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Dossier : 2015-5173(IT)I

ENTRE :

ROBERTA MAZO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

Appel entendu le 13 septembre 2016, à Winnipeg (Manitoba)

Devant : L’honorable juge David E. Graham


Comparutions :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Larissa Benham

 

JUGEMENT

          L’appel concernant les années d’imposition 2007, 2008 et 2009 de Roberta Mazo est accueilli et l’affaire est renvoyée au ministre du Revenu national aux fins de réexamen et d’établissement de nouvelles cotisations pour le motif que Mme Mazo a le droit de déduire des dépenses d’entreprise supplémentaires de 6 000 $ pour l’année d’imposition 2007 et de 27 000 $ pour son année d’imposition 2008.

 

          Des dépens de 375 $ sont adjugés à l’intimée.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d’octobre 2016.

« David E. Graham »

Le juge Graham


Référence : 2016 CCI 232

Date : 20161014

Dossier : 2015-5173(IT)I

ENTRE :

ROBERTA MAZO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Graham

[1]             Roberta Mazo a participé à un système pyramidal dont la promotion était assurée par la société appelée Business In Motion International Corporation (« BIMIC »). Mme Mazo était une des personnes qui ont eu la chance de réellement profiter du système. Le ministre du Revenu national a établi de nouvelles cotisations à l’égard de Mme Mazo pour inclure ce que le ministre affirme être des revenus non déclarés provenant de ce système dans le revenu de Mme Mazo pour ses années d’imposition 2007, 2008 et 2009. Le ministre a également établi des pénalités pour faute lourde.

[2]             Bien qu’il y ait un certain nombre de questions dans le présent appel, les principales questions concernent la nature du système et la façon dont les montants gagnés grâce à ce système devraient être imposés.

I. Nature du système

[3]             Le système pyramidal de BIMIC comportait différentes pyramides. Chaque pyramide disposait d’un [traduction] « directeur des ventes » au sommet, de deux [traduction] « VP » au niveau suivant, de quatre [traduction] « directeurs des ventes » au niveau suivant et enfin de huit [traduction] « représentants commerciaux » à la base. En termes simples, les participants ont versé de l’argent à BIMIC pour rejoindre la base de la pyramide et ont perçu de l’argent de la part de BIMIC après avoir atteint le sommet de la pyramide.[1]

[4]             Une fois qu’un directeur commercial avait été payé par BIMIC, la pyramide se divisait en deux avec les VP devenant chacun les directeurs commerciaux de leurs nouvelles pyramides et devant chacun travailler avec d’autres dans leurs pyramides pour recruter huit nouveaux participants pour remplir la base de leurs pyramides. Les directeurs commerciaux qui avaient été payés ont été encouragés à se joindre à de nouvelles pyramides à titre de représentants commerciaux.

[5]             BIMIC a attribué un numéro de compte personnel à chaque participant. Ces numéros de compte ont été utilisés pour faire le suivi des gains d’un participant dans le système et son retrait de ces gains. C’était comme si chaque participant avait son propre compte bancaire auprès de BIMIC dans lequel il détenait ses gains. Les montants que les participants gagnaient à titre de directeurs commerciaux étaient déposés sur leurs comptes. Les participants pouvaient faire quatre choses différentes avec les fonds sur leurs comptes :

a)                 Retrait d’espèces : les participants pouvaient demander à BIMIC de leur verser des fonds à même leurs comptes. Ces fonds ont été payés par chèque.

b)                Retrait par carte de débit : les participants pouvaient demander à BIMIC de leur remettre une carte de débit BIMIC prépayée avec un certain solde. Ces cartes de débit prépayées pouvaient être utilisées pour acheter des biens et des services dans la collectivité en général en utilisant le système Interac de la même manière qu’une carte de débit prépayée ordinaire.

c)                 Transfert : les participants pouvaient transférer des fonds de leur compte BIMIC vers le compte BIMIC d’un autre participant.

d)                Réinvestissement : les participants pouvaient utiliser les fonds pour adhérer à une autre pyramide.

[6]             Les participants devaient payer pour intégrer la base d’une pyramide. Le coût variait, mais était de 3 000 $, 3 200 $ ou 3 600 $. L’argent était versé à BIMIC. Les nouveaux participants utilisaient des traites bancaires ou des chèques certifiés pour intégrer une pyramide. Les participants habituels utilisaient les fonds de leurs comptes BIMIC.

