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Dossier : 2014-2851(IT)G

ENTRE :

MARTIN STOVER,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Requête en annulation du rejet de l’appel du requérant après le dépôt d’un avis de désistement, entendue le 11 octobre 2016 à Belleville (Ontario)

Devant : L’honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

Avocat du requérant :

Me Robert F. Goddard

Avocat de l’intimée :

Me Alexander Nguyen

 

ORDONNANCE

          La requête est rejetée avec dépens conformément aux motifs de l’ordonnance ci-joints.


Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’octobre 2016.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour de septembre 2017.

François Brunet, réviseur


Référence : 2016 CCI 235

Date : 20161021

Dossier : 2014-2851(IT)G

ENTRE :

MARTIN STOVER,

requérant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

Le juge Favreau

[1]              M. Martin Stover a présenté à la Cour une requête, aux termes de l’alinéa 172(2)a) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale) (les « Règles »), en annulation du jugement « réputé » rejetant son appel et rétablir de son appel.

[2]              Par avis de nouvelles cotisations datés du 24 novembre 2008, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a ajusté la dette fiscale de M. Stover et a rejeté les dépenses de commissions de 72 392 $ et de 82 143 $ pour les années d’imposition 2005 et 2006, respectivement.

[3]              Par avis d’opposition daté du 26 février 2013, M. Stover a contesté les nouvelles cotisations. Le ministre a par la suite confirmé les nouvelles cotisations dans un avis de confirmation daté du 27 mars 2014.

[4]              Le 9 décembre 2014, M. Stover a obtenu une ordonnance de la Cour prorogeant le délai pour interjeter appel des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005 et 2006.

[5]              M. Stover s’est représenté lui-même dans le cadre de son appel, mais il a sollicité l’aide de son conseiller juridique de longue date, M. J. David Crowe.

[6]              Par exemple, par suite des nouvelles cotisations, M. Crowe a tenté de faire radier la sûreté enregistrée sur la maison du requérant au bureau du shérif, au motif que les nouvelles cotisations faisaient l’objet d’un appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt. M. Stover a également consulté M. Crowe lorsqu’il a reçu l’avis de requête et l’avis de requête modifié de l’intimée en radiation de certains passages de son avis d’appel. La requête en question devait être présentée au plus tard le 21 janvier 2015.

[7]              M. Stover a aussi porté à l’attention de M. Crowe une lettre datée du 28 octobre 2015, laquelle informait M. Stover que son appel était en attente d’audience devant la Cour canadienne de l’impôt.

[8]              Enfin, M. Stover a consulté son comptable et M. Crowe concernant les avantages de présenter une demande au Comité de l’équité, maintenant appelé le Comité sur les allègements pour les contribuables, en guise de solution de rechange afin de résoudre son différend fiscal. Au cours de ses conversations avec son comptable et M. Crowe, M. Stover n’a pas compris que le fait de se désister de son appel valait acceptation entière de sa dette fiscale.

[9]              Au cours du mois de novembre 2015, M. Stover a informé M. Crowe qu’il allait présenter une demande d’allègement au titre des dispositions d’allègement pour les contribuables. D’après ce qu’il a compris de l’intention de M. Stover, M. Crowe a fait parvenir une lettre datée du 1er décembre 2015 au greffe de la Cour canadienne de l’impôt pour l’informer que l’appelant souhaitait se désister de son appel.

[10]         Au début de décembre 2015, le comptable de M. Stover lui a recommandé de s’adresser à M. Wayne Warner, de Warner Tax Consultants, au sujet de ses problèmes fiscaux. M. Stover a retenu les services de M. Warner au début de janvier 2016.

[11]         Le 16 mars 2016, M. Stover a reçu de la Direction des recouvrements de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») une lettre datée du 8 mars 2016 exigeant le paiement du montant en cause dans un délai de 30 jours. M. Stover a alors été informé que la demande de paiement découlait du fait qu’il s’était désisté de son appel; un jugement avait été prononcé contre lui le rendant redevable des montants réclamés au moyen des nouvelles cotisations.

[12]         Le 29 mars 2016, M. Warner a fait parvenir une lettre à l’ARC signalant qu’à sa connaissance, le dossier de l’appelant faisait l’objet d’un appel et que la lettre de l’ARC n’avait aucun sens étant donné que M. Stover avait retenu ses services au début de janvier 2016 pour le représenter dans le cadre du processus de vérification et de recouvrement relatif à son appel.

