Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2016-1167(GST)I

ENTRE :

ELENI DIKTAKIS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 23 août 2016, à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Guy R. Smith


Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me G. Marc Henry

Avocat de l'intimée :

Me Bobbie Dion

 

JUGEMENT

          L’appel de la cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, dont l’avis est daté du 12 août 2015, pour l’année d’imposition 2013, est rejeté, sans frais, selon les motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2016.

« Guy Smith »

Juge Smith

 


Référence : 2016 CCI 262

Date : 20161117

Dossier : 2016-1167(GST)I

ENTRE :

ELENI DIKTAKIS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Smith

[1]             Eleni Diktakis, l’appelante dans cet instance, fait appel d’une décision du ministre l’Agence du revenu du Canada (le « ministre ») en date du 12 août 2015 lui refusant le remboursement de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») suite à l’achat d’une nouvelle résidence située au 355, rue Mathieu‑Da‑Costa, appartement 353, dans la ville de Québec.

[2]             L’appelante maintient que, suite à la date d’acquisition, la propriété en question a été occupée par sa belle‑mère et sa demi‑sœur, les deux étant ses proches pour les fins des alinéas 254(2)b) et g) de la Loi sur la taxe d’assise (la « LTA »).

[3]             Le ministre maintient au contraire que l’appelante n’a pas droit au remboursement de la TPS pour les nouvelles habitations pour le seul motif que ni elle ni un de ses proches n’ont habité la nouvelle habitation au sens des dites dispositions de LTA.

Les faits

[4]             Selon l’appelante, elle et son père, Constantin Diktakis, ont signé une promesse d’achat, pour l’acquisition d’une copropriété divise identifiée comme étant l’appartement 353 au 355, de la rue Mathieu‑Da‑Costa dans la ville de Québec. Le contrat précise notamment que l’appartement 353 est situé « dans le bâtiment 315‑335 et 355 » de la rue Mathieu‑Da‑Costa.

[5]             Monsieur Constantin Diktakis a remis un dépôt lors de la signature de la promesse d’achat et, le 6 août 2013, un deuxième dépôt.

[6]             La date de possession des lieux, aussi décrite comme étant « la date de délivrance de l’immeuble » devait avoir lieu le ou vers le 5 août 2013 et, selon la promesse d’achat, les acquéreurs devaient assumer les taxes municipales et scolaires de même que les charges communes à partir de cette date.

[7]             L’appelante a expliqué qu’elle n’a jamais eu l’intention d’habiter les lieux et qu’elle n’y a jamais habité. Elle a d’ailleurs confirmé qu’elle n’a avancé aucun fond pour l’achat de l’immeuble et qu’elle n’a assumé aucun frais, taxe ou versement hypothécaire ‑ depuis la date de l’achat jusqu’à ce jour, et que, c’est son père, Constantin Diktakis, qui a assumé ces frais et ces dépenses.

[8]             L’appelante a par ailleurs expliqué que son père avait acheté l’immeuble avec l’intention qu’elle puisse y habiter éventuellement. C’est pour cette raison que le titre même de la copropriété divise a été enregistré à son nom à titre de propriétaire unique, lors de la signature de l’acte de vente notarié le 13 septembre 2013.

[9]             Je passe maintenant au deuxième volet de la preuve de l’appelante. Selon son témoignage, sa mère et son père se sont séparés environ huit ans avant la date de l’audience, soit vers l’année 2008.

[10]        Par la suite, son père a eu une relation intime avec une certaine Érika Lachance, résidante de Beauceville, et deux enfants sont nés de cette relation, à savoir NR en juin 2011 et D en septembre 2014.

[11]        L’appelante décrit ces deux enfants comme étant sa demi‑sœur et son demi‑frère. Des certificats de naissance ont été déposés comme preuve qu’il s’agissait bel et bien des enfants de son père, Constantin Diktakis.

[12]        L’appelante maintient que c’est Érika Lachance, qu’elle décrit somme étant sa belle-mère, qui est déménagée avec NR dans le nouveau logement suite à la clôture de la transaction. Il est à noter que seul NR était née au moment de la clôture, D n’étant né qu’au mois de septembre de l’année suivante.

[13]        Lors du contre‑interrogatoire, l’appelante a admis les faits suivants :

               Que son père et Érika Lachance ne sont pas mariés;

               Que son père et Érika Lachance ont toujours fait chambre à part et que, selon elle, ils ne sont pas des conjoints de faits;

               Que son père vivait dans un autre appartement situé dans le même complexe, soit le 315, rue Mathieu‑Da‑Costa;

               Elle a reconnu des factures d’Hydro-Québec pour la propriété en question pour trois périodes du 5 août 2013 au 15 janvier 2014, tous au nom d’un certain Marc‑André Lachance que l’appelante a identifié comme étant le père d’Érika Lachance.