[7]             Le système était structuré de manière à faire croire que les participants achetaient des biens ou des services plutôt qu’une simple place à la base d’une pyramide. Ces produits et services comprenaient des pierres semi-précieuses préemballées, des participations à des voyages à prix réduit, des systèmes de filtration d’eau et des bâtonnets à remuer qui, selon BIMIC, présentaient divers avantages pour la santé lorsqu’ils étaient utilisés pour remuer de l’eau.

[8]             Le témoignage de Mme Mazo a clairement indiqué que chaque fois qu’elle intégrait une nouvelle pyramide, elle considérait qu’elle participait au fonctionnement de la pyramide. Il était clair pour moi que les produits ou services étaient liés à sa décision d’intégrer la pyramide. Son témoignage a également précisé que, pour gagner de l’argent, elle avait besoin d’attirer de nouvelles personnes pour qu’elles intègrent la base de la pyramide.

[9]             Un certain nombre de participants au système pyramidal de BIMIC a intenté un recours collectif contre BIMIC et ses promoteurs devant la Cour fédérale et a reçu des dommages-intérêts de 6 560 000 $ (décision Cuzzetto c. Business In Motion International Corporation et al[2]). Le juge Rennie (alors juge en chef) a conclu que, bien qu’il ait été « présenté comme un système de commercialisation à paliers multiples classique »[3], il s’agissait en fait d’un « système de vente pyramidale[4] », tel que cela est défini dans la Loi sur la concurrence.[5] Il a constaté que « le système avait pour objectif le recrutement de participants plutôt que le développement d’une clientèle fidèle cherchant vraiment à acheter des produits ».[6] La Loi sur la concurrence interdit de mettre sur pied, d’exploiter, de promouvoir un système pyramidal ou d’en faire la publicité. Comme l’a expliqué le juge Rennie, le système de BIMIC est passé d’un système de commercialisation à paliers multiples à un système pyramidal parce que le système obligeait « un participant à fournir une contrepartie en échange du droit d’être rémunéré pour avoir recruté un autre participant qui, à son tour, donne une contrepartie pour obtenir le même droit ».[7] Il a déclaré que « [d]ans un système licite de commercialisations à paliers multiples, les commissions sont payées lors de la vente de produits, pas après le recrutement d’autres participants et la formation d’une échelle administrative complète ».[8] Les conclusions du juge Rennie sont conformes aux éléments de preuve dont je dispose.

[10]        Malgré tout ce qui précède, l’intimée soutient que BIMIC était une société de commercialisation à paliers multiples qui vendait des biens et des services, que les participants au système touchaient des commissions pour avoir réalisé des ventes et que l’argent payé par les participants pour intégrer une pyramide était versé pour acheter des biens et services de BIMIC aux fins d’usage personnel. Les éléments de preuve qui me sont soumis, les conclusions du juge Rennie et le simple bon sens indiquent que cette thèse est erronée. Je ne vois aucune raison pour que le ministre adopte une telle thèse autrement que pour gonfler artificiellement la taxe que le ministre peut établir. La thèse aurait pu être défendable au début du processus, alors que le ministre n’avait pas bien compris le système, mais je ne comprends pas pourquoi le ministre continue de la maintenir maintenant.

[11]        Je constate que, il faut le reconnaître, c’est l’avocate de l’intimée, en vertu de son devoir de fonctionnaire judiciaire, qui a attiré mon attention sur la décision du juge Rennie. Je comprends la situation difficile dans laquelle le ministre a placé l’avocate et j’apprécie le professionnalisme avec lequel elle a fait son travail.

[12]        Compte tenu de tout ce qui précède, j’estime que le système BIMIC était un système pyramidal et que les participants n’achetaient pas de biens et de services à des fins personnelles, mais achetaient plutôt une place à la base de la pyramide. Je conclus également que les directeurs commerciaux au sommet des pyramides ne touchaient pas de commissions de vente, mais ne faisaient que percevoir le gain associé au fait d’arriver au sommet de la pyramide.

