fondée sur la DGAÉ n'est pas valable, comme le montre une interprétation du libellé du paragraphe 161(1) de la Loi.

L'analyse contextuelle et téléologique

[52]  En outre, lors d'une analyse contextuelle et téléologique de l'article 245 et du paragraphe 161(1), l'argument en faveur de l'absence d'intérêts avant la date de la cotisation fondée sur la DGAÉ est également peu convaincant. Le contexte et l'objet de l'article 245 de la Loi sont de contrecarrer et d'annuler l'utilisation d'une opération d'évitement abusive afin d'obtenir un avantage fiscal. La définition d'un avantage fiscal comprend les termes « la réduction, l'évitement ou le report d'impôt ou d'un autre montant qui serait exigible en application de la présente loi ». De même, « attribut fiscal » signifie le « revenu, revenu imposable [...] ou autre montant payable par cette personne [...] en application de la présente loi ».

[53]  Si aucun intérêt n'était exigible avant la date de la cotisation fondée sur la DGAÉ, la réduction ou l'évitement fiscal sous‑jacent serait annulé à ce moment, mais il y aurait un report d'impôt pendant la période entre la date d'exigibilité du solde et la date de la cotisation fondée sur la DGAÉ. Selon l'article 245, un avantage fiscal inclut un report d'impôt. Le paiement de l'impôt par l'appelante quatre ans et demi après l'avantage fiscal, sans intérêt sur le solde, est, selon la définition du terme « avantage fiscal », un report de l'impôt payable. Le paiement différé de cette obligation fiscale confère un avantage au contribuable, aussi bien logiquement qu'en vertu de la définition même de la DGAÉ. Ne pas imposer d'intérêts à partir de la date d'exigibilité du solde, en l'absence d'une disposition quelconque laissant même entendre un tel hiatus, rend la DGAÉ inefficace lors de l'annulation du report d'impôt. Le législateur a prévu ce cas non seulement dans la définition du terme « avantage fiscal », mais sans doute, et de façon plus explicite, par les termes « autre montant payable par cette personne » en raison de l'effet combiné des définitions et du paragraphe 245(2).

[54]  Cet avantage fiscal découlant du report d'impôt payable, lorsqu'il est examiné de manière textuelle, contextuelle et téléologique, eu égard à l'objet de la Loi dans son ensemble et à l'intention du législateur, nous permet d'en arriver à une conclusion. En vertu du paragraphe 161(1) de la Loi, lors d'une cotisation fondée sur la DGAÉ, qui elle‑même renvoie à la partie I de la Loi, les intérêts devraient s'accumuler à partir du lendemain de la date d'exigibilité du solde pour l'année d'imposition pertinente.

V. Conclusion

[55]  Pour les motifs précités, la Cour répond de la manière suivante à la question relative à l'article 58 :

Si le ministre du Revenu national s'est fondé, comme en l'espèce, sur l'article 245 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») pour supprimer des pertes en capital lors de l'établissement d'une nouvelle cotisation à l'égard de l'impôt sur le revenu de l'appelante pour une année d'imposition, les intérêts sur arriérés visés au paragraphe 161(1) de la Loi courent pendant la période allant de la date d'exigibilité du solde applicable au contribuable pour l'année jusqu'à l'établissement de cette nouvelle cotisation.

[56]  Les dépens sont adjugés à l'intimée conformément au tarif, sous réserve du droit des deux parties de présenter des observations supplémentaires dans les 30 jours suivant la date de l'ordonnance.

Signé à Toronto (Ontario), ce 1er jour de septembre 2016.

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 190

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-1744(IT)G

INTITULÉ :

QUINCO FINANCIAL INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :

Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 29 février 2016

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

L'honorable juge Randall S. Bocock

DATE DE L'ORDONNANCE :

Le 1er septembre 2016

COMPARUTIONS :

Avocats de l'appelante :

Me Ken Skingle

Me Dan Morrison

 

Avocats de l'intimée :

Me Rosemary Fincham

Me Shubir (Shane) Aikat

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Noms :

Me Ken Skingle

Me Dan Morrison

 

Cabinet :

Felesky Flynn LLP

Calgary (Alberta)

 

Pour l'intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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