               Elle a aussi reconnu que l’acte de vente notarié contenait une déclaration qu’elle allait occuper la propriété comme résidence habituelle, quoiqu’elle a indiqué n’avoir pas bien lu l’acte de vente ni se souvenir si cela avait été porté à son attention.

[14]        Le ministre est d’accord que ni l’appelante ni Constantin Diktakis ont occupé les lieux et prétend que c’est un dénommé Marc‑André Lachance et son épouse, soit les parents d’Érika Lachance, qui sont déménagés dans les lieux suite à la date de la prise de possession.

[15]        Tel qu’indiqué ci‑haut, le ministre a déposé comme preuve des factures d’Hydro‑Québec au nom de « Marc‑André Lachance » pour le 355, rue Mathieu‑Da‑Costa, appartement 353, Québec, pour trois périodes débutant le 5 août 2013 au 15 janvier 2014.

[16]        Madame Fouzia Tabouch, qui s’est identifiée comme étant une technicienne en vérification fiscale auprès de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), a ensuite témoigné.

[17]        Je retiens de son témoignage qu’il y a eu enquête puisque l’adresse de l’appelante telle que déclarée dans son rapport d’impôt ne correspondait pas à l’adresse de la nouvelle habitation et la demande de remboursement de la TPS.

[18]        Madame Anais Pelletier, agente d’opposition avec l’ARC a aussi témoigné. Elle a produit des copies d’écran de leurs données de base.

[19]        À la lumière de ces documents, il appert qu’en 2012 et 2013, Constantin Diktakis résidait dans l’appartement 103 du 315, rue Mathieu‑Da‑Costa et qu’en 2014, il résidait dans le même complexe mais dans l’appartement 502.

[20]        Ces documents suggèrent de plus qu’en 2012 et 2013, Érika Lachance demeurait à Beauceville, située à environ 90 km de la ville de Québec, et que pour les années 2014 et 2015, elle vivait dans la nouvelle habitation en question.

Arguments de droit de l’appelante

[21]        Elle soutient qu’elle a droit au remboursement de la TPS puisque ses proches, soit sa belle‑mère, sa demi‑sœur et éventuellement, son demi‑frère, sont emménagés dans la nouvelle habitation en question et qu’ils satisfassent ainsi aux critères énoncés à l’alinéa 254(2)g) de la LTA. Selon elle, ils sont les premiers occupants.

[22]        Plus spécifiquement, l’appelante prétend qu’elle est liée à NR au sens du paragraphe 126(1) de la LTA qui nous renvoie ensuite aux paragraphes 251(2) à (6) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « LIR »).

[23]        L’alinéa 251(2)a) de la LIR prévoit que « des personnes liées » sont « des particuliers unis par les liens du sang » et l’alinéa 251(6)a) précise que des personnes sont unies par les liens du sang si, notamment, « l’une est le frère ou la sœur de l’autre ». Et donc, selon l’appelante, puisqu’elle et NR ont un père commun, soit Constantin Diktatis, elles sont demi‑sœurs et donc liées par le sang.

[24]        Pour conclure, l’appelante fait valoir que la nouvelle résidence a été achetée par son père, Constatin Diktakis, comme placement pour elle, sa fille, et qu’il a voulu entre‑temps fournir un toit pour Érika Lachance et les enfants nés de cette relation.

Arguments de droit du ministre

[25]        Le ministre maintient que puisque Constantin Diktakis et Érika Lachance n’étaient ni mariés ni des conjoints de fait, alors Érika Lachance ne peut être une personne liée ou un proche de l’appelante.

[26]        Autrement dit, il ne s’agit pas réellement de la belle‑mère de l’appelante.

[27]        Dans un deuxième temps, le ministre maintient que les notions de « personnes liées par le sang » et de frère et sœur doivent être interprétées dans leur sens traditionnel visant des personnes qui ont des parents communs. Dans cette perspective, NR ne serait donc pas un proche de l’appelante.

Analyse et conclusions

[28]        Puisque l’appelante admet qu’elle n’a jamais habité les lieux et qu’elle n’a jamais eu l’intention d’habiter les lieux, la première question en litige est de savoir qui a habité la propriété suite à la date de la prise de possession. La deuxième question est de savoir si cette personne ‑ ou ces personnes ‑ était « un proche » de sorte à satisfaire aux critères énoncées aux alinéas 254(2)b) et g) de la LTA?

[29]        Je débute avec la deuxième question. Il est nécessaire de déterminer si Érika Lachance était un proche de l’appelante?

[30]        Puisqu’elle n’était pas mariée avec Constantin Diktakis et qu’ils ne vivaient pas dans une relation conjugale, j’arrive à la conclusion qu’elle ne pouvait pas être la belle‑mère de l’appelante et donc qu’elles n’étaient pas des personnes liées. Je conclu donc que Érika Lachance n’était pas « un proche » de l’appelante au sens de la LTA.

[31]        Dans un deuxième temps, est‑ce que NR était « un proche » de l’appelante?