II. Imposition des montants gagnés par l’intermédiaire du système

[13]        La Cour d’appel fédérale a eu plusieurs occasions d’examiner le traitement fiscal des profits et des pertes provenant de stratagèmes frauduleux. Le revenu tiré d’une affaire frauduleuse est imposable entre les mains de son promoteur (arrêt Canada c. Johnson[9]). Le revenu tiré d’une fraude pyramidale est imposable entre les mains du participant si les droits contractuels du participant ont été respectés (arrêt Johnson). En revanche, les pertes résultant d’un stratagème frauduleux où il n’y a jamais eu d’entreprise ne correspondent pas à des pertes autres qu’en capital (arrêt Hammill c. La Reine[10], arrêt Vankerk c. La Reine[11]).

[14]        Bien que les deux termes soient souvent utilisés de façon interchangeable, un système pyramidal et une fraude pyramidale ne sont pas synonymes. Dans l’arrêt Johnson, il était question de l’imposition des bénéfices réalisés lors d’une fraude pyramidale. Les bénéfices d’un système pyramidal devraient-ils être traités différemment?

[15]        Il existe des similitudes suffisantes entre les deux types de systèmes pour je ne vois pas pourquoi ils seraient imposés différemment. Les deux systèmes sont illégaux. Les deux systèmes s’appuient sur un flux continu de nouveaux participants qui injectent de nouvelles sommes d’argent en espèces afin de soutenir le retrait des fonds par un ou plusieurs individus sélectionnés occupant les échelons supérieurs. Les deux systèmes s’effondreront inévitablement sous leur propre poids, laissant leurs victimes subir des pertes. Dans les deux systèmes, alors qu’il y a l’illusion que les gens gagnent de l’argent, en définitive, seuls les promoteurs ou quelques personnes chanceuses parviennent à obtenir plus d’argent qu’ils en investissent.

[16]        La principale différence entre les fraudes pyramidales et les systèmes pyramidaux est que les participants à une fraude pyramidale croient normalement qu’ils font un investissement qui, à son tour, génère des profits pour eux. Normalement, ils ne réalisent pas qu’il n’y a pas d’investissement, qu’il n’y a pas de bénéfices et que toute somme réelle provenant d’un rendement des investissements supposés est soit le remboursement de leur propre argent, soit l’appropriation d’argent appartenant à d’autres participants. En revanche, alors que les participants à un système pyramidal peuvent ne pas réaliser la pleine nature du système pyramidal ou le fait qu’il est voué à l’échec, ils sont conscients, dans une certaine mesure, qu’ils adhèrent à une structure grâce à laquelle ils perçoivent des bénéfices, par l’intermédiaire du recrutement de nouvelles personnes dans cette structure. Ils savent, jusqu’à un certain point, qu’ils sont payés grâce à l’argent provenant de ces nouveaux participants et que, s’ils sont eux-mêmes de nouveaux participants, leur argent est utilisé pour payer ceux qui se trouvent à un niveau supérieur. Un système pyramidal peut être dissimulé sous des conditions de vente et sous le prétexte que les produits ou services sont achetés, mais finalement il est clair pour tout le monde que sans nouvelles personnes à la base de la pyramide, ils ne tireront aucun avantage. Par conséquent, les participants à un système pyramidal sont généralement activement impliqués dans le système, car ils travaillent à recruter de nouveaux participants. En termes simples, un participant à une fraude pyramidale est trompé par le promoteur pour le faire investir dans quelque chose de faux. Un participant à un système pyramidal est amené par le promoteur à croire que le système fonctionnera réellement et qu’il en tirera profit grâce à ses propres efforts.

[17]        En raison de ces différences entre les deux types de systèmes, il serait généralement plus approprié de caractériser le revenu perçu par un participant à une fraude pyramidale, dont les droits contractuels ont été respectés, de revenus de bien, et le revenu perçu par un participant à un système pyramidal, dont les droits contractuels ont été respectés, de revenu d’entreprise.