[13]         M. Stover et M. Crowe ont tous les deux signé des affidavits distincts qui ont été présentés comme éléments de preuve à l’audience et ils ont témoigné tous les deux.

[14]         M. Stover a déclaré qu’il n’avait jamais déclaré à M. Crowe qu’il acceptait les cotisations établies par l’ARC. Il a toujours eu l’intention de contester les nouvelles cotisations établies et il n’aurait jamais sciemment pris des mesures valant acceptation de celles-ci. Le fait qu’il ait retenu les services de M. Warner en janvier 2016 démontre clairement qu’il souhaitait poursuivre son appel.

[15]         M. Crowe a déclaré qu’il n’avait pas compris qu’en mettant fin à l’appel de M. Stover, celui-ci serait réputé avoir accepté l’entière responsabilité des nouvelles cotisations. Il a également confirmé que M. Stover n’avait jamais reconnu que les nouvelles cotisations établies étaient convenables et correctes.

[16]         M. Crowe a confirmé qu’à sa connaissance, M. Stover n’avait jamais décidé d’accepter la dette fiscale en cause. Il a ajouté que M. Stover n’était pas au courant de la lettre de désistement qu’il avait lui-même envoyée par erreur.

[17]         Dans son témoignage, M. Crowe a affirmé qu’il était intervenu de son propre chef en envoyant la lettre de désistement et que M. Stover ne lui avait jamais confié le mandat de retirer son appel.

[18]         Cependant, la lettre de désistement datée du 1er décembre 2015 semble contredire les témoignages de M. Stover et de M. Crowe. La lettre en question contient le passage suivant : [traduction] « Mon client, Martin Stover, m’a demandé de ne pas donner suite à son avis d’appel. Il présentera une demande au Comité de l’équité dans l’espoir que le différend soit réglé ».

[19]         Comme des copies conformes de la lettre de désistement ont été envoyées à M. Stover et à M. George Boyd Aitken, du ministère de la Justice à Ottawa, il est probable que M. Stover a été informé du désistement de son appel avant mars 2016, moment où il a reçu la lettre de l’ARC.

Analyse

[20]         Aux termes du paragraphe 16.2(2) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. (1985), ch. T-2, telle que modifiée, le désistement d’une procédure par voie d’avis écrit présenté par la partie qui a engagé la procédure équivaut au rejet de la procédure en cause à la date à laquelle la Cour reçoit l’avis écrit.

[21]         L’article 172 des Règles se lit comme suit :

Annulation ou modification du jugement en raison d’erreurs — Général

(1)   Le jugement qui :

      a) comporte une erreur découlant d’un lapsus ou d’une omission;

      b) doit être modifié relativement à une question sur laquelle la Cour n’a pas statué,

peut être modifié par la Cour, sur demande ou de son propre chef.

(2)   Une partie peut demander, par voie de requête dans l’instance, selon le cas :

a) l’annulation ou la modification d’un jugement en raison d’une fraude ou de faits survenus ou découverts après qu’il a été rendu;

b) un sursis d’exécution d’un jugement;

c) une mesure de redressement différente de celle qui a déjà été accordée.

[22]         Le requérant a précisément fait référence à l’alinéa 172(2)a) des Règles en soutenant qu’il n’avait pas compris qu’il aurait pu présenter une demande en vertu des dispositions d’allègement pour les contribuables tout en poursuivant son appel.

[23]         La Cour d’appel fédérale a examiné l’application de l’article 172 à l’occasion de trois affaires au moins.

[24]         À l’occasion de l’affaire Bogie c. Canada, [1998] 4 C.T.C. 195, la Cour n’a pas appliqué les dispositions de l’article 172 des Règles. Les avocats du contribuable avaient alors conseillé à celui-ci de se désister de son appel concernant un avis de cotisation du ministre en se fondant sur les renseignements reçus du comptable du contribuable. Un avis de désistement avait donc été dûment déposé auprès de la Cour canadienne de l’impôt. Par la suite, le contribuable avait été informé par son comptable que le conseil lui avait été donné par erreur. L’erreur avait trait à une question de fait, à savoir si une déduction pour amortissement avait été réclamée par le contribuable au cours d’une année d’imposition antérieure. La Cour a conclu comme suit à la page 196 :

1. En supposant, sans toutefois en décider, que la Cour canadienne de l’impôt a le pouvoir inhérent d’annuler un avis de désistement ou qu’un tel pouvoir lui est conféré par l’article 172 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt, nous sommes tous d’avis que le présent appel n’est pas fondé.