[32]        Je note que seule NR était née au moment de la clôture de la transaction.

[33]        Si j’avais à décider de cette question, j’aurais préféré la définition moderne de frère et sœur qui inclus la notion de demi‑frère et de demi‑sœur.

[34]        Même si aucune des parties n’a mentionné une définition du dictionnaire, il semble accepté que la définition de frère et de sœur inclût les demi‑sœurs et demi‑frère nés d’un commun parent. Ce principe a d’ailleurs été reconnu par cette Cour dans la décision Huntley c. Ministre du revenu, 2010 CCI 625, au paragraphe 17.

[35]        Ceci dit, même si je conclus que NR est la demi-sœur de l’appelante au sens de l’alinéa 251(6)a) de la LIR, il reste que l’application pratique de cette conclusion est problématique dans le contexte du paragraphe 254(2) de la LTA et notamment de l’alinéa g) qui exige un déménagement et une occupation physique.

[36]        Est‑ce que la LTA prévoit qu’un « proche » au sens de cette disposition peut être un mineur, en fait un enfant de très base âge puisque NR n’avait que deux ans à l’époque? Je me tourne vers les dispositions du Code civil du Québec (le « CcQ »), qui, soit dit en passant, n’ont pas été plaidé.

[37]        En revoyant l’article 157, j’arrive à la conclusion qu’un enfant de base âge ne peut avoir le discernement nécessaire pour contracter seul. Cependant, l’article 158, prévoit qu’un « mineur est représenté par son tuteur pour l’exercice de ses droits civils » et que « l’acte que le mineur peut faire seul peut aussi être fait valablement par son représentant ».

[38]        Pour conclure cette question, je suis d’avis que NR est la demi‑sœur de l’appelante et donc son proche au sens de la LTA et que son représentant, pour les fins de la disposition du CcQ précité, était Érika Lachance.

[39]        C’est donc dire que le geste que NR devait poser pour satisfaire aux exigences de l’alinéa 254(2)g) de la LTA, soit le déménagement dans la nouvelle habitation en question, ne pouvait se faire en pratique que par l’entremise de sa mère.

[40]        Il reste à déterminer si NR et Érika Lachance étaient les premiers occupants? La réponse à cette question est plus problématique.

[41]        Selon les registres de Revenu Canada, Érika Lachance était résidente de Beauceville pour l’année 2013, soit l’année de l’acquisition de la résidence, et c’est seulement en 2014 qu’elle a indiqué cette adresse là comme lieux de résidence.

[42]        Force est de constater que la seule preuve probante devant la Cour quant à la personne qui a occupé les lieux suite à la prise de possession, est la facture d’Hydro‑Québec pour les services qui commençaient précisément le 5 août 2013. Le nom qui figure sur ces factures est celui de Marc‑André Lachance, le père d’Érika Lachance.

[43]        Je vais ajouter qu’il reste deux autres considérations importantes.

[44]        Premièrement, je fais l’observation que le témoignage de l’appelante n’est pas corroboré et que les seules personnes qui auraient pu témoigner en sa faveur, soit Constantin Diktakis, Érika Lachance ou encore Marc‑André Lachance, étaient absents. La Cour doit en tirer une inférence négative.

[45]        Deuxièmement, l’article 2819 du CcQ prévoit qu’un acte notarié est un acte authentique qui fait preuve à l’égard de tous de l’acte juridique qu’il renferme.

[46]        Or, dans l’acte de vente en question, l’adresse de l’appelante est indiquée comme étant la propriété en question. De plus; il y a une déclaration qu’elle devait acquérir l’immeuble « pour qu’il lui serve de résidence habituelle, en prenant possession à la date de délivrance ».

[47]        Le constructeur s’est fié sur cette représentation. Lors de la clôture de la transaction, l’appelante a reçu un crédit pour la part de la TPS qui était remboursable et a fait une cession du droit de remboursement au constructeur.

[48]        L’appelante prétend maintenant que ce n’était pas elle qui devait occuper les lieux mais un proche. Cependant l’acte de vente ne prévoit pas cette éventualité. Il aurait fallu à tout le moins amender l’énoncé pour indiquer un proche.

[49]        En fin de compte, l’appelante avait le fardeau de la preuve et devait renverser les hypothèses du ministre. À mon avis, elle n’a pas réussis.

[50]        Conséquemment, et en raison de ce qui précède, l’appel doit être rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de novembre 2016.

« Guy Smith »

Juge Smith


RÉFÉRENCE :

2016 CCI 262

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-1167(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

ELENI DIKTAKIS c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 août 2016

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Guy R. Smith

DATE DU JUGEMENT :

Le 17 novembre 2016

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me G. Marc Henry

Avocat de l'intimée :

Me Bobbie Dion

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Nom :

Me G. Marc Henry

Cabinet :

Quessy, Henry, St‑Hilaire

Québec, Québec

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.