[18]        À mon avis, les participants au système de BIMIC étaient fraudés dès le départ. On les a persuadés d’adhérer à un système qui était voué à l’échec, mais permettant assurément aux promoteurs de gagner de l’argent. Toutefois, conformément à l’arrêt Johnson, des participants comme Mme Mazo, qui ont gagné de l’argent par l’intermédiaire du système, devraient être assujettis à l’impôt si leurs droits contractuels ont été respectés. En d’autres termes, Mme Mazo devrait être assujettie à l’impôt si « elle a reçu ce qu’elle attendait ».[12]

[19]        Alors, à quoi Mme Mazo s’attendait-elle? Elle n’a certainement pas accepté de se joindre à un système pyramidal. Il n’y avait aucune preuve qu’elle savait que le système était un système pyramidal. Un participant sachant qu’il s’agissait d’un système pyramidal aurait tout retiré immédiatement, à l’exception de ses bénéfices réinvestis. Il ne les aurait pas laissés de côté sur un compte en attendant que le système s’effondre. Il ne les aurait certainement pas prêtés à d’autres participants sans contrepartie.

[20]        Si Mme Mazo n’a pas accepté de se joindre à un système pyramidal, alors à quoi s’attendait-elle? Je suis d’avis que Mme Mazo a accepté de se joindre à ce qu’elle croyait être une organisation commerciale qui lui aurait permis de toucher des commissions pour le recrutement de nouveaux vendeurs. Puisque Mme Mazo a recruté de nouvelles personnes et a été payée pour le faire, je conclus que ces paiements, déduction faite des dépenses, étaient des revenus d’entreprise entre ses mains.

[21]        Ayant conclu que Mme Mazo a perçu des revenus d’entreprise de la part de BIMIC, je dois maintenant déterminer le montant de ce revenu. Pour ce faire, je dois examiner à la fois les revenus qu’elle a gagnés et les frais qu’elle a engagés.

Revenus

[22]        Il existe deux façons de calculer les revenus de Mme Mazo tirés du système. La première consiste à calculer le total des montants déposés sur son compte BIMIC à l’époque où une pyramide dont elle était directrice commerciale était en place. La seconde consiste à calculer le total des montants qu’elle a effectivement tirés du système sous forme de chèques et de cartes de débit. Le ministre a utilisé la première méthode.

[23]        L’intimée soutient que, une fois que les fonds ont été déposés sur le compte BIMIC de Mme Mazo, Mme Mazo exerçait un contrôle complet sur ceux-ci et était libre de les retirer à tout moment. Ainsi, l’intimée soutient que Mme Mazo a réalisé des bénéfices lorsque les fonds ont été déposés.

[24]        Le témoignage de Mme Mazo appuie la thèse de l’intimée. Mme Mazo parlait comme si l’argent était le sien une fois qu’il était déposé sur son compte. Elle le retirait quand elle le voulait et utilisait sa carte de débit quand elle le voulait. Elle prêtait l’argent à d’autres participants quand elle le souhaitait, recevait le remboursement de certains de ces prêts et considère encore à ce jour que d’autres prêts sont en souffrance malgré l’effondrement du système. Elle a réinvesti dans le système en utilisant les fonds de son compte pour adhérer à de nouvelles pyramides qui, à son tour, lui ont permis de générer plus d’argent qu’elle a, en retour, retiré, prêté ou réinvesti. À aucun moment Mme Mazo n’a indiqué qu’elle avait eu des problèmes ou avait connu des retards pour accéder à ses fonds.

[25]        J’admets à contrecœur l’argument de l’intimée. Je crains que les comptes BIMIC n’aient été qu’un moyen de transformer une fraude pyramidale pour qu’elle devienne le système pyramidal BIMIC. Au lieu de simplement payer les sommes d’argent que les participants ont accumulées grâce au système pyramidal aux participants, BIMIC a conçu un système de compte qui lui a permis de libérer des fonds seulement lorsque les participants en faisaient la demande. Cela a mis BIMIC dans une position où elle aurait pu exploiter les comptes selon une fraude pyramidale : s’approprier l’argent quand elle le voulait, en utilisant les comptes pour faire croire aux participants que l’argent était toujours là et en utilisant de nouvelles sommes gagnées par un participant pour payer tout autre participant qui demandait à être payé. Si tel était le cas, alors le seul moyen approprié pour déterminer les revenus de Mme Mazo aurait été de prendre connaissance de l’argent qu’elle a effectivement reçu par l’intermédiaire du système.