[...]

3. Étant donné le contexte factuel, il nous semble évident que le contribuable ne peut se distancier de l’avis erroné de son comptable. Dans les circonstances, la Cour considère non fondé l’argument selon lequel le contribuable n’aurait pas pu découvrir l’état véritable de la situation s’il avait fait preuve de diligence raisonnable. Sauf en cas de fraude, le contribuable est tenu responsable de la conduite de ses conseillers professionnels. [...]

[25]         À l’occasion de l’affaire Canada (Procureur général) c. Scarola, 2003 CAF 157, la Cour a observé au sujet de l’alinéa 172(2)a) des Règles :

[26] En pratique, c’est l’alinéa 172(2)a) des Règles qui sera le plus souvent invoqué lorsque le rejet réputé a été obtenu par la fraude ou par suite de faits survenus ou découverts après que le rejet a pris effet. Je m’empresse d’ajouter qu’en l’espèce, la fraude n’est pas alléguée et que, même s’il nous a invités à le faire, l’avocat du défendeur n’a pas pu signaler de faits survenus ou découverts après le rejet qui justifieraient l’application de l’article 172 des Règles.

[26]         À l’occasion de l’affaire Canada c. Rutledge, 2004 CAF 88, le juge Létourneau a rétabli le rejet de l’appel formé par l’intimée et a déclaré :

[19] Or, l’intimée n’a pas allégué la fraude dans ce cas-ci. L’intimée habite encore avec son conjoint. Elle allègue que le rejet de son appel était attribuable à une erreur qu’elle avait elle-même commise au sujet de l’obligation fiscale de son conjoint. De toute évidence, il ne s’agissait pas d’un fait qui était survenu après le prononcé du jugement. En outre, à mon avis, il ne s’agissait pas d’un fait qui n’aurait pas pu être découvert plus tôt si l’on avait fait preuve d’une diligence raisonnable [...].

[27]         En l’espèce, nulle fraude n’est alléguée et le requérant était représenté par un avocat chevronné. Si le requérant avait voulu en apprendre davantage avant de prendre la décision de présenter une demande d’allègement, il aurait facilement pu obtenir une documentation concernant les modalités et conditions des dispositions d’allègement pour les contribuables.

[28]         Plus important encore, aucun fait nouveau ne s’est produit ou n’a été découvert après que le jugement « réputé » a été rendu. Il y a en l’espèce incompréhension du droit résultant d’une mauvaise compréhension du processus de présentation d’une demande d’allègement à l’égard d’une dette fiscale auprès du Comité d’équité ou d’un agent désigné de l’ARC.

[29]         Le juge Doherty, de la Cour d’appel de l’Ontario, s’est penché, à l’occasion de l’affaire Mujagic c. Kamps, 2015 ONCA 360 (CanLII), sur une règle semblable à l’article 172 des Règles. Au paragraphe 9 de sa décision, il a observé :

[traduction]

[...] La distinction entre les faits et le droit est bien établie. Les faits résultant des éléments de preuve, y compris les nouveaux témoignages et les nouvelles pièces. Le droit s’appuie sur les recueils de loi et la jurisprudence. Le droit est appliqué aux faits afin de produire une solution. L’alinéa 59.06(2)a) des Règles, selon son sens clair, fait référence aux « faits survenus ou découverts » et non aux changements jurisprudentiels. Les faits nouveaux, comme tous les faits, sont tirés des éléments de preuve et non des recueils de loi ou de la jurisprudence.

[30]         À mon avis, le caractère définitif des décisions de la Cour et la bonne administration de la justice doivent l’emporter sur la compassion que l’on peut avoir à l’égard du requérant.

[31]         Pour ces motifs, la requête est rejetée avec dépens.


Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour d’octobre 2016.

« Réal Favreau »

Le juge Favreau

Traduction certifiée conforme

Ce 28e jour de septembre 2017.

François Brunet, réviseur


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 235

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2014-2851(IT)G

INTITULÉ :

MARTIN STOVER c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Belleville (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 octobre 2016

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 21 octobre 2016

COMPARUTIONS :

Avocat du requérant :

Me Robert F. Goddard

Avocat de l’intimée :

Me Alexander Nguyen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour le requérant :

Nom :

Me Robert F. Goddard

 

Cabinet :

[BLANK/ EN BLANC]

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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