[26]        Cela dit, il n’y a pas d’éléments de preuve qui me permettent de conclure que les comptes BIMIC ont été exploités de cette manière. Mes préoccupations à elles seules ne suffisent pas. Mme Mazo a clairement démontré qu’elle croyait que l’argent était le sien et qu’elle y avait pleinement accès. Aucun élément de preuve ne vient la contredire. Le juge Rennie indique que, lorsque le système a fini par s’effondrer, les fonds restants sur les comptes BIMIC n’ont pas été versés.[13] Cela appuie fortement mes préoccupations. Cependant, cet élément de preuve ne m’a pas été présenté. C’est une chose pour moi de me fier aux conclusions juridiques formulées par le juge Rennie. Cela en serait une autre de m’appuyer sur des éléments de preuve qui lui ont été présentés et qui ne sont ni devant moi ni conformes aux éléments de preuve qui me sont soumis.

[27]        En fonction de ce qui précède, je conclus que Mme Mazo a tiré un revenu du système lorsque des fonds d’un directeur commercial ont été déposés sur son compte BIMIC. Je conclus également que le montant de ce revenu a été correctement calculé par le ministre.[14]

[28]        Je note que la méthode utilisée par le ministre, et que j’ai admise, donne lieu au paiement plus important d’impôts, étant donné qu’elle touche les participants qui, comme l’indique le juge Rennie, n’ont pas réussi à retirer leurs gains avant que l’effondrement du système. Si un contribuable différent devait comparaître devant moi avec une preuve différente de ce qui est arrivé à son compte, je pourrais conclure que la méthode utilisée par le ministre n’était pas appropriée et que les revenus du contribuable ne devraient être fondés que sur le montant net qu’il a effectivement tiré du système.[15] Cela serait conforme à la façon dont le ministre a déjà calculé le revenu des contribuables dans le cadre de fraudes pyramidales (arrêt Johnson).

Coût

[29]        Le ministre a formulé une hypothèse de fait selon laquelle les participants n’ont pas payé pour participer à une pyramide, mais qu’ils ont plutôt acheté des biens ou des services de BIMIC pour leur usage personnel. Conformément à cette hypothèse, le ministre n’a pas permis à Mme Mazo de déduire les montants qu’elle a versés pour se joindre aux pyramides.

[30]        Mme Mazo a réussi à démolir cette hypothèse. Les montants que Mme Mazo a dépensés pour adhérer aux pyramides sont des montants qu’elle a mis en place pour gagner le revenu qu’elle a gagné en tant que directrice commerciale et ils sont dûment déductibles. La seule question qui reste est de savoir combien elle a dépensé.

[31]        Mme Mazo a témoigné qu’elle avait adhéré à un minimum de dix pyramides après sa pyramide initiale. Elle a déclaré que c’était sa pratique habituelle d’utiliser une partie des revenus gagnés à titre de directrice commercial pour adhérer à une nouvelle pyramide, une fois que son ancienne pyramide avait pris fin. Le ministre n’a présenté aucune preuve pour montrer le nombre de pyramides auxquelles Mme Mazo avait adhéré. L’intimée savait que l’hypothèse de fait du ministre n’était pas défendable compte tenu de la décision du juge Rennie. Si l’intimée avait voulu que je me fie à quelque chose de plus précis que le souvenir de Mme Mazo de ce qui s’est passé il y a neuf ans, l’intimée aurait dû présenter des éléments de preuve à cet égard.

[32]        Dans les circonstances, je suis disposé à admettre que Mme Mazo était directrice commerciale de onze pyramides (soit la pyramide initiale à laquelle elle a adhéré et les dix pyramides supplémentaires auxquelles elle déclare avoir adhéré).

[33]        Comme indiqué ci-dessus, le coût d’adhésion variait. En l’absence de preuve documentaire, j’accorderais à Mme Mazo le moins élevé des trois coûts, soit 3 000 $ par pyramide.

[34]        En l’absence d’éléments de preuve directe à cet égard, je dois décider comment répartir les onze adhésions de Mme Mazo parmi les années en question. En ce qui concerne la structure et le calendrier des dépôts sur le compte de Mme Mazo, je conclus qu’elle a adhéré à deux pyramides en 2007, à neuf pyramides en 2008 et à aucune en 2009.

[35]        Ainsi, en fonction de tout ce qui précède, je conclus que Mme Mazo avait 6 000 $ en dépenses additionnelles en 2007 et 27 000 $ en 2008.

Devise

[36]        L’intimée a appelé un vérificateur nommé John Glatt comme témoin. M. Glatt a témoigné que les montants initiaux dans les livres et les registres de BIMIC ont été comptabilisés en dollars américains. Il a expliqué qu’il a converti ces montants en dollars canadiens au taux de change quotidien en vigueur afin de déterminer le montant des revenus gagnés par Mme Mazo.

[37]        Mme Mazo soutient que ses revenus ont été gonflés puisqu’ils ont été traités comme ayant été gagnés en dollars américains. Elle a témoigné que tous les montants ont été gagnés en dollars canadiens et qu’ils n’auraient pas dû être convertis.

[38]        Je préfère le témoignage de M. Glatt, car je le trouve plus fiable dans les circonstances. Il a été responsable de la vérification de l’ensemble du système BIMIC et a supervisé les vérifications de tous les participants sélectionnés pour la vérification. Il a accès à une base de données de toutes les transactions de BIMIC avec les participants et connaît bien la base de données. Je retiens les témoignages de M. Glatt et je conclus donc que les revenus de Mme Mazo n’ont pas été gonflés.

Prêts à d’autres participants

[39]        Mme Mazo a prêté d’importantes sommes d’argent provenant de son compte de BIMIC à d’autres participants pour permettre à ces participants d’adhérer aux pyramides. Mme Mazo a très clairement indiqué qu’aucun de ces prêts n’avait été octroyé pour permettre à un participant d’adhérer à l’une des pyramides de Mme Mazo. Mme Mazo a témoigné que la plupart des prêts n’ont jamais été remboursés. Elle soutient qu’elle a le droit de déduire ces prêts garantis de son revenu d’entreprise provenant du système. Je ne suis pas d’accord.

[40]        Une fois que les fonds étaient arrivés sur le compte BIMIC de Mme Mazo, elle avait un contrôle complet sur eux. Son choix de les prêter n’avait rien à voir avec son entreprise. Comme indiqué ci-dessus, elle n’a pas prêté de fonds aux personnes qui adhéraient à ses pyramides et n’a donc pas eu l’occasion de réaliser des profits en accordant des prêts. En fait, ses prêts ont aidé d’autres participants à gagner un revenu dans leurs propres pyramides. Mme Mazo n’a présenté aucun élément de preuve indiquant qu’elle exploitait une entreprise de prêt d’argent. Son prêt de fonds plutôt flou indique le contraire. Mme Mazo n’a pas indiqué que les prêts portaient intérêt.

[41]        Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que Mme Mazo n’a pas le droit de déduire ses pertes sur prêts de son revenu d’entreprise.

Autres dépenses

[42]        Même si Mme Mazo a prétendu avoir engagé diverses dépenses pour recruter d’autres participants, elle n’a fourni ni preuve documentaire de ces dépenses ni aucun détail sur le montant qu’elle avait dépensé chaque année et pour quoi. Par conséquent, je ne peux pas autoriser ses déductions pour les dépenses qu’elle aurait engagées.

[43]        Je conclus qu’il y a quelques éléments provenant du compte de BIMIC de Mme Mazo qui semblent avoir été des dépenses d’entreprise payées à BIMIC. Un examen rapide de ces éléments indique que leur déduction a déjà été autorisée par les appels de l’ARC.[16]

III. Revenu non déclaré

[44]        Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que Mme Mazo avait un revenu d’entreprise non déclaré provenant du système pour les années suivantes :

 

2007

2008

2009

Revenu d’entreprise (nouvelle cotisation)

13 893 $

74 619 $

3 025 $

Coût d’adhésion

(6 000 $)

(27 000 $)

--

Revenu d’entreprise ajusté

7 893 $

47 619 $

3 025 $

 

[45]        Mme Mazo a mentionné qu’elle avait déclaré son revenu tiré de BIMIC dans ses déclarations. Cependant, elle n’a pas été capable de se rappeler de la manière dont elle a calculé ce revenu ou la façon dont il a été déclaré. Elle n’avait aucune preuve documentaire à l’appui de son affirmation.

[46]        Mme Mazo n’a déclaré aucun revenu d’entreprise dans ses déclarations de revenus pour 2007, 2008 ou 2009. Elle a cependant déclaré un revenu de commissions. Elle a témoigné qu’elle avait une ou deux sources de revenus de commissions au cours de chacune de ces années. Le revenu brut de commissions déclaré par Mme Mazo en 2008 représente moins de la moitié des revenus qu’elle a tirés du système de BIMIC cette année-là. Cela m’indique que le revenu de commissions qu’elle a déclaré au cours de cette année ne comprenait pas son revenu tiré de BIMIC. Le revenu brut de commissions déclaré par Mme Mazo en 2007 et 2009 était suffisamment important pour avoir inclus des revenus qu’elle avait tirés du système au cours de ces années. Toutefois, je trouve peu probable que Mme Mazo aurait déclaré ses revenus tirés du système en 2007 et 2009 et qu’elle ne les aurait pas déclarés en 2008. De plus, le revenu brut de commissions déclaré par Mme Mazo en 2009 est très similaire au revenu brut de commissions qu’elle a déclaré en 2008. Comme j’ai conclu qu’elle n’a pas déclaré de revenu tiré du système en 2008, je trouve qu’il est plus probable qu’elle ait gagné un revenu brut de commissions semblables provenant d’autres sources en 2009 et qu’elle n’a pas déclaré ses revenus provenant du système, que d’affirmer que son revenu brut de commissions imposable provenant d’autres sources était nettement moins élevé et qu’elle a déclaré ses revenus tirés du système.

[47]        Compte tenu de tout ce qui précède, je conclus que Mme Mazo n’a pas déclaré son revenu provenant du système BIMIC en 2007, 2008 ou 2009.

IV. Années frappées de prescription

[48]        Une nouvelle cotisation a été établie pour l’année d’imposition 2007 de Mme Mazo après la période normale de nouvelle cotisation. Je conclus, à la lumière des éléments de preuve dont je suis saisi, que Mme Mazo a fait une fausse déclaration en ne déclarant pas le revenu de 7 893 $ provenant du système dans sa déclaration de revenus de 2007. Je conclus également que son omission de déclarer ce montant était attribuable à de la négligence, à de l’inattention ou à une omission volontaire. Par conséquent, l’année d’imposition 2007 de Mme Mazo peut être rouverte afin d’inclure ce revenu non déclaré.

V. Pénalités pour faute lourde

[49]        Les montants que Mme Mazo a omis de déclarer sont importants, surtout quand on considère le grand nombre de personnes qui n’ont pas eu la chance de gagner de l’argent grâce au système. Elle a omis de déclarer une source de revenus totale représentant presque un tiers de son revenu total au cours des trois années en question. Mme Mazo savait clairement qu’elle gagnait ce revenu. Il aurait été relativement simple pour elle de calculer ses gains. Elle a déclaré d’autres revenus au cours de la période et a clairement compris l’obligation de le faire. Dans les circonstances, je conclus que Mme Mazo a commis une faute lourde en omettant de déclarer son revenu provenant du système BIMIC.

[50]        Je souligne que, bien que Mme Mazo ait initialement déposé son avis d’appel en fonction de ce qui a été décrit comme une argumentation commerciale pseudojuridique organisée, elle n’a pas invoqué de tels arguments pour produire ses déclarations de revenus.[17] Ainsi, je n’ai pas examiné sa conviction dans ces arguments pour déterminer si elle a été commis une faute lourde en omettant de déclarer son revenu. Ces arguments n’ont pas été abordés dans les présents motifs parce que Mme Mazo les a abandonnés lors du procès.

VI. Conclusion

[51]        Compte tenu de tout ce qui précède, l’appel est accueilli et la question est renvoyée au ministre aux fins de réexamen et d’établissement de nouvelles cotisations pour le motif que Mme Mazo a le droit de déduire des dépenses d’entreprise supplémentaires de 6 000 $ pour 2007 et de 27 000 $ pour 2008.

VII. Dépens

[52]        Au départ, Mme Mazo était représentée par un représentant nommé Chris Shannon. Le choix du représentant de Mme Mazo et sa persistance pour ce qui est de suivre les conseils de ce représentant malgré des indications claires de ne pas le faire ont entraîné un retard inutile dans cette affaire. Cela a entraîné un procès qui aurait dû prendre une demi-journée et qui a finalement duré une journée complète, jusqu’à tard dans la soirée, ce qui a compliqué la procédure pour tous les intéressés. L’intimée ne devrait pas avoir à assumer les coûts de ce retard.

[53]        Il est inhabituel que la Cour accorde des dépens à un contribuable dans une procédure informelle. Il est encore plus inhabituel que la Cour le fasse lorsque le contribuable a partiellement gain de cause. Toutefois, la Cour a le pouvoir discrétionnaire de le faire en vertu des articles 10 et 11 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure informelle) si la Cour conclut que les actions de l’appelante ont indûment retardé le règlement rapide et efficace de l’appel.

[54]        Dans les circonstances, j’alloue à l’intimée les dépens de 375 $ à l’égard de la demi-journée d’audience qui a été gaspillée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour d’octobre 2016.

« David E. Graham »

Le juge Graham


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 232

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-5173(IT)I

INTITULÉ :

ROBERTA MAZO c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 septembre 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge David E. Graham

DATE DU JUGEMENT :

Le 14 octobre 2016

COMPARUTIONS :

Pour l’appelante :

L’appelante elle-même

Avocate de l’intimée :

Me Larissa Benham

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 



[1]               Différents termes ont été utilisés à la place de [traduction] « VP » et de [traduction] « directeur commercial » dans la décision du juge Rennie (objet d’une discussion ci-dessous), mais ce sont les termes qui ont été déposés en preuve devant moi. Les participants au système (quel que soit le niveau auquel ils étaient impliqués) ont été appelés [traduction] « distributeurs indépendants ». J’ai choisi d’employer le terme « participants » dans les présents motifs plutôt que [traduction] « distributeurs indépendants », car je trouve que cette dernière appellation est trompeuse et porte à confusion.

[2]               2014 CF 17

[3]               Décision Cuzzetto, au paragraphe 20.

[4]               Décision Cuzzetto, aux paragraphes 81 et 82.

[5]               L.R.C. (1985), ch. C-34.

[6]               Décision Cuzzetto, au paragraphe 45.

[7]               Décision Cuzzetto, au paragraphe 85.

[8]               Décision Cuzzetto, au paragraphe 86.

[9]               2012 CAF 253 (autorisation d’interjeter appel refusée 2013 CarswellNat 633) remarque incidente au paragraphe 47.

[10]             2005 CAF 252

[11]             2006 CAF 96

[12]             Arrêt Johnson, au paragraphe 46.

[13]             Décision Cuzzetto, au paragraphe 57.

[14]             Le vérificateur a inclus à titre de revenu à la fois le revenu d’occupation d’un poste de directrice commerciale et tout transfert sur le compte de Mme Mazo venant d’autres participants. L’agent des appels semble avoir, à juste titre à mon avis, retiré les transferts du calcul du revenu. Il l’a probablement fait en se fondant sur le fait que tout transfert avait déjà été imposé comme revenu entre les mains du participant qui l’avait reçu.

[15]             Si je me trompe et que les revenus de Mme Mazo auraient dû être fondés sur les montants qu’elle a effectivement réussi à retirer du système, je conclus qu’elle a retiré 900 $ en 2007, 38 651 $ en 2008 et 8 400 $ en 2009. Je constate également que sa contribution totale en espèces au système était de 3 000 $. Cette contribution serait déductible de son revenu. Cela entraînerait une perte de 2 100 $ en 2007. À mon avis, Mme Mazo aurait droit à cette perte, car ses droits contractuels ont été respectés à tous les niveaux du système. Étant donné que le ministre n’a établi une nouvelle cotisation qu’à l’égard de Mme Mazo de 3 025 $ en 2009 et que je ne peux pas augmenter le montant de la cotisation, aucune modification ne serait nécessaire pour 2009.

[16]             Lorsque j’ajoute ces dépenses aux fonds transférés vers le compte BIMIC de Mme Mazo (voir la note de bas de page 14), le montant total est égal aux rajustements effectués par les appels de l’ARC (voir les imprimés de l’option C : pièces R-3, R-4 et R-5).

[17]             Voir la décision Meads v. Meads, 2012 ABQB 571